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11/05/2017 | FRANCE | N°16/09038

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 11 mai 2017, 16/09038


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 11 Mai 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09038 (jonction avec S 16/11150)



Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 03 mai 2016 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 18 septembre 2014 par le pôle 6 chambre 7 de la Cour d'Appel de PARIS, sur appel d'un jugement du conseil de prud

'hommes de PARIS du 25 février 2011





APPELANT

Monsieur [G] [W]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (LIBAN)

[Adresse 1]

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 11 Mai 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09038 (jonction avec S 16/11150)

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 03 mai 2016 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 18 septembre 2014 par le pôle 6 chambre 7 de la Cour d'Appel de PARIS, sur appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 25 février 2011

APPELANT

Monsieur [G] [W]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (LIBAN)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

INTIMEE

FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE ( CFTC CSFV )

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

représentée par Me Nicolay FAKIROFF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1234, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Exposé du litige :

[G] [W] a été engagé à compter du 1er avril 2000 en qualité de conseiller technique, responsable du service formation/juridique par la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV).

Il a par ailleurs un mandat de secrétaire général adjoint au sein de la fédération.

Les relations contractuelles sont régies par la convention collective du personnel de la CFTC.

Le 12 février 2006, [G] [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail.

Postérieurement, il a été convoqué le 5 juillet 2006 pour le 13 juillet à un entretien préalable à un éventuel licenciement, après avoir été mis à pied à compter du 3 juillet précédent.

Il a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 23 juillet 2006.

Contestant cette décision, [G] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation de son contrat de travail à titre principal.

À titre subsidiaire, il demandait que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et que lui soient allouées diverses sommes à ce titre.

Par jugement en date du 25 février 2011 le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de [G] [W]

- requalifié la faute grave reprochée à [G] [W] en faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse

- fixé aux sommes de :

' 6 594 € l'indemnité de préavis,

' 659 € les congés payés afférents,

' 79 150 € l''indemnité contractuelle de rupture,

' 2 061 € l'indemnité de licenciement,

En conséquence,

- condamné la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente à verser à [G] [W] la somme totale de 88 464 € avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- débouté [G] [W] et la CFTC-CSFV du surplus de leurs demandes ;

[G] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 18 septembre 2014, la chambre 7 du pôle 6 de cette cour a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté [G] [W] de sa demande de résiliation judiciaire, l'a infirmé pour le surplus, statuant à nouveau, a dit fondé le licenciement pour faute grave, et débouté les parties de leurs demandes.

Sur pourvoi formé par [G] [W], la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 3 mai 2016 a, au visa des articles 1134 et 1184 du code civil, cassé et annulé, sauf en ce qu'il déboute la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente de ses demandes en paiement des sommes de 27 087 € au titre du remboursement des sommes détournées et de 15 000 € à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Paris, a remis en conséquence sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel autrement composée au motif :

' que pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, l'arrêt, après avoir énuméré les missions mentionnées dans le contrat de travail, retient qu'au sein de toute organisation les attributions d'un chargé de mission sont nécessairement évolutives, et que, contrairement à ce que soutient M. [W], la plupart des retraits de fonctions qu'il impute à son employeur (retrait de l'établissement des payes et déclarations afférentes, retrait de l'autorité hiérarchique du personnel, retrait des fonctions de responsable juridique, retrait de la responsabilité ISF) même à les supposer avérés, ne correspondait pas à des missions qui lui auraient été contractuellement dévolues, ou dont il aurait été chargé à titre strictement personnel, de sorte qu'ils ne peuvent être imputés à faute à son employeur ;

Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher quelles étaient les fonctions et responsabilités réellement exercées par le salarié et si elles avaient été unilatéralement diminuées par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et qu'en application de l'article 524 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt, du chef de la demande de résiliation judiciaire entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt, en ce qu'il dit fondé le licenciement de M. [W] et déboute celui-ci de ses demandes'.

La fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente a saisi la cour d'appel par déclaration du 2 août 2016, laquelle a été enregistrée sous deux numéros de rôle: 16/09038 et 16/11150.

[G] [W] demande à la cour de :

- fixer sa rémunération brute mensuelle moyenne à la somme 3 786,22 €

A titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la fédération CFTC-CSFV

- juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- condamner la fédération CFTC-CSFV à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts

A titre subsidiaire,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail

- condamner la fédération CFTC-CSFV à lui verser la somme de 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- condamner la fédération CFTC-CSFV à lui verser les sommes de :

' 304,36 € à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2006,

' 30,44 € de congés payés afférents,

' 226,11 € à titre de rappel salaire du mois de juin 2006,

' 22,61 € de congés payés afférents,

' 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires illicites,

' 20 000 € à titre de dommages-intérêts en raison des man'uvres déloyales ayant conduit au retrait injustifié du mandat de secrétaire général adjoint,

' 11 358,66 € à titre d'indemnité de préavis,

' 1 135,86 € au titre des congés payés afférents,

' 90 896,28 € à titre d'indemnité extra légale de licenciement,

' 13 251,77 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de loyauté concomitamment à la rupture du contrat de travail et après la cessation de celui-ci,

' 100 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de devenir le Président,

' 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

' 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de revenus,

' 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour application discriminatoire des dispositions conventionnelles applicables relatives aux heures de découcher,

- ordonner la remise des documents sociaux conformes, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation destinée au Pôle emploi et bulletins de paie, sous astreinte de 50 € par jour de retard, la cour se réservant le pouvoir de la liquider,

- assortir les condamnations, selon leur nature respective, des intérêts au taux légal à compter de la première demande

- ordonner leur capitalisation dès lors qu'une année entière se sera écoulée

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les deux journaux internes de la CFTC-CSFV (Impulsion et La vie à défendre),

- condamner la CFTC-CSFV au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV) sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il rejette la demande de résiliation du contrat de travail d'[G] [W], son infirmation pour le surplus, le débouté d'[G] [W] et sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, dans sa version alors applicable, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Il existe entre les litiges un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.

Il convient par conséquent d'ordonner la jonction entre les instances enrôlées sous les n° 16/09038 et 16/11150.

1/ Sur la demande de résiliation :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

[G] [W] invoque l'accumulation de manquements graves de la CFTC-CSFV à ses obligations contractuelles à savoir :

- le retrait de l'établissement des paies et déclarations afférentes

- le retrait de l'organisation des formations

- le retrait de l'autorité hiérarchique du personnel

- le retrait de la gestion financière de la formation

- une sanction disciplinaire illégale

- une application discriminatoire de la convention collective applicable

et postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes,

- le retrait de ses fonctions de responsable du service juridique

- le retrait de la responsabilité 'ISF'

- l'éviction de son poste

- un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté.

La fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente-CFTC-CSFV soutient que la demande d'[G] [W] ne repose sur aucun élément sérieux, qu'elle relève d'une mise en scène, que les faits invoqués ne répondent pas à la condition de gravité suffisante pour justifier une rupture à ses torts, et enfin que cette demande doit être appréciée dans le contexte particulier des faits commis par l'intéressé ayant conduit à son licenciement et au retrait de son mandat de secrétaire général adjoint.

Aux termes du contrat de travail, [G] [W] avait 'pour mission de :

- assister la direction et l'ensemble des secteurs en matière du droit social,

- assurer l'étude, la négociation et la réalisation des différentes opérations nécessitant un diagnostic, une analyse et un suivi important sur le plan juridique,

- de façon générale, suivre les divers contentieux dans lesquels la fédération pourrait se trouver engagée, en assurant les relations avec les avocats de la fédération,

- assurer la mise en place et le suivi du plan de formation,

- établir et mettre à jour les modules de formation des stages,

- établir et suivre un réseau de formateurs ISF,

- dans le cadre de ses mandats électifs ou désignatifs au sein de la CFTC, M. [W] assure la représentativité de l'organisation'.

Un avenant signé le 23 mai 2003 a notamment transformé le contrat de travail horaire du salarié en un contrat «forfait jours» (équivalence 162,5 heures).

[G] [W] verse en outre aux débats la «convention pour les actions de formation syndicale» conclu le 10 novembre 2005 entre l'Institut Syndical de Formation de la CFTC (ISF-CFTC) et l'organisation CFTC - fédération des syndicats Commerce services et force de vente représentée par son président [O] [Q] et son responsable de formation [G] [W], cette convention annuelle ayant pour objet d'assurer la réalisation des missions et objectifs de formation définis par le conseil confédéral CFTC et confiés à l'ISF CFTC et la cohérence avec la politique générale définie par la confédération CFTC.

Cette convention qui ne précise pas quelles seraient les missions spécifiques d'[G] [W] dans ce cadre est dépourvue de pertinence au regard des reproches exprimés par ce dernier à l'encontre de la CFTC-CSFV.

Le projet de procès verbal de la réunion du conseil fédéral du 15 novembre 2005 dont [G] [W] se prévaut est quant à lui inopérant faute d'avoir été validé.

- Sur le retrait de différentes tâches :

Force est de constater qu'il n'entrait pas, aux termes du contrat, dans les fonctions d'[G] [W] d'établir tant les paies que les déclarations afférentes mais qu'il résulte d'une lettre en date du 3 juillet 2006, signée du secrétaire général de la fédération CFTC-CSFV que 'la paie des salariés de la fédération a été réalisée par M. [W] jusqu'au 31 décembre 2004" et qu'à compter du 1er janvier 2005, cette tâche a été confiée à un cabinet comptable agrée.

Le fait que la fédération CFTC-CSFV ait fait le choix de faire appel à un cabinet comptable pour l'établissement des paies après avoir demandé à [G] [W] d'assurer ce travail, qui n'était pas prévu initialement dans son contrat de travail, à titre temporaire, ne constitue pas en soi un manquement de celle-ci à ses obligations contractuelles à l'égard du salarié, mais s'analyse comme la manifestation, dénuée de toute intention malicieuse de l'exercice de son pouvoir de direction en conformité avec le souhait du conseil fédéral de mettre en place une nouvelle procédure concernant la gestion financière, observation étant faite que le contrôle Ursaff effectué en 2006 a mis en évidence des erreurs.

[G] [W] allègue ensuite que durant le mois de décembre 2005, il n'a pas été tenu informé de l'organisation de plusieurs formations.

Il n'est pas contesté qu'effectivement, à trois reprises ainsi que le salarié le dénonce, il a n'a pas été tenu informé de l'organisation de trois stages organisés dans les locaux de la fédération.

Or la fédération CFTC-CSFV sans être utilement contredite indique que ces trois stages, 'forums' selon elle, ont été organisés dans le cadre de l'association d'étude et de suivi de l'aménagement du temps de travail dans les métiers du savoir, dont [G] [W] ne justifie pas avoir assuré le suivi antérieurement, alors même qu'il existe ainsi que cela résulte des correspondances qu'il communique un «responsable Pôle Formation SICSTI», (syndicat de l'ingénierie, du conseil, des services et technologies de l'information), distinct du syndicat CFTC-Commerce services et force de vente.

Il n'est pas plus établi que ce soit 'par hasard' qu'[G] [W] ait découvert le recrutement de M. [P], juriste-conseiller en droit social ainsi qu'il l'affirme, l'intimé établissant par la production du registre unique du personnel que celui-ci n'appartient pas à l'effectif de la fédération.

Par ailleurs, si [G] [W] se plaint, le 12 avril 2006, de ne plus valider des dépenses de budget, force est de constater qu'il n'établit pas avoir auparavant procédé à la validation des dépenses du budget de formation ni avoir été destinataire ainsi qu'il l'affirme de la comptabilité alors même qu'il existe, ainsi que lui-même en fait état, un trésorier au sein de l'organisation.

Quant à la fraude commise au détriment de l'ISF, la seule pièce qu'il vise à cet égard, constitué d'une demande de remboursement de frais adressée début septembre 2005 à 'CSF Champion CFTC' par [S] [F], ne suffit pas à elle seule à établir que, ainsi qu'[G] [W] le soutient, celui-ci se soit ainsi fait rembourser 'une formation sans y avoir participé'.

Les éléments versés aux débats ne permettent pas de constater qu'[G] [W] avait des attributions autres que celles énumérées avec précision dans son contrat de travail, à l'exception de l'établissement des paies, cette mission ne lui ayant été consentie qu'à titre provisoire avant d'être confiée à un cabinet de comptabilité externe spécialisé pour ce type de tâches, et de démontrer que la fédération CFTC-CSFV a procédé à une modification unilatérale de son contrat de travail.

- Sur l'exécution déloyale et l'éviction de ses fonctions

Sans invoquer expressément un harcèlement moral, [G] [W] dénonce le comportement déloyal de la fédération ayant conduit à son éviction.

Toutefois, il ne produit aucun élément à l'appui de cette affirmation, autre que les lettres qu'il a adressées à l'employeur en décembre 2005 pour dénoncer le retrait de certaines de ses fonctions dont la réalité, ainsi que cela résulte de ce qui précède n'est pas démontrée, et des pièces médicales dépourvues de pertinence s'agissant d'un bulletin de situation pour une hospitalisation d'une journée, le 5 avril 2005, aux fins de coronarographie ainsi qu'un certificat médical de son médecin traitant lui prescrivant cet examen sans référence aucune à un quelconque lien entre les symptômes constatés et ses conditions de travail.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral tel que prévu à l'article L.1154-1 du code du travail n'est pas démontrée.

La preuve d'une quelconque déloyauté de la fédération CFTC-CSFV n'est pas plus rapportée.

- Sur le non-paiement des repos spéciaux et les retenues sur salaires, violation discriminatoire de la convention collective:

[G] [W] n'apporte pas la preuve que c'est en tant que salarié, et non pas en raison de ses mandats syndicaux, l'attestation de Madame [B] n'apportant aucune précision à cet égard, qu'il a été amené à se déplacer pour l'exercice de ses missions à l'extérieur et qu'il relevait par conséquent des dispositions de l'article 14 de la convention collective ouvrant droit dans une telle hypothèse à deux heures de repos spécial par découcher, pouvant faire l'objet d'un regroupement.

Il n'est pas contesté qu'une erreur ayant concerné l'ensemble du personnel a affecté le calcul de la prime de vacances versée avec le salaire de juin 2006, cette erreur dont le secrétaire général a pris l'initiative d'informer par courriel chacun des salariés ne peut être retenue comme constitutif d'un comportement fautif et qui plus est comme présentant un degré de gravité certaine pour le salarié, s'agissant d'un incident isolé ayant donné lieu à rectification immédiate de la part de la fédération CFTC-CSFV.

[G] [W] se plaint que la CFTC-CSFV ne lui versait son salaire que le 25 de chaque mois, rien ne prouvant qu'il était d'usage au sein de la fédération de procéder au règlement des paies à une autre date.

Il fait également valoir que l'employeur a opéré une retenue de 304,46 € sur son salaire de janvier 2006, constitutive d'une sanction disciplinaire.

Or il n'établit pas avoir sollicité puis obtenu l'accord de l'employeur pour cette absence du 26 décembre 2005 au 2 janvier 2006.

Ce grief est par conséquent infondé.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [G] [W] de sa demande de résiliation faute pour lui d'apporter des éléments de preuve suffisants permettant d'établir l'existence des manquements invoqués à l'encontre de la fédération CFTC-CSFV relativement à la modification unilatérale de son contrat de travail, au non respect de son contrat de travail et au harcèlement moral et de surcroît de caractériser un degré de gravité tel qu'il puisse fonder la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

2/ Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à [G] [W] des faits de détournement de fonds et d'abus de confiance, à savoir :

- d'avoir encaissé plusieurs règlements correspondant à des factures de formation non pas sur le compte bancaire de la fédération, seule destinataire des fonds, mais sur le compte bancaire d'un tiers, en l'occurrence le syndicat départemental CFTC-Commerce services et force de vente des Hauts de Seine, dont il était le président et avait la signature bancaire, ces faits ayant justifié une action devant la juridiction pénale,

- d'avoir conservé par-devers lui des chèques à l'ordre de la fédération en date du 22 octobre 2004 d'un montant de 750 € et du 8 février 2005 d'un montant de 2 721,98 €, restitués lors de l'entretien préalable alors qu'ils étaient périmés,

- d'avoir émis plusieurs factures de formation destinées à des débiteurs distincts comportant le même numéro, de ne pas avoir enregistré dans la comptabilité un nombre important de factures (de l'ordre de 30 %), faits constatés en juin 2006, constat étant fait que 'la numérotation des factures ne se suit pas'.

Il lui est en outre fait grief :

- d'avoir eu un comportement et des man'uvres déloyales à l'égard de la fédération, de ses dirigeants et de son supérieur hiérarchique et de leur causer du tort en multipliant depuis le mois de décembre 2005, dans le but d'étayer sa demande de résiliation de son contrat de travail, les plaintes, réclamations et accusations mensongères, créant sciemment une situation conflictuelle,

- d'avoir diffusé à l'ensemble des membres du conseil fédéral (39 personnes) un écrit dénonçant des manquements graves à ses obligations de l'employeur et des modifications substantielles de son contrat de travail,

- d'avoir cessé d'exercer correctement les missions contractuelles.

[G] [W] invoque l'acharnement destructeur à son endroit de la part de l'employeur.

Il estime à titre principal que la décision de le licencier a été prise avant la notification de la rupture du contrat de travail ainsi que cela résulte de l'embauche 21 jours auparavant, le 6 juillet 2006, de sa remplaçante [X] [S] et que dès lors son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

[G] [W] conteste à titre subsidiaire les faits qui lui sont reprochés et fait observer que le tribunal correctionnel l'a relaxé faute d'élément intentionnel, l'a déclaré non coupable et a débouté la fédération CFTC-CSFV de ses demandes.

[G] [W] verse aux débats un extrait de délibération de la réunion du conseil fédéral extraordinaire du 6 juillet 2006 ainsi rédigé :

'Le conseil aborde le point sur la formation syndicale fédérale. Il fait le constat de la situation actuelle et arrête un plan d'action pour 2007. Il constate que le responsable de formation actuelle ne remplit plus sa mission et porte ainsi un préjudice grave à notre fédération.

Le conseil décide de procéder à un vote à bulletin secret sur la révocation de notre responsable de formation actuelle : M. [G] [W].

Sur 37 votants, 32 sont favorables à la révocation, 4 sont contre, 1 bulletin blanc, 1 abstention'.

Le conseil décide de nommer Mme [X] [S] en qualité de responsable fédérale de la formation. Elle sera assistée de M. [C] [K]'.

Force est de constater que la fédération CFTC-CSFV ne répond pas au moyen soulevé par [G] [W], qu'elle n'apporte aucune explication concernant cette délibération et sa portée, qu'elle-même indique dans le corps de ses écritures, et que statutairement [G] [W] relève du secrétaire général, en l'espèce [A] [O], comme le prévoit le règlement intérieur.

Il est effectivement précisé à l'article 10.3 de ce règlement, dans sa version alors applicable, que le secrétaire général est 'responsable de l'activité générale de la fédération, du fonctionnement du secrétariat ainsi que des employés de la fédération', lequel au demeurant a procédé à son engagement.

L'extrait de délibération du 6 juillet 2006 est signé du président, [O] [Q], du trésorier [H] [R] ainsi que du secrétaire général [A] [O], observation étant faite que l'auteur de la lettre de licenciement notifiée ultérieurement est le président [O] [Q].

Il résulte des termes employés que, le 6 juillet 2006, le conseil fédéral a pris la décision non pas de mettre en 'uvre une procédure de licenciement à l'encontre d'[G] [W] mais de mettre fin sans aucune ambiguïté à ses fonctions de responsable de la formation, sans qu'aucune référence ne soit faite à ses fonctions syndicales, et de procéder dans le même temps à son remplacement immédiat, ce dont il se déduit que la décision de rompre le contrat de travail a bien été prise dès le 6 juillet avant même d'avoir recueilli ses explications lors de l'entretien préalable à son éventuel licenciement prévu le 13 juillet.

Le licenciement pour faute grave notifié ultérieurement par lettre en date du 25 juillet 2006 est par conséquent privé de cause réelle et sérieuse.

3/ Sur les conséquences du licenciement :

Le cumul brut perçu par [G] [W] en 2005 s'élève selon ses bulletins de salaire à la somme de 44 858,82 €, soit 3 738,23 € par mois.

- Sur le rappel de salaires :

Il convient, pour les motifs développés précédemment, de débouter [G] [W] de cette demande.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Selon la convention collective du personnel CFTC, le délai de préavis est de trois mois pour les cadres.

Il sera donc alloué à [G] [W] les sommes de 11 214,69 € d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 121,46 € de congés payés afférents.

- Sur l''indemnité contractuelle de licenciement :

Il est prévu à l'article 5 « clauses du contrat» 5-1 « indemnité de rupture» :

'Au-delà de la période d'essai, le présent contrat pourra être rompu à tout moment par l'une ou l'autre des parties, sous réserve de respecter les dispositions légales et conventionnelles en vigueur.

Hormis le cas de faute grave ou lourde, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat, M. A. [W] aura droit à une indemnité extralégale équivalant deux ans de salaire sous réserve qu'il ait atteint 2 ans d'ancienneté'.

[G] [W] dès lors que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse est fondé à solliciter l'application de cette clause, rien ne justifiant de la réduire comme la fédération CFTC-CSFV en fait la demande.

L'indemnité à laquelle il peut prétendre s'élève à la somme de 89 717,52 € à ce titre alors que l'indemnité conventionnelle de licenciement dont les modalités de calcul sont prévues à l'article 27 de la convention collective, est d'un montant de 11 24,69 €( 3 738,23 : 1/2 x 6).

Dès lors qu'elle plus favorable comme en l'espèce que l'indemnité conventionnelle, le salarié ne peut revendiquer que le bénéfice de l'indemnité contractuelle, ces deux indemnités n'étant pas cumulables.

Il convient par conséquent de condamner la fédération CFTC-CSFV à lui payer la seule somme de 89 717,52 € et de le débouter de sa demande relative à l'indemnité conventionnelle.

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'effectif au sein de la fédération, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [G] [W], de son âge (42 ans au moment de la rupture, de son ancienneté, du fait qu'il est devenu depuis avocat, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 22 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour déloyauté :

[G] [W] ne verse aucun élément permettant de démontrer que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté lors de et après la rupture du contrat de travail.

Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance :

Rien ne permet d'établir que la fédération ait envisagé de désigner [G] [W] en tant que président. Sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre n'est pas fondée.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :

[G] [W] est mal fondé à solliciter des dommages-intérêts pour préjudice moral alors même que l'expert comptable a constaté l'existence d'anomalies dans le suivi des factures lui incombant et que l'information effectuée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris a permis de caractériser des manquements à ses obligations contractuelles, quand bien même il a été relaxé ensuite par le tribunal correctionnel faute d'élément intentionnel, des chèques correspondant au paiement des formations ayant été déposés non pas sur le compte de la fédération mais sur celui du syndicat des Hauts de Seine, sans que rien ne justifie cette pratique.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de revenus :

[G] [W] ne justifie pas d'un préjudice financier distinct de celui réparé par l'allocation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour application discriminatoire de la convention collective concernant les heures de découcher et pour sanctions illicites :

[G] [W] étant débouté de sa demande relative aux heures de découcher comme de sa demande relative aux sanctions illicites, il convient de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts formées à ce titre faute pour lui d'avoir démontré que la fédération CFTC-CSFV aurait manqué à ses obligations ainsi que cela ressort de la motivation ci-dessus concernant sa demande de résiliation du contrat de travail.

. Sur les intérêts et leur capitalisation :

Les sommes allouées à caractère salarial seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes et celles à caractère indemnitaire le seront à compter du présent arrêt.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

. Sur la remise des documents sociaux conformes :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y a lieu d'y faire droit dans les termes du dispositif.

. Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à [G] [W], à compter du jour du licenciement, et à concurrence de trois mois.

. Sur la publication :

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait droit à la demande d'[G] [W] de publication du présent arrêt dans les deux journaux internes de la CFTC-CSFV.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente succombant en ses demandes, il convient en considération de l'équité de la condamner à verser à [G] [W] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction entre les instances enrôlées sous les n° 16/09038 et 16/11150

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté [G] [W] de sa demande de résiliation de son contrat de travail et l'infirme en ce qu'il a requalifié son licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau,

Condamne la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV) à payer à [G] [W] les sommes de :

- 11 214,69 € d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 121,46 € de congés payés afférents,

- 89 717,52 € d'indemnité contractuelle de licenciement

avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV) devant le bureau de conciliation

- 22 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Ordonne le remboursement par la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV) aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à [G] [W] dans la limite de trois mois

Condamne la fédération des syndicats CFTC-Commerce services et force de vente (CFTC-CSFV) aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/09038
Date de la décision : 11/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°16/09038 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-11;16.09038 ?
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