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27/04/2017 | FRANCE | N°15/11307

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 27 avril 2017, 15/11307


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 27 Avril 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/11307



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03212





APPELANTE

SAS MARTIN

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-marc DELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0082




>INTIME

Monsieur [C] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Sanja VASIC, avocat au barreau d'ESSONNE





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 27 Avril 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/11307

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03212

APPELANTE

SAS MARTIN

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-marc DELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0082

INTIME

Monsieur [C] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Sanja VASIC, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mars 2017 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [C] [C] a été embauché par la société MARTIN en 1980 en qualité de peseur. Il a bénéficié de plusieurs promotions, est ensuite devenu associé et cessé d'être salarié pour exercer le mandat de directeur général à compter de l'année 1995. Il a ensuite cédé ses parts et a été engagé par la nouvelle direction, pour une durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011, en qualité de directeur commercial avec le statut de cadre. Le contrat prévoyait une clause de 'garantie d'emploi' de trois ans, sauf faute grave ou lourde.

Par lettre du 15 juillet 2013, Monsieur [C] était convoqué pour le 25 juillet à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 août suivant pour faute grave, caractérisée par le fait qu'une vérification fiscale, portant sur les années 2010 et 2011, alors qu'il était mandataire social, avait révélé de très importantes irrégularités et fraudes.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 4 955 euros.

La relation de travail est régie par la convention collective des industries et du commerce de gros de viande.

Le 4 octobre 2013, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 12 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Créteil, après avoir estimé que le licenciement de Monsieur [C] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société MARTIN à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 14 865 €

- à titre de congés payés afférents : 1 486,50 €

- à titre d'indemnité contractuelle de licenciement : 90 000 €

- au titre du timbre fiscal : 35 €

- en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 1 200 €

- les dépens

- l'a débouté de ses autres demandes.

- et a débouté la société MARTIN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité

La société MARTIN a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 19 novembre 2015.

Lors de l'audience du 10 mars 2017, la société MARTIN demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées et de débouter Monsieur [C] de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande la réduction à un euro de l'indemnité contractuelle prévue au titre de la garantie d'emploi. Elle demande également la condamnation de Monsieur [C] à lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :

- que les faits étaient d'une exceptionnelle gravité et justifiait le licenciement de Monsieur [C] pour faute grave, même s'ils ont été commis en dehors de l'exécution du contrat de travail, dès lors qu'ils ont créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise et se rattachaient à sa vie professionnelle

- à titre subsidiaire, que la stipulation d'une indemnité contractuelle de 'garantie d'emploi' constitue une clause pénale, dont le montant doit être réduit

- A titre 'très infiniment subsidiaire' (sic) que les demandes à titre d'indemnité de préavis et de licenciement sont calculées sur une ancienneté dont il n'est pas justifié.

En défense, Monsieur [C] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes et la condamnation de la société MARTIN à lui payer 118 920 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande également que soit ordonnée la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [C] expose :

- qu'il n'a commis aucun fait répréhensible en sa qualité de directeur commercial

- qu'il ne pouvait être licencié pour de prétendus manquements commis dans le cadre de l'exécution de son ancien mandat social, dont la réalité n'est d'ailleurs pas établie

- qu'il justifie de son préjudice

- que la clause de garantie d'emploi ne constitue pas une clause pénale pouvant être réduite.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

La faute grave est celle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié et constituant une violation de ses obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle, qu'elle justifie son départ immédiat de l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 août 2013, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« La société MARTIN, dont nous avons fait I'acquisition du capital social le 1er octobre 2011, a fait I'objet d'une vérification fiscale portant sur les années 2009, 2010 et 2011, soit pendant la période où vous en étiez mandataire social, qui a révélé de très importantes irrégularités et fraudes qui justifient en l'état un redressement d'une ampleur telle qu'il est de nature à remettre en cause la continuité de I'activité de l'entreprise,

Ces infractions sont pour l'essentiel constituées par le fait de vendre de la viande sans facturation et sans identification des bénéficiaires des factures, et ce, pour des montants très importants,

Vous avez récemment en qualité de directeur général à l'époque (et alors que le président en exercice de la société n'exerçait plus de fonctions opérationnelles alors), soit mis en place ces pratiques, soit les avez cautionnées.

Dans ces conditions, puisque vous êtes responsable de ces agissements, qui viennent d'être révélés, nous ne pouvons continuer à vous employer, ce que personne ne comprendrait en qualité de directeur commercial.

En effet, votre maintien dans la société nuirait immanquablement à son image.

Par ailleurs, les salariés concernés, dont l'emploi se trouve menacé par la suite de ces fraudes et des sanctions financières considérables qu'elles peuvent entraîner ne comprendraient pas que vous puissiez continuer à exercer des fonctions, qui pour l'essentiel d'ailleurs, sont d'être en contact avec la clientèle.

De surcroît, la révélation de ces faits nous fait bien sûr perdre toute confiance en vous, et justifie la rupture sur le champ de votre contrat ».

Les faits reprochés à Monsieur [C] se rattachent donc à la période où il n'était pas salarié de l'entreprise mais mandataire social et ne constituent donc pas une violation de ses obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que le licenciement pour faute grave n'était pas justifié.

Le comportement du salarié en dehors de l'exécution de son contrat de travail peut néanmoins constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, au sens de l'article L. 1232-1 du code du travail, à condition, d'une part, qu'il créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise et d'autre part que les faits commis en dehors de l'exécution stricte du contrat se rattachent à la vie professionnelle du salarié.

Les faits reprochés en l'espèce à Monsieur [C] tels qu'exposés par la lettre de licenciement, répondent à cette double condition.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

Au soutien de ses griefs, la société MARTIN produit une 'proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité' émise le 25 juin 2013 par la direction générale des finances publiques, portant sur la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2011 et notamment motivée par le fait que 'une partie des factures émises par la société SAS MARTIN ne mentionnait pas l'identité de certains clients où étaient libellés avec une imprécision telle qu'elles ne permettaient pas de retrouver leur véritable identité'.

A la suite de cette rectification, l'administration estimait la société MARTIN redevable de pénalités d'un montant total de 627 661 euros.

La société MARTIN produit également les lettres échangées avec l'administration des Finances Publiques, laquelle a finalement accepté, au mois de mai 2014, de diminuer à la somme de 65 863 € le montant des pénalités réclamées, au motif que la nouvelle direction n'était pas responsable des manquements mais que les faits relevaient de la responsabilité de la précédente direction, qu'elle avait mis en place des procédures visant à ce que des ventes sans facture ne puissent plus jamais être effectuées et qu'elle avait justifié de sa bonne foi, notamment en licenciant Monsieur [C].

Monsieur [C] déclare contester fermement avoir été à l'origine, en sa qualité de directeur général de la société MARTIN, de quelques fraudes que ce soient, d'avoir mis en place des pratiques frauduleuses ou les avoir cautionnées.

Il produit deux attestations de Madame [M], comptable de l'entreprise de 1987 à 2014, qui déclare que les données communiquées par les responsables commerciaux et nécessaires à l'établissement des factures étaient erronées, que Monsieur [C] et elle-même les avaient interpellé vainement à cet égard, que jamais Monsieur [C] ne lui avait demandé ou n'avait souhaité mettre en place un système frauduleux de facturation et qui ajoute que la nouvelle direction n'a rien changé à ce mode de facturation et que ce n'était qu'après les recommandations du contrôleur fiscal que des mesures restrictives avaient été prises..

Cependant, Monsieur [C] ne conteste pas avoir dirigé de fait l'entreprise à l'époque où il en était le directeur général, ne conteste pas davantage avoir eu connaissance du défaut de conformité des factures mais ne fait néanmoins état d'aucune sanction à l'encontre des salariés qui, selon Madame [M], en auraient été responsables.

Il résulte de ces considérations que le redressement fiscal dont l'entreprise a fait l'objet a pour origine directe les manquements commis par Monsieur [C] à l'époque où il en était le directeur général, manquements, qui, bien que commis en dehors de l'exécution stricte du contrat de travail, car avant sa conclusion, ont eu une influence sur son exécution et ont créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise.

C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a estimé que le licenciement de Monsieur [C] comportait une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnité formée à cet égard.

Conformément aux dispositions de la convention collective applicable, Monsieur [C] est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire et le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 14 865 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 1 486,50 euros.

Le contrat de travail stipulait la clause suivante :

' GARANTIE D'EMPLOI

En vue d'apporter une stabilité d'emploi à M. [C] lui permettant de réaliser la mission qui lui a été confiée, l'employeur s'engage à ne pas rompre le présent contrat de travail au cours des 36 mois qui suivront sa conclusion, et ce sauf faute grave, lourde ou cas de force majeure.

Dans l'hypothèse où, sauf sauf faute grave, lourde ou force majeure, l'employeur ne respecterait pas cet engagement, il devra verser au salarié une indemnité de licenciement d'un montant de 90 000 euros bruts. Cette indemnité remplacera l'indemnité conventionnelle et/ou légale de licenciement à la quelle le salarié aurait pu prétendre'.

Cette clause n'a pas pour objet de réparer la violation d'un manquement de l'employeur, mais de garantir au salarié une durée minimum des relations contractuelles et ne constitue donc pas une clause pénale, susceptible d'être réduite en application des dispositions de l'article 1152 (devenu 1231-5) du code civil.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la société MARTIN à payer à Monsieur [C] la somme de 90 000 euros à titre d'indemnité contractuelle de licenciement.

Il convient d'ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt.

Les demandes de Monsieur [C] étant partiellement fondée, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société MARTIN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MARTIN à payer à Monsieur [C] une indemnité de 1 200 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. L'équité ne commande pas qu'il soit fait application ces dispositions en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Confirme le jugement

Y ajoutant,

Ordonne la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la société MARTIN aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/11307
Date de la décision : 27/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/11307 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-27;15.11307 ?
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