Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 25 AVRIL 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00977
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/05820
APPELANT
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 1]
représenté par Madame de CHOISEUL PRASLIN, substitut général
INTIMEE
Madame [C] [V] [H] née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] (67030)
Chez Mme [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
représentée par Me Stéphane LEVILDIER de l'AARPI LGAvocats, Association d'Avocats à Responsabilité Profession nelle Individuelle, avocat au barreau de PARIS, toque : B0765
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mars 2017, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Madame GUIHAL, présidente
Madame SALVARY, conseillère
Monsieur LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame de CHOISEUL PRASLIN, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, présidente
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Mme [C], [V] [H], se disant née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] (Cameroun) de [E] [J] [H], né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1] (Cameroun), et d'[N] [I] [Z], née le [Date naissance 3] 1969, également à [Localité 1], a souscrit le 4 mai 2009 devant le juge d'instance d'[Localité 2] une déclaration acquisitive de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, enregistrée sous le numéro 112/2010.
Par acte d'huissier délivré le 19 mars 2014, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a fait assigner Mme [C] [V] [H] devant cette juridiction aux fins de voir constater son extranéité.
Par jugement du 18 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a reçu le ministère public en son action mais a rejeté ses demandes, les dépens restant à la charge du Trésor public.
Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision par déclaration du 22 décembre 2015.
Aux termes de ses conclusions du 3 août 2016, le procureur général demande à la cour d'infirmer le jugement du 18 décembre 2015, d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme [C], [V] [H], de dire que cette dernière n'est pas de nationalité française et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
A l'appui de ses demandes, le ministère public fait valoir que son action n'est pas prescrite, le délai de l'article 26- 4 du code civil n'ayant commencé à courir qu'à compter de la découverte de la fraude par le procureur de la République de Paris le 5 mars 2014, date à laquelle la procédure lui a été transmise.
Sur le fond, le ministère public prétend que Madame [C] [H] a souscrit sa déclaration acquisitive de nationalité française en sachant que l'acte de naissance de son père, le disant né à la Réunion au lieu du Cameroun, était un faux et que le ministère de l'intérieur avait sollicité la remise de la carte nationale d'identité frauduleusement obtenue en 2001 en son nom par son père sur la base de ce faux, peu important que Melle [H]n'ait pas été personnellement à l'origine de la fraude.
Par conclusions signifiées le 10 mai 2016, Mme [C], [V] [H] conclut à l'irrecevabilité des demandes du Procureur général. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de rejeter les demandes du ministère public et de confirmer le jugement du 18 décembre 2015.
Elle explique que le procureur de la République a eu connaissance de la prétendue 'fraude' plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation en date du 19 mars 2014 puisqu'elle a été entendue le 17 novembre 2008 par le commissariat de [Localité 3] dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée à l'encontre de son père, M. [E] [H], pour faux et usage de faux et qu'elle a dû remettre aux autorités à cette occasion ses propres documents d'identité, qu'ainsi tant le parquet de Nantes, en 2010, que les parquets de Nanterre et de Créteil, en 2009, ont eu connaissance de sa situation sans que, 2 ans après l'extension du ressort du parquet de Paris aux ressorts de ces deux dernières juridictions le 1er janvier 2010 en matière de nationalité, aucune action en contestation de sa déclaration ait été engagée.
Sur le fond, Mme [C], [V] [H] fait valoir qu'elle n'a commis aucune fraude personnellement, son père lui ayant toujours dit qu'il était français né, à la Réunion ; que sa bonne foi, qui ne constitue pas en tout état de cause une condition de recevabilité d'une déclaration d'acquisition de la nationalité française, est établie dès lors qu'elle n'a pas produit de faux à cette occasion mais seulement les documents délivrés par l'administration française la reconnaissant en qualité de française.
SUR QUOI
Sur la prescription
Considérant qu'aux termes de l'article 21-13 du code civil, les personnes qui ont joui de façon constante de la possession d'état de Français pendant une période de dix années, ont la possibilité d'acquérir la nationalité française par déclaration;
Que l'article 26- 4 du même code permet au ministère public de contester l'enregistrement de cette déclaration en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ;
Considérant que seul le ministère public territorialement compétent pouvant agir en annulation pour fraude de l'enregistrement d'une déclaration de nationalité, c'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action ;
Considérant qu'en l'espèce, ce n'est que le 5 mars 2014, date du message électronique transmis par la Chancellerie au Parquet de Paris en vue de voir assigner Mme [C], [V] [H] en annulation de sa déclaration acquisitive de nationalité française, que le ministère public territorialement compétent a eu connaissance de la fraude ; qu'en effet, le Parquet de Paris n'est pas à l'origine de l'enquête préliminaire diligentée à l'encontre de M. [E] [H], père de l'intéressée, qui s'est terminée par un rappel à la loi de celui-ci le 17 septembre 2009 sur instructions du Procureur de la République de Nanterre ;
Qu'il s'ensuit que l'action en contestation de cette déclaration engagée le 19 mars 2014 par le Procureur de la République de Paris n'est pas prescrite ;
Sur le fond
Considérant que pour être efficace et fonder la possibilité de souscrire la déclaration d'acquisition de la nationalité française prévue par l'article 21-13 du code civil, la possession d'état doit être continue et non équivoque et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ;
Considérant qu'en l'espèce, M. [E] [H], père de l'intimée, a été poursuivi en 2008 et 2009 pour avoir fait, entre 1996 et 2008, usage de faux, à savoir une carte nationale d'identité et un passeport, dans lesquels avait été frauduleusement altérée la vérité, diverses enquêtes en 2008 par le Ministère de l'Outre-Mer et la Direction des Affaires Générales - service de l'état civil à Saint-Paul de la Réunion ayant conclu au caractère faux de l'acte de naissance produit par l'intéressé le disant né à [Localité 4] alors qu'il est né à [Localité 5] (Cameroun); que mention de ce lieu de naissance a été rectifiée le 19 novembre 2012 sur l'acte de naissance de Mme [C], [V] [H] à la demande du procureur de la République de Nantes ;
Considérant qu'il n'est pas établi que Mme [C] [H], qui le conteste, avait connaissance avant son audition par les services de police le 17 novembre 2008 du faux acte de naissance utilisé par son père ;
Considérant cependant que c'est sur la base de cet acte, et donc par fraude, que Mme [C], [V] [H], ou son représentant légal du temps de sa minorité, a obtenu au nom de celle-ci la délivrance, le 14 mai 1998, d'un passeport, le 5 janvier 2001, d'une carte nationale d'identité et le 13 juin 2003 à nouveau d'un passeport français, peu important que Mme [C], [V] [H] ne soit pas à l'origine de la fraude ni même que, le cas échéant, elle en ait alors ignoré l'existence ;
Considérant au surplus que Mme [C], [V] [H] a souscrit sa déclaration acquisitive de nationalité le 4 mai 2009 quelques mois après son audition par les services de police, en parfaite connaissance de cause dès lors de cette fraude, quand bien même n'a-t-elle pas produit l'acte de naissance litigieux de son père à l'appui de cette déclaration mais seulement les documents d'identité précités, une carte électorale validée les 22 avril et 6 mai 2007 et le certificat individuel de participation à l'appel de préparation à la défense délivré le 15 septembre 2005 ;
Qu'il y a lieu d'annuler l'enregistrement de la déclaration et de dire que Mme [C], [V] [H] n'est pas de nationalité française ;
PAR CES MOTIFS
Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies ;
Déclare recevable l'action du ministère public ;
Infirme le jugement du 18 décembre 2015 du tribunal de grande instance de Paris ;
Annule l'enregistrement effectué sous le numéro 112/2010 de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme [C], [V] [H] le 4 mai 2009 devant le juge d'instance d'Ivry sur Seine ;
Dit que Mme [C], [V] [H], née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] (Cameroun), n'est pas française ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Condamne Mme [C], [V] [H] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE