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03/05/2017 | FRANCE | N°15/08622

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 03 mai 2017, 15/08622


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 03 Mai 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08622



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section encadrement - RG n° 13/00519



APPELANT



Monsieur [N] [E] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

comparant e

n personne, assisté de Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX



INTIMÉS



HOPITAL [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : [Localité 3]

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 03 Mai 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08622

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section encadrement - RG n° 13/00519

APPELANT

Monsieur [N] [E] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉS

HOPITAL [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : [Localité 3]

représentée par Me Véronique MARTIN BOZZI, avocat au barreau de PARIS,L0305 substitué par Me Caroline PUELLE, avocat au barreau de PARIS

Me [B] [E] - Commissaire à l'exécution du plan de l'HOPITAL [Localité 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparant, ni représenté

Me [V] [I] (SELARL [P] [I]) - Administrateur judiciaire de l'HOPITAL [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 6]

non comparant, ni représenté

Association AGS CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Claude Marc BENOIST, avocat au barreau de PARIS, C1953 substitué par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [F] a été engagé par le centre médical [Localité 3], pour une durée indéterminée à compter du premier mars 2000, en qualité de chef des services économiques, coefficient de 716. La relation de travail est régie par la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation à but non lucratif du 31 octobre 1951.

La société emploie plus de dix salariés à la date de la rupture.

Par jugement du 16 mars 2012, le tribunal de grande instance de Melun a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, Maître [I] étant désigné administrateur, et Maître [V] mandataire judiciaire, avec une période d'observation initiale de six mois prolongée à deux reprises.

Par jugement du 30 avril 2013, le tribunal de grande instance de Melun a mis fin à la période d'observation et a arrêté le plan de continuation présenté par l'association en désignant Maître [E] commissaire à l'exécution du plan.

M. [F] a conclu une convention de rupture conventionnelle le 23 octobre 2012 mettant fin au contrat au 30 novembre 2012.

Il percevait un salaire mensuel brut moyen de 8 968,98€.

Le 14 mai 2013, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun. Il a formé des demandes en rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, en congés payés compensateurs et congés payés afférents, en dommages et intérêts pour violation du droit au repos, en dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale et production de divers documents, outre intérêts, capitalisation des intérêts et exécution provisoire.

Par jugement du 16 juillet 2015 notifié le 3 août 2015, le conseil de prud'hommes de Melun a :

- condamné L'hôpital [Localité 3] à payer à M. [F] les sommes suivantes :

48 855,79€ à titre de repos compensateur,

4 885,57€ au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal et capitalisation,

1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

35€ au titre du timbre fiscal,

- débouté M. [F] du surplus de ses demandes

- mis hors de cause Maître [E], commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, Maître [I], administrateur judiciaire, et le CGEA IDF EST

- condamné L'hôpital [Localité 3] aux dépens.

M. [F] a interjeté appel de cette décision le 1er septembre 2015.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 25 janvier 2017, M. [F] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- avant dire droit, ordonner la remise sous astreinte des éléments demandés dans la sommation de communiquer

des bulletins de paie de Mme [U] [G] et Mme [F] [D],

des plannings des gardes depuis 2008,

- condamner L'hôpital [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes :

58 860,62€ à titre de rappel d'heures supplémentaires,

5 886,06€ au titre des congés payés afférents,

260 155,51€ au titre du repos compensateur,

26 015,55€ au titre des congés payés afférents,

10 000€ au titre de la violation du droit au repos,

120 000€ au titre d'un rappel de salaires pour discrimination et 12 000 € de congés payés afférents (demande nouvelle),

3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil jusqu'au jugement de procédure collective sur les demandes relatives aux rappels de salaire, capitalisation des intérêts et majoration selon l'article L313-3 du code monétaire et financier

- ordonner la remise des documents suivants :

attestation pôle emploi comprenant les rappels

bulletins de salaire rectifiés correspondant aux demandes

sous astreinte de 20€ par jour et par document

- dire l'arrêt opposable à l'AGS IDF le cas échéant,

- laisser les dépens à la charge des intimés, y compris les frais et honoraires de recouvrement par voie d'huissier de justice ainsi que les 35€ de timbres fiscaux.

L'hôpital [Localité 3] reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement, et en conséquence :

- le rejet des demandes de M. [F] au titre des rappels d'heures supplémentaires,

- la limitation du droit à repos compensateur du salarié sur le années 2008/2012 à la somme maximale de 48 855,79€ outre 4 885,58€ au titre des congés payés afférents,

- la constatation que M. [F] n'apporte aucun élément susceptible de caractériser une discrimination,

- le rejet de la demande de dommages et intérêts, dont au surplus il sera relevé qu'elle est non chiffrée,

- le rejet de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de M. [F] à lui payer une somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [E] régulièrement convoqué en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan a fait savoir par lettre du 14 septembre 2015 qu'il n'avait pas qualité à intervenir à la présente instance.

Maître [V] [I], quoique régulièrement convoqué par lettre recommandée présentée le 19 février 2016, n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter.

L'AGS CGEA IDF EST, quoique régulièrement convoqué par lettre recommandée présentée le 28 octobre 2015, n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de production de documents sous astreinte

M. [F] sollicite la production sous astreinte des bulletins de salaire de Mme [U] [G] et Mme [F] [D] ainsi que des plannings des gardes depuis 2008, éléments figurant dans la sommation de communiquer, faisant valoir que l'employeur a refusé de communiquer les éléments demandés, qu'il convient de solliciter ces éléments, alors qu'il appartient au salarié en matière de discrimination d'établir les éléments de faits laissant supposer l'existence de cette discrimination, que ces éléments sont nécessaires à la protection de ses droits et que seul l'employeur dispose des informations relatives aux rémunérations versées.

L'hôpital [Localité 3] fait valoir que l'employeur n'est pas autorisé à communiquer à un salarié tiers des bulletins de paie de ses collègues de travail identifiés, s'agissant de données confidentielles et personnelles. L'hôpital [Localité 3] conclut qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de déférer à la sommation de communiquer sans se rendre coupable d'une violation de la vie privée des salariés concernés ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes.

En application des dispositions de l'article 142 du code de procédure civile, la cour a un pouvoir discrétionnaire d'ordonner ou non la production d'un élément de preuve détenu par une partie.

En l'espèce, la cour s'estime suffisamment informée pour statuer sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la communication sous astreinte des éléments demandés. Il y a donc lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de communication de pièces sous astreinte.

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2012

Aux termes de l'article L 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [F] sollicite le paiement de 1944,52 heures du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2012, réparties comme suit :

31,33 heures par mois de janvier à novembre 2008,

19,33 heures en décembre 2008,

39,81 heures en janvier 2009,

30,16 heures en février 2009,

44,67 heures en mars 2009,

79,35 heures par mois d'avril à novembre 2009,

29,33 heures en décembre 2009,

34,5 heures par mois de janvier à mars 2010,

42 heures par mois d'avril à novembre 2010,

5,25 heures en décembre 2010,

31 heures par mois sur onze mois en 2011,

39 heures en 2011,

31 heures par mois sur onze mois en 2012 ;

M. [F] demande l'application d'un taux horaire de 30,27€, soit un rappel d'un montant total de 58 860,62€, outre 10% au titre des congés payés afférents.

M. [F] fait valoir que le principe de continuité ne se limite pas à la permanence des soins et qu'en raison de la complexité et de l'activité constante de l'hôpital, une présence continue de la direction est requise, que les missions de l'administrateur de garde sont étendues mais ne sont pas réglementées, que durant une garde, l'administrateur intervient fréquemment, qu'il faisait partie des cinq puis trois administrateurs de garde. M. [F] réfute le moyen selon lequel il s'agissait d'astreintes puisqu'il avait interdiction de sortir de l'établissement et obligation d'intervenir sans délai lors d'une alarme incendie. M. [F] précise qu'il avait la mission prioritaire de protection des biens et des personnes ainsi que la permanence de direction dans l'établissement, que l'employeur a menti sur la nature des services rendus et du travail réalisé. M. [F] indique qu'il a eu à sa disposition un studio de garde, spartiate et utilisable uniquement pendant les gardes, qui n'était pas un logement de fonction contrairement aux allégations adverses. M. [F] conclut à l'absence de difficultés financières, alors que le centre a été repris à moindre coût et possède des actifs notamment immobiliers conséquents. M. [F] expose qu'il a dénoncé le solde de tout compte, qu'il a effectué de nombreuses heures liées aux gardes effectuées dans l'établissement, que les heures de garde sont payées comme du temps de travail effectif et que le paiement des gardes n'est pas conforme à la réglementation et est incomplet.

M. [F] produit un tableau récapitulatif des journées de vingt quatre heures pour lesquelles il considère avoir réalisé des gardes sur les cinq dernières années, montrant des permanences de 1 à 14 jours, de 7 jours en général, mois par mois, ainsi que des heures supplémentaires prises en compte dans les bulletins de paie mois par mois et une lettre de demande de régularisation en date du 30 avril 2013.

L'hôpital [Localité 3] conteste le fait que le salarié effectuait des gardes, affirmant qu'il s'agissait d'astreintes. L'hôpital [Localité 3] soutient que l'astreinte peut être réalisée dans le logement mis à disposition par l'employeur, que les périodes d'astreinte ne sont pas constitutives d'un temps de travail effectif à l'exception des temps d'intervention, que les périodes d'astreinte ne rentrent pas dans le décompte de la durée du travail pour l'application de la réglementation des heures supplémentaires. L'hôpital [Localité 3] précise que la notion d'astreinte recouvre une période pendant laquelle le salarié peut vaquer librement à ses occupations personnelles mais doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'employeur, qu'il n'est donc pas à disposition immédiate et permanente de son employeur, que les conditions dans lesquelles M. [F] a effectué ses gardes répondent bien à la notion d'astreinte, notamment au vu de son contrat de travail et de la fiche de poste. L'hôpital [Localité 3] soutient que les périodes d'astreinte et les interventions de M. [F] pendant les astreintes ont été largement rémunérées sur la base d'un système de rémunération forfaitaire des astreintes et des interventions, et que les périodes d'astreinte de M. [F] ont été partiellement compensées par la mise à disposition gratuite d'un logement de fonction, alors que les dispositions de la convention collectives relatives aux astreintes à domicile ne sont pas applicables aux cadres administratifs d'un coefficient au moins égal à 715 et que les dispositions de l'accord de branche du 25 avril 2005 doivent trouver application.

Lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, cette période est du temps de travail effectif, indépendamment de la dénomination d'astreinte retenue par les parties.

La lettre de mission de M. [F] comporte à titre de mission générale une participation aux 'astreintes'.

Le contrat de travail de M. [F] stipule que'il est 'astreint à des heures de permanence à domicile dans l'établissement dont la durée totale ne dépassera pas 10 jours par mois, sauf nécessité de service exceptionnelle', suivant tableau de service mensuel, et rémunération 'conformément aux dispositions de l'article 5.07.1.3 de la convention collective'.

L'hôpital [Localité 3] produit une note destinée aux collaborateurs précisant le régime d'astreinte appliquée au sein de l'établissement, qui est en date du 24 février 2014, soit postérieure à la rupture du contrat de travail de M. [F] et qui retient l'application d'un régime d'astreinte au cas litigieux.

Il y a lieu de constater que le local de garde mis à disposition de l'administrateur de permanence par l'employeur ne constitue pas un logement de fonction personnel, alors qu'il est attribué pendant les permanences uniquement à différents salariés.

L'analyse des pièces montre que M. [F] devait se trouver, pendant les permanences qu'il devait assurer entre une fois toutes les cinq semaines et une fois toutes les trois semaines en moyenne, selon le nombre d'administrateurs en poste, pour une durée en général d'une semaine d'affilée, au sein de l'établissement, et qu'était mis à sa disposition un local de garde prévu à cet effet, qu'il ne pouvait retourner à son domicile situé à environ six kilomètres du centre.

Il s'en déduit que M. [F] ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles, qu'il devait être accessible en permanence et disponible à tout moment, et que le temps de permanence doit être considéré comme du temps de travail effectif, et le cas échéant, doit être rémunéré comme heures supplémentaires, même si M. [F] était autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services n'étaient pas sollicités.

L'employeur ne produit pas d'éléments contredisant utilement le nombre d'heures sollicitées, alors que le taux horaire revendiqué correspond à celui appliqué aux derniers bulletins de paie de M. [F]. Les heures étant qualifiées de temps de travail effectif et la qualification d'astreinte n'étant pas retenue, il n'y a pas lieu de faire application de l'accord de branche relatif aux cadres d'un coefficient au moins égal à 715.

Au vu de ces éléments et après analyse des pièces de chacune des parties, la cour a la conviction que l'intégralité des heures supplémentaires réclamées par M. [F] sont dues. Il convient de souligner que M. [F] a déduit la rémunération considérée comme heures supplémentaires par l'employeur au titre de la 'permanence' aux bulletins de paie de ses demandes.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [F] de ses demandes formulées à ce titre, et de condamner L'hôpital [Localité 3] à payer à M. [F] les sommes de :

58 860,62 à titre de rappel d'heures supplémentaires,

5 886,06€ au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre du repos compensateur

Aux termes de l'article D3121-14-1, le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.

Le premier alinéa ne s'applique pas aux salariés mentionnés à l'article L3121-42 qui ont conclu une convention de forfait en heures sur l'année.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés y afférents.

M. [F] expose qu'il n'a pas bénéficié de son droit à repos compensateur et n'en a pas été informé. M. [F] soutient que le contingent annuel d'heures supplémentaires est de 220 heures conformément au décret à l'article D3121-14-1 du code du travail, à défaut de fixation par accord collectif, qu'il a effectué des heures supplémentaires dépassant largement ce contingent, lesquelles ouvrent droit à une contrepartie en repos d'une durée de 100%, les effectifs étant supérieurs à 20 salariés.

M. [F] sollicite le paiement de 8 594,50 heures de janvier 2008 au 30 novembre 2012 calculée sur la base du décompte suivant :

en 2008 : 1363,54 + 363,96 - 220 = 1 507,5 heures,

en 2009 : 1525,23+778,77-220 = 2 084 heures,

en 2010: 1 859,25+444,75 - 220 = 2 084 heures,

en 2011 : 1 396 + 380 - 220 = 1 556 heures,

en 2012 : 1 243 + 341 - 220 = 1 363 heures.

L'hôpital [Localité 3] ne conteste pas qu'aucun repos compensateur n'a été octroyé à M. [F], mais s'oppose au nombre d'heures supplémentaires sollicitées, sur la base d'un nombre d'interventions effectuées pendant les périodes d'astreinte tel que retenu par le conseil de prud'hommes, soit :

en 2008 : 295 heures,

en 2009 : 362 heures,

en 2010 : 395 heures,

en 2011 : 323 heures,

en 2012 : 239 heures.

Toutefois, la qualification d'astreinte doit être écartée, alors que les heures effectuées pendant les permanences constituent en intégralité du temps de travail effectif.

Les heures sollicitées sont constituées des heures supplémentaires déjà payées aux bulletins de paie au titre des permanences, ainsi que des heures supplémentaires effectuées durant ces heures de permanence et non encore réglées conformément à l'analyse qui précède après déduction du contingent annuel de 220 heures défini au décret qui trouve application à défaut de fixation par accord collectif.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande, d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ce point, et de condamner L'hôpital [Localité 3] à payer à M. [F] les sommes suivantes :

8 594,50 heures x 30,27€ = 260 155,51€ au titre du repos compensateur

26 015,55€ au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du droit au repos

M. [F] expose que l'employeur a violé les dispositions légales relatives au droit au repos et a mis en danger la santé de son salarié, alors qu'il a dépassé la durée maximale de travail de 44 heures sur chaque période de 12 semaines, et que des heures n'ont pas été comptabilisées par l'employeur, pour une moyenne de 32,4 heures par mois. M. [F] soutient qu'il a subi un préjudice en raison de l'atteinte à sa vie personnelle et familiale, et sollicite l'allocation de dommages et intérêts en réparation à hauteur de 10 000€.

Au vu des pièces versées aux débats, la violation par l'employeur des dispositions relatives au droit au repos et le dépassement de la durée légale maximale de travail sur chaque période de 12 semaines est avérée.

M. [F] justifie avoir perdu des heures pour sa vie personnelle et familiale. Ce préjudice distinct des sommes allouées au titre des repos compensateurs doit être indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1 500€. Il convient donc d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point et de condamner L'hôpital [Localité 3] à payer à M. [F] la somme de 1 500€ en réparation de la violation par l'employeur du droit au repos.

Sur la demande nouvelle de rappel de salaires pour discrimination

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L 1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte des dispositions de l'article L 3221-2 du code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de traitement entre salariés lorsqu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

M. [F] indique qu'il reçoit une rémunération moindre que ses collègues effectuant un même travail, qu'après son embauche au coefficient 600, il est passé au coefficient 716 en 2004 en application de la rénovation de la convention collective, sans incidence pratiquement sur le montant de sa rémunération. Il produit des éléments de comparaison avec M. [T], chef des services techniques qui a bénéficié d'un logement de fonction.

Il fait valoir qu'au départ de ce dernier, Mme [G], directeur administratif et financier a bénéficié de ce logement de fonction. Il indique que les différences de traitement étaient bien plus importantes avec Mme [G] et Mme [D], deux autres administrateurs. Il précise que le système de rémunération forfaitaire des astreintes et des interventions revendiqué par l'employeur n'a pas fait l'objet d'un accord avec le personnel concerné ni avec les partenaires sociaux.

L'hôpital [Localité 3] fait valoir que M. [F] se contente d'affirmer qu'il aurait été victime d'une discrimination sans apporter de commencement de preuve, attestation ou pièce, en ce sens. L'hôpital [Localité 3] indique que le salarié ne justifie pas des conditions dans lesquelles il a eu connaissance de l'avis d'impôt de Mme [G], dont il n'est pas contesté que son niveau de rémunération est plus élevé au vu de ses responsabilités et de son ancienneté. L'hôpital [Localité 3] précise que l'unique élément produit au soutien de la comparaison avec M. [T] est insuffisant.

En l'espèce, la demande de M. [F] de voir condamner son employeur à lui payer des dommages et intérêts outre congés payés afférents est fondée sur une discrimination en matière de rémunération, elle doit donc s'interpréter comme une demande fondée en réalité sur une inégalité de traitement.

M. [F] invoque une différence de traitement avec Mme [G], et fait valoir qu'il a procédé à une consultation de ses impositions sur le revenu auprès de la direction générale des finances publiques, sans en préciser le cadre juridique précis. Il ne produit pas de justificatif des revenus de Mme [G] aux débats, mentionnant simplement que celle-ci percevait un salaire supérieur.

L'hôpital [Localité 3] reconnaît que Mme [G] a une rémunération plus élevée que M. [F], et fait valoir à juste titre que Mme [G] est entrée en 1967, soit de nombreuses années avant M. [F], qu'elle a en outre un statut de cadre dirigeant en sa qualité de directrice adjointe administrative et financier, occupant un emploi distinct de M. [F] et dans un autre service.

Il s'en déduit que M. [F] ne rapporte pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité invoquée avec Mme [G], en l'absence de communication des éléments de sa rémunération et d'éléments montrant qu'elle effectuait un travail de valeur égale.

M. [F] fait valoir qu'il perçoit un salaire de base de 800 euros mensuel inférieur à celui de M. [T], sans compter les avantages, et de 1 843,76€ brut en moyenne alors qu'il a été embauché au même coefficient que M. [T]. Il produit les bulletins de paie de M. [T] du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. Il ajoute que M. [T] a un avantage en nature logement de fonction, pavillon situé dans le parc de l'hôpital, qu'il reçoit une indemnité d'astreinte et une indemnité de permanence représentant 73% de la sienne.

L'hôpital [Localité 3] soutient que l'unique élément produit est insuffisant pour laisser supposer l'existence d'une discrimination.

M. [F] déclare qu'il a été embauché concomitamment à M. [T] et au même coefficient, cependant il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 juin 2013, que M. [T] a été engagé le 2 mars 1998 alors que M. [F] a été embauché le premier mars 2000, soit deux ans plus tard, que l'ancienneté n'est pas la même.

M. [F] produit effectivement des bulletins de paie de M. [T], directeur des services techniques, coefficient 881, montrant un salaire mensuel net imposable moyen de 8 633 € en 2009 alors que lui-même en qualité de chef des services économiques, coefficient 716, a perçu un salaire mensuel net imposable moyen de 7 301€ en 2009.

Cependant, M. [F] ne démontre pas que M. [T] a des responsabilités et des charges physiques et nerveuses équivalentes aux siennes, que les travaux assumés par M. [T] sont de valeur égale aux siens, alors que les deux salariés sont affectés dans des services différents et occupent des emplois distincts.

En outre, une part de l'écart de rémunération provient de l'avantage en nature relatif au logement de fonction à hauteur de 340,16€ par mois, ce que ne conteste pas M. [F] dans son principe : 'ce qui est normal'.

Une autre part de l'écart à hauteur de 150€ par mois environ résulte de la différence du taux de majoration ancienneté de 22% pour M. [F] à 26% pour M. [T] et s'explique par la différence d'ancienneté entre les deux salariés.

Au vu de ces éléments, M. [F] ne rapporte pas d'éléments de faits susceptibles de caractériser l'inégalité invoquée avec M. [T].

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de débouter M. [F] de sa demande de rappel de salaires pour discrimination.

Sur la demande de remise de documents

Il convient d'ordonner la remise de bulletins de salaire de L'hôpital [Localité 3] à M. [F], ainsi que d'une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les autres demandes

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Il convient de confirmer la décision faisant droit à la demande de capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Le taux de l'intérêt légal étant majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, en vertu de l'article L313-3 du code monétaire et financier, il n'y a pas lieu d'ordonner d'ores et déjà cette majoration.

L'hôpital [Localité 3] succombant à la présente instance, en supportera les dépens, comprenant les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice le cas échéant, ainsi que les 35€ de timbre fiscal. Il convient de condamner L'hôpital [Localité 3] à payer à M. [F] une indemnité complémentaire destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [N] [F] de remise d'éléments sous astreinte, ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE l'association centre médical [Localité 3] à payer à M. [N] [F] les sommes de :

58 860,62 à titre de rappel d'heures supplémentaires,

5 886,06€ au titre des congés payés afférents,

260 155,51€ au titre du repos compensateur,

26 015,55€ au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

1 500€ à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation par l'employeur du droit au repos, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

DÉBOUTE M. [N] [F] de sa demande en paiement d'un rappel de salaires et congés payés afférents pour discrimination ;

ORDONNE à l'association centre médical [Localité 3] de remettre à M. [N] [F] des bulletins de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE l'association centre médical [Localité 3] à payer à M. [N] [F] la somme de 2 500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association centre médical [Localité 3] aux dépens d'appel comprenant les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice le cas échéant, ainsi que les 35€ de timbre fiscal

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/08622
Date de la décision : 03/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/08622 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-03;15.08622 ?
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