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04/05/2017 | FRANCE | N°15/12290

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 04 mai 2017, 15/12290


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 04 Mai 2017



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12290



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Novembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15-00374/B





APPELANTE

Madame [K] [F]

Née le [Date naissance 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en

personne et assistée de Me Maude BECKERS, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, toque : 141



INTIMEE

REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherin...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 04 Mai 2017

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12290

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Novembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15-00374/B

APPELANTE

Madame [K] [F]

Née le [Date naissance 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne et assistée de Me Maude BECKERS, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, toque : 141

INTIMEE

REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Adresse 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, Présidente de chambre

Madame Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, Conseiller

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Claire CHAUX, Président et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier présent lors du prononcé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [K] [F] a été salariée de la RATP à compter du 26 février 1990. Depuis le 15 juin 2009, elle appartenait à l'unité opérationnelle du département sécurité de la RATP qui comporte 28 sites d'attachement en [Localité 1] : 23 relais de sécurisation pour le réseau en surface et 5 pour le réseau ferré souterrain (dit KHEOPS). Elle avait été affectée au site KHEOPS de [Localité 2] où elle exerçait en 2013 une fonction de pilote responsable d'une équipe chargée d'assurer le contrôle et la sécurité des voyageurs.

Le 21 novembre 2013, la Caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la RATP a reçu une déclaration d'accident de travail établie le 18 novembre 2013 par Madame [F] elle-même mentionnant les éléments suivants :

- Date, heure et lieu: 16/11/2013 à 00h35 bureau des agents de maîtrise LAC à [Localité 2]

- Circonstances : 'suite au courrier qui m'a été remis ce jour par un agent de maîtrise à ma prise de service émanant de Monsieur [B] j'ai subi un choc psychologique en rapport à l'anticipation d'une visite médicale spontanée en rapport avec l'arrivée sur mon attachement actuel de Monsieur [R] avec qui j'ai eu un problème de harcèlement sexuel. En cours de service, choqué(sic) par cette décision, je me suis sentie mal et désire consulter'.

- nature des lésions : 'trouble psychologique'

Etait joint à cette déclaration, un certificat médical constatant 'choc psychologique', prescrivant un arrêt de travail qui a été prolongé sans interruption pour 'choc psychologique', 'stress lié à l'emploi', 'état dépressif sévère'... jusqu'au 14 octobre 2016 date à laquelle l'intéressée a été réformée de la RATP.

Après enquête , le 17 mars 2014 , la CCAS a informé Madame [F] du refus de prise en charge de sa pathologie au titre de la législation professionnelle.

Celle-ci a saisi la commission de recours amiable qui en raison d'un partage de voix a saisi le conseil d'administration de la CCAS qui, lors de sa séance du 18 septembre 2014 , a confirmé le refus de prise en charge.

Madame [F] a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui, par jugement du 5 novembre 2015, a débouté toutes les parties de leurs demandes.

Madame [F] fait soutenir oralement à l'audience par son conseil des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de reconnaître l'accident de travail et de condamner la CCAS de la RATP à la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'en mars 2013 , elle avait demandé un aménagement de son poste pour pouvoir mieux s'occuper de son père malade, que Monsieur [R] , son supérieur , lui avait refusé dans un premier temps ne supportant pas qu'elle s'en aille, qu'elle avait finalement obtenu le 28 mars 2013, une affectation à effet du 28 mai 2013 à [Localité 3] (plus proche de chez elle) et en grande nuit (lui laissant les journées libres et lui assurant un meilleur salaire).

Elle soutient par ailleurs que depuis décembre 2011, elle était justement victime d'un harcèlement sexuel de la part de Monsieur [R] mais qu'elle n'avait rien osé dire jusqu'au mois de mai 2013 où elle signalait les faits à la direction et portait plainte, que la direction lui avait affirmé le 8 juillet 2013 qu'elle ne serait pas affectée sur un poste dont Monsieur [R] aurait la responsabilité.

Elle fait valoir qu'elle avait bien reçu une nouvelle affectation à [Localité 4] mais que celle-ci avait été annulée par la décision du juge des référés suspendant la réorganisation des services de sécurité.

Elle prétend avoir subi un choc psychologique le 16 novembre 2013 lorsque l'agent de maîtrise lui a remis une lettre l'informant d'une part, que Monsieur [R], qu'elle avait accusé de harcèlement sexuel , allait être muté à la tête du département dans lequel elle travaillait alors que la direction s'était engagée à ce qu'ils ne soient plus en relation de travail et d'autre part, que son affectation à [Localité 3] pouvait être remise en cause alors qu'elle la pensait pérenne.

Elle conteste avoir eu antérieurement des difficultés psychologiques et estime que la direction a volontairement refusé d'enquêter sur sa plainte pour agression sexuelle et son accident.

La CCAS de la RATP fait soutenir par son conseil des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Madame [F] à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :

- le 12 mars 2013 (année où un projet de réforme était très contesté par les salariés), Madame [F] a demandé ,à titre de mise en place provisoire (MPP), un service en grande nuit ou en 4h45 pour l'aider à faire face à des difficultés personnelles familiales, qu'après un entretien avec son supérieur Monsieur [R], le 15 mars où la première proposition faite à l'intéressée allait entraîner des pleurs, un deuxième entretien avait lieu avec une nouvelle proposition d'affectation, que Madame [F] avait ainsi signé le document suivant: 'je soussignée [K] [F] sollicite une mise en place provisoire sur un poste du matin (4h45 à 12h45) au KHEOPS [Localité 3] à la suite d'un problème familial. La durée de ce poste est prévue pour trois mois à compter du 5 avril 2013. A la suite de cette période je m'engage à réintégrer mon poste d'origine au KHEOPS de [Localité 2]',

- en mai 2013, Madame [F] a signalé, par l'intermédiaire d'un représentant syndical, une situation de harcèlement sexuel par Monsieur [R] et une procédure d'enquête a été lancée. Elle était entendue le 19 juin 2013 puis déposait une plainte pénale le 3 juillet 2013, plainte que le Procureur classera sans suite le 10 septembre 2014 pour ''infraction insuffisamment caractérisée',

- le 24 mai 2013 , la salariée a rempli une fiche d'affectation en demandant en choix n°3 [Localité 4] . Elle était informée de son affectation le 28 juin 2013,

- le 16 novembre 2013, une lettre du service RH l'informait de la mutation de Monsieur [R] sur le site Kheops de [Localité 3] et de ce qu'un changement managérial allait placer Monsieur [R] en responsabilité du Kheops de [Localité 3] et que la médecine du travail était sollicitée pour se prononcer sur le maintien de l'aménagement dont elle disposait et qu'un rendez-vous était fixé.

Elle soutient que c'est à bon droit que la caisse n'a pas pris en charge l'accident déclaré parce que :

- Madame [F] ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel puisqu'elle était informée avant le 16 novembre tant de la mutation de Monsieur [R] à [Localité 3] que du caractère temporaire de son affectation dans le service qu'il allait diriger, que d'après le premier témoignage de Monsieur [N], l'agent de maîtrise qui lui a remis la lettre le 16 novembre, elle avait continué son travail,

- elle était déjà fragile psychologiquement notamment en raison de la maladie de son père qui avait justifié son affectation temporaire et qui devait décéder le 30 novembre 2013,

- le rapport du CHSCT qui mentionne que Madame [F] était bien en grande nuit pour des convenances personnelles et pour lui permettre de faire face à des difficultés financières, que c'est donc essentiellement des convenances personnelles qui ont motivé sa réaction à la confirmation d'un probable changement de poste.

MOTIFS

Aux termes de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée. Pour qu'un accident de travail soit constitué, il convient d'établir l'existence d'un ou plusieurs événements précis survenus à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle.

Il résulte de l'ensemble des pièces du dossier que Madame [F] était incontestablement fragilisée depuis plusieurs mois avant la date où elle a déclaré un accident de travail :

- elle s'était plainte d'un harcèlement sexuel qui n'a été établi ni par l'enquête interne, ni par l'enquête de police, et déclarait elle-même être perturbée par ces faits qu'ils soient réels ou non,

- elle avait demandé et obtenu un aménagement de poste pour pouvoir s'occuper de son père gravement malade et en fin de vie, qui est décédé deux semaines après la date des faits qu'elle qualifie d'accident,

- le compte-rendu de l'entretien du 15 mars 2013 suite à sa demande de changement de poste relevait déjà, sept mois avant le prétendu accident, qu'elle avait 'des préoccupations, des problèmes' et qu'elle avait pleuré en apprenant le rejet, dans un premier temps, de sa demande de mutation, compte-rendu qu'elle a signé et dont elle a accusé réception et dont elle est la seule à prétendre qu'il ne lui avait pas été remis,

- d'après le compte-tendu d'un deuxième entretien le 28 mars 2013 à l'issue duquel lui était notifiée l'affectation provisoire qu'elle avait sollicitée, il était précisé que celle-ci avait été faite pour 'aider, soutenir et accompagner Madame [F]...', termes qui suffisent à établir qu 'elle avait donc besoin d'aide, soutien, accompagnement.

Madame [F] soutient que c'est la réception le 16 novembre 2013 d'un courrier lui annonçant la mutation de Monsieur [R], qu'elle accusait de harcèlement, sur le site où elle-même travaillait qui a déclenché un choc psychologique et une dépression de plusieurs années qui amènera à la fin de son travail à la RATP.

Or, il résulte des pièces du dossier et notamment de l'audition devant les services de police de Madame [F] en juillet 2013, soit quatre mois avant les faits, lors de l'enquête sur les faits d'agression sexuelle :

- d'une part, qu'elle n'ignorait pas le caractère temporaire de son affectation puisqu'elle indiquait aux policiers: 'j'ai été déplacée pour une durée de trois mois', qu'elle avait d'ailleurs elle-même signé un document en mai 2013 dans lequel elle reconnaissait qu'elle devrait réintégrer son poste, qu'elle avait été informée d'une nouvelle affectation qui, malgré la suspension du nouveau projet de aménagement de KHOPS, pouvait se faire et qu'en outre la lettre reçue précisait sans ambiguïté que la médecine du travail se prononcerait sur le maintien de l'aménagement de poste en tenant compte du fait que 'le changement managérial à venir placera Monsieur [R] en responsabilité du KHEOPS de Paris '

- que Monsieur [R] devait être muté sur [Localité 3] puisqu'elle avait déclaré elle-même aux policiers 'il va avoir une grosse promotion sur [Localité 3]', le changement de poste de ce dernier devant intervenir le 1er décembre, le rendez-vous prévu avec la médecine du travail permettait de trouver une solution lui permettant de ne pas être dans son service.

La remise de cette lettre n'a pas entraîné de lésions visibles . Dans sa première déclaration spontanée, le responsable qui lui avait remis la lettre avait indiqué que Madame [F] avait continué à travailler et était revenue ensuite pour demander à partir. Il notait seulement qu'elle avait envie de pleurer et qu'elle déclarait elle-même être mal psychologiquement et souhaitait aller aux urgences de l'hôpital mais qu'elle pensait être en état de conduire.

La réception, par Madame [F], qui avait déjà des difficultés psychologiques importantes, d'un courrier contenant seulement des informations déjà connues de la salariée en rappelant le souci qu'avait la direction de ne pas la laisser sous la direction de Monsieur [R], n'entraînant aucun choc ou réaction visible immédiatement, ne peut être considéré comme un fait accidentel même s'il a certainement contrarié la salariée qui espérait rester sur son poste à [Localité 3] mais ne pouvait exiger de l'employeur qu'il ne choisisse pas, comme directeur de ce site, la personne qu'il estimait compétente, dans le seul but de la protéger.

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'enquête diligentée par le CHSCT fait état d'un manque de motivation de la salariée pour les nouvelles conditions de travail qui lui étaient proposées . En outre, des convenances personnelles et une situation familiale difficile expliquent ses difficultés et son arrêt de travail et non un choc psychologique causé par la remise d'une lettre de la direction qui n'annonçait rien de nouveau pour elle et n'entraînait aucun changement immédiat ou une rencontre avec une personne qu'elle accusait de faits graves.

C'est donc à bon droit que le Tribunal des affaires de sécurité sociale, a confirmé la décision de la CCAS de ne pas prendre en charge sa dépression au titre d'accident du travail.

L'équité commande d'accorder au CCAS de la RATP la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement entrepris ,

Y AJOUTANT ,

Condamne Madame [F] à payer au CCAS de la RATP la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R.144-10 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10e du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3 et condamne Madame [F] au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 326,90 €.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/12290
Date de la décision : 04/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/12290 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-04;15.12290 ?
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