Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 25 AVRIL 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07642
Décision déférée à la Cour : Sentence partielle rendue à Paris le 5 juillet 2011 par le tribunal arbitral composé de MM. Blessing et Mantilla-Serrano, arbitres, et de M. Salès, président et une sentence finale rendue à Paris le 18 juillet 2013
DEMANDERESSE AU RECOURS :
Société DAMIETTA INTERNATIONAL PORT COMPANY S.A.E
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1],
[Adresse 2]
EGYPTE
représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : T03
assistée de Me Christian CAMBOULIVE et de Me Marie-Hélène BARTOLI, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : T03
DEFENDERESSES AU RECOURS :
Entreprise ARCHIRODON-ARAB CONTRACTORS JOINT VENTURE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3],
[Adresse 4]
[Adresse 5]
EGYPTE
représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018
assistée de Me Priscille PEDONE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : E237
Société ARCHIRODON CONSTRUCTION (OVERSEAS) CO. S.A
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Adresse 5]
EGYPTE
représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018
assistée de Me Priscille PEDONE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : E237
Société THE ARAB CONTRACTORS OSMAN AHMED OSMAN & CO
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 8]
[Adresse 5]
EGYPTE
représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018
assistée de Me Pris cille PEDONE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : E237
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mars 2017, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Madame GUIHAL, Présidente
Madame SALVARY, Conseillère
Monsieur LECAROZ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, présidente
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Par contrat du 17 juin 2007, la société égyptienne Damietta International Port Company SAE (DIPCO), titulaire d'une concession pour la construction et l'exploitation d'un mur de quai entièrement équipé dans le nouveau terminal à conteneurs du port de Damiette (Egypte) a confié les travaux à Archirodon-Arab Contractors Joint-Venture (AAC).
Des différends étant survenus entre les parties, AAC a engagé le 13 avril 2010 une procédure d'arbitrage auprès de la Chambre de commerce internationale.
Le tribunal arbitral composé de MM. Blessing et Mantilla-Serrano, arbitres, et de M. Salès, président, a rendu à Paris le 5 juillet 2011 une sentence partielle par laquelle il s'est déclaré compétent ratione temporis en écartant le moyen tiré de l'inobservation du mécanisme obligatoire de règlement amiable des différends, préalable à l'arbitrage.
Par une sentence finale rendue à Paris le 18 juillet 2013, le tribunal arbitral a condamné DIPCO à payer à AAC la somme cumulée de 138.314.701, 15 USD au titre des travaux exécutés, lui a ordonné de permettre à la joint-venture de retirer le matériel restant sur le site, et l'a condamnée à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint-venture à hauteur de 1.110.000 USD.
Par une déclaration déposée le 9 avril 2015, DIPCO a formé un recours en annulation des deux sentences, dirigé contre la joint-venture et contre les deux sociétés qui la constituent : Archirodon Construction Overseas Co SA, et The Arab Contractors Osman Ahmed Osman & Co.
Par des conclusions notifiées le 13 décembre 2016, DIPCO demande à la cour d'annuler les deux sentences, de rejeter les demandes des parties adverses et de les condamner à payer la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle invoque l'incompétence du tribunal arbitral, la méconnaissance par les arbitres de leur mission et la violation de l'ordre public international.
Par des conclusions notifiées le 2 janvier 2017, Archirodon Construction Overseas Co SA, The Arab Contractors Osman Ahmed Osman & Co, et la joint-venture demandent à la cour de rejeter comme irrecevable et mal fondé le recours contre les deux sentences, de dire que ce rejet leur confère l'exequatur et de condamner DIPCO à leur payer la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI :
Sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) :
DIPCO soutient que le tribunal arbitral a retenu à tort sa compétence, d'une part, parce que la joint-venture étant dépourvue de personnalité morale n'a pu valablement conclure la convention d'arbitrage dont elle s'est prévalue, d'autre part, parce qu'elle n'avait pas la capacité d'ester en justice, enfin, parce que la clause compromissoire sur le fondement de laquelle le tribunal arbitral a été saisi était applicable à un entrepreneur étranger mais non à un entrepreneur égyptien.
Considérant, en premier lieu, que le contrat conclu le 17 juin 2007 entre DIPCO et la joint-venture Archirodon Arab Contractors a été signé par MM. [F] [F], 'Chairman & Managing Director, Damietta International Port Company', [M]. [P], 'President/Director, Damietta International Port Company', [V] [H] 'Regional Manager (North Africa), Project Sponsor, Archirodon Construction (Overseas) Co S.A', [P] [Z], 'Corporate Geotechnical Manager, Archirodon Construction (Overseas) Co SA', [T] [K] [W] 'Chairman & Chief Executive Officer, Arab Contractors', et [Z] [I] 'Manager Tenders Department, Arab Contractors';
Considérant qu'il apparaît, par conséquent, que si les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO S.A. et The Arab Contractors ont porté à la connaissance du maître de l'ouvrage, par la dénomination de 'joint-venture', le fait qu'elles avaient conclu entre elles un accord fixant les conditions de leur coopération, ce sont bien ces deux sociétés, incontestablement dotées de la personnalité morale, qui ont contracté avec DIPCO;
Que la première branche du moyen manque donc en fait;
Considérant, en deuxième lieu, que la capacité pour agir de la joint-venture dans l'instance arbitrale est une question de recevabilité de l'action devant le tribunal arbitral et non de compétence de celui-ci; qu'une contestation portant sur ce point n'est pas au nombre des cas d'ouverture du recours en annulation de la sentence, limitativement énumérés par l'article 1520 du code de procédure civile; que le moyen, par conséquent, est irrecevable en sa deuxième branche;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile, applicable en matière internationale par renvoi de l'article 1506 : 'La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir';
Considérant que le contrat du17 juin 2007 stipule en son article 20.6: 'Sauf indication contraire dans les Conditions Particulières, tout différend non réglé à l'amiable et à l'égard duquel la décision du Bureau de Conciliation (le cas échéant) n'est pas définitive et contraignante sera tranché définitivement par voie d'arbitrage. Sauf convention contraire des deux parties :
(a) Pour les contrats avec des entrepreneurs étrangers, un arbitrage international dont la procédure sera administrée par l'institution désignée dans les Données contractuelles, conduite conformément au règlement d'arbitrage de la dite institution, le cas échéant, ou conformément au règlement d'arbitrage de la CNUDCI, au gré de l'institution désignée.
(b) le siège de l'arbitrage sera la ville où est situé le siège social de l'institution désignée.
(c) l'arbitrage se déroulera dans la langue de communication définie au par. 1.4, et
(d) Pour les contrats avec les entrepreneurs nationaux, un arbitrage dont la procédure sera conduite conformément au droit du pays du maître de l'ouvrage';
Que les 'Données contractuelles' visées au a) prévoient un arbitrage à Paris, conformément au règlement de la C.C.I., avec application du droit de la République d'Egypte;
Considérant que le 13 avril 2010, une demande d'arbitrage a été adressée au Secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par 'Archirodon-Arab Contractors Joint Venture, société régie par le droit égyptien'; que suivant l'acte de mission signé le 9 mars 2011 par les parties et par le tribunal arbitral, les contestations élevées par DIPCO portaient sur la réalité des inexécutions contractuelles que lui imputaient la partie adverse, sur la nature et le montant des dommages-intérêts réclamés par AAC, ainsi que sur l'inobservation du préalable de conciliation; que par une sentence partielle rendue le 5 juillet 2011 sur ce dernier point, le tribunal arbitral a rejeté le moyen tiré du caractère prématuré de la demande et s'est déclaré compétent;
Considérant que ce n'est que par un mémoire déposé le 15 mars 2012 auprès du tribunal arbitral, que DIPCO a contesté la compétence de celui-ci, en faisant valoir que toutes les parties étant égyptiennes, les différends devaient, en vertu de l'article 20.6 (d) du contrat, être soumis à un arbitrage conduit conformément au droit égyptien, et non à un arbitrage international administré par la Cour de la C.C.I;
Mais considérant que DIPCO, qui connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et qui s'est abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence, ne s'est pas conformée à l'obligation de relever les irrégularités en temps utile, en s'en prévalant un an plus tard lors des débats sur le fond;
Qu'ainsi, le moyen qui manque en fait en sa première branche est irrecevable en ses deux autres branches;
Sur le deuxième moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) :
DIPCO soutient que les arbitres ont méconnu leur mission, d'une part, en refusant d'appliquer le droit égyptien, loi du contrat, en l'occurrence en écartant l'article 11-2 du code civil égyptien sur la question de la détermination du statut juridique d'une société étrangère, d'autre part, en ne faisant pas tous leurs efforts pour rendre une sentence efficace, ainsi que le prévoit le règlement d'arbitrage de la C.C.I.
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, c'est de manière tardive que DIPCO a fait valoir devant le tribunal arbitral que toutes les parties étant égyptiennes, le différend, conformément à la clause compromissoire, ne relevait pas d'un arbitrage administré par la C.C.I.; que, dès lors, la motivation par laquelle les arbitres, non sans avoir relevé cette tardiveté au regard des prévisions de l'article 33 du règlement d'arbitrage de la C.C.I, ont énoncé que la société Archirodon Construction (Overseas), étant immatriculée au Panama, n'était pas égyptienne peu important la situation de son siège en Egypte, est surabondante, de sorte que la critique qui lui est adressée ne saurait, en toute hypothèse, emporter annulation de la sentence finale;
Considérant, en second lieu, que cette sentence ayant bénéficié de l'exequatur en Egypte par une décision du 10 septembre 2014 confirmée par un arrêt de la cour d'appel du Caire du 3 février 2016, DIPCO ne démontre pas en quoi les arbitres n'auraient pas rendu une sentence juridiquement efficace;
Que le moyen en ses deux branches ne peut qu'être écarté;
Sur le troisième moyen d'annulation tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile):
DIPCO allègue que la sentence heurte la conception française de l'ordre public international en ce qu'elle méconnaît le principe selon lequel seules des personnes juridiques peuvent être titulaires de droits et d'obligations.
Considérant que la désignation de la joint-venture AAC en qualité de partie à la sentence ne modifie en rien la nature des rapports juridiques nés du contrat, suivant lequel ce sont les sociétés Archirodon et Arab Contractors qui se sont engagées solidairement à l'égard de DIPCO en tant qu'associées d'une société en participation ostensible; que la reconnaissance ou l'exécution d'une telle sentence ne heurte de manière manifeste, effective et concrète aucun principe d'ordre public international; que le moyen doit être écarté;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours en annulation des deux sentences doit être rejeté; que ce rejet, en application de l'article 1527 du code de procédure civile, leur confère l'exequatur;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que DIPCO, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer aux sociétés Archirodon et The Arab Contractors la somme de 100.000 euros;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le recours en annulation des sentences rendues à Paris les 5 juillet 2011 et 18 juillet 2013.
Dit que ce rejet confère l'exequatur aux sentences attaquées.
Condamne la société Damietta International Port Company S.A.E. aux dépens et au paiement aux sociétés Archirodon Construction (Overseas) Co S.A. et The Arab Contractors Osman Ahmed Osman & Co de la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE