Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 MAI 2017
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15546
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/02672
APPELANTE :
SARL SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe MOUGEOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0157
INTIMÉS :
SAS BOULANGERIES PAUL prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de LILLE MÉTROPOLE sous le numéro 403 052 111
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-pascale RAUT-ESPINASSE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1049
SARL PANIGROUPE prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro
[Adresse 4]
[Localité 1]
Monsieur [G] [L], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Panigroupe, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris le 12 mars 2014
[Adresse 5]
[Localité 1]
Intervenant volontaire
Monsieur [T] [K], ès qualités de représentant des créanciers de la société Panigroupe, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris le 12 mars 2014
[Adresse 6]
[Localité 1]
Intervenant volontaire
Représentés par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant
Assistés de Me Richard RONDOUX de la SELARL BRG, avocat au barreau de PARIS, toque : R095, substitué par Me Claire RICHARD de la SELARL BRG, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Agnès THAUNAT, présidente, et Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Agnès THAUNAT, présidente
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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La société Immobiliére [Adresse 1] dite « [Adresse 1] » a donné à bail à la société maison Jean, devenue Société Boulangeries Paul, divers locaux situés au rez-de-chaussée et à l'entresol d'un immeuble au [Adresse 1] en date du 12 février 1998 à effet du 6 février 1998 pour se terminer le 6 février 2007.
Par acte du 1er février 2008, la Société Boulangeries Paul a sollicité de la société Immobilière [Adresse 1] « [Adresse 1] » le renouvellement de son bail à compter du 1er avril 2008.
Les parties n'ayant pu trouver un accord sur le prix du bail renouvelé, la société [Adresse 1]« [Adresse 1] » a assigné la Société Boulangeries Paul devant le Juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris et, par jugement avant dire droit, en date du 15 décembre 2010, Mme [V] était désignée en qualité d'expert.
La société Boulangeries Paul ayant cédé le 5 juillet 2011 son fonds de commerce à la Société Panigroupe, celle-ci est intervenue à la procédure par mémoire du 4 novembre 2011, et par jugement du16 février 2012 le tribunal de grande instance de Paris déclarait l'expertise opposable à la société Panigroupe.
Le rapport d'expertise a été déposé le 26 juin 2012. L'expert a conclu à l'absence de motif de déplafonnement du loyer et proposé la fixation du bail renouvelé par application de l'indice à la somme de 62.259,61 euros HT et HC. A titre subsidiaire, elle a estimé la valeur locative du local à la date du 1er avril 2008 à 64.000,00 euros en cas de déplafonnement.
Par jugement du 25 juin 2015, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a notamment :
- fixé à la somme de 62.259,61 € par an en principal à compter du 1er avril 2008, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la SARL [Adresse 1] propriétaire et la SARL Panigroupe preneuse aux droits de la société Boulangeries Paul, pour des locaux sis à [Adresse 1],
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
La société [Adresse 1] dite « [Adresse 1] » a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2015 elle demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le Président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en matière de loyers commerciaux du 25 juin 2015 ;
Dire et juger que le loyer du [Adresse 1] appartenant à la société [Adresse 1] « [Adresse 1] » doit être déplafonné en raison d'une part, de la modification des facteurs locaux de commercialité et, d'autre part de l'exécution de travaux ayant entraîné une modification notable des caractéristiques des lieux loués ;
Fixer le loyer de renouvellement au 1er avril 2008 à la somme de 126 100 € ;
Dire que les intérêts de retard seront dus sur chaque complément de loyer impayé en application de l'article 1155 du code civil, étant précisé que les intérêts doivent se capitaliser en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Et condamner la société Boulangeries Paul et la société Panigroupe aux entiers dépens.
Par dernières conclusions en date du 18 octobre 2016, au visa des articles L 145-34 et R 145-6 du code de commerce, la société Boulangeries Paul demande à la cour de :
Déclarer la Société Boulangeries Paul recevable et bien fondée en ses demandes fins et conclusions,
A titre principal,
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris RIS du 25 juin 2015 en ce qu'il a :
constaté l'absence de motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé consenti la société Boulangeries Paul aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Panigroupe, pour les locaux dont elle était locataire [Adresse 1] et ce à compter du 1er avril 2008,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré sans objet la demande de la société [Adresse 1] au titre des intérêts légaux et de leur capitalisation en raison de l'absence du complément de loyer du fait de la fixation,
A titre subsidiaire,
Fixer à la somme de 62.259,61 euros par an en principal le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2008 ;
Débouter l'appelante de toutes ses demandes fins et conclusions,
Condamner la Société [Adresse 1] à verser à la Société Boulangeries Paul la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner en tous les dépens de 1ère instance et d'appel y compris l'intégralité du coût de l'expertise.
Par dernières conclusions en date du 14 décembre 2015, la société Panigroupe, Me [G] [L], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Panigroupe, et Me [T] [K], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Panigroupe, intervenants volontaires à la procédure, au visa des articles L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce, demandent à la cour de :
Déclarer la SCP [L] pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Panigroupe et la SCP [K] [X] es qualités de mandataire judiciaire de la société Panigroupe recevables et bien fondés en leur intervention volontaire,
Constater l'absence de modification des facteurs locaux de commercialité des locaux sis [Adresse 1] ;
Constater qu'aux termes de l'article 6 du bail les parties ont expressément et sans équivoque souhaité exclure les travaux et améliorations réalisés par le preneur des motifs de déplafonnement ;
Constater l'absence totale de motif de déplafonnement du loyer ;
Constater, en tout état de cause, que la valeur locative et le montant du loyer sollicités par l'appelante sont parfaitement injustifiés et infondés ;
En conséquence,
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2015 en ce qu'il a fixé à la somme de 62.259,61 € par an en principal à compter du 1er avril 2008, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société [Adresse 1] et la société Panigroupe venue aux droits de la société Paul ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré sans objet la demande de la société [Adresse 1] au titre des intérêts au taux légal et de capitalisation en raison de l'absence de compléments de loyers suite à sa fixation ;
En tout état de cause,
Condamner la société [Adresse 1] à payer à la SARL Panigroupe, Me [G] [L], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et Me [T] [K], ès-qualités de mandataire judiciaire, la somme de 4.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
ET SUR CE
Sur le déplafonnement :
L'appelante critique le rejet du déplafonnement par le juge et invoque deux motifs de déplafonnement :
- une modification des facteurs locaux de commercialité
Elle évoque l'existence de nombreuses constructions nouvelles situées dans un périmètre de 500 mètres des lieux loués et soutient que la rue [Adresse 1] est un pôle d'intérêt particulier pour les commerces de bouche puisque dans le 16ème arrondissement, les zones attractives, pour ce type de commerce, sont relativement restreintes et qu'un périmètre supérieur à 400 mètres doit être retenu en la présente espèce compte tenu des particularités du quartier concerné,
- les modifications des caractéristiques des locaux
Sans contester les travaux effectués par la locataire à la suite de la souscription du bail, elle précise que l'article 6 du bail, qui prévoit que tous travaux, améliorations, embellissements, installations et décors qui seraient faits dans les lieux loués par le Preneur resteront en fin de bail la propriété du Bailleur sans indemnités quelconques de sa part, et que les améliorations apportées par les soins du locataire ne pourront être prises en compte par le bailleur pour demander une augmentation de loyer au cours du bail ou de ses renouvellements successifs, est une clause manifestement abusive, ambigüe, et contraire au droit de propriété.
Elle demande donc que la Cour tienne compte de la modification des caractéristiques du local suite à ces travaux.
La SA Boulangeries Paul sollicite que soit retenu le périmètre de 400m proposé par l'expert rappelant qu'il n'est pas d'usage de retenir un périmètre élargi pour ce type de commerce de bouche de proximité.
Elle expose que c'est en vertu d'accords préalables portant sur l'autorisation donné par le bailleur d'effectuer certains travaux d'agrandissement et d'équipements nécessaires à l'exploitation de son magasin, et sur la prise en charge par le bailleur d'une partie des travaux de ravalement de l'immeuble, que le bail a été conclu et qu'y a été intégrée la clause particulière prévoyant que les travaux réalisés par le preneur dans les lieux loués et les améliorations apportées par ses soins à ces mêmes lieux ne pourraient prises en compte par le bailleur pour demander une augmentation de loyer au cours du bail ou de ses renouvellements successifs. Elle rappelle que cette clause est parfaitement légale et n'est pas ambiguë.
La SA Panigroupe, et Me [T] [K], ès qualités de représentant des créanciers de la société Panigroupe reprennent l'argumentation de la SA Boulangeries Paul en rappelant qu'il n'est pas d'usage de retenir un périmètre élargi pour ce type de commerce de bouche de proximité. Elle ajoute que la clause concernant les travaux n'est pas contraire au droit de propriété, qu'elle est parfaitement légale et ne souffre aucune ambiguïté.
Les locaux loués sont situés [Adresse 1], artère qui relie la rue [Adresse 7] à la rue [Adresse 2], dans la section la plus proche de la place [Adresse 7], et cet emplacement est bien adapté à l'exploitation de ce commerce de bouche et de petite restauration.
Le bail est à destination de « alimentation, boulangerie, viennoiserie, briocherie, biscuiterie, pâtisserie, croissanterie, salon de thé, traiteur, petite restauration, boissons, chocolats, glaces, confiseur, pour la réalisation de son objet social » le commerce étant exploité sous l'enseigne 'Paul'.
S'agissant d'un commerce de bouche de proximité, la zone de chalandise habituelle est de 400 mètres, et le choix de ce périmètre s'impose d'autant, comme le relève l'expert, que l'on peut y recenser au moins sept établissements concurrents, dont trois situés [Adresse 1].
Sur les 463 constructions neuves de logements recensées par la bailleresse, 334 logements sont situés hors du périmètre de 400m, et la construction de 129 logements neufs au cours du bail expiré n'est pas significative, Mme [V] relevant par ailleurs que le bâti de ce quartier est ancien et n'a subi aucune profonde mutation, et que les déclarations d'achèvement de travaux correspondent pour l'essentiel à des rénovations/restructurations de logement existants.
La clause 6/AMÉLIORATIONS du bail est ainsi libellée :
« Tous travaux, améliorations, embellissements, installations et décors qui seraient faits dans les lieux loués par le Preneur, même sans l'autorisation du Bailleur pendant le cours du bail et, d'une manière générale toutes installations à demeure faite par le Preneur, resteront en fin du présent bail, à quelque époque et de quelque manière qu'elle arrive, la propriété du Bailleur sans indemnités quelconques de sa part.
Une fois ces travaux réalisés, le Preneur ne pourra plus supprimer les travaux ainsi exécutés, même au cours du présent bail, sans le consentement du Bailleur, lesdits travaux se trouvant incorporés à l'immeuble du fait de leur exécution, et le Preneur perdant tous droits de propriété à leur égard.
D'un commun accord entre les parties, il est expressément convenu que les travaux réalisés par le preneur dans les lieux loués et les améliorations apportées par ses soins à ces mêmes lieux ne pourront être pris en compte par le bailleur pour demander une augmentation de loyer au cours du bail ou de ses renouvellements successifs. »
La SARL [Adresse 1] soutient que l'alinéa 3 est une clause manifestement abusive car venant en contradiction avec le 1er alinéa dudit article, et contraire à son droit de propriété puisqu'elle aurait un effet perpétuel.
Or cette clause qui confère au bailleur la propriété des travaux d'amélioration effectués par la locataire en fin de bail mais prévoit que ceux ci ne pourront donner lieu à déplafonnement en fin de bail ou 'à l'occasion des renouvellements successifs' n' interdit au bailleur que de se prévaloir des travaux d'amélioration réalisés par le preneur pour demander le déplafonnement du loyer sur ce seul motif et ne peut avoir de sens qu'en restreignant davantage le droit qui est donné au bailleur de pouvoir demander, lors du second renouvellement suivant la réalisation desdits travaux, le bénéfice de ceux-ci au financement desquels il n'a pas participé ; cette clause ne conduit aucunement à une renonciation perpétuelle à pouvoir obtenir le profit tiré de l'accession dans l'appréciation de la valeur locative, à la condition que le motif de déplafonnement ne concerne pas des travaux d'amélioration réalisés par le preneur.
De toute façon, les travaux d'amélioration réalisés par le preneur à son entrée dans les lieux ou en cours de bail, bien qu'il soient devenus la propriété de la bailleresse au 1er avril 2008, ne pouvaient donner lieu à déplafonnement pour ce seul motif, le bailleur ne prétendant pas avoir participé à leur financement.
Il s'ensuit qu'il n'existe pas de motif de déplafonnement.
Sur la fixation du loyer renouvelé au 1er avril 2008 :
En l'absence de motifs de déplafonnement, le loyer doit donc être fixé au loyer indexé au 1er avril 2008, soit la somme annuelle de 62.259,41 € HT HC.
Sur les autres demandes :
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Boulangeries Paul, la SARL Panigroupe, et Me [T] [K], ès qualités de représentant des créanciers de la société Panigroupe, d'autre part à hauteur de 2 000 euros chacun.
Les dépens d'appel resteront à la charge de la SARL [Adresse 1], ceux de première instance étant partagés par moitié.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Reçoit l'intervention volontaire de la SCP [L] pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Panigroupe et la SCP [K] [X] en qualité de mandataire judiciaire de la société Panigroupe ;
Condamne la SARL [Adresse 1] à payer à la société Boulangeries Paul, d'une part la SARL Panigroupe et d'autre part Me [T] [K], ès qualités de représentant des créanciers de la société Panigroupe, la somme de 2.000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL [Adresse 1] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE