Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 MAI 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12668
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2016 -Tribunal d'Instance de Paris 18ème - RG n° 11-15-000735
APPELANTE
SNC MOBIUS REM
SIRET : 528 747 488 00013
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant : Me Geneviève SARTON, avocat au barreau de PARIS,
toque : P0408
INTIME
Monsieur [G] [B]
Né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 2] (Sénégal)
[Adresse 2]
[Adresse 2]0
[Localité 1]
Représenté et assisté par Me Nadia BORRULL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0470
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/045582 du 12/12/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre
M. Philippe JAVELAS, Conseiller
M. Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA
Un rapport a été présenté à l'audience par M. Philippe JAVELAS, Conseiller dans les conditions prévues par l'articles 785 du Code de procédure civile.
ARRET : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle VERDEAUX, présidente et par Mme Viviane REA, greffière présente lors du prononcé.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société MOBIUS REM est propriétaire, depuis le 10 janvier 2013, d'un logement dépendant d'un immeuble sis [Adresse 3].
Ce logement a été donné à bail à M. [B] [G], par acte sous seing privé du 31 octobre 1996.
Un arrêté préfectoral du 16 novembre 2001 a déclaré l'immeuble insalubre à titre remédiable.
Par acte d'huissier de justice du 29 avril 2014, la bailleresse a fait délivrer à M. [G] un congé pour vendre au prix de 110 000 euros, à effet au 31 octobre 2014 à minuit.
M. [G] s'étant maintenu dans les lieux après la date d'effet du congé, sa bailleresse l'a fait assigner, par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2015, devant le tribunal d'instance du 18eme arrondissement de Paris en validation du congé pour vendre, résiliation du bail et expulsion.
Par jugement contradictoire du 13 mai 2016, le tribunal d'instance a déclaré nul le congé délivré le 29 avril 2014, débouté la société MOBIUS REM de l'ensemble de ses demandes, et condamné la bailleresse aux dépens et à payer à M. [G] une somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal d'instance a considéré que le congé ne pouvait être délivré avant que n'intervienne la mainlevée de l'arrêté d'insalubrité qui suspendait le bail consenti à M. [G].
M. [G] a relevé appel de cette décision le 8 juin 2016.
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 7 septembre 2016, la société MOBIUS REM, appelante, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- valider le congé du 29 avril 2014,
- constater la résiliation du bail par l'effet de ce congé,
- ordonner l'expulsion de M. [G] et de tous occupants de son chef,
- condamner M. [G] à payer une indemnité d'occupation de 500 euros par mois,
- débouter M. [G] de ses demandes, le condamner aux dépens et à payer une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. [G], intimé et appelant à titre incident, dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 26 octobre 2016, demande à la Cour de:
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner sa bailleresse à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société MOBIUS REM à payer une indemnité de 1 500 euros au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
MOTIFS DE LA DECISION
I) Sur la validité du congé pour vente délivré le 29 avril 2014
La société MOBIUS REM fait grief au premier juge d'avoir déclaré nul le congé pour vente délivré à son locataire le 29 avril 2014. Elle fait valoir que ce congé était valable, parce quc l'arrêté d'insalubrité qui a frappé l'immeuble n'a pas entraîné la suspension du bail, du fait qu'il n'était pas assorti d'une interdiction d'habiter et ne visait que les parties communes de l'immeuble.
M. [G], qui conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nul le congé pour vendre qui lui a été délivré, réplique que l'arrêté préfectoral concernait aussi bien les parties privatives que les parties communes de l'immeuble et que la préfecture lui a indiqué par courrier du 16 novembre 2001qu'il était dispensé de payer ses loyers et que son bail était suspendu jusqu'à la réalisation des travaux prescrits.
Sur ce
Les dispositions de l'article L. 521-2 du Code de la construction et de l'habitation en vigueur à la date de délivrance du congé litigieux disposent que :
" I.-Le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être dû pour les locaux qui font l'objet d'une mise en demeure prise en application de l'article L. 1331-22 du Code de la santé publique à compter de l'envoi de la notification de cette mise en demeure.
Le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cessent d'être dus pour les locaux qui font l'objet d'une mise en demeure ou d'une injonction prise en application des articles L. 1331-23 et L. 1331-24 du Code de la santé publiqueou de mesures décidées en application de l'article L. 123-3, à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de la mesure de police. Les loyers ou redevances sont à nouveau dus à compter du premier jour du mois qui suit le constat de la réalisation des mesures prescrites.
Pour les locaux visés par une déclaration d'insalubrité prise en application des articles L.1331-25 et L.1331-28 du Code de la santé publique ou par un arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-1, le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l'immeuble, jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée.
Dans le cas où des locaux ont fait l'objet d'une mise en demeure prononcée en application de l'article L.1331-26-1 du Code de la santé publique suivie d'une déclaration d'insalubrité prise en application de l'article L. 1331-28 du même code, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de la mise en demeure ou son affichage jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée de l'insalubrité.
Les loyers ou toutes autres sommes versées en contrepartie de l'occupation du logement indûment perçus par le propriétaire, l'exploitant ou la personne ayant mis à disposition les locaux sont restitués à l'occupant ou déduits des loyers dont il devient à nouveau redevable.
II.-Dans les locaux visés au I, la durée résiduelle du bail à la date du premier jour du mois suivant l'envoi de la notification de la mainlevée de l'arrêté d'insalubrité ou de péril ou du constat de la réalisation des mesures prescrites, ou leur affichage, est celle qui restait à courir au premier jour du mois suivant l'envoi de la notification de l'arrêté d'insalubrité ou de péril, de l'injonction, de la mise en demeure ou des prescriptions, ou leur affichage.
Ces dispositions s'appliquent sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l'article 1724 du Code civil. ..... ".
Il résulte de ces dispositions que le bail et le paiement des loyers sont suspendus en cas d'insalubrité, même si l'arrêté n'est pas assorti d'une interdiction d'habiter.
De même, l'application des dispositions de l'article L. 521-2 du Code de la construction et de l'habitation n'est pas subordonnée au fait que le locataire ne puisse plus habiter le logement qui lui est donné à bail ou que l'arrêté d'insalubrité vise les parties privatives de l'immeuble. Même si le locataire ne court aucun risque, il doit voir son bail suspendu et être dispensé de payer le loyer en raison de l'état de l'immeuble et de la nécessité d'y faire des travaux.
En l'espèce, il est constant que l'immeuble dans lequel réside M. [G] a fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité à titre remédiable, qui n'a fait l'objet d'une mainlevée qu'au 1er juillet 2015.
Il s'ensuit que le congé litigieux, délivré le 29 avril 2014, alors que le bail était suspendu, doit être déclaré nul.
Le jugement déféré doit, de ce fait, être confirmé sur ce point.
II) Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [G] en réparation de son préjudice de jouissance (10 000 euros)
M. [G] expose que la société bailleresse, qui est marchand de biens, a réalisé une opération immobilière à son détriment et qu'il a été contraint de vivre dans un immeuble et un logement insalubres et de supporter des nuisances de toutes sortes en raison des travaux de rénovation dont l'immeuble a fait l'objet.
Sur ce
M. [G] a été indemnisé à hauteur de 1 800 euros pour les dommages dont il fait état et il ne livre à la Cour aucun élément de nature à justifier que les sommes qui lui ont été allouées par le premier juges en réparation de son préjudice de jouissance seraient insuffisantes.
Le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a a condamné la société bailleresse à payer à son locataire une somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts.
III) Sur la demande indemnitaire de M. [G] en réparation de son préjudice moral (1 500 euros)
M. [G] expose que le congé qui lui a été abusivement adressé par la bailleresse, l'a angoissé.
Néanmoins, le préjudice moral ainsi évoqué par M. [G] est insuffisamment caractérisé pour que sa demande de dommages et intérêts puisse être accueillie.
IV) Sur les demandes accessoires
La société appelante, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute la société MOBIUS REM de ses demandes ;
Déboute M. [B] [G] de ses demandes indemnitaires relatives à la réparation de ses préjudice moral et de jouissance ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société MOBIUS REM à payer une somme de 1 500 euros ;
Condamne la société MOBIUS REM aux dépens de la procédure d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE