La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2017 | FRANCE | N°15/00669

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 avril 2017, 15/00669


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 avril 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00669



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° 12/00558





APPELANT

Monsieur [C] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Sophie BOURETZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0812





INTIMEE

SAS SOCIETE SVP

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Karine MIGNON-L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 avril 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00669

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section RG n° 12/00558

APPELANT

Monsieur [C] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Sophie BOURETZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0812

INTIMEE

SAS SOCIETE SVP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Karine MIGNON-LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0111,

représentée par Mme [B] [S] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente, et par Madame Aurélie VARGAS, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [C] [R], a été engagé par la société SVP, selon contrat de travail à durée indéterminée du 24 janvier 2000, en dernier lieu en qualité de consultant expérimenté.

Il a été élu délégué du personnel en juin 2006.

La convention collective des bureaux d'étude techniques et des cabinets d'ingénieurs conseils est applicable ; la société SVP emploie plus de 11 salariés.

Estimant être victime d'une discrimination salariale et sollicitant la résiliation de son contrat de travail, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 10/02/2012 ;

Par jugement du 16/12/2014, la formation de départage a :

Condamné la société SVP à payer à M. [C] [R] les sommes suivantes :

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour non 'respect du droit d'expression,

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour l'illégalité des méthodes de contrôle du salarié,

- 1.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que les créances de nature salariale portent intérêt au taux légal à compte de la date de réception par la société défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 23/07/2012, et le créances indemnitaires à compter du jugement ;

Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil ;

Débouté M. [C] [R] du surplus de ses demandes ;

Débouté la société SVP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société SVP aux dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Le jugement a été notifié le 8 janvier 2015 et M. [C] [R] en a formé appel le 15 janvier 2015 ;

L'affaire est venue devant la cour le 15 décembre 2016 ;

A cette date, les parties ont soutenu leurs conclusions respectives, telles que visées par le greffier d'audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leur prétentions et moyens, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

M. [C] [R] demande à la cour de :

- confirmer les condamnations prononcées à l'encontre de la société SVP ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [R] aux torts de la société SVP

- dire et juger que cette résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société SVP à payer à M. [C] [R] les sommes suivantes :

*rappel de salaires (primes d'ancienneté comprises) sur le fondement du principe « A travail égal, salaire égal » : 214.302,36 €

*rappel de salaire au titre du 13ème mois conventionnel : 20.773,22€ (13.583,52 € en l'absence de révision du salaire)

*rappel d'heures supplémentaires : 8.646,69 € et congés payés afférents 864,66€ ;

*rappel de salaire au titre de la prévoyance : 7.612,54 € et congés payés afférents 761,25 € ;

*dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50.000 € ;

- dommages et intérêts pour violation de la règle « A travail égal, salaire égal » :40.000 € ;

- dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 40.000 € ;

- dommages et intérêts au titre de l'illégalité des méthodes et techniques de contrôle de M. [C] [R] : 30.000 € ;

- dommages et intérêts pour modification du contrat de travail en ce qui concerne la durée hebdomadaire de travail : 2.606,70 € ;

- dommages et intérêts pour travail dissimulé : 30.571,92 € (22.302,06 € en l'absence de révision du salaire)

- dommages et intérêts pour refus de la société SVP d'appliquer un accord sur le droit d'expression : 10.000 € ;

- dommages et intérêts pour licenciement nul, et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse : 120.000 € ;

- indemnité de licenciement : 19.616,98 € (14.310,48 € en l'absence de révision du salaire)

- indemnité compensatrice de préavis : 10.190,64 € (7.434,02 € en l'absence de révision du salaire) et congés payés afférents : 1.091,06 € (743,40 € en l'absence de révision du salaire).

- indemnité compensatrice de congés payés : 8.884,59 €

- Ordonner à la société SVP de justifier à M. [C] [R] de ce qu'elle a procédé à l'effacement de toutes les données le concernant et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

- Ordonner à la société SVP d'ajouter la fonction de juriste sur le certificat de travail ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

- condamner la société SVP à payer à M. [C] [R] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SVP demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 16 décembre 2014, seulement en ce qu'il l'a condamnée à payer des sommes à M. [C] [R] ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

En tout état de cause,

- débouter M. [C] [R] de l'intégralité de ses demandes et conclusions ;

- condamner M. [C] [R] à la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [C] [R] aux entiers dépens.

SUR CE LA COUR :

Sur les griefs formulés par M. [C] [R] à l'encontre de la société SVP :

- sur le coefficient d'embauche du salarié :

Le salarié fait valoir qu'au moment de son embauche, il avait 34 ans et justifiait d'une pratique professionnelle de 6 ans et demi et estime qu'en application de la convention SYNTEC, il aurait dû être embauché au coefficient 110. Il se plaint donc d'avoir été embauché a coefficient 95 et de ne pas être passé au coefficient 110 au bout de deux ans, soit en 2002 ; il ajoute qu'il est en dernier lieu au coefficient 150 alors qu'il pourrait prétendre au coefficient 170.

L'employeur s'oppose à cette demande au motif qu'avant son entrée dans la société M. [C] [R] n'avait jamais exercé les fonctions de consultant ni de cadre et qu'il avait exercé pour l'essentiel des fonctions de comptable et technico-commercial dont il n'a d'ailleurs jamais justifié par des certificats de travail ;

Au vu du CV de M. [C] [R] qui se présente comme consultant junior mécanique (pièce 3 de l'employeur) et du fait qu'il ne justifie pas avoir exercé de fonctions de cadre auparavant, la cour retient que c'est à bon droit que l'employeur l'a engagé au coefficient 95 de la convention collective, correspondant aux collaborateurs débutants assimilés à des cadres techniques ou administratifs ;

- Sur le refus d'avancement allégué par M. [C] [R] :

Le salarié fait valoir que la société l'a maintenu au coefficient 95 jusqu'en janvier 2006 pendant 6 ans, alors qu'il aurait dû passer au coefficient 110 au bout de 2 ans, soit en 2002 et qu'en dernier lieu il est positionné au coefficient 150 correspondant aux « ingénieurs et cadres ayant au moins 6 ans d'ancienneté » mais que compte tenu de son ancienneté cumulée, il peut prétendre au coefficient de 170 défini comme « ingénieur ou cadre sans responsabilité complète placés sous les ordres d'un chef de service ». Il estime le coefficient de 170 d'autant plus fondé qu'il faisait le même travail que les salariés de ce coefficient et qu'il a réclamé ce coefficient en 2008 et 2009 lors de ses entretiens dévaluation (cf. pièce adverse 2 et sa pièce 52).

La société s'oppose à cette demande faisant valoir que M. [C] [R] a été augmenté très régulièrement ; qu'il ne fait pas le même travail avec les mêmes responsabilités que les salariés au coefficient de 170, qu'il ne fournit pas aux clients de la société des informations juridiques ou fiscales mais des information pratiques dans le domaine de la mécanique ; que les consultants de son service mieux rémunérés que lui ont plus d'expérience et effectuent en plus de leurs fonctions des travaux spécifiques (pièce 9 tableau comparatif). SVP ajoute que M. [C] [R] ne possède aucun diplôme supérieur dans son activité et que son supérieur hiérarchique lui avait déjà indiqué qu'il ne remplissait pas les conditions requises pour passer au coefficient 170 (cf. pièce 15 extrait de la convention collective Syntec et pièce 2 fiches d'entretien annuel 2008-2010).

La cour relève que les entretiens d'évaluation de 2009 et 2010 comportent des réserves, indiquant qu'il n'y a pas eu de proposition de produits écrits, que le relationnel est à améliorer en interne, que le travail d'équipe est à améliorer dans le domaine électro, qu'il convient de veiller à une nette amélioration des réponses écrites (orthographe et rédaction) ; de plus la cour observe que M. [C] [R] ne justifie d'aucun travail spécifique en dehors de l'exercice de son activité de réponse aux client de SVP et ne justifie pas non plus d'un diplôme supérieur dans son activité de mécanique de sorte que la société SVP peut lui refuser le coefficient 170.

En outre M. [C] [R] ne conteste pas avoir bénéficié d'augmentations successives en avril, septembre 2007, mars et septembre 2008, mars et septembre 2009, mars et septembre 2010, mars et septembre 2011, de sorte qu'il est mal fondé à se plaindre d'un préjudice.

Sur le harcèlement moral allégué :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [C] [R] fait valoir qu'au sein de l'entreprise SVP, il a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral et que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi et de sécurité à raisons des éléments suivants :

- deux salariés ont fait courir la rumeur que les arrêts de travail de M. [C] [R] trouvaient leur cause dans le fait qu'il était atteint du VIH et homosexuel et la direction bien qu'informée n'a pas réagi de telle sorte que compte tenu du climat délétère, M. [C] [R] a dû être placé en arrêt de travail pendant de plusieurs mois.

- suite à une réorganisation du département RDC où il travaillait et au transfert de l'activité « Electro » au département « Méca », il a été imposé à M. [C] [R] de répondre aux questions dans le domaine « Electro », alors que la société ne l'a pas fait bénéficié de documentation ni de formation et ce changement a entrainé pour lui une charge de travail supplémentaire ; il estime que ce changement s'analyse en une modification de son contrat de travail et à tout le moins en un changement de ses conditions de travail alors qu'il était un salarié protégé ; ce changement de fonction, intervenu sans consultation préalable du comité d'entreprise et dans des conditions de nature à déstabiliser les salariés, a eu pour conséquence de dévaluer son travail ; de plus, il a eu à faire face à un dénigrement permanent et aux pressions de son supérieur hiérarchique M. [Y] et à celles de M. [U] (pièce 29). Bien qu'il ait dénoncé cette situation (pièces 53) la société n'a pas cherché à résoudre le problème ; pour les questions dans le domaine électro il devait toujours obtenir l'accord exprès de son supérieur pour répondre, il estime qu'il s'agit d'une procédure discriminatoire qui a contribué à le décrédibiliser aux yeux du service (pièces 23 et 28) ; en outre, il a été isolé au sein du service car il n'était pas convié aux réunions (23 et 29) et par le fait qu'il a été placé seul dans le bureau du service « droit public/collectivités » bureau séparé par une cloison opaque du service ID/RDC (pièce 27).

M. [C] [R] ajoute avoir subi un refus injustifié de formation, alors qu'il était inscrit et avait participé au premier jour d'une formation, l'organisme lui a appris que sa participation avait été annulée par la société SVP ; ce refus, décidé par son manager, à l'origine du harcèlement (pièce 29 page 5), avait été notifié sur sa messagerie professionnelle mais du fait de son arrêt maladie, il n'avait pu en prendre connaissance ; suite à ce refus il a été placé le lendemain en arrêt de travail « pour état dépressif sévère ». M. [C] [R] fait valoir que le fait que la CPAM et le TASS ait refusé de prendre en charge cet accident du travail ne lie pas le juge prud'homal.

Enfin M. [C] [R] souligne que suite à la déclaration d'accident du travail, la CPAM a mené une enquête sur les conditions de travail au sein de la société et que cette enquête a mis en évidence les conditions de travail délétères (cf. pièce 29).

M. [C] [R] indique enfin que suite à la saisine du conseil de prud'hommes la société SVP a continué à vouloir lui imposer l'organisation du travail contestée et lui a adressé des courriers empreints d'agressivité de telles sorte qu'il est toujours en arrêt de travail.

La société rétorque que les griefs articulés par M. [C] [R] sont fantaisistes :

Elle indique que M. [C] [R] fait état de prétendues rumeurs qui remontent à 2004 ; que la salariée qui atteste de rumeurs sur M. [C] [R] a été licenciée et est en contentieux prud'homal ; qu'elle se garde bien de préciser les personnes qui auraient été à l'origine des rumeurs ; que ces rumeurs n'ont jamais été reportées à la hiérarchie ni à la DRH ; que M. [C] [R], qui est représentant du personnel n'a jamais engagé d'action à cet égard ;

S'agissant de ces rumeurs, la cour relève que M. [C] [R] ne dément pas la société qui indique qu'elles remontent à 2004 et surtout qu'il n'établit nullement en avoir averti la société ou lui avoir demandé d'intervenir pas plus qu'il n'établit que la direction ou la DRH auraient été averties de ces rumeurs ; il en résulte qu'il est mal fondé à se plaindre d'une défaillance de son employeur à cet égard.

Sur la modification de ses fonctions, la société souligne que suite à une réorganisation intervenue en novembre 2007 au cours de laquelle deux départements ont fusionné, le contrat de travail de M. [C] [R] n'a pas été modifié ; que le domaine électro a connu une chute d'activité et que la société a donc réparti l'activité d'électro sur deux domaines périphériques méca et bati avec dans chacun de ces domaines un expert ; elle ajoute qu'un accompagnement des personnes a été mis en place par le système de tutorat et qu'un représentant du personnel a souligné l'importance de la démarche (pièces du salarié 24 et 25). SVP précise que M. [C] [R] a reçu toute la documentation et a bénéficié du tutorat mais que contrairement à l'ensemble de ses collègues il a refusé de répondre aux questions des clients de la société dans le domaine électronique alors qu'il en avait la compétence ; elle ajoute qu'il n'a jamais sollicité de formation externe (cf. pièce 2, les entretiens annuels 2008-2010).

Sur ce point la cour estime que dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut réorganiser les départements de son entreprise en fonction de la demande de la clientèle et que M. [C] [R] ne justifie pas que cette réorganisation ait entraîné une modification de son contrat de travail, ni surtout avoir réclamé une formation dans le domaine méca de telle sorte qu'il est mal venu à estimer que cette réorganisation intervenue en novembre 2007constitue un harcèlement managérial.

La société ajoute que l'enquête qu'elle a menée permet de démontrer qu'il n'y a jamais eu de comportement dénigrant à son égard ni même d'isolement ; que d'ailleurs ni l'inspection du travail ni le médecin du travail n'ont souhaité lui apporter leur soutien sur de prétendus agissements de harcèlement moral qu'il subirait.

SVP précise que M. [C] [R] avait été averti aussi par téléphone du refus de formation ; qu'étant membre du CHSCT en qualité de représentant syndical désigné par une syndicat et non en tant que membre élu du CHSCT, il n'était pas éligible à cette formation.

La société indique que le salarié n'a pas été isolé mais que pendant son absence en maladie de près de 4 ans, le bureau dans lequel il était, a été récupéré par le département de droit public et qu'à son retour il lui a été proposé de prendre un bureau situé à coté de ses collègues.

La cour relève que M. [C] [R] n'établit pas que la formation refusée ait été obligatoire ni que le nouvel emplacement de son bureau était éloigné de celui de ses collègues ; dès lors au vu des explications et justifications produites par la société, la cour retient que le harcèlement managérial n'est pas établi, en effet SVP pouvait légitimement modifier l'affectation de bureau de son salarié absent depuis plus de trois ans et lui refuser une formation non obligatoire.

Sur l'allégation de versement incomplet des indemnités de prévoyance :

M. [C] [R] fait valoir que la société SVP n'a pas versé toutes les sommes correspondant au maintien de salaire et notamment aux mois de novembre 2008, mars avril 2011 et août 2012 (pièce 121), et indique avoir dénoncé cette situation à l'inspection du travail.

De son coté, la société expose dans ses écritures que toutes les indemnités reçues ont été reversées au requérant (pièce 21), elle précise avoir répondu à l'inspection du travail par courriers des 8 avril et 18 juin 2013 (sa pièce 20) et ne pas avoir reçu depuis de réponse de l'inspection du travail.

Sur ce point, la cour relève que les justificatifs produits par la société ne sont pas contredits par le salarié et que c'est à juste titre que le premier juge a estimé que les éventuels retards liés au versement des indemnités de prévoyance ne pouvaient être imputés à son employeur alors qu'il n'est nullement démontré que celui-ci ait commis un manquement à ses obligations ;

Il en résulte que cette allégation doit être écartée comme non fondée.

Sur la discrimination salariale invoquée par le salarié et sa demande d'ajouter le terme de juriste sur son certificat de travail :

Le salarié invoque le principe de non discrimination et celui dit « A travail égal, salaire égal » ; il fait valoir que tout au long de sa période d'emploi il a perçu une rémunération inférieure à ses collègues placés dans une situation identique. Il ajoute que sa nomination en qualité de délégué du personnel en 2006 n'a fait qu'aggraver la situation. Il fait valoir que tous les consultants de la société qualifiés « experts », quelque soit leur domaine d'intervention, effectuent le même travail de conseil juridique et technique par téléphone aux clients avec les mêmes responsabilités. Il indique qu'il a effectué des travaux spécifiques et s'est vu attribuer des dossiers complexes (pièce advese2 et pièces 52 et 53). Il estime qu'il devrait pouvoir recevoir la qualification de juriste au vu du travail qu'il réalisait, les consultations d'ordre juridique qu'il établissait en font foi (pièces 64-1 et 132).

Il produit la fiche de paye de Mme [E] pour avril 2011 et la compare à la sienne (pièces 6 et 6-1) et fait valoir que celle-ci avait une ancienneté et un coefficient moins élevés que les siens mais bénéficiait d'une rémunération supérieure. Il ajoute que la comparaison avec d'autres salariés du tableau produit par l'employeur ont une ancienneté cumulée moindre que la sienne et perçoivent un salaire supérieur au sien de plus de 200 € mensuels.

La société SVP rétorque qu'il est normal qu'il ait un coefficient de 150 puisqu'il n'a jamais obtenu de diplôme de l'enseignement supérieur, que son CV mentionne un niveau BTS action commerciale et qu'il n'a jamais justifié avoir exercé des fonctions de cadre au moins pendant deux ans avant son embauche ; la société ajoute qu'il est inexact qu'il ferait le même travail que les salariés au coefficient 170, il ne fournit pas aux client des informations juridiques ou fiscales mais des informations pratiques dans le domaine de la mécanique. L'employeur précise que Mme [E] qui n'était pas rattachée au même département, est une consultante fiscaliste ce qui est bien différent de M. [R] ; SVP souligne que ce dernier n'effectuait pas de consultations juridiques au même titre que ses collègues affectés à d'autres départements mais qu'il était consultant dans le domaine « méca », que son champ d'intervention ne nécessite pas qu'il soit juriste, que sa hiérarchie doit valider sa réponse lorsqu'il est amené à faire occasionnellement une réponse comportant des élément réglementaires ou juridiques et que les consultants juristes ont suivi une filière universitaire juridique et sont recrutés à un niveau bac + 5.

La société estime que la seule comparaison à faire est celle avec des consultants de son département (pièce 8 CV des consultants), s'ils sont mieux rémunérés c'est parce qu'ils ont plus d'expérience et effectuent en plus des travaux spécifiques (pièce 9 tableau comparatif des rémunérations) ; enfin que le coefficient 170 s'adresse aux cadres exerçant des fonctions dans lesquelles ils mettent en ouvre des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme ce qui n'es tpas le cas de M. [R].

A cet égard, la cour estime que la comparaison faite par M. [R] de sa situation avec une salariée fiscaliste n'est pas pertinente, cette spécialité étant différente de la mécanique, il ne s'agit donc pas de fonctions égales ni analogues ; la cour observe encore que M. [R] ne contredit pas le fait que ses réponses portant sur la réglementation devaient être validées par sa hiérarchie ; en outre, s'agissant de la comparaison avec les collègues de son département, M. [R] ne démontre pas avoir obtenu de diplôme de l'enseignement supérieur, ne discute pas que ses collègues avaient une ancienneté supérieure à la sienne et n'apporte aucun élément pertinent justifiant des travaux annexes qu'il aurait accompli. (tableau comparatif 9 )

Dans la mesure où la preuve n'est pas rapportée de ce que des salariés qui accompliraient un travail égal à celui de M. [R] seraient mieux rémunérés, ce dernier doit être débouté de ses demandes de rattrapage de salaire ou de dommages et intérêts au titre d'une discrimination ou d'une violation du principe d'égalité des salariés effectuant un travail de valeur égale.

Enfin, il résulte de l'absence de diplôme juridique de l'enseignement supérieur de M. [R] comme de la réalité de sa pratique professionnelle que ce dernier ne démontre pas avoir la qualité de juriste ; il doit donc être débouté de sa demande tendant à voir la société SVP contrainte d'ajouter sur son certificat de travail la mention de la fonction de juriste.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale :

M. [R] fait valoir que le comportement de la société SVP est en relation avec ses mandats syndicaux.

Mais outre le fait qu'il résulte des motifs ci-dessus qu'aucun traitement défavorable n'est établi, la cour observe que le salarié, qui réclame 40.000 euros de ce chef, ne justifie d'aucun préjudice précis de sorte que sa demande ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour les méthodes et techniques de contrôle illégales :

Au visa des articles L.1222-3 et L. 120-2 du code du travail, le salarié sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 30.000 € en réparation du préjudice que lui a causé l'utilisation par son employeur de systèmes de contrôle de manière non contradictoire et et n'ayant fait l'objet que d'une déclaration tardive à la CNIL, en 2005 pour le badgeage et la vidéosurveillance et en 2012 pour les statistiques des appels téléphoniques.

L'employeur s'oppose à cette demande et fait valoir qu'en réalité il n'y a pas eu d'enregistrements des conversations et qu'il n'y a aucun système de conservation des horaires d'entrée et de sortie ; que le seul problème réside dans la déclaration tardive à la CNIL ;

Il n'est donc pas discuté que le salarié a été soumis pour une durée limitée à un contrôle non déclaré à la CNIL ; une telle situation entraîne pour celui qui la subit un préjudice, dès lors il convient de confirmer le jugement qui a justement apprécié la réparation de ce préjudice à la somme de 1.000 €.

Dans la mesure où la société affirme et justifie (ses pièces 29 et 34) sans être contredite par aucun élément qu'elle n'a mis en place aucun système de conservation des données, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de destruction des données nominatives concernant M. [R], de même convient- il de rejeter sa demande de justification d'avoir procédé à l'effacement de telles données, la société ne pouvant être soumise à une preuve impossible.

Sur la demande de paiement de la gratification conventionnelle dite « 13ème mois » :

Le contrat de travail de M. [R] stipule qu'il « percevra un salaire brut mensuel de 15.385 francs soit 200.000 francs annuels (sur 13 mois).

M. [R] sollicite la somme de 20.773,22 € et les congés payés afférents comme rappel de salaire au titre du 13ème mois conventionnel ; il soutient que le contrat de travail fixe un salaire annuel payable en 13 mois et que le 13 mois de salaire qui lui était versé ne doit pas être confondu avec la « gratification dite de 13ème mois » prévue par l'article 144 de l'accord d'entreprise du 19 octobre 1988 qui est selon cette disposition égale à un mois de salaire de base, il estime que le 13ème mois contractuel et la gratification conventionnelle ne doivent pas être confondus, le premier étant une fraction du salaire et la seconde constituant un complément de salaire.

La société s'oppose à cette demande faisant valoir qu'il ne saurait prétendre à une prime de 13ème mois alors qu'il est déjà payé sur 13 mois ; elle indique que la prime de 13ème mois prévue par l'accord avait le même objet que celui mentionné dans le contrat de travail ; que d'ailleurs l'intention des partenaires sociaux était bien de verser la rémunération sur 13 mois et non sur 14 ce qui a été rappelé par le nouvel avenant du 31 octobre 2012 qui a expressément mentionné que le 13ème mois conventionnellement prévu ne se cumulait pas avec une disposition contractuelle individuelle. La société ajoute que le salarié n'est pas de bonne foi car la commune intention des parties était une rémunération sur 13 mois et non sur 14.

Au vu de ces éléments, la cour retient que le contrat de travail prévoit que le salarié, qui doit légalement percevoir un salaire pour chacun des mois travaillés ou réputés travaillés, soit pendant 12 mois, percevra en réalité 13 mois soit 200.000 francs annuels de sorte que ce contrat met exergue le salaire mensuel de 15.385 francs qui sera payé 13 fois ce qui n'a d'autre objet que d'allouer un 13ème mois de salaire qui ne correspond pas à la contrepartie d'un travail effectué au cours d'un mois inexistant et s'analyse donc comme une gratification accordée au salarié ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la société SVP mentionnait sur les bulletins de salaire « prime 13ème mois » ce qui correspond à la volonté des partenaires sociaux, réaffirmée dans l'accord d'entreprise de 2012.

Il s'ensuit que l'avantage contractuel et celui conventionnel résultant de l'accord d'entreprise ont le même objet et la même cause et ne peuvent se cumuler ; en conséquence M. [R] doit être débouté de sa demande de rappel de gratification de 13ème mois et le jugement confirmé.

Sur les heures supplémentaires, le repos compensateur et le travail dissimulé :

M. [R] fait valoir qu'il a droit au paiement d'heures supplémentaires car il a travaillé systématiquement au moins 38 h45 par semaine et fait valoir que les horaires collectifs étaient de 9h à 12h 30 et de 13h 45 à 18h ; il indique que cela est confirmé par l'attestation de son manager pièce adverse 4. Il estime qu'en le faisant travailler 38 h 45 par semaine sans obtenir son accord, la société lui a imposé une modification de son contrat de travail. Il ajoute que certaines semaines, il travaillait plus que 38 h 45.

La société s'oppose à cette demande faisant valoir qu'il ne communique aucun élément pouvant justifier de l'accomplissement de la moindre heure supplémentaire, qu'il n'en a jamais effectué, que ses collègues attestent qu'il arrivait tard et partait tôt et qu'il n'a pas formulé par le passé, la moindre demande auprès ni de la société, ni de l'inspection du travail ni même lors de ses entretiens individuels. SVP ajoute ne jamais lui avoir demandé d'effectuer des heures supplémentaires et ajoute qu'elles étaient interdites dans l'entreprise (pièce 11).

En l'espèce, la cour relève que le contrat de travail de M. [R] prévoyait 35 h de travail hebdomadaires conformément à l'accord d'entreprise signé le 29 juin 1999 ; que M. [R] affirme de manière générale être toujours arrivé à 9 heures et parti après 18 h sans pour autant produire aucun élément attestant de ce fait ni même répondre aux objections de son employeur qui indique et justifie par des témoignages et des plannings qu'il était fréquemment en retard et partait tôt (pièces 5, 6 et 13) ; au demeurant le salarié ne contredit pas son employeur lorsque ce dernier fait observer qu'alors que le salarié était représentant du syndicat CFTC, il n'a jamais fait inscrire ce point à l'ordre des négociations dans le cadre de la NAO.

En outre la cour retient que les éventuelles heures supplémentaires effectuées au delà de 35 heures par semaine du fait des horaires étaient compensées par des RTT.

Enfin la cour constate que M. [R] se plaint d'une modification de ses horaires de travail sans son accord mais qu'il n'établit nullement ce fait, son contrat ne mentionnant que la durée de 35 h réparties du lundi au vendredi.

Au vu de ces constatations, de l'absence de tableaux et de justificatifs particuliers versés par le salarié comme d'éléments permettant d'étayer la demande d'heures supplémentaires, la cour juge infondées la demande de paiement d'heures supplémentaires comme celle de dommages et intérêts pour modification d'horaires sans l'accord du salarié et confirme le jugement.

La cour ayant rejeté la demande formée au titre des heures supplémentaires, il convient de constater que la preuve du droit à repos compensateur comme celle du travail dissimulé n'est pas rapportée et de rejeter toute demande de ce chef.

Sur le droit d'expression :

Au visa des articles L.2281-1, L.2281-2, L.2281-5, L.2281-7 et L.2281-8, M. [R] fait valoir que la société SVP n'a pas respecté l'accord d'entreprise du 17 avril 1984 qui prévoit les modalités du droit d'expression et en particulier n'a pas organisé les réunions trimestrielles d'une heure pendant lesquelles les salariés pouvaient poser des questions à la direction laquelle devant répondre. Il ajoute que lorsque les instances représentatives ont voulu rétablir ces réunions, la direction a émis des réserves. Il estime que de ce fait il n'a pu faire entendre ses griefs et demande 10.000 € de réparation.

La société SVP s'oppose à cette demande en s'étonnant que le salarié n'ait pas formulé une telle demande au sein de l'entreprise et ajoute que l'absence de mise en ouvre d'un accord sur le droit d'expression ne saurait être sanctionné par l'allocation de dommages et intérêts au profit des salariés.

Mais la cour relève d'une part qu'il est établi que l'accord sur le droit d'expression n'a pas été respecté par SVP et d'autre part que cette carence a effectivement causé un dommage à M. [R] qui a manqué d'un lieu propre à exprimer ses difficultés tant sur l'organisation du travail, sur les relations au sein de l'entreprise comme sur son positionnement.

Au vu de ces circonstances, il convient de confirmer le jugement qui a justement estimé à 1.000 € le dommage subi par M. [R] de ce chef.

Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur :

La cour, à l'instar du conseil de prud'hommes ne retient à l'encontre de l'employeur que deux manquements, l'un relatif à la déclaration tardive à la CNIL de systèmes de surveillance mais qui est aujourd'hui régularisé, l'autre relatif au défaut d'organisation d'une réunion trimestrielle d'expression ;

De tels manquements ne suffisant pas à justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, M. [R] doit donc être débouté de cette demande comme de toutes ses demandes d'indemnité ou de dommages et intérêts relatives à la rupture du contrat.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision de première instance doit aussi être confirmée sur ces points.

En revanche, s'agissant des frais irrépétibles d'appel, les circonstances et l'équité commande de prévoir que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles comme les éventuels dépens exposés par elle.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 16 décembre 2014 en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes les demandes des parties.

Dit que chaque partie conservera à sa charge les éventuels dépens exposés par elle.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/00669
Date de la décision : 28/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°15/00669 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-28;15.00669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award