La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2017 | FRANCE | N°16/04003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 24 avril 2017, 16/04003


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 24 AVRIL 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04003



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 13/00651





APPELANTES



MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE PARIS EST

ayant ses bureaux [Adr

esse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



MONSIEUR LE RECEVEUR RÉGIONAL DES DOUANES DE PARIS EST

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



L'ADMINISTRATION DES DOUANE...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 AVRIL 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04003

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 13/00651

APPELANTES

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE PARIS EST

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

MONSIEUR LE RECEVEUR RÉGIONAL DES DOUANES DE PARIS EST

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

prise tant en la personne du Directeur Régional des Douanes de PARIS EST que du Receveur Régional des Douanes de PARIS EST

Représentés par Me Ralph BOUSSIER de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

Représentés par Me Chloé FRANTZ, de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

INTIMEE

SAS DUTY FREE ASSOCIATES

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 423 402 312

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Représentée par Me Nathalie PETRIGNET de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, substituée par Me Maeva RANCOEUR, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 et suivant du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Duty Free Associates « DFA » est la centrale d'achat du groupe AELIA dont elle est une filiale. Le groupe est spécialisé dans la distribution en détaxe de divers produits dans les aéroports.

La société DFA s'approvisionne auprès de fournisseurs établis en France, dans d'autres Etats membres de l'Union Européenne ainsi que dans des pays tiers à l'Union. Elle stocke les produits dans un entrepôt central situé à [Localité 3], Seine-et-Marne.

Dans la nuit du 19 au 20 mars 2011, l'entrepôt de [Localité 3] a fait l'objet d'une attaque à main armée. Le vol a été évalué à 1 763 003 euros. L'instruction de l'affaire a été confiée à la Brigade de Répression du Banditisme de Versailles.

Par courrier du 23 mars 2011, la société DFA a sollicité de l'administration des Douanes une demande d'admission à décharge sur le fondement de la force majeure.

Après le refus de l'administration douanière de faire droit à ses demandes de remises, la société DFA s'est vue notifier plusieurs AMR pour un montant total de 1 784 133 euros.

Par assignation du 7 janvier 2013, la société DFA a saisi le tribunal de grande instance de Meaux.

Par jugement en date du 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Meaux a statué comme suit :

Déclare recevable le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire dans le déroulement de la procédure de recouvrement des droits et taxes douaniers,

Déclare irrégulière la procédure de recouvrement suivie à l'encontre de la société Duty Free Associates au regard des articles L 80 M du code des procédures fiscales et 67 A à 67 D du code des douanes national.

Annule les avis de recouvrement des 10 juillet et 11 juillet 2013.

M. le directeur Régional des Douanes et Droits Indirects de Paris, M. le Receveur Régional des Douanes de Paris Est, l'administration des Douanes et Droits Indirects ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 10 mai 2016, M le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris, M. le receveur régional des douanes de Paris Est, l'administration des Douanes et droits indirects demandent de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 décembre 2015 ;

- Débouter la société Duty Free Associates de l'ensemble de ses demandes ;

- Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé le moyen tiré du non-respect du principe de la contradiction dans le déroulement de la procédure de recouvrement des droits et taxes douaniers ;

- Déclarer parfaitement régulière la procédure de recouvrement suivie à l'encontre de la société Duty Free Associates au regard des dispositions des articles L 80 M du code des procédures fiscales et 67 A à 67 D du Code des douanes nationales ;

- Déclarer réguliers et bien fondés les avis de recouvrement du 10 juillet 2013 s'agissant des marchandises communautaires et l'avis de mise en recouvrement du 11 juin 2013 s'agissant des marchandises tierces et par conséquent ne pas ordonner la remise des droits et taxes rattachés aux marchandises volées ;

- Donner acte à l'administration des Douanes de ce qu'elle accepte de faire droit à la demande de la société Duty Free Associates d'admission en décharge des seuls produits alcooliques dérobés soit la somme de 1 010 euros ;

- Condamner la société Duty Free Associates à payer à la direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de Paris, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 11 juillet 2016, la société Duty Free Associates SAS demande à la cour de :

A titre principal : confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 décembre 2015

- Constater la méconnaissance du principe du contradictoire,

- Déclarer irrégulière la procédure de recouvrement à l'encontre de la société DFA

- Annuler la décision de rejet datée du 6 novembre 2012 sous référence 12005207 en ce qu'elle a méconnu le principe du contradictoire,

- Annuler les avis de mise en recouvrement subséquents en date du 10 juillet 2013 sous référence AMR n° 778 13 CI 177 pour un montant de 1 681 225 euros et en date du 11 juin 2013 sous référence AMR n° 778/13/47 pour un montant de 105 908 euros,

- Ordonner la remise des droits et taxes rattachés aux marchandises volées pour un montant de 105 908 euros au titre des marchandises tierces et 1 681 225 euros au titre des marchandises communautaires,

- Déclarer sans objet la proposition de décharge des droits présentés par l'administration des douanes à hauteur de 1 010 euros au tire des produits alcooliques.

A titre subsidiaire :

Constater que les conditions prévues par l'article 206 du code des douanes communautaire sont remplies ;

Constater que les conditions prévues par l'article 302 K du code général des impôts sont remplies ;

Constater que l'administration des douanes et droits indirects reconnaît elle-même que les conditions de la force majeure sont réunies au cas d'espèce à travers sa demande de décharge de la société Duty Free Associates pour les seuls produits alcooliques dérobés soit la somme de 1 010 euros, alors que le texte de loi applicable est strictement identique pour les produits alcooliques et les produits manufacturés de tabac et que les deux catégories de produits en cause ont été dérobés à la société Duty Free Associates à la même date et dans les mêmes conditions ;

En conséquence : Annuler la décision de rejet datée du 6 novembre 2012 sous référence 12005207 ;

Annuler les avis de mise en recouvrement subséquents en date du 10 juillet 2013 sous référence AMR n° 778 13 CI 177 pour un montant de 1 681 225 euros et en date du 11 juin 2013 sous référence AMR n° 778/13/47 pour un montant de 105 908 euros

Ordonner la remise des droits et taxes rattachés aux marchandises volées pour un montant de 105 908 euros au titre des marchandises tierces et 1 681 225 euros au titre des marchandises communautaires ;

En toute hypothèse :

Débouter l'administration des douanes et droits indirects de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions autres que sa demande de décharge des produits alcooliques dérobés à la société Duty Free Associates soit la somme de 1 010 euros ;

Condamner l'administration des douanes et droits indirects à verser à la société Duty Free Associates la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

Sur la recevabilité du moyen de nullité de la décision de rejet du 6 novembre

2012

L'administration des douanes soutient que la société DFA serait irrecevable à soulever la nullité de la décision de rejet litigieuse, faute de l'avoir soulevée dans son assignation, l'article 74 du code de procédure civile disposant que les exceptions de procédure doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Ainsi que l'a jugé le tribunal de grande instance, l'exception soulevée tirée de la méconnaissance du principe du contradictoire ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 mais un moyen de défense au fond tel qu'édicté à l'article 71 et pouvant être proposé en tout état de cause conformément à l'article 72.

Il y a lieu de confirmer que l'exception de nullité soulevée par la société DFA est recevable.

Sur la nullité de la décision du 6 novembre 2012 :

L'administration soutient que la décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'elle a retenu qu'aucune nullité n'affectait la décision qui rejetait la demande de remise portant sur les accises afférentes aux marchandises communautaires.

La société DFA estime au contraire que la décision de rejet qui lui a été notifiée, par courrier du 6 novembre 2012, ne lui a pas permis de faire valoir l'exercice de son droit. Elle soutient que le courrier recommandé a constitué une lettre officielle et non une simple note comme l'administration le soutient ; qu'elle n'a pû répondre contradictoirement à ce courrier. La décision de rejet n'a pas pu valablement et dans les conditions prévues par les dispositions des articles 67 A à 67 D du code des douanes national et de l'article L 80 M du code général des impôts lui permettre de faire valoir l'exercice de son droit d'être entendu.

Aux termes de l'article 67 A du code des douanes, sous réserve des dispositions de l'article 67 B toute décision prise en application du code des douanes communautaire lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière, est précédée de l'envoi ou remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration de douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci la référence des documents et informations sur lesquels elle est fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification.

Aux termes de l'article L80 M du livre des procédures fiscales, en matière de contibutions indirectes et de règlementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration.

Ceci exposé, la société DFA nie la portée des échanges entretenus avec l'administration. Or, il ressort des pièces produites que, par courrier du 23 mars 2011, la société DFA a sollicité une admission à décharge fondée sur la force majeure, qu'un entretien téléphonique a eu lieu le 14 septembre 2011, puis que par courrier du 18 octobre 2011, la société DFA a poursuivi son argumentation.

La décision de rejet, qui mentionne l'existence du droit d'être entendu à compter de la notification des montants, constitue un échange au sens des textes précités.

Avant de notifier les avis de recouvrement, la société a disposé d'une procédure orale ou écrite pour faire valoir ses observations, en application des articles L80 M précité et 67 A du code des douanes.

La décision de rejet exprimée par l'administration des douanes le 6 novembre 2012 n'était qu' une réponse à la demande de décharge, sans porter atteinte aux droits de la société DFA puisqu'elle conservait la possibilité de se défendre au stade de la procédure contradictoire lors de la mise en recouvrement. Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont déclaré régulière la procédure suivie à l'encontre de la société DFA au regard des dispositions des articles L 80 M du code des procédures fiscales et 67 A à 67 D du code des douanes nationales

Sur les avis de mise en recouvrement des 11 juin 2013 et 10 juillet 2013

Il s'agit de la deuxième phase édictée par les articles 67 A à 67 D.

Le tribunal a sanctionné l'absence d'éléments qui justifieraient des échanges verbaux consécutifs à l'avis préalable de taxation. Il a estimé que, pour les marchandises communautaires, l'avis de mise en recouvrement était antérieur d'un mois à l'avis préalable et pour les marchandises tierces, il était simultané.

L'administration demande de réformer le jugement en soutenant que le tribunal s'est focalisé sur l'envoi des AMR, alors que la société DFA avait préalablement disposé du bénéfice d'une procédure orale ou écrite pour faire valoir ses observations et avis en application des articles L80 M du code des procédures fiscales et 67 A du code des douanes.

La société DFA demande le maintien de la nullité de ces avis au motif que l'administration n'a pas respecté le principe du droit d'être entendu. Elle soutient que l'administration douanière avait pris sa décision dès le 6 novembre 2012, que l'avis de mise en recouvrement du 11 juin 2013 annule et remplace des avis préalables de taxation 44/13 et 857/13 qu'ils n'ont pas été envoyés par courriers recommandés, et que l'avis de mis en recouvrement du 2 mai 2013 a été émis antérieurement à toute procédure contradictoire.

Ceci exposé, il ressort des éléments versés aux débats, que l'administration douanière a procédé à l'annulation de deux avis préalables de taxation, qui ont été remplacés par l'avis préalable de taxation du 11 juin 2013, adressé à la société DFA par courrier recommandé, à la suite des observations reçues par la société.

S'agissant des marchandises extracommunautaires, la société DFA a fait parvenir le 26 mars 2013 ses observations sur l'avis de taxation du 27 février 2013.

Le 2 avril 2013, la société DFA a reçu un avis de résultat, qui minore le montant dû et précise qu'il annule et remplace l'avis de taxation préalable du 27 février 2013.

Dans cet avis, l'administration invite la société DFA à formuler ses observations dans le délai de 30 jours.

La société DFA a formulé ses remarques le 29 avril 2013. L'avis de paiement a été adressé le 16 mai 2013 et l'avis de mise en recouvrement a été émis le 11 juin 2013.

L'administration établit ainsi pour les marchandises extracommunautaires, la mise en oeuvre de la procédure préalable à la prise de décision.

S'agissant des marchandises communautaires, l'administration des douanes a émis un avis préalable de taxation le 11 juin 2013, pour un montant de 1 681 225 euros.

Cet avis indique qu'il annule et remplace les avis préalables de taxation n° 444/13 et 857/13. L'administration invite la société DFA à formuler ses observations en application de l'article L80 M du livre des procédures fiscales et précise son droit d'être entendu.

Le 24 juin 2013, la société DFA a fait valoir ses observations. Un avis défintif a été émis le 5 juillet 2013 et l'avis de mise en recouvrement, le 10 juillet 2013.

Au vu de ces éléments, l'allégation selon laquelle le titre exécutoire a été émis antérieurement aux avis préalables de taxation, interdisant la société DFA de faire valoir ses observations, n'est pas démontrée puisque l'avis de mise en recouvrement du 10 juillet 2013, a été émis trente jours après l'émission de l'avis préalable de taxation le 11 juin 2013.

Le jugement sera réformé sur ce chef de demande. Il y a lieu de déclarer réguliers les avis de recouvrement du 10 juillet 2013 pour les marchandises communautaires et l'avis de mise en recouvrement du 11 juin 2013 pour les marchandises tierces et par conséquent de ne pas ordonner la remise des droits et taxes rattachés aux marchandises volées.

Sur le fond

Sur la force majeure :

La société DFA soutient que la décision de rejet du 6 novembre 2012 fonde son refus sur la directive de 2008/118/CE du conseil du 16 décembre 2008, selon laquelle le vol ne peut constituer ni une destruction ni une perte irrémédiable ; que l'administration fait une interprétation inexacte de l'article 302 K du code général des impôts en exigeant la preuve d'une destruction ou d'une perte irrémédiable ; que les conditions de la force majeure en matière d'accises telles que définies par la CJCE sont réunies ; que concernant les marchandises non communautaires placées sous le régime de l'entrepôt douanier, le vol peut constituer un cas de force majeure.

L'administration des douanes fait valoir que pour les marchandises non communautaires placées sous le régime de l'entrepôt douanier, la soustraction par des tiers, même sans faute du débiteur, de marchandises soumises à un droit de douane n'éteint pas l'obligation afférente.

Sur les marchandises non communautaires placées sous le régime de l'entrepôt douanier.

Pour soutenir que le vol peut constituer un cas de force majeure, la société DFA se fonde sur l'article 206 du code des douanes communautaires, qui requiert deux conditions : une perte irrémédiable, par suite de force majeure ; et fait valoir que la jurisrudence Mellina Agosta, citée par la douane, est rejetée par la jurisprudence nationale.

L'administration de douanes répond que la cour de justice des communautés européennes a, dans un arrêt du 5 octobre 1983 retenu que la soustraction, par des tiers et même sans faute avérée du débiteur, de marchandises soumises à droit de douane n'éteint pas l'obligation y afférente. Ainsi, le vol ne constitue pas un cas de force majeure et n'entraîne pas l'extinction de la dette douanière.

Elle ajoute que sur la question préjudicielle qui a été posée par la cour de cassation : le vol de marchandises détenues sous le régime de l'entrepôt douanier est-il de nature à faire intervenir le fait générateur et l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 71 de la directive. La cour de justice de l'union européenne a répondu le 11 juillet 2013, que le vol ne constitue pas un cas de force majeure susceptible de conduire à l'extinction de la dette douanière.

A la suite de cette décision, par arrêt du 4 février 2014, la cour de cassation a adopté cette position.

Aux termes de l'article 206 du code des douanes communautaires, aucune dette douanière à l'importation n'est réputée prendre naissance lorsque l'intéressé apporte la preuve que l'inexécution des obligations résulte de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de la marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure (...). Au sens du présent paragraphe, une marchandise est irrémédiablement perdue lorsqu'elle est rendue inutilisable par quiconque.

Il se déduit, à la lumière du texte précité et de la position adoptée par la cour de cassation, que l'article 206 du code précité n'est pas applicable au vol d'une marchandise placée sous le régime de l'entrepôt douanier, qu'en conséquence la demande de décharge des droits et taxes, sollicitée par la société DFA, au titre des marchandises non communautaires placées sous le régime de l'entrepôt douanier, ne peut prospérer.

b. Sur les marchandises communautaires placées sous le régime de l'entrepôt

fiscal suspensif des droits d'accises

La société DFA demande une remise des droits d'accises sur le fondement de 302 K du code général des impôts, elle estime que les deux conditions prévues par cet article sont remplies.

L'administration des douanes soutient que la condition nécessaire à l'application de l'article 302 K, à savoir l'existence d'une perte, fait défaut.

L'article 302 K du Code général des Impôts dispose que :

«I . Les pertes, constatées dans les conditions prévues en régime intérieur et, le cas échéant, les limites fixées par l'état membre de destination, de produits circulant en suspension de droits vers un entrepositaire enregistré ne sont pas soumises à l'impôt, s'il est justifié auprès de l'administration qu'elles résultent d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure, ou qu'elles sont inhérentes à la nature des produits.

II. Les pertes constatées dans les conditions prévues en régime intérieur, de produits mis à la consommation dans un Etat membre de la Communauté européenne livrés à destination d'une personne mentionnée aux I ou II de l'article 302 U bis ne sont pas soumises aux droits d'accise, s'il est justifié auprès de l'administration des douanes ou droits indirects qu'elles résultent d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure, ou qu'elles sont inhérentes à la nature des produits  .

La directive 20081118/CE a été transposée en droit interne par la loi de finances rectificative 2009-1674 du 30 décembre 2009 modifiant les articles 302 K,302 Q et 302 D.

Aux termes de l'article 302 K transposé en droit interne, la notion de perte doit être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, or le vol ne rend le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l'auteur du vol.

En l'espèce, la condition posée par l'article 302 K, à savoir l'existence d'une perte, n'est pas remplie.

Dans ces conditions, l'examen de la seconde condition relative à la force majeure n'est pas nécessaire. Le vol de marchandises commis dans la nuit du 19 au 20 mars 2011 ne peut pas être considéré comme constitutif d'un cas de force majeure.

Sur la demande de remise

Selon l'administration de douanes l'article 80 A du livre des procédures fiscales ne peut s'appliquer en l'espèce dès lors que la société DFA a fait une demande de décharge relative aux tabacs manufacturés.

La société DFA invoque l'article L 80 A alinéa 2 du livre des procédures fiscales pour soutenir que la direction des douanes ne peut rejeter une demande de remise sur la base d'une interprétation différente du même texte fiscal concernant des circonstances similaires.

Il ressort des termes du courrier de l'administration de douanes en date du 18 décembre 2013, que celle-ci énonçait :

'la circulaire en question ne s'appliquant pas aux tabacs manufacturés, je rejette la demande en décharge et votre contestation d'AMR en tant qu'elles ont trait à la somme de 89 926 euros due au titre du droit de consommation sur les tabacs.'

S'agissant de la demande portant sur les produits alcooliques, eu égard aux termes du BOD 6960 du 31 décembre 2012, il est donné acte aux appelants ce qu'ils acceptent de faire droit à la demande de la société DFA concernant l'admission en décharge des produits alcooliques dérobés soit la somme de 1 010 euros (15 euros + 9 euros + 16 euros + 772 euros + 198 euros - chiffres indiqués sur l'AMR 778 13 CI 177).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne sera pas droit à la demande de décharge des droits et taxes sollicitée par la société DFA, hormis la demande portant sur les produits alcooliques.

Sur les autres demandes

La société DFA partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.

Il paraît équitable d'allouer aux parties appelantes la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 17 décembre 2015 par tribunal de grande instance de Meaux en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen tiré du non-respect du principe de la contradiction dans le déroulement de la procédure de recouvrement des droits et taxes douaniers ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la Société Duty Free Associates de ses demandes ;

DÉCLARE réguliers et fait droit aux avis de recouvrement du 10 juillet 2013 pour les marchandises communautaires et du 11 juin 2013 pour les marchandises tierces ;

DONNE ACTE, en tant que de besoin, à l'administration des douanes de ce qu'elle accepte de faire droit à la demande de la société Duty Free Associates d'admission en décharge des seuls produits alcooliques dérobés soit la somme de 1 010 euros ;

CONDAMNE la société Duty Free Associates à payer à la direction régionale des douanes et droits indirects de Paris, la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Duty Free Associates aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/04003
Date de la décision : 24/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/04003 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-24;16.04003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award