Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 AVRIL 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02120 (Absorbant le RG : 16/03995)
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 14/04249
APPELANTS
Maître [D] [C], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL CARE DISTRIBUTION ayant son siège social [Adresse 1]
domicilié au [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me François CITRON de la SCP CITRON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
Représentés par Me Stéphane LE ROY de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
INTIMÉS
L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS
ayant ses bureaux [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne du Directeur de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) ainsi que le Receveur Régional des Douanes
MONSIEUR LE DIRECTEUR DE LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIERES
domicilié en cette qualité [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
MADAME LA RECEVEUSE RÉGIONAL DES DOUANES
domicilié en cette qualité à la Recette Régionale de la Direction Nationale du Renseignement et des Requêtes Douanière
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Ralph BOUSSIER de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
Représentés par Me Chloé FRANTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
-contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société « care distribution » exerce une activité d'entrepositaire agréé pour la détention et l'expédition de produits alcoolisés (bières, vins) en suspension de droits d'accises, pour le compte de ses clients.
A ce titre, elle établissait un document administratif électronique (« dae ») à l'expédition des biens, l'entrepositaire destinataire émettant un document d'apurement à la réception.
Par procès-verbal d'intervention en date du 3 juillet 2012, l'administration des douanes diligentait une enquête concernant les mouvements effectués en 2011-2012. Une visite domiciliaire était également effectuée le 7 février 2013.
L'administration des douanes est parvenue à la conclusion que plusieurs sociétés étrangères situées dans l'Union Européenne déclarées comme destinataires des marchandises expédiées par la société « care distribution » étaient fictives ou n'avaient jamais reçu de marchandises.
La société « care distribution » a fait l'objet d'un avis préalable de taxation en date du 16 mai 2013, lui indiquant les irrégularités relevées et le redressement envisagé par l'administration des douanes.
La société a contesté cet avis le 11 juin 2013.
Un procès-verbal d'infractions relatif aux constatations de l'administration des douanes susvisées a été établi le 31 juillet 2013, pour un montant de 24 409 191 euros de droits sur les bières et 40 464 euros de droits de circulation sur les vins.
Un avis de mise en recouvrement d'un montant total de 24 449 665 euros a été adressé à la société le 4 septembre 2013. Par décision du 12 mars 2014, l'administration des douanes a rejeté la contestation de la société du 20 janvier 2014.
Cette dernière a saisi le tribunal de grande instance de Créteil par assignation en date du 5 mai 2014, aux fins d'obtenir l'annulation du procès-verbal d'infraction, de l'avis de mise en recouvrement et de la décision de rejet de l'administration des douanes.
Dans l'intervalle, la société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, suite à un jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-mer du 17 juillet 2014, ayant désigné Me [C] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 20 novembre 2015, le tribunal a :
Dit n'y avoir lieu à annuler le procès verbal d'infraction dressé le 31 juillet 2013, l'avis de recouvrement émis le 4 septembre 2013 et la décison rendue le 12 mars 2014 ; il a réduit le montant des sommes visées dans l'avis de mise en recouvrement à 22 633 106 euros.
Le tribunal a retenu qu'un échange contradictoire avait eu lieu et partant, que la procédure était régulière et concernant la créance de l'administration des douanes, a admis comme moyens de preuve les rapports transmis par les autorités d'autres Etats membres.
Me [C], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Care distribution a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 janvier 2016.
L'administration des douanes a également fait appel de cette décision le 12 février 2016, notifiant à la société et son liquidateur sa déclaration d'appel par voie d'assignation en date du 1er avril 2016.
Les affaires n° 16/02120 et 16/3995 ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction par décision du 30 janvier 2017.
Vu les conclusions de Me [C], es qualité de liquidateur judiciaire de la société care distribution signifiées le 26 janvier 2017, qui demande à la cour de :
juger que le principe des droits de la défense n'a pas été respecté ;
Subsidiairement,
juger que la créance de l'administration n'est pas fondée ;
En conséquence,
infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 20 novembre 2015 en toutes ses dispositions, sauf celles concernant les livraisons vers l'entrepositaire agréé « cantine san marco » ;
confirmer ledit jugement en ce qu'il a retranché la somme de 1 816 549 euros afférente aux livraisons vers l'entrepositaire agréé « cantine san marco » ;
débouter l'administration de toutes ses prétentions formulées dans ses conclusions ;
annuler la décision de redressement notifiée le 31 juillet 2013 ;
annuler l'avis de mise en recouvrement n° 2013/64 du 4 septembre 2013 ;
annuler la décision du 12 mars 2014 rejetant la contestation de la société « care distribution », représentée par Maître [C], de l'AMR n° 2013/64 du 4 septembre 2013 ;
condamner l'administration des douanes à payer à la société « care distribution », représentée par Maître [C], la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Vu les conclusions de l'administration des douanes déposées le 20 janvier 2017, qui demande à la cour de :
déclarer bien-fondé la décision de rejet de la contestation du 12 mars 2014 rendue par le directeur des douanes ;
confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a validé le procès-verbal de notification d'infraction dressé le 31 décembre 2013, l'avis de mise en recouvrement émis le 4 septembre 2013 et la décision rendue par l'administration des douanes le 12 mars 2014 rejetant la contestation de la société « care distribution » représentée par son liquidateur Maître [C] ;
réformer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a ramené la somme sur laquelle porte l'avis de mise en recouvrement à 22 633 106 euros au lieu de 24 449 655 euros et constater la validité de l'avis de mise en recouvrement n° 2013/64 du 4 septembre 2013 pour un montant de 24 449 655 ;
débouter la société « care distribution » représentée par son liquidateur Maître [C] de l'ensemble de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes, les parties font valoir les principaux arguments suivants.
Sur la procédure
Me [C], es qualité de liquidateur judiciaire de la société « care distribution » estime que la société n'a pas pu répondre « en connaissance de cause » à l'avis préalable de taxation qui lui a été adressé par l'administration des douanes, en l'absence de communication des pièces servant de fondement au redressement, ce qui violerait le principe du contradictoire rappelé à l'article l80 m du livre des procédures fiscales.
La société indique avoir reçu les procès-verbaux d'investigation et les rapports transmis par les autorités étrangères sur le caractère fictif de l'activité de certains des destinataires de marchandises plus de trois mois après la notification du redressement.
Elle indique également que le procès-verbal de notification d'infraction comporterait des motifs nouveaux non portés à sa connaissance au stade de la procédure contradictoire préalable, et que c'est à tort que le tribunal a tenu compte des explications qu'elle a pu fournir pour considérer que la procédure n'avait pas méconnu les droits de la défense.
En réplique, l'administration des douanes soutient que l'article l80 m du lpf n'impose pas la communication des pièces fondant la taxation, et que la société aurait pu demander la communication des pièces annexées à l'ordonnance de visite domiciliaire, ce qu'elle n'a pas fait.
L'administration des douanes en conclut que le principe du contradictoire a été respecté et que la société ne peut se prévaloir d'une atteinte aux droits de la défense pour prétendre à la nullité de la procédure, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Ceci étant exposé, l'article l80m du livre des procédures fiscales, en vigueur depuis le 1er juillet 2011, prévoit en substance que toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration.
Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux contributions indirectes et droits assimilés, tels que les droits sur les boissons alcoolisées objet du présent litige. La proposition de taxation adressée par écrit au redevable doit être motivée et lui laisser un délai de trente jours pour formuler des observations ou faire connaître son acceptation. La réponse de l'administration des douanes à ces observations doit également être motivée, en cas de rejet.
Il convient de relever qu'à la différence du droit d'être entendu prévu à l'article 67 du code des douanes, applicable aux décisions prises en application du droit communautaire, les dispositions susvisées n'imposent pas expressément à l'administration des douanes de faire référence aux documents servant de fondement à la décision envisagée. Néanmoins, s'agissant du respect du contradictoire préalable dans la procédure de redressement, le visa des pièces fondant la proposition de taxation de l'administration des douanes est dans tous les cas une condition essentielle participant de la motivation de la décision, en ce qu'elle permet au redevable de formuler ses observations en connaissance de cause.
En revanche, cette exigence n'impose pas à l'administration des douanes de communiquer directement au redevable les documents ayant servi à sa décision, dès le stade de la proposition de taxation, mais simplement dans le cadre de la discussion qui s'ensuit si le redevable en fait la demande et afin que celui-ci puisse formuler ses observations de façon pleinement contradictoire.
Il importe enfin de rappeler que le respect du principe du contradictoire préalable doit s'apprécier de manière concrète et effective, au regard notamment de la situation du redevable visé par la proposition de taxation.
En l'espèce, le visa des documents fondant la proposition de taxation dans l'avis préalable du 16 mai 2013 n'est pas contesté. La référence aux informations fournies par les autorités douanières étrangères est également reprise à l'identique dans le procès-verbal d'infraction du 31 juillet 2013.
Il convient tout d'abord de préciser que l'administration des douanes ne peut valablement prétendre que ces documents étaient accessibles à travers la liste des pièces annexées à l'ordonnance de visite domiciliaire, pour reprocher à la société de ne pas en avoir pris connaissance au stade de l'enquête, c'est à dire avant l'avis préalable de taxation qui lui a été adressé.
Dans ses observations formulées par courrier du 11 juin 2013, la société « care distribution » demandait effectivement la communication de ces éléments, qui ne lui sont parvenus en intégralité que le 23 octobre 2013, et ce après le procès-verbal d'infraction du 31 juillet 2013 et l'avis de mise en recouvrement du 4 septembre 2013.
Toutefois, cette communication tardive ne saurait porter atteinte au respect du contradictoire en l'espèce, au regard de l'échange qui a eu lieu entre la société et l'administration des douanes.
En effet, d'une part, l'article l80m du livre des procédures fiscales n'impose pas expressément à l'administration de communiquer spontanément les pièces qu'elle vise dans l'avis préalable de taxation et d'autre part, comme le relève elle-même la société « care distribution » dans ses écritures, le procès-verbal de notification du 31 juillet 2013 s'avère plus détaillé en ce qui concerne ces éléments, de sorte qu'un échange contradictoire a effectivement pu avoir lieu.
Sur ce point, les précisions factuelles apportées par l'administration des douanes au sujet des informations recueillies auprès des autorités douanières étrangères ne sauraient emporter un changement des motifs de la proposition de taxation, qui demeure la fictivité des livraisons de marchandises aux destinataires ayant apuré les « dae ».
Il faut donc déduire des éléments susvisés que la société « care distribution » a été en mesure de discuter des motifs du redressement qui lui a été notifié de façon pleinement contradictoire, la communication tardive de l'intégralité des informations fournies par les autorités étrangères ne pouvant suffire à entraîner la nullité de la procédure de rectification au regard des circonstances de l'espèce.
Sur la créance
A titre principal, la société « care distribution » soutient que les éléments fournis par les autorités douanières étrangères dans le cadre de l'assistance administrative ne peuvent servir de preuves, dès lors qu'ils consistent généralement dans des rapports ou emails, qui relatent des constatations faites par d'autres services douaniers, sans permettre aucun débat contradictoire sur les conditions dans lesquelles elles ont été faites.
Subsidiairement, la société soulève l'incompétence territoriale de l'administration des douanes française pour constater les irrégularités liées aux agréments des entrepositaires situés dans un autre Etat membre, au regard de l'article 10 de la directive n° 2008/118/ce du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise dans l'Union Européenne, dont le §1 serait directement invocable.
Elle estime que la dette fiscale éventuellement encourue ne pouvait être réclamée que dans les territoires des pays de destination et aux entrepositaires agréés destinataires exclusivement, ce qui serait confirmé par l'émission des accusés de réception des « dae » par ces derniers, qui auraient ainsi pris la responsabilité fiscale des marchandises.
La société évoque également le fait qu'elle a pu procéder, au regard de la confiance légitime qu'elle accordait à la base d'information communautaire sur les numéros d'accises, à des expéditions à des dates auxquelles les autorités soupçonnaient ou étaient informées du caractère douteux d'un certain nombre d'entrepôts, mais auraient laissé figurer les numéros d'accises des entrepositaires concernés.
Sur le redressement concernant le destinataire « cantine san marco », la société fait valoir que les éléments produits par l'administration des douanes sont insuffisants pour établir de prétendues irrégularités, au regard du caractère indirect et succinct des informations.
En réponse, l'administration des douanes fait valoir que les accusés de réception des « dae » par les entrepositaires étrangers ne présument pas de la véracité des informations contenues dans les messages électroniques concernant la livraison des marchandises, et ne sauraient permettre à la société « care distribution » de se décharger de sa responsabilité.
Elle indique également que les produits expédiés par la société vers des destinataires agréés qui n'étaient que des sociétés fictives qui n'ont jamais reçues les marchandises, ou qui ont reçues une quantité de produits inférieure à celle déclarée, ne peuvent pas bénéficier du régime de suspension de droits prévu à l'article 302 G II du code général des impôts, les droits d'accises étant dus en France, la directive 2008/118 n'étant de plus pas directement applicable au présent litige.
Dans le cas inverse, l'administration des douanes considère que les articles 7, 8 et 10§4 de la directive précitée permettent d'affirmer que les droits sont dus par la société en France.
Sur la valeur probante des informations transmises par les autorités étrangères, l'administration des douanes vise l'article 32 du règlement (CE) 2073/2004, l'article 30 du règlement (UE) 389/2012 et l'article 14 de l'acte du Conseil 98/C 24/01 pour considérer que ces éléments peuvent être invoqués comme éléments de preuve, la société n'apportant pas de preuve contraire sur la livraison effective des marchandises permettant de renverser la présomption d'infraction.
Enfin, l'administration indique que les éléments transmis par les autorités allemandes dans le cadre des investigations menées à l'encontre de la société « T&U Handle und Service GmbH », ont permis d'établir que la société « cantine san marco » n'avait jamais reçu les marchandises expédiées sous couvert des « dae » émis par la société « care distribution ».
Ceci étant exposé,
L'article 302 M ter du code général des impôts, dans sa version en vigueur à la date des faits, dispose que « Dans les échanges intracommunautaires, les mouvements de produits soumis à accise sont effectués en suspension de droits s'ils sont réalisés sous le couvert d'un document administratif électronique établi par l'expéditeur dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 684/2009 de la Commission du 24 juillet 2009 mettant en 'uvre la directive 2008/118/CE du Conseil en ce qui concerne les procédures informatisées applicables aux mouvements en suspension de droits de produits soumis à accise, et selon les modalités fixées par voie réglementaire ».
L'article 302 P du code général des impôts tire les conséquences de l'apurement du document administratif électronique pour l'entrepositaire agréé : « Lorsque des produits sont expédiés en suspension des droits d'accise par l'intermédiaire du service de suivi informatique des mouvements de marchandises soumises à accise, l'entrepositaire agréé ou l'expéditeur enregistré et leur caution solidaire sont déchargés de leur responsabilité par l'obtention de l'accusé de réception ou du rapport d'exportation établi dans les conditions et selon les modalités fixées par voie réglementaire ».
Il résulte nécessairement des dispositions précitées que l'entrepositaire agréé ayant recours au système informatisé de suivi des marchandises en mouvement mis en place par la directive 2008/118/CE est présumé bénéficier régulièrement du régime de suspension des droits d'accise, dès lors qu'il dispose d'un accusé de réception remis par le destinataire des produits.
L'administration des douanes peut cependant remettre en cause la régularité des apurements, simplement présumée, si elle établit notamment que les produits soumis à accises ne sont pas parvenus à destination, ou ont été livrés à un destinataire fictif. Dans ce cas, l'irrégularité est réputée avoir été commise dans l'Etat membre de départ, qui procède au recouvrement des droits d'accises au taux en vigueur à la date d'expédition des produits, auprès de l'entrepositaire agréé qui en est le redevable dès lors qu'il perd le bénéfice du régime de suspension.
Les éléments de preuve servant à renverser la présomption de régularité des mouvements en suspension de droits d'accise peuvent notamment résulter des informations recueillies auprès des autorités douanières des Etats membres de destination des produits soumis à accise, qui ont pu y constater l'absence de livraison des marchandises ou le caractère fictif ou irrégulier des apurements réalisés par les destinataires.
En l'espèce, le redressement notifié par les douanes française à la société « care distribution » est fondé principalement sur les informations transmises par les autorités douanières des Etats membres de destination des produits livrés sous le régime de suspension de droits d'accises, qui font état de l'absence de livraisons effectives ou dans une quantité moindre, ainsi que de la fictivité de certains destinataires, emportant l'irrégularité des apurements réalisés par ces derniers.
Sur ce point, il convient de relever d'une part, que la force probante des rapports transmis par les autorités douanières étrangères dans le cadre de l'assistance administrative ne saurait être contestée dans le cadre de la présente instance, ces documents pouvant valablement être produits à l'appui des conclusions de l'administration des douanes, tel qu'il résulte de l'article 32 du règlement CE n° 2073/2004 du Conseil du 16 novembre 2004, leur caractère contradictoire ayant par ailleurs été établi ci-avant.
D'autre part, la société « care distribution » se montre défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de la réalité des livraisons contestées et de la réception effective des marchandises ayant fait l'objet des accusés de réception émis par les destinataires, dès lors que la régularité des apurements y afférents est contestée par l'administration des douanes sur la base des éléments de preuve qu'elle verse au débat afin de renverser la présomption prévue par l'article 302 P du code général des impôts.
En conséquence, les pièces produites par l'administration des douanes permettent d'établir que les apurements des documents administratifs électroniques pour les produits expédiés par la société « care distribution » sur la période concernée sont irréguliers, entraînant la perte du régime de suspension des droits d'accise sur lesdits produits.
En revanche, s'agissant des livraisons effectuées à la société « cantine san marco », l'administration des douanes fait état d'informations succintes obtenues de façon indirecte auprès d'une autre société que le destinataire des marchandises, il apparaît dès lors comme l'ont relevé les premiers juges que ces éléments sont insuffisants pour établir l'irrégularité de l'apurement des « dae » dans ce seul cas.
En l'absence de réalité des livraisons pour les autres destinataires, la compétence territoriale des douanes françaises pour le recouvrement des droits d'accises sur les boissons ne saurait être utilement contestée par la société « care distribution », qui en est le redevable.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposées.
Il convient ainsi de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
La société Care Distribution, partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement du 20 novembre 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Créteil dans toutes ses dispositions
REJETTE toutes les autres demandes
DIT n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS