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26/04/2017 | FRANCE | N°16/03558

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 26 avril 2017, 16/03558


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 Avril 2017



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03558



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 14/02273





APPELANTE

Me [H] [H] SELARL (SELARL [H] [H]) - Mandataire liquidateur de la SARL ABN CONSTRUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]
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INTIMES

Monsieur [P] ([Y]) [E] [X]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Dav...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 Avril 2017

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03558

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 14/02273

APPELANTE

Me [H] [H] SELARL (SELARL [H] [H]) - Mandataire liquidateur de la SARL ABN CONSTRUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

INTIMES

Monsieur [P] ([Y]) [E] [X]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me David-Raphael BENITAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1503

Organisme AGS CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D921

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame  Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Abn Constructions, spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment, employait au moment du licenciement plus de dix salariés et appliquait la convention collective régionale du bâtiment.

Monsieur [Y] [E] [X] a été engagé selon un contrat à durée déterminée du 22 septembre 1997, puis selon un contrat à durée indéterminée du 1er avril 1998, par la société Abn Constructions en qualité de métreur conducteur de travaux. Promu au poste de directeur technique, il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 7.542,66 euros.

Par un jugement du tribunal de commerce de Créteil du 7 mai 2014, la SARL Abn Constructions a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL [H] a été désignée en qualité de liquidateur.

Par lettre du 21 octobre 2013, le liquidateur a notifié à Monsieur [E] [X] son licenciement son licenciement pour motif économique et l'impossibilité de procéder à tout reclassement sous réserve que la qualité de salarié ne soit pas contestée,

Monsieur [E] [X] a saisi la juridiction prud'homale pour revendiquer la reconnaissance de son statut de salarié et pour voir fixer sa créance en lien avec la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 1er mars 2016, le conseil des prud'hommes de Créteil, saisi le 22 octobre 2014 par Monsieur [E] [X], a reconnu que ce dernier avait bien la qualité de salarié de la société Abn Constructions, a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Abn Constructions représentée par la SELARL[H], en qualité de liquidateur, aux sommes suivantes :

58.470,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle,

22.627,98 euros au titre de l'indemnité de préavis,

10.559,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Le conseil a débouté Monsieur [E] [X] du surplus de ses demandes, a débouté la société SELARL [H] ainsi que l'AGS de leurs demandes, a déclaré le jugement opposable à l'AGS dans la limite de ses obligations légales.

Monsieur [E] [X] a relevé appel, du jugement, demande à la cour de fixer les créances certaines suivantes';

22.627,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

10.559,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

58.470,70 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

et d'assortir l'ensemble des intérêts au taux légal et de prononcer leur capitalisation.

Il réclame aussi 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SEARL [H] conclut à l'infirmation du jugement déféré, au débouté de Monsieur [E] [X], de l'ensemble de ses prétentions et à sa condamnation à lui rembourser la somme de 23.796,68 euros bruts avancée par l'AGS dans le cadre du redressement judiciaire de la société Abs Constructions. Elle réclame aussi une indemnité de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L''AGS IDF EST conclut à l'infirmation du jugement déféré, s''associe aux moyens développés par le liquidateur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la qualité de salarié ou de dirigeant de fait

Le liquidateur dénie à M. [E] [X] la qualité de salarié alléguant qu'il était le dirigeant de fait de la société.

En présence d'un contrat de travail écrit, c'est à celui qui le conteste d'en établir le caractère fictif et plus spécialement de démontrer l'absence d'un lien de subordination, essentiel pour déterminer la nature des relations liant les parties, lequel lien de subordination est caractérisé par l'existence d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, de sanctionner les manquements de son salarié.

Il incombe donc au liquidateur d'apporter la preuve de l'absence de lien de subordination de M. [E] [X] à l'égard de la gérante de la société.

Pour ce faire, le liquidateur s'appuie sur les éléments suivants :

* l'absence de tout lien de subordination de M. [E] [X] avec la gérante de droit, devenue son épouse le 17 octobre 2009 et ayant aussi la qualité d' associée majoritaire de la société,

* l'interdiction de gérer pour une période de 10 ans ordonnée par une juridiction dont faisait l'objet M. [E] [X] l'empêchant de prendre directement la gérance de la société lorsque M. [P], l'ancien associé et gérant s'est retiré,

* M. [E] [X] a exercé dans l'entreprise une activité positive d'animateur et de direction de la société en toute indépendance et renvoie aux éléments suivants :

- M. [E] [X] bénéficiait de la signature sur les comptes bancaires de la société ainsi que cela ressort d'une lettre du 5 mai 2014 adressée par la gérante de droit à l'administrateur judiciaire ainsi que de la procuration que lui a accordée Mme [T] sur le compte HSBC,

- la délégation de signature correspondait en réalité à un véritable pouvoir pour engager la société puisqu'il pouvait signer des «'délégations de paiement'» ainsi que cela ressort de l'acte intitulé «'acte de délégation de paiement'» en date du 7 février 2014, portant la signature de «'[Y] [E]'», alors que la société était prétendument représentée pour la signature de cet acte par Mademoiselle [T] [C]

- M. [E] [X] s'est porté caution solidaire avec Mme [T] pour un prêt souscrit par la société auprès du Crédit Mutuel à hauteur de 200'000 €, M. [E] [X] étant désigné dans l'acte notarié comme gérant de société et Mme [T] comme assistante de direction,

- plusieurs témoignages précis et concordants de Mme [F] et de plusieurs salariés expliquent que M. [E] [X] prenait toutes les initiatives et décisions quant à la gestion de la société, tant au niveau bancaire qu'au niveau des clients et des fournisseurs, qu'il prenait également toutes les dispositions pour l'embauche des personnels, le licenciement, les achats de véhicules, de matériel, de matériaux.

Mme [F] témoigne de ce qu'elle rendait compte à M. [E], Mme [T] ne venant jamais au bureau pour travailler.

D'autres salariés confirment, de façon précise et circonstanciée, que M. [E] [X] dirigeait la société, qu'ils recevaient de lui les directives et les consignes, que la gérante de droit n'était jamais présente dans la société.

M. [E] [X] conteste avoir jamais été dirigeant de fait de la société à défaut d'avoir en toute liberté et indépendance, de façon continue et régulière eu des activités positives de gestion et de direction engageant la société.

Il communique aux débats de nombreux documents tendant à établir que Mesdames [T] gérante de droit et [F], assistante de direction dont la rémunération s'élevait à 5600 euros par mois étaient les signataires de tous les documents essentiels de gestion de la société, qu'il exerçait seulement des fonctions de directeur technique comme salarié au sein de la société ce qui justifiait qu'il donnât des consignes aux divers ouvriers sur les chantiers, qu'il bénéficiât d'un procuration sur un compte bancaire de la société pour régler les achats de fournitures en cours de chantier.

Il communique à son tour différents éléments tels des contrats de travail de différents salariés signés par Mme [T] ou par Mme [F], les statuts de la société montrant qu'il n'apparaît ni en tant qu'associé, ni en tant qu'actionnaire,

L'analyse des éléments communiqués de part et d'autres révèle que M. [E] [X], qui ne conteste pas avoir été sous le coup d'une interdiction de gérer pendant 10 ans, ne figure pas dans les statuts de la société ABN Constructions, ni comme gérant, ni comme associé l'interdiction ne lui permettant pas d'avoir de telles qualités, qu'il est exact que de nombreux actes de gestion étaient signés soit par la gérante de droit à laquelle cette qualité n'est pas déniée, et ou par l'assistante de direction.

Toutefois, les éléments communiqués par le liquidateur montre que':

- M. [E] [X] animait de fait l'entreprise, en ce qu'il était l'interlocuteur exclusif des salariés, M. [V], confirmant les déclarations de l'attachée de direction selon lesquelles la gérante de fait ne venait jamais à l'entreprise,

- Mme [F] lui rendait compte, ce qui établit que le principe même des embauches de personnels dont les contrats étaient signés par elle ne pouvait avoir été posé que par M. [E] [X] qui avait aussi opéré le recrutement,

- M. [E] [X] s'est impliqué directement dans la gestion de l'entreprise en signant aux lieu et place de Mme [T] une «'délégation de paiement'» ainsi que plusieurs documents en rapport avec cette délégation laquelle constituait un acte de gestion important pour la société, ( comparaison de signatures avec les actes de procédure et autres documents communiqués)

- M. [E] [X] s'est engagé comme caution solidaire avec son épouse gérante de droit pour permettre à la société de bénéficier d'un prêt nonobstant l'erreur matérielle contenue dans l'acte notarié sur sa qualité de gérant laquelle ne découlait pas des statuts en effet, mais ce qui caractérise une véritable implication en tant que dirigeant dans la gestion de la société.

Il se déduit de ces éléments qu' interdit de gérer, M. [E] [X] n'a pas été désigné comme gérant de droit de la société lorsque M. [P] a cessé ses fonctions mais le pouvoir exercé par lui dans les faits depuis cette date dans la société montre qu'il en était effectivement l'animateur et le dirigeant de fait en ce qu'il assumait en toute liberté et indépendance, de façon continue et régulière, des activités positives de gestion et de direction engageant la société, peu important que pour contourner les conséquences de l'interdiction de gérer les actes essentiels aient été signés par son épouse gérante de droit ou voire par l'assistante de direction qui lui rendait des comptes étant observé que son épouse dont il est établi qu'elle était généralement absente physiquement de la société n'a en réalité jamais été amenée à exercer à son égard un quelconque pouvoir de direction et de contrôle.

Le jugement déféré sera infirmé et M. [E] [X] sera débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Il sera condamné à rembourser au liquidateur les sommes avancées par l'AGS, selon les modalités précisées dans le dispositif.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner M. [E] [X] à verser au liquidateur une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, lui-même étant débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [E] [X] à régler à la SELARL [H] en qualité de liquidateur de la SARL ABN Constructions les sommes suivantes':

- 23 796,68 euros en remboursement des sommes avancées par l'AGS';

- 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [E] [X] de ses demandes,

Condamne M. [E] [X] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/03558
Date de la décision : 26/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/03558 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-26;16.03558 ?
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