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27/04/2017 | FRANCE | N°16/09615

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 27 avril 2017, 16/09615


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 27 AVRIL 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09615



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2016 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 15/00081





APPELANTE



SCP [G] [G] ET ASSOCIES SCP D'AVOCATS VENANT AUX DROITS DE SCP [C] [G]

[Adresse 1]

Parc 2000>
[Adresse 2]

Représentée par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399





INTIMÉS



FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS
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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 AVRIL 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09615

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2016 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 15/00081

APPELANTE

SCP [G] [G] ET ASSOCIES SCP D'AVOCATS VENANT AUX DROITS DE SCP [C] [G]

[Adresse 1]

Parc 2000

[Adresse 2]

Représentée par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

INTIMÉS

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représenté par Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2375

MINISTÈRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Aff. Juridiques [Adresse 5]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

Représenté par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744

COMMISSION NATIONALE D'INDEMNISATION DES AVOUES

[Adresse 3]

[Adresse 8]

Non comparante, non représentée

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 9]

[Adresse 4]

Représentée par M. [N] en vertu d'un pouvoir général

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Christian HOURS conformément aux articles 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christian HOURS, président

Mme Maryse LESAULT, conseillère

M. Marc BAILLY, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- réputé contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

La cour statue sur l'appel formé, le 13 avril 2016, par la SCP [G] [G] et Associés, de la décision du juge de l'expropriation de Paris en date du10 mars 2016 :

- ayant mis l'Agent Judiciaire de l'Etat hors de cause ;

- ayant rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir ;

- l'ayant déclarée irrecevable en ses demandes ;

- ayant dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ayant condamné le Fonds d'indemnisation de la profession des avoués (FIDA) aux dépens.

La SCP Divisia [G], composée de MM.[C] et [G], était titulaire d'un office d'avoué auprès de la cour d'appel de Montpellier.

Elle a accepté une indemnité totale de 1 346 971 euros, se décomposant comme suit :

- 1 304 752 euros pour la perte du droit de présentation ;

- 32 619 euros pour les frais d'archivage ;

- 9 600 euros au titre des impératifs d'assurance et de participation au coût de la gestion de la chambre nationale des avoués ;

à laquelle s'ajoute la somme de 73 114,95 euros provenant de l'acceptation d'une offre complémentaire d'indemnisation des coûts postérieurs de mise en place des contrats de sécurisation professionnelle de ses salariés.

A la suite de la cession des parts de M.[C], le 3 janvier 2012, à M.[G], la SCP [I] est devenue la SCP [G] [G] & Associés.

La SCP [G] [G] & Associés a présenté diverses demandes d'indemnisation au juge de l'expropriation qui a rendu la décision précitée.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par la SCP [G] [G] & Associés, les 06 juillet et 10 novembre 2016, aux termes desquelles elle demande, en définitive, à la cour de réformer le jugement du 10 mars 2016 dont appel et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que l'acceptation de l'offre est entachée d'un vice du consentement avec la conséquence immédiate qui est l'annulation de l'offre d'indemnisation acceptée par elle ;

- dire et juger que la SCP [G] [G] et Associés est recevable à solliciter auprès du juge de l'expropriation la fixation d'une indemnité équivalente à la réparation intégrale de ses préjudices ;

- fixer les indemnités lui revenant à la somme de 1 977 807,17 euros se décomposant comme suit :

- 1 599 449,76 euros au titre de la perte du droit de présentation,

[1 297 728 x 1,2325 (1,2325 étant le coefficient correcteur prenant en compte les usages de la Compagnie à laquelle l'Office est rattaché, calculé ainsi :

1 599 485 euros, moyenne des demi-net (produit brut - charges) sur la période 2005-2009 / 1 297 728 euros, indemnisation prise pour 'base' par l'article 6];

- 239 917,46 euros au titre de l'indemnité de remploi, soit 15% de l'indemnité principale ;

- 32 619 euros au titre des frais d'archivage, conformément à l'offre de la Commission ;

- 9 600 euros au titre des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre Nationale des Avoués, conformément à l'offre de la Commission ;

- 23 106,00 au titre des frais de résiliation divers ;

- 73 114,95 euros au titre des frais de licenciement restés à charge évaluée conformément à l'offre complémentaire de la Commission,

soit 557 721,22 euros, après déduction de l'acompte (438 767 euros), versé par la Commission au titre du droit de présentation (908 204 euros) et au titre des frais de licenciement restés à sa charge (73 114,95 euros) ;

- dire et juger que l'indemnité de remploi entre dans le pouvoir d'appréciation du juge de l'expropriation et au titre de la réparation intégrale des préjudices, distincts de l'évaluation de la perte du droit de présentation, et qu'ils sont directement liés à la cessation d'activité de l'avoué ;

- dire et juger que cette indemnité de remploi est due dans l'hypothèse où l'offre a été acceptée ;

- fixer cette indemnité de remploi à la somme de 239 917,46 euros ;

- dire que ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance ;

- de dire que les intérêts seront capitalisés par périodes annuelles, conformément à l'article 1154 du code civil ;

- condamner le FIDA à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que l'autorité expropriante supportera les entiers dépens ;

- déposées au greffe par le FIDA, le 05 août 2016, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de la SCP [G] [G] et Associés, SCP d'Avocats venant aux droits de la SCP Divisia [G] ;

- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement dont appel en ce qu'il a déclaré la SCP [G] [G] et Associés, SCP d'Avocats, venant aux droits de la SCP [I] irrecevable en ses demandes ;

- en tout état de cause, ordonner la restitution par la SCP [G] [G] et Associés, SCP d'Avocats venant aux droits de la SCP [I] du complément d'indemnisation accordé ;

- en tout état de cause, débouter la SCP [G] [G] et Associés, SCP d'Avocats venant aux droits de la SCP [I], de l'ensemble de ses demandes en indemnisation, fins et prétentions ;

- la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- adressées par le commissaire du gouvernement, le 19 septembre 2016, aux termes desquelles il propose de confirmer le jugement ;

- déposées au greffe par l'Agent Judiciaire de l'Etat, le 28 juillet 2016, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- prononcer sa mise hors de cause ;

- confirmer le jugement rendu le 10 mars 2016 en ce qu'il le met hors de cause ;

- condamner la SCP [G] [G] et Associés à lui verser une somme de

5 000 euros au titre de l'article700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La Commission nationale d'indemnisation des avoués et l'Etat, en tant que tel, qui ont eu connaissance des écritures des parties, n'ont pas présenté d'observations, de sorte que l'arrêt rendu sera réputé contradictoire.

Motifs de l'arrêt :

Considérant que le FIDA fait valoir que la SCP [G] [G] et Associés est irrecevable à présenter une demande d'indemnisation en raison de son défaut de qualité à agir au nom de la SCP d'avoués [I], [R] [C] étant associé dans une autre SCP d'avocats ;

Considérant que la SCP [G] [G] et Associés réplique que le mémoire en demande présenté par son représentant légal est recevable ;

Considérant que la SCP, qui est seule titulaire de l'office d'avoué dont l'indemnisation de la disparition est recherchée, représentée par son unique gérant à la suite du départ de M.[C], est recevable à agir en justice ;

Considérant ensuite que l'Agent Judiciaire de l'Etat soutient que l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 prévoit qu'il n'a mandat pour représenter l'Etat que dans les instances où aucun autre organe n'a été désigné spécifiquement par la loi, or, le FIDA, doté de la personnalité morale, a été instauré par l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 et a compétence exclusive en la matière ;

Considérant que la SCP fait valoir que le FIDA dispose de la personnalité morale et d'une autonomie financière, mais n'a pas qualité pour formuler, discuter, contester les offres qui relèvent de la seule compétence de la Commission nationale d'indemnisation des avoués; la présence de la Commission Nationale, de l'Etat et de l'Agent Judiciaire de l'Etat étaient nécessaires dans la présente procédure ;

Considérant que le FIDA indique que la loi du 25 janvier 2011 l'a doté d'une personnalité morale et de l'autonomie financière et l'a chargé du paiement des sommes dues aux avoués ainsi que des sommes dues à leurs salariés, en conséquence, nul n'est recevable à engager de poursuites de ce chef contre d'autres entités que le FIDA ce qui exclut, de facto, la mise en cause de l'Etat, de l'Agent Judiciaire de l'Etat et de la Commission nationale d'indemnisation des avoués ;

Considérant précisément qu'il résulte des articles 13 et 19 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel qu'il existe un fonds d'indemnisation, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, chargé spécialement du paiement des sommes dues aux avoués ;

Considérant qu'eu égard à l'existence d'une personnalité morale spécifique contre laquelle diriger les actions en paiement, il n'y avait pas lieu, s'agissant de la contestation de la décision de la Commission d'indemnisation et d'une demande visant au paiement des indemnités réclamées, d'attraire dans l'instance en indemnisation d'autres personnes que le Fonds d'indemnisation ; que la décision du premier juge ayant mis hors de cause l'agent judiciaire de l'Etat doit être confirmée ;

Considérant encore que le FIDA indique que la SCP est irrecevable à demander une indemnisation, ayant accepté l'offre couvrant l'intégralité du préjudice indemnisable de façon expresse ; que l'offre acceptée portait sur l'ensemble des chefs de demandes présentés par la SCP ; que la violence économique n'est pas établie dès lors que la loi offrait de nombreuses possibilités aux anciens avoués ; considérer que l'acceptation de l'offre n'emporterait pas renonciation expresse et sans équivoque à toute contestation ultérieure remettrait en cause le principe de sécurité juridique des accords ; la loi du 25 janvier 2011 et l'article 6 du décret du 1er avril 2011 délimite le droit d'agir en justice en le restreignant aux seuls avoués qui n'ont pas accepté l'offre de la Commission dans les 6 mois de sa notification ou qui l'ont expressément refusé ;

Considérant que la SCP [G] [G] et Associés réplique que son acceptation ne constitue pas une renonciation à son droit d'indemnisation des préjudices générés par la loi de 25 janvier 2011 ; que l'offre acceptée ne couvrait pas l'intégralité du préjudice causé par la loi ; qu'elle n'a pas renoncé à réclamer une indemnité portant sur d'autres chefs de préjudice que ceux énoncés ; ni la loi du 25 janvier 2011 ni l'article 6 du décret du 1er avril 2011 en conditionnent la saisine du juge de l'expropriation à un refus de l'offre ; que l'acceptation donnée a été contrainte par le contexte économique empêchant toute négociation en raison notamment de la crainte de se retrouver sans emploi ; l'incertitude pour l'avenir dans laquelle elle se trouvait constituait un déséquilibre entre les parties dont il a été fait abus par le FIDA qui en a tiré un avantage ; cette situation constitue une violence économique justifiant l'annulation de l'acceptation de l'offre et donc l'allocation de nouvelles indemnités ;

Considérant que la SCP qui a accepté sans réserves les offres d'indemnisation faites par la Commission d'indemnisation et qui ne justifie pas de la violence économique qu'elle allègue n'est pas recevable à remettre en cause sa parole en tentant de remettre en cause l'indemnisation des postes qu'elle a expressément acceptés ; que la décision d'irrecevabilité du premier juge doit être confirmé s'agissant de l'indemnisation du droit de présentation, des préjudices tirés des frais d'archivage, des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation au coût de gestion de la Chambre nationale des avoués, des frais de licenciement restés à charge ;

Considérant en revanche que, malgré le fait que la SCP ait énuméré dans sa supplique à la Commission d'indemnisation tous les préjudices dont elle entendait se prévaloir et que la position de la Commission d'indemnisation consistant à ne lui faire une offre que sur le droit de présentation et certains postes devait être comprise comme un refus de sa part de faire droit à ses demandes portant sur les autres postes, il reste que la formulation de la commission disant n'y avoir lieu à offre sur les autres préjudices n'était pas suffisamment claire, de sorte qu'il ne doit pas être considéré que l'acceptation sans réserve par l'appelante les indemnités offertes valait renonciation à demander en justice l'indemnisation des autres préjudices ; qu'en conséquence, il convient de déclarer recevables les demandes de la SCP [G] [G] et Associés sur les chefs de préjudice qu'elle n'a pas expressément acceptés ; que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

Considérant sur le fond que la SCP [G] [G] et Associés soutient que :

- la Cour de cassation a fait une application critiquable de la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 janvier 2011 qui certes déclare inconstitutionnel le préjudice de carrière mais autorise l'indemnisation du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues dès lors qu'ils ne sont pas éventuels, or, le préjudice subi par les avoués est réel et certain au sens de l'article L.13-13 du code de l'expropriation et doit donc être indemnisé ;

- le code de l'expropriation est d'application nécessaire au regard de l'article 13 de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 qui vise expressément les articles L13-1 à L.13-25 du code de l'expropriation et notamment l'article L.13-13 faisant référence à une indemnité couvrant 'l'intégralité du préjudice' ;

- même si le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 2011 relève que le droit de présentation ne fait pas l'objet d'un droit de propriété, il n'en a pas moins une nature patrimoniale reconnue par la CEDH, notamment dans les arrêts Oneryildiez contre Turquie, du 30 novembre 2004 et [E] et [X] du 29 mars 2010, sur le fondement de l'article 1er du Protocole additionnel à la CESDH, et à ce titre, la perte du monopole de représentation devant la Cour est un préjudice indemnisable, qui doit être réparé ;

- le dispositif mis en place par la loi est insuffisant à compenser le préjudice subi par les avoués ;

- la Cour de cassation considère que l'indemnité de remploi est due par principe sans que l'exproprié ait à démontrer qu'il a fait l'acquisition d'un bien de remplacement ou qu'il envisage de se réinstaller ;

- l'indemnisation des préjudices tirés des frais d'archivage, des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation au coût de gestion de la Chambre nationale des avoués, tels que proposée dans l'offre acceptée est également due ;

- les frais de licenciement restés à charge, tels qu'évalués dans l'offre complémentaire de la commission, sont également dus ;

- les frais de résiliation divers (abonnements à des publications, téléphonie, machine à affranchir, assurance multirisque professionnels et contrat de maintenance informatique) sont également dus ;

- les dépenses importantes et nécessaires exposés pour défendre ses droits dans le processus d'indemnisation (appel à un avocat et à un expert comptable) justifient sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que le FIDA répond que :

- il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, est inconstitutionnel ; le Conseil constitutionnel a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi devant les tribunaux de grande instance ;

- selon l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel (...) s'imposent (...) à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et que la Cour de cassation, dans son arrêt Civ.1ère, 6 juillet 2016, n°15-17.346, a considéré que 'toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du 20 janvier 2011" ;

- la référence à la jurisprudence de la CEDH est dénuée de pertinence car l'article 1er du premier protocole additionnel à la CESDH n'est pas applicable et, à supposer qu'il y ait eu ingérence, celle-ci était justifiée et répondait à l'objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice ;

- la procédure ne relève pas du droit de l'expropriation dès lors qu'il n'y a ni droit de propriété sur l'office ni expropriation car le droit de présentation n'est pas transféré à l'Etat;

- le principe d'égalité impose que soit appliquée à tous, la même méthode de calcul de l'indemnité due au titre du droit de présentation, la méthode de calcul fondée sur le 'demi-net' et le coefficient de la cour présentée par la SCP doit donc être écartée au profit de la méthode d'évaluation de la Commission sur la base de l'article 6 du décret du 1er avril 2011;

- l'indemnité de remploi n'est pas due dès lors que ce préjudice a été écarté par le Conseil constitutionnel ;

- l'indemnité pour frais d'archivage et celle au titre des frais d'assurance CNA relèvent des préjudices accessoires déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel et la proposition de la Commission dans un contexte amiable n'est pas opposable aujourd'hui ;

- l'offre de la Commission consistant à prendre en charge la participation financière réclamée à l'employeur par Pôle-emploi a été faite dans un cadre amiable et n'est plus opposable ; d'autant qu'elle a été acceptée et la somme versée, ce qui rend toute demande complémentaire formulée de ce chef irrecevable ; par ailleurs, une partie des frais de licenciement dont le droit individuel à la formation pèse sur l'employeur indépendamment de la situation de son salarié ;

- la somme demandée au titre de l'article 700 n'est pas justifiée, d'autant que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire ;

- concernant les dépens, à défaut d'expropriation, l'article L.312-1 du code de l'expropriation mettant les dépens à la charge de l'expropriant, ne s'applique pas ;

Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que :

- les préjudices invoqués sont ceux que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et à la règle de bonne utilisation des deniers publics ;

- l'évaluation de l'indemnité au titre de la perte du droit de présentation se fait conformément à l'article 6 du décret du 1er avril 2011 ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine)

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM.[T] (2008) et [S] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes clauses confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel ;

Considérant dès lors que le préjudice direct, matériel et certain, devant être intégralement indemnisé en application de l'article L13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice ;

Considérant d'autre part que l'article 1er du Protocole n°1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Considérant qu'il s'ensuit que la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l'absence de charge spéciale exorbitante ; qu'une privation de propriété implique le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu'une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d'utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien ;

Considérant que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique ;

Considérant que la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors fondés à obtenir aucune somme, au delà de l'indemnisation, pour un montant qui a été accepté, sans que la preuve d'une violence économique soit rapportée, de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, qui constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel la loi nationale contestée n'est pas contraire ;

Considérant en conséquence que la SCP [G] [G] et Associés, qui n'a pas subi une atteinte disproportionnée, doit être déboutée de ses demandes d'indemnisation concernant des préjudices accessoires ;

Considérant que le FIDA, qui soutient que l'offre de la Commission d'indemnisation a été valablement acceptée, n'est pas fondée à demander le remboursement de diverses indemnités qui en faisaient partie et qu'elle a accepté de verser ;

Considérant en définitive que les dispositions du jugement non contestées afférentes au rejet de la fin de non recevoir pour défaut de qualité, à l'irrecevabilité des demandes d'indemnisation afférentes au droit de présentation, des préjudices tirés des frais d'archivage, des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation au coût de gestion de la Chambre nationale des avoués, des frais de licenciement restés à charge, celles relatives aux frais irrépétibles, ainsi qu'à la charge des dépens doivent être confirmées, le surplus de la décision étant infirmé ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Considérant en revanche que la SCP [G] [G] et Associés supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

- confirme les dispositions de la décision du juge de l'expropriation de Paris du 10 mars 2016, relatives :

- au rejet de la fin de non recevoir pour défaut de qualité de la demanderesse ;

- à l'irrecevabilité des demandes d'indemnisation afférentes au droit de présentation, des préjudices tirés des frais d'archivage, des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation au coût de gestion de la Chambre nationale des avoués, des frais de licenciement restés à charge ;

- aux frais irrépétibles et à la charge des dépens ;

- l'infirme sur le surplus et, statuant à nouveau :

- déclare recevable le surplus des demandes de la SCP [G] [G] et Associés ;

- au fond, l'en déboute ;

- y ajoutant :

- déboute le FIDA de sa demande de remboursement ;

- dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- dit que la SCP [G] [G] et Associés supportera les dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/09615
Date de la décision : 27/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°16/09615 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-27;16.09615 ?
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