Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRET DU 10 MAI 2017
(n°2017/73 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01516
Décisions déférées à la Cour : Jugement du 09/12/2011 Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG 10/04809
Arrêt du 16 Septembre 2013 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 12/01662
Arrêt de la Cour de Casssation du 11/12/2014 -Arrêt 1848 F-D
APPELANTE
SA GENERALI IARD Agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Loïc THOREL, avocat plaidant, du barreau de PARIS toque : R265
INTIMES
Monsieur [Z] [Z] [B]
'[Adresse 2]'
[Adresse 2]
[Localité 2]
SA GMF ASSURANCES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilies en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
N° SIRET : 398 972 901
Représentée par Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074
Assistée de Me Francisco BRIGAS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque P0074
SA MAIF - MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRAN CE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Marie-Cécile BIZARD, avocat plaidant du barreau de NANTERRE, toque NAN713
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre
Mme Stéphanie ARNAUD-MONGAY, Vice-Présidente placée
Mme Claudette NICOLETIS, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Denise FINSAC
ARRET : - CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Zahra BENTOUILA greffier présent lors du prononcé.
********
Le 30 août 1997, à 09 heures 30, un accident de circulation est survenu sur l'autoroute A 72 dans lequel plusieurs véhicules ont été impliqués, dans les circonstances suivantes :
[Z] [B], conducteur d'un véhicule assuré par la société GMF, en a perdu le contrôle dans une courbe à gauche en légère descente, sur chaussée mouillée, et a heurté le terre-plein central puis la glissière de sécurité droite avant de s'immobiliser sur la bande d'arrêt d'urgence.
[T] [K], conducteur d'un véhicule assuré par la société MAIF, l'a stationné également sur la bande d'arrêt d'urgence, devant celui de [Z] [B], pour porter secours à ce dernier.
[O] [J], conductrice d'un autre véhicule, en a perdu le contrôle, a percuté la glissière centrale de l'autoroute et s'est immobilisée sur la voie de gauche. Son conjoint, elle-même et un autre usager ont poussé son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence.
[B] [G], conducteur d'un autre véhicule, a vu, devant lui, la voiture de [O] [J] zigzaguer et s'arrêter sur la voie de gauche, et a lui-même stationné son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence pour aider les occupants du véhicule de [O] [J] à le pousser sur la bande d'arrêt d'urgence, derrière le sien.
[A] [D], conductrice d'un cinquième véhicule, assuré par la société GENERALI, a percuté celui de [Z] [B] arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence et l'a projeté contre celui de [T] [K], également arrêté.
Trois passagers du véhicule conduit par [A] [D] ont été blessés : les père et mère de la conductrice, [M] et [R] [D], et son fils [U] [D].
La société GENERALI a indemnisé, sur transaction, le préjudice corporel des trois victimes précitées, passagères du véhicule qu'elle assurait.
La société GENERALI a agi en recours contributif à l'encontre des sociétés GMF et MAIF, respectivement assureur des véhicules conduits par [Z] [B] et [T] [K].
Par jugement du 9/12/2011 (instance n° 10/04809) le Tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que [A] [D], assurée de la société GENERALI IARD, a commis une faute,
- dit que ni [Z] [B] ni [T] [K] n'ont commis de faute,
- rejeté l'ensemble des demandes présentées par la société GENERALI IARD,
- rejeté les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile par les sociétés GMF Assurances et MAIF,
- condamné la société GENERALI IARD aux dépens.
Sur appel de la société GENERALI, la présente Cour a, par arrêt du 16/09/2013 :
- infirmé le jugement à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens,
statuant à nouveau,
- dit prescrite l'action de la société GENERALI IARD en contribution à la dette d'indemnisation au titre d'[R] [D], de [M] [D] et de [U] [D],
- dit la société GENERALI IARD irrecevable en ses demandes de ce chef,
- condamné la société GENERALI IARD à verser à la société GMF et à la société MAIF une somme de 3.000 €, chacune, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté la demande de la société GENERALI IARD à ce titre,
- condamné la société GENERALI IARD aux dépens d'appel.
Par arrêt du 11/12/2014, la Cour de cassation a :
- cassé l'arrêt du 16/09/2013 en toutes ses dispositions en visant les articles 1251 3° du code civil, ensemble l'ancien article 2252 de ce code alors applicable, aux motifs que, pour dire prescrite l'action de la société GENERALI IARD en contribution à la dette d'indemnisation de [U] [D], ledit arrêt a retenu que celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime dont le délai s'élève, en application de l'ancien article 2270-1 du Code Civil et du nouvel article 2226 de ce code, à dix années à compter de la consolidation des blessures de la victime,
alors que la prescription de l'action fondée sur la subrogation ne peut commencer à courir avant le paiement subrogatoire, et qu'en n'ayant pas recherché si les paiements dont la société GENERALI IARD demandait le remboursement par son action récursoire avaient été effectués pour le compte du mineur moins de dix années avant la réclamation formulée par cet assureur devant un tribunal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale,
- renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Sur déclaration de saisine du 22/01/2015 et selon dernières conclusions notifiées le 16/01/2017, il est demandé à la Cour par la société GENERALI (assureur de [A] [D]) de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- dire et juger que le véhicule conduit par [Z] [B] est impliqué dans l'accident de la circulation survenu le 30/08/1997,
- dire et juger non fondés les moyens d'irrecevabilité (sic), tirés de la prescription, soulevées par les défenderesses.
- dire et juger que [Z] [B] a commis des fautes délictuelles qui sont à l'origine exclusive de l'accident survenu le 30 juillet 1997 (sic),
- à titre principal, condamner solidairement et à défaut in solidum [Z] [B] et la société GMF Assurances à rembourser à la société GENERALI IARD l'intégralité des indemnités servies aux victimes de l'accident de la circulation du 30/08/1997, y incluant les indemnités versées sous forme de rente viagère et les postes de préjudices réservés, soit :
$gt; La somme de 814.039,65 € au titre des sommes déjà servies aux victimes (sauf rente tierce-personne versée à [U] [D]),
$gt; le montant de la créance des tiers-payeurs, sauf mémoire,
$gt; le montant des arrérages échus et à échoir de la rente tierce personne servie à [U] [D],
- à titre subsidiaire, dire et juger que la contribution à la dette de chacun des deux conducteurs et assureurs des véhicules impliqués se fera par parts égales,
- condamner dans ce dernier cas [Z] [Z] [B] et son assureur la société GMF Assurances à rembourser à la société GENERALI IARD la moitié des indemnités servies aux victimes de l'accident de la circulation du 30/08/1997, y incluant les indemnités versées sous forme de rente viagère et les postes de préjudices réservés.
- condamner solidairement et à défaut in solidum [Z] [B] et la société GMF Assurances à payer à la société GENERALI IARD une indemnité de 5.000 € application de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Selon dernières conclusions notifiées le 2/09/2016, il est demandé à la Cour par la société GMF (assureur de [Z] [B]) de :
- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire,
$gt; constater que [Z] [B], assuré GMF, n'a commis aucune faute de conduite à l'origine de l'accident de la circulation dont a été victime la famille [D],
$gt; constater que [A] [D] a commis plusieurs fautes à l'origine de l'accident et/ou de la gravité des dommages subis par ses passagers,
$gt; en conséquence, dire et juger que la société GENERALI ne peut exercer son recours subrogatoire à l'égard des défendeurs qu'au titre de ses éventuelles créances indemnitaires non prescrites,
$gt; dire et juger que la société GENERALI répond des fautes de conduite de son assurée [A] [D] [A], lesquelles sinon excluent à tout le moins cantonnent son recours en contribution à la dette à l'égard des défendeurs,
$gt; rejeter la demande principale de la société GENERALI tendant à obtenir la condamnation in solidum des défendeurs,
$gt; rejeter la demande subsidiaire de la société GENERALI ou à tout le moins cantonner toute condamnation à l'égard de la GMF et de son assuré à hauteur de 1/5 des sommes effectivement préfinancées par la société GENERAL, au titre desquelles elle justifierait d'une subrogation effective,
- en tout état de cause
$gt; rejeter les demandes des demandeurs et d'un éventuel appelant en garantie de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
$gt; condamner tout succombant à payer à la société GMF une indemnité de 5.000 € au titre du même texte.
Selon dernières conclusions notifiées le 6/04/2016, il est demandé à la Cour par la société MAIF (assureur de [T] [K]) de :
- à titre principal,
$gt; dire et juger que l'arrêt de la Cour de Paris du 16/09/2013 est devenu définitif en ce qui concerne la MAIF,
$gt; en conséquence, mettre hors de cause la MAIF,
$gt; en tout état de cause, prendre acte de ce qu'aucune demande n'est formée à son encontre,
- à titre subsidiaire,
$gt; prendre acte de ce que [T] [K] n'a pas été mis en cause dans le délai prévu par l'ancien article 2270-1 du code civil et 2226 du Code civil actuel et qu'ainsi toute demande de GENERALI à l'encontre de la MAIF devra être déclarée irrecevable comme prescrite,
- à titre plus subsidiaire,
$gt; dire et juger que [A] [D] a commis une faute et que [T] [K] n'en a pas commis,
- à titre encore plus subsidiaire, et si la Cour venait à considérer les circonstances de l'accident comme indéterminées,
$gt; dire et juger que cinq véhicules sont impliqués dans l'accident et que le recours contributif de GENERALI à l'encontre de chacun de leurs conducteurs (et de leurs assureurs respectifs) doit être cantonné à 1/5,
-prendre acte de ce que GENERALI ne justifie pas des sommes versées à [R] [D] et à la CPAM et qu'en conséquence ses demandes formées à ce titre ne pourront qu'être rejetées,
- condamner GENERALI à verser à la MAIF une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS de l'ARRET
1 - sur la recevabilité de l'action de la société GENERALI
La société GMF fait valoir :
- en premier lieu, que l'action de la société GENERALI serait prescrite comme ayant été engagée plus de 10 ans après la date de paiement des indemnités provisionnelles versées à [U] [D], des indemnités versées à [M] et [R] [D], et des indemnités versées à la CPAM,
qu'à supposer que la société GENERALI ait disposé d'une action personnelle - et non subrogatoire - à l'encontre de la société GMF, cette action serait a fortiori prescrite puisqu'elle aurait été soumise au délai quinquennal - et non décennal - de prescription édicté par l'article 2224 du Code Civil.
- en second lieu, que la société GENERALI ne justifierait pas d'un droit de subrogation dès lors qu'elle n'aurait pas fourni les preuves de son paiement des sommes sur lesquelles porte son recours.
La société GENERALI fait valoir en réplique que son action ne serait pas prescrite aux motifs :
- qu'elle aurait un caractère subrogatoire, sur le fondement de l'article 1251 alinéa 3 du Code Civil,
- que le point de départ du délai de prescription de son action subrogatoire serait le paiement subrogatoire, soit, en l'occurrence, le versement des indemnités aux victimes directes (conclusions page 20), ou l'indemnisation définitive et totale des victimes directes, prenant en compte la créance des tiers payeurs (conclusions page 22),
- que l'indemnisation définitive des préjudices du mineur [U] [D] serait intervenue selon procès-verbal daté du 28/03/2000,
que, compte tenu de la minorité de cette victime, le cours de la prescription aurait été suspendu pendant sa minorité en application de l'article 2252 ancien du Code Civil, et aurait commencé à courir à compter à compter du jour de la subrogation au profit de la société GENERALI,
- que l'indemnisation définitive des préjudices d'[R] [D] serait intervenue par chèque bancaire encaissé le 27/12/2001,
- que les assignations introductives d'instance auraient été délivrées les 15 et 18/02/2010, moins de 10 ans plus tard,
- que l'indemnisation de [M] [D] auraient été versées en exécution d'une ordonnance de référé du 18/03/1998 et que, s'agissant de l'exécution d'une décision de justice avant l'entrée en vigueur de la loi du 17/06/2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la société GENERALI demeurerait recevable à en demander le remboursement,
- que les arrérages à échoir de la rente pour assistance par tierce personne allouée à [U] [D] par transaction ouvriraient également droit à recours subrogatoire, dès lors que le versement d'une rente ne constituerait qu'une modalité de règlement convenue dans le strict intérêt de la victime.
1.1 - Concernant en premier lieu la fin de non-recevoir tirée par la société GMF de la prescription, les parties s'accordent :
- sur le caractère décennal du délai de prescription applicable au recours contributif du co-débiteur d'une dette d'indemnisation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité civile extra-contractuelle, en application de l'ancien article 2270-1 du Code Civil, ou de l'article 2226 alinéa 1er du même code dans sa rédaction actuelle,
- sur l'acte interruptif du cours de ce délai, constitué par les assignations introductives d'instance qu'a fait délivrer la société GENERALI les 12 et 15/02/2010.
Les parties sont en désaccord sur le point de départ du délai de prescription.
L'article 1251 § 3° du Code Civil, invoqué par la société GENERALI au fondement de son recours, dispose dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10/02/2016 : la subrogation a lieu de plein droit : 3° au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.
L'effet translatif de l'obligation active qu'opère la subrogation et qui ouvre droit au recours contributif du solvens, implique que la créance ainsi payée soit liquide.
La créance en indemnisation d'un dommage corporel est liquidée par un jugement ou une transaction.
Le paiement de provision(s) avant liquidation de la créance indemnitaire ne revêt un caractère subrogatoire au profit du solvens qu'à partir de la liquidation de cette créance.
Il s'en déduit qu'en l'occurrence, le délai de prescription du recours de la société GENERALI en contribution aux provisions versées par elle aux consorts [D] n'a couru qu'à compter de la transaction conclue avec ces derniers.
La société GENERALI n'a pas produit les actes de transaction sur les indemnités dues à [R] et [M] [D].
Toutefois, d'une part, la société GMF ne conteste pas la réalité de la conclusion de ces transactions et, d'autre part, il résulte d'une correspondance adressée le 6/11/2001 (moins de dix ans avant la délivrance des assignations introductives d'instance) par l'avocat des consorts [D] à la société GENERALI (pièce n° 16 de cette dernière) que les transactions n'étaient pas encore conclues à cette date.
Concernant le mineur [U] [D], sa créance indemnitaire n'a été rendue liquide qu'à compter de l'autorisation judiciaire de la transaction, donnée par ordonnance du juge des tutelles d'Aix-en-Provence du 8/06/2000, moins de dix ans avant la délivrance des assignations introductives d'instance.
En tant que de besoin, la règle invoquée par la société GENERALI selon laquelle la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés, posée par l'article 2252 ancien du Code Civil et 2235 du même code dans sa rédaction actuelle, est sans portée en l'occurrence, puisque le mineur [U] [D] a cessé d'être titulaire de son action en indemnisation par l'effet de la subrogation induite par le paiement, effectué par la société GENERALI, de la créance indemnitaire transigée.
Il résulte des motifs qui précèdent que le recours subrogatoire de la société GENERALI en contribution aux provisions à valoir sur indemnisations définitives, versées par elle aux consorts [D] plus de dix ans avant la délivrance des assignations introductives d'instance, n'est pas prescrit dès lors que ces paiements n'ont acquis un caractère subrogatoire que par la liquidation des créances effectuée par voie transactionnelle moins de dix ans avant la délivrance desdites assignations.
1.2 - Concernant en second lieu la fin de non-recevoir tirée par la société GMF du défaut de qualité de subrogée de la société GENERALI, la recevabilité du recours subrogatoire de cette dernière est subordonnée à l'administration de la preuve du(des) paiements faits par elle envers les créanciers indemnitaires.
La société GENERALI rapporte exclusivement la preuve des paiements suivants :
- versement à [R] [D] d'une provision de 15.000 F. (2.286,74 €) selon quittance du 1/04/1998 (pièce n° 6),
- versement à [M] [D] d'une provision de 10.000 F. (1.524,49 €) selon quittance du 1/04/1998 (pièce n° 7),
- versement aux représentants légaux du mineur [U] [D] d'une provision de 500.000 F. (76.224,51 €) selon quittance du 1/04/1998 (pièce n° 8)
- versement aux représentants légaux du mineur [U] [D] d'une seconde provision de 500.000 F. (76.224,51 €) (correspondance de l'avocat de la victime en date du 23/03/2000 - pièce n° 11),
- versement à [R] [D] en décembre 2001 d'une somme de 49.259,90 € correspondant à son indemnisation définitive, provision de 15.000 F. déduite.
Par ailleurs, si la société GENERALI a produit les décomptes de créance de la CPAM des Bouches-du-Rhône concernant [M] et [R] [D] (pièces n° 17 et 18), toutefois, elle ne justifie d'aucun paiement effectué par elle envers cette caisse.
En conséquence, le recours subrogatoire en contribution formé par la société GENERALI n'est recevable qu'à concurrence des sommes sus-énumérées.
2 - sur le fond
La société GENERALI fait valoir à l'appui de son recours en contribution intégrale à l'indemnisation des trois victimes :
- concernant la faute imputée à [Z] [B], conducteur impliqué dans l'accident et assuré par la société GMF :
$gt; que ce dernier aurait perdu le contrôle de son véhicule pour une raison indéterminée avant de percuter le terre-plein central de l'autoroute puis de s'immobiliser sur le côté gauche de la voie, en travers de la voie de circulation et de la bande d'arrêt d'urgence,
$gt; qu'aucune circonstance extérieure n'aurait justifié cette perte de contrôle,
$gt; qu'il résulterait du croquis de l'accident annexé au rapport de la Gendarmerie que le véhicule conduit par [Z] [B], alors à l'arrêt, se serait trouvé accidenté "à la limite de la bande d'arrêt d'urgence et de la voie de gauche de l'autoroute et même pour partie sur la voie de circulation des autres automobilistes, à l'endroit précis où les véhicules poursuivants amorçaient leur virage",
$gt; que la présence de ce véhicule à l'entrée de la courbe aurait créé un effet de surprise pour les automobilistes arrivant à hauteur de l'accident et aurait gêné leur progression sur la voie,
$gt; qu'en outre, auraient été présents sur la chaussée de nombreux débris ayant pour origine les impacts initiaux du véhicule conduit par [Z] [B],
$gt; que, de plus, aucun élément de l'enquête ne démentirait la présence (attestée par [A] [D]) de [Z] [B] sur la voie de circulation, à l'extérieur de son véhicule,
- concernant l'absence de faute de [A] [D], conductrice du véhicule assuré par la société GENERALI :
$gt; que l'intéressée aurait été gênée par la présence de deux véhicules sur le bord de la voie et d'une automobile sur la voie elle-même, à l'entrée de la courbe de l'autoroute,
qu'elle aurait été dans l'incapacité de se "rabattre" (sic) sur la voie de gauche, compte tenu de la présence d'un autre véhicule dont le rapport de "police" (sic) ne fait "étrangement" (sic) pas mention,
$gt; qu'il ne serait pas prouvé que le véhicule conduit par [A] [D], mis en circulation en 1995, aurait été équipé de ceintures de sécurité aux places arrières,
que, si le véhicule était équipé de ceintures arrières, il ne serait pas prouvé que celle de [U] [D] n'aurait pas été attachée.
La société GMF fait valoir :
- que [A] [D], conductrice du véhicule assuré par la société GENERALI, aurait commis une double faute :
$gt; d'une part, en ayant commis un défaut de maîtrise de son véhicule, puisqu'en abordant une courbe à gauche sur chaussée mouillée, son véhicule serait venu percuter celui de [Z] [B] stationné sur la bande d'arrêt d'urgence, alors que [A] [D] aurait précisé n'avoir été gênée par aucun autre usager,
$gt; d'autre part, en ayant négligé d'avoir imposé à son fils et passager [U] [D] d'attacher sa ceinture de sécurité en méconnaissance de l'obligation imposée par l'article R.412-2 du code de la route, ce qui aurait concouru à la gravité des blessures subies par la victime (fracture luxation des vertèbres C1 et C2 avec contusion médullaire),
- qu'aucune faute ne serait imputable à son assuré [Z] [B] en lien de causalité avec la collision provoquée par le véhicule conduit par [A] [D],
- que, subsidiairement, si aucune faute n'était retenue à l'encontre des conducteurs des véhicules impliqués, la contribution à la dette indemnitaire devrait s'effectuer par parts égales entre les conducteurs des cinq véhicules impliqués dans l'accident, de sorte que le recours formée par la société GENERALI à l'encontre de la société GMF ne pourrait être accueilli que dans la proportion de 1/5.
En droit, le conducteur (ou son assureur) d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et tenu de réparer les dommages causés à des tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué et son assureur que sur le fondement des articles 1382 et 1251 alinéa 3 anciens du Code Civil ; la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives ; en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales.
En fait, la société GENERALI et la société GMF :
- ne contestent pas que les deux véhicules qu'elles assurent respectivement sont impliqués dans l'accident dont ont été victimes les consorts [D],
- ne discutent que des fautes qu'elles imputent réciproquement à [Z] [B] et à [A] [D], mais n'invoquent aucune faute à l'encontre des conducteurs des autres véhicules impliqués dans l'accident.
2.1 -Sur le fondement principal de son action, il incombe à la société GENERALI, demanderesse en contribution à l'encontre de la société GMF, de rapporter la preuve d'une/de faute(s) commise(s) par l'assuré de cette dernière, [Z] [B], en lien de causalité directe avec les dommages corporels subis par les consorts [D].
Si [Z] [B] a pu faire preuve d'un défaut de maîtrise dans la conduite de son véhicule dont il a perdu le contrôle pour une cause qu'il n'a pas expliquée dans son audition recueillie par les gendarmes enquêteurs, et qu'il n'a pas imputée à une circonstance extérieure, toutefois, la société GENERALI ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité directe entre cet accident initial et la collision du véhicule conduit par [A] [D] contre celui de [Z] [B], alors stationné sur la bande d'arrêt d'urgence.
En premier lieu, s'il peut être présumé que le choc initial du véhicule de [Z] [B] contre le rail de sécurité du terre plein central a endommagé ledit véhicule et a provoqué la projection de débris de ce dernier sur la chaussée (débris dont la conductrice [O] [J] a rapporté la présence dans son audition recueillie par les services de gendarmerie), il n'est toutefois aucunement établi que ces débris aient concouru à la perte de contrôle par [A] [D] de son véhicule ou l'aient provoquée, dès lors que l'intéressée n'en a pas fait état lors de son audience recueillie par les gendarmes enquêteurs ("le véhicule gris qui se trouvait devant moi a freiné sec. Je n'ai pas pu me dégager sur la voie de gauche car du monde arrivait. J'ai freiné. La chaussée étant un peu humide, la voiture s'est décalée vers la droite et je suis allée frapper sur la voiture qui était à cheval").
En second lieu, si [A] [D] a déclaré, dans son audition, que "il y avait une personne qui faisait des signes. Cette personne se trouvait bien sur la première voie".
Toutefois, aucun élément de l'enquête ne permet d'identifier cette personne et ne fait présumer que qu'il se serait agi de [Z] [B].
En outre, [A] [D] n'a pas déclaré que la présence de cette personne l'aurait contrainte à entreprendre une manoeuvre de changement de direction ou de freinage, puisqu'elle a déclaré que le freinage du véhicule la précédant l'avait contrainte à faire de même.
En troisième lieu, [A] [D] a déclaré aux enquêteurs que le véhicule qu'elle a percuté (véhicule de [Z] [B]) était arrêté "à cheval sur la première voie et le bas côté", et sa mère [R] [D] a fait une déclaration analogue ("de loin, j'ai vu deux voitures arrêtées sur le bas-côté qui entamaient la première voie, la plus à droite de l'autoroute",
[O] [J], conductrice du véhicule qui précédait celui conduit par [A] [D], a déclaré avoir "vu deux automobiles qui se trouvaient sur la bande d'arrêt d'urgence, l'une de ces voitures empiétaient légèrement sur ma voie", sans préciser s'il s'agissait du premier véhicule dans son sens de marche (véhicule de [Z] [B]) ou du second (véhicule de [T] [K]).
[W] [K], passagère du premier véhicule survenu après l'accident initial du véhicule BMW de [Z] [B], a indiqué aux enquêteurs "nous avons aperçu qu'un véhicule de marque BMW se trouvait accidenté et immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence" sans indiquer qu'une partie de ce véhicule aurait empiété sur la voie de circulation de droite.
De même, son époux [T] [K], conducteur du premier véhicule survenu après l'accident initial du véhicule BMW de [Z] [B], a déclaré "j'ai aperçu des débris sur la chaussée et une BMW blanche accidentée à l'avant, stationnée sur la B.A.U. Je me suis arrêté sur la B.A.U. devant la BMW pour porter secours". [T] [K] n'a pas davantage indiqué qu'une partie du véhicule BMW aurait empiété sur la voie de circulation de droite.
Enfin, [B] [G], conducteur d'un véhicule dépassé par celui de [O] [J] peu avant que cette dernière n'en perde la contrôle, a indiqué "je n'avais pas fait attention à la présence de deux véhicules qui stationnaient sur la BAU en train de faire le constat" et n'a donc pas fait état d'un empiétement de ces véhicules - ou de celui de [Z] [B] - sur la voie de circulation de droite.
Enfin, il est indifférent que le croquis établi par les gendarmes enquêteurs ait fait apparaître l'avant gauche du véhicule de [Z] [B] empiétant sur la voie de circulation de droite, dès lors que ce croquis présente la position de ce véhicule après qu'il a été percuté et projeté par celui conduit par [A] [D], et ne permet pas de présumer sa position exacte avant cette collision.
En l'état des témoignages divergents recueillis par les enquêteurs, la preuve de la position anormale du véhicule de [Z] [B] invoquée par la société GENERALI (stationnement pour partie sur la bande d'arrêt d'urgence et pour partie sur la voie de circulation de droite) n'est pas suffisamment rapportée, et l'existence d'une faute commise par [Z] [B] à ce titre n'est pas établie.
Il résulte des motifs qui précèdent que le recours en contribution formé par la société GENERALI à l'encontre de la société GMF, assureur du véhicule de [Z] [B], ne peut être accueilli sur le fondement principal d'une faute commise par ce dernier, ayant directement causé les dommages corporels des consorts [D], en confirmation de l'appréciation portée par le Tribunal.
2.2 -Sur le fondement subsidiaire du recours de la société GENERALI en contribution par parts égales, en cas d'absence de fautes des conducteurs impliqués dans l'accident, il incombe à la société GENERALI, demanderesse en contribution, de prouver l'absence de faute de la conductrice [A] [D] du véhicule qu'elle assure.
[A] [D] a déclaré aux enquêteurs : "il y avait un véhicule gris, assez loin devant moi. Je me trouvais sur la voie du milieu. Il n'y avait pas vraiment de bande d'arrêt d'urgence. Il y avait une voiture qui était arrêtée à cheval sur la première voie et le bas côté. Il y avait une personne qui faisait des signes. Cette personne se trouvait bien sur la première voie. Le véhicule gris qui se trouvait devant moi a freiné sec. Je n'ai pas pu me dégager sur la voie de gauche car du monde arrivait. J'ai freiné. La chaussée étant un peu humide, la voiture s'est décalée sur la droite et je suis allée frapper sur la voiture qui était à cheval".
En premier lieu, en constatant la présence d'un véhicule stationné sur la bande d'arrêt d'urgence et d'une personne présente sur la voie de circulation de droite "faisant des signes", [A] [D] devait en déduire l'existence d'un obstacle prévisible et/ou d'une situation de danger, et réduire impérativement sa vitesse, a fortiori en raison des conditions d'adhérence précaire, la chaussée étant mouillée.
En second lieu, dès lors que [A] [D] a indiqué, successivement, que le véhicule gris qu'elle suivait était "assez loin devant" elle, puis, que le freinage "sec" de ce premier véhicule lui a imposé un freinage si puissant qu'elle a bloqué les roues de son véhicule qui a perdu son adhérence en raison de la chaussée mouillée et s'est "décalé vers la droite" avant de percuter le véhicule de [Z] [B], il s'en déduit que [A] [D] n'a pas respecté les distances de sécurité et n'a pas anticipé suffisamment la nécessité d'un freinage progressif de son véhicule.
Il s'en déduit que, ainsi que l'a retenu avec pertinence le Tribunal, [A] [D] a commis une faute de conduite en ne maîtrisant pas la vitesse et la trajectoire de son véhicule en fonction des obstacles prévisibles, faute qui a provoqué la collision avec le véhicule stationné de [Z] [B], et les dommages corporels subis par ses passagers.
Il résulte des motifs qui précèdent que le recours en contribution par parts égales formé par la société GENERALI à l'encontre de la société GMF ne peut être accueilli sur le fondement subsidiaire de l'absence de faute des conducteurs des véhicules impliqués.
3 - La société GENERALI, partie perdante, supportera les dépens de l'instance d'appel initiale et de la présente instance sur renvoi après cassation.
Les demandes des sociétés GMF et MAIF fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront accueillies dans leur principe et leur montant, en indemnisation des frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour ces deux instances.
PAR CES MOTIFS,
la Cour
Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 9/12/2011 en ce qu'il a :
- dit que [A] [D], assurée de la société GENERALI IARD, a commis une faute,
- dit que [Z] [B] n'a pas commis de faute,
- rejeté l'ensemble des demandes présentées par la société GENERALI IARD,
- condamné la société GENERALI IARD aux dépens.
Y ajoutant,
Condamne la société GENERALI IARD à payer les indemnités suivantes par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
- à la société GMF : 5.000 € (cinq mille euros),
- à la société MAIF : 5.000 € (cinq mille euros).
Condamne la société GENERALI IARD aux dépens de l'instance d'appel initiale et de la présente instance sur renvoi après cassation, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT