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21/04/2017 | FRANCE | N°15/18293

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 21 avril 2017, 15/18293


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 21 AVRIL 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18293



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05362





APPELANTS



Monsieur [W] [O]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]


[Adresse 1]



Madame [D] [E]

Née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



SARL BACH FILMS

RCS PARIS B 448 030 510

Prise en la personne de son représentant légal do...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 21 AVRIL 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18293

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05362

APPELANTS

Monsieur [W] [O]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [D] [E]

Née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SARL BACH FILMS

RCS PARIS B 448 030 510

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant Maître Xavier GRAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : L101, substitué par Maître Laure PAUYLIDSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : L101

INTIMEE

SA HSBC FRANCE

RCS PARIS B 775 670 284

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 2]/FRANCE

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Jean-Dominique FORGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1256

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

M. Marc BAILLY, Conseiller

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Mme Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

M. [W] [O] a acquis en indivision avec Mme [D] [E], en avril 1991, une maison d'habitation située [Adresse 4]) pour un prix de 102 141 euros.

A 1'effet de permettre cette acquisition, un prêt a été souscrit auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Beauvais pour un montant de 81 713 euros sur une durée de quinze années.

Ce prêt a été soldé par anticipation 1e 25 mars 2005, dans le cadre d'un accord de transaction pour une somme de 110 000 euros.

Aux termes d'un acte authentique du 23 août 2005, M. [W] [O] et Mme [D] [E] ont acquis en indivision à hauteur de 50 % chacun une maison d'habitation située [Adresse 5]) moyennant un prix de 525 000 euros.

A 1'effet de permettre cette acquisition, le CCF, devenu HSBC France, a consenti a M.[O] - [O] et à Mme [E] un concours bancaire d'un montant global de 492000 euros se décomposant ainsi :

- prêt dit 'SERENIS'd'un montant de 70 500 euros, remboursable en 180 mois, cette période incluant un différé d'amortissement et d'intérêts de 11 mois, au taux fixe de 3,604% la première année et au taux variable Euribor 12 mois + 1,5 les années suivantes,

- prêt dit 'MODULABLE" d'un montant de 215 000 euros, remboursable en 180 mois, au taux fixe de 3,6 %, avec des mensualités fixes de 1 605,45 euros,

- prêt relais de 206 500 euros avec période de franchise en capital de 11 mois dans l'attente de la revente du bien de l'[Localité 3] au Perreux-sur-Marne.

Pour cette acquisition, M. [O] - [O] et Mme [E] ont fait un apport personnel de 43 000 euros.

Les prêts ont été garantis le 17 octobre 2005 sur le bien immobilier acquis situé au [Adresse 5] par l'inscription de privilèges de prêteur de deniers pour chacun des prêts consentis par la banque.

Ces prêts ont été consentis dans le cadre d'une offre émise le 21 juillet 2005.

Aux termes d'un acte authentique du 6 juillet 2006, M. [O] - [O], agissant seul, a acquis, dans le cadre d'un investissement dit 'Robien', un appartement situé a [Localité 4] moyennant le prix de 120 000 euros, financé à l'aide d'un prêt dit 'tout habitat' d'une durée de 20 années consenti par le Crédit Agricole d'Ile de France au taux d'intérêt fixe de 3,85 % comportant un différé de 12 mois sur le capital, avec des mensualités de 742,89 euros à l'issue de cette période, prêt garanti par deux privilèges de prêteur de deniers de 81 550 euros et de 2 100 euros et par deux hypothèques conventionnelles 34 950 et de 1 400 euros. Cette acquisition s'est effectuée alors que la maison située [Adresse 4] n'était pas vendue.

A l'effet de refinancer le prêt relais souscrit pour un montant initial de 206 500 euros, M. [O] - [O] s'est vu accorder par Le Crédit Agricole d'Ile de France, le 25 janvier 2007, un prêt immobilier d'un montant de 286 223 euros d'une durée de 20 ans, correspondant à la dernière échéance en capital et intérêts du prêt initial, au taux de 4,20% 1'an avec des mensualités constantes (après une première mensualité de 1 364,06 euros) de 1 764,77 euros. La banque a pris une inscription d'hypothèque conventionnelle sur le bien immobilier situe [Adresse 4].

Par acte authentique en date du 25 février 2008, M. [O] - [O] et Mme [E] ont acquis une maison d'habitation située [Adresse 6]) pour un prix de 651 000 euros financé par la banque HSBC France par 1'intermédiaire :

- d'un prêt relais de 12 mois pour un montant de 287 000 euros, au taux de 5,05 % l'an, cette durée incluant une période de franchise en capital de 11 mois dans 1'attente de la vente de deux biens situés au [Adresse 7] et des échéances fixes de 1 286,71 euros les 11 premiers mois, correspondant aux intérêts,

- d'un prêt dit 'Modeliz' pour un montant de 410 000 euros, remboursable en 240 mois avec une période franchise en capital d'une durée de six mois au taux fixe de 4,80 % l'an, avec des échéances fixes de 2 823,48 euros à l'issue de la période de franchise et de l 824,50 euros avant,

- d'un prêt dit 'Modeliz' pour un montant initial de 100 000 euros ramené à 66 881 euros, pour prendre en compte la valeur réelle des travaux effectivement réalisés - une piscine et une véranda - remboursable en 240 mois avec une période de franchise en capital d'une durée de 6 mois au taux fixe de 4,80 %, avec des mensualités fixes de 688,65 euros à l'issue de la période de franchise et de 445 euros avant.

Les trois prêts ont été réitérés en la forme authentique dans l'acte d'acquisition du 25 février 2008.

Les prêts de 410 000 euros et de 100 000 euros remboursables étaient garantis respectivement par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle sur le bien financé.

Le prêt relais de 287 000 euros était garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers sur le bien situé [Adresse 8].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 janvier 2010, la société HSBC France a mis en demeure les débiteurs de lui régler la somme de 298 007,98 euros due au titre du prêt relais réitéré par acte authentique du 25 février 2008.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mai 2010, la société HSBC France a notifié à M. [O] et à Mme [E] la déchéance du terme des prêts immobiliers de 410 000 euros et de 100 000 euros et les a mis en demeure de payer la somme totale de 758 240,05 euros, comprenant le capital restant dû au titre du prêt relais.

Les deux biens immobiliers situés au [Localité 5] ont été revendus, celui de l'[Localité 3] pour la somme de 200 000 euros, attribuée au Crédit Agricole d'Ile de France le 10 septembre 2010 et celui de l'avenue du Président Roosevelt pour la somme de 460 000 euros, attribuée à hauteur de 457 761 euros à la société HSBC avant le mois de septembre 2010.

Le bien de [Localité 4], acquis par M. [O] dans le cadre d'une défiscalisation, a été vendu aux enchères, sur les poursuites du Crédit Agricole d'Ile de France, prêteur de deniers, par jugement d'adjudication du 11 décembre 2012 pour un prix de 36 000 euros.

La société HSBC France a fait signifier à M. [O] et à Mme [E] un commandement de payer valant saisie immobilière en date du 5 mars 2012 portant sur le bien sis à [Adresse 9], et a initié une procédure de saisie immobilière devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.

Ce dernier a sursis à statuer sur les demandes dans l'attente de l'issue du présent litige le 28 mars 2013, puis par nouvelle ordonnance 13 janvier 2016.

Par jugement en date du 2 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par l'assignation délivrée par M. [W] [O], Mme [D] [E] et la société [O] Films à la société HSBC le 27 mars 2012, a :

- déclaré sans objet les demandes relatives à la forclusion, à la prescription et à la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière aux motifs que l'instance a été introduite sur la demande de M. [O] et Mme [E] et que la société HSBC ne formulait aucune demande à leur égard dont la forclusion ou la prescription pouvait être soulevée et que la demande de mainlevée ressortissait de la compétence du juge de l'exécution,

- condamné la société HSBC France à payer aux demandeurs, personnes physiques, la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts en réparation du manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

- déclaré sans objet les demandes au titre de l'indemnité de 7 % et des délais de paiement,

- débouté les demandeurs du surplus de leurs prétentions,

- débouté la société [O] Films de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société HSBC France à payer aux demandeurs, personnes physiques, la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

Par leurs dernières conclusions en date du 30 décembre 2016, à la suite de l'appel qu'ils ont interjeté en date du 9 septembre 2015, M. [W] [O], Mme [D] [E] et la société [O] Films exposent :

- qu'ils ne soutiennent plus les moyens issus de la forclusion, de la prescription et en mainlevée du commandement de payer et se réservent de les réitérer devant le juge de l'exécution,

- que la souscription des trois nouveaux emprunts bancaires auprès de la société HSBC France en sus de ceux déjà préexistants a eu pour effet prévisible de les conduire à une impossibilité matérielle de faire face à leurs engagements financiers,

- que les ventes des biens immobiliers en 2010 ont servi au règlement partiel des prêts 'MODULABLE' de 215 000 euros, 'SERENIS' de 70 500 euros et du prêt relais de 287 000 euros souscrits auprès de la société HSBC mais n'étaient pas suffisantes pour désintéresser la banque du seul prêt relais de 287 000 euros et que cette dernière, qui était pourtant à l'origine de cette situation, plutôt que de les épauler au regard de leur bonne foi, a notifié la déchéance du terme, rompu brutalement ses concours et aggravé irrémédiablement leur situation, y compris celle de la société [O] Films,

- qu'à la date du 14 janvier 2008, soit celle de l'octroi des trois prêts litigieux, les recommandations de la banque de France, la pratique bancaire, l'historique des faits et les encours existants rendaient leur octroi abusif puisque leur endettement était avant lesdits prêts de 65,58 % pour être porté à 111,75 %,

- que les demandeurs ne sont pas même liés par un PACS, se sont endettés séparément ou en indivision, de sorte que leur situation personnelle d'indivisaire est même pire du point de vue de l'endettement excessif, M. [O] disposant d'un disponible de 417,70 euros par mois après prise en compte de l'impôt sur le revenu sur lequel devaient s'imputer toutes les charges et taxes courantes avant que les nouveaux prêts ne portent son endettement à plus que ses ressources tandis que le disponible de Mme [E] était de 915,03 euros mensuels sur lequel elle devait s'acquitter des charges du ménage et subvenir à l'entretien de ses deux enfants issus d'une précédente union à hauteur de 450 euros mensuels a minima, certes selon le jugement postérieur du 4 juin 2010, mais qui donne a posteriori une idée de la charge de ces deux adolescents qu'elle assurait déjà auparavant de manière effective, et ce, alors qu'ensuite des prêts, ses obligations ont également excédé ses ressources,

- que s'agissant de M. [O], l'incidence fiscale 'de Robien' de l'investissement immobilier qu'il a fait seul à [Localité 4] a été dûment prise en compte, ses revenus fiscaux ayant été donnés nets,

- que leur qualité d'emprunteur non averti est établie et que celles, respectives, de dirigeant d'entreprise de M. [O] et de 'responsable financier' de Mme [E] figurant dans les formulaires de souscription d'assurance et des divers emprunts antérieurs ne les rend pas pour autant avertis au regard de la réalité de ce qu'elles recouvrent, le tribunal s'étant contredit en soulignant que M. [O] avait souhaité se constituer un patrimoine immobilier et qu'en conséquence un risque plus important existait et était tolérable par comparaison avec un emprunteur n'ayant pas une démarche similaire,

- que s'il était question dans cette affaire d'acquérir une nouvelle résidence principale au moyen de prêts garantis par des biens préexistants et le nouveau bien, cela ne conférait pas à M. [O] la qualité d'investisseur averti mais qu'il revenait au contraire à la banque de le dissuader de cet achat dans ces conditions tant que les prêts antérieurs n'avaient pas été remboursés par la revente des biens précédemment acquis,

- que c'est vainement que la banque soutient nouvellement qu'ils auraient été conseillés par leur notaire qui n'était là que pour recevoir l'acte, lequel ne retrace pas même l'historique des emprunts et acquisitions successives,

- qu'il revenait indubitablement à la banque en l'espèce de dissuader ses clients de réaliser l'acquisition de Guérande, que c'est sans tirer les conclusions de ses propres constatations que le tribunal a limité leur indemnisation à la somme de 8 000 euros, ce dont ils relèvent appel en contestant qu'il puisse être déduit des risques préalablement acceptés ayant déjà conduit à un fort endettement de 65 % qu'ils auraient accepté le risque supplémentaire de cette opération s'ils avaient été mis en garde alors qu'ils ne s'étaient, au moment de l'octroi des prêts, pas encore livrés à l'analyse de ce dernier dont la nécessité n'est intervenue que du fait du présent litige, que la banque, en outre s'abstient de communiquer leur dossier d'emprunteurs d'où il résulterait un indice en ce sens,

- que le préjudice subi consécutif aux manquements s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter trois concours bancaires qu'ils n'auraient jamais dû régulariser si la banque avait rempli ses obligations et est donc équivalent, pour chacun, à la moitié des sommes dues au titre des prêts contractés et, subsidiairement à tout le moins, que leur manque à gagner ne saurait être inférieur au montant de la créance de la banque,

- que la société [O] Films est une victime collatérale de la faute de la banque dans la mesure où elle s'est vue inscrite au fichier des incidents de paiement de la Banque de France par conséquence abusive du rejet d'un effet d'une somme pourtant modeste du mois d'août 2009 dont la banque avait été avertie et régularisé alors que son inscription a perduré au mois de juillet 2010, date à laquelle elle sollicitait un emprunt de 60 000 euros qui ne pouvait, de ce fait, lui être accordé, la résistance d'HSBC ayant été abusive en dépit de la production d'une attestation du créancier de l'effet datée du 1er juillet 2010 exposant qu'il avait été désintéressé, la saisine du médiateur du crédit par M. [O] à cet égard entraînant le prononcé de la déchéance du terme en sa qualité d'emprunteur privé, de même que les concours à la société [O] Films ont été abusivement dénoncés le 21 juillet 2011, ce qui a privé cette dernière du prêt et entravé son exploitation normale, le tout confinant au harcèlement par contamination du privé au professionnel des appréciations de la banque, de sorte qu'ils demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le manquement au devoir de mise en garde et dit que le préjudice s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter,

- de l'infirmer sur le quantum, de dire que le préjudice est équivalent au montant des sommes dues au titre des trois prêts litigieux et de condamner en conséquence la société HSBC à leur payer la somme de 688 307,09 euros 'sauf mémoire en plus',

- de dire que ladite somme se compensera avec la créance de la banque,

- de condamner la société HSBC à leur payer, à chacun des trois, la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de sa résistance abusive à solliciter la mainlevée de l'inscription de la société à la banque de France et à raison de son intention de nuire manifeste,

- subsidiairement, de condamner la société HSBC à payer à M. [W] [O] et à Mme [D] [E] la somme de 117 239,39 euros à chacun au titre du seul prêt relai litigieux,

- en tout état de cause, de condamner la société HSBC à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions en date du 20 janvier 2017, la société HSBC France fait valoir :

- principalement, qu'il n'y a pas de devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit à l'égard de l'emprunteur averti en vertu du principe de non ingérence dans les affaires des clients, qu'un établissement de crédit n'est donc pas tenu d'une obligation de mise en garde sur les risques liés à l'octroi du prêt à l'égard de l'emprunteur qui dispose de la capacité de mesurer seul les conséquences de l'acceptation du prêt qu'il sollicite, compte tenu de son âge, de son expérience, de ses capacités intellectuelles et des caractéristiques du prêt, qu'en l'espèce les qualités professionnelles de M. [O], gérant associé d'une société [O] Films, et de Mme [E], responsable financier, qui avaient tous deux déjà souscrit des prêts immobiliers et restructuré leurs crédits antérieurs leur confèrent la qualité d'emprunteurs avertis, étant observé que la banque doit apprécier l'ensemble de leur situation financière et pas seulement celle de leurs revenus, que leur patrimoine était constitué de deux biens acquis pour 102 141 euros et 535 000 euros qui devaient permettre de rembourser le nouveau prêt relais et les anciens emprunts sans difficultés alors que la banque n'a pas à alerter le propriétaire des aléas du marché de l'immobilier dont elle ne pouvait anticiper le retournement en 2008, comme l'a relevé à juste titre le tribunal,

- qu'ils ne devaient donc conserver à leur charge que deux prêts classiques bénéficiant de la possibilité d'une modulation de différé de 24 mois supplémentaires, qu'ils omettent de tenir compte des avantages fiscaux spécifiques du prêt de 2006 de 120 000 euros, qu'en 2007, ils disposaient d'un reste à vivre de 3 095,61 euros mensuels sans qu'ils ne justifient de charges fixes courantes particulières,

- que les emprunteurs étaient assistés de leur notaire lors de la souscription des prêts en 2008, ce qui est déterminant de leur qualité d'avertis alors qu'ils ne démontrent pas que la banque aurait eu sur leur situation des renseignements qu'ils ignoraient en leurs qualités de demandeurs à l'obtention des prêts qui étaient en capacité de mesurer les risques pris, le tribunal ayant relevé à juste titre qu'ils avaient pour ambition de se constituer un patrimoine immobilier,

- subsidiairement, sur le lien de causalité entre le défaut de mise en garde et le préjudice, qu'au regard des acquisitions et emprunts antérieurs, il n'est pas établi qu'une alerte les aurait dissuadés d'emprunter alors que leur préjudice résulte essentiellement de la tardiveté de la revente des deux biens du Perreux-sur-Marne à raison de la crise immobilière,

- que le préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de ne pas contracter eu égard au comportement des emprunteurs et de l'environnement économique de l'époque et de leur volonté d'acquérir un bien luxueux dont ils sont propriétaires, le dommage ne pouvant être constitué du coût des trois prêts qui ont permis cette acquisition,

- très subsidiairement, que les dommages-intérêts devraient être rapportés à 1 euro symbolique dans l'hypothèse d'une confirmation,

- que les établissements bancaires sont tenus de déclarer les incidents de paiement en vertu de l'article L333-4 du code de la consommation et ne peuvent procéder au 'défichage' que lorsque les sommes restant dues sont réglées alors que la société [O] Films ne rapporte pas la preuve que la banque n'aurait pas procédé à la levée de l'inscription liée au rejet de l'effet impayé et procède par affirmation alors qu'elle indique avoir apporté une somme de 8 769,80 euros pour solder un compte le 31 décembre 2011 et sollicité un plan d'apurement à cette époque sans solliciter alors de mainlevée, qu'enfin la rupture des concours à la société [O] Films résulte de la volonté de la banque CIC Ouest, la justification du défichage ayant, en tout état de cause, été adressée le 14 juin 2013 dans le cadre de la présente procédure et que la société ne justifie pas d'un quelconque préjudice comme l'a jugé le tribunal de sorte qu'elle demande, en conséquence, à la cour de :

- confirmer le jugement précité dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné HSBC France à payer à M. [W] [O] et à Mme [D] [E] :

- la somme de 8 000 euros au titre du manquement d'HSBC France à son devoir de mise en garde,

- la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamné HSBC France aux dépens,

- Et statuant à nouveau, sur ces trois points :

- juger que M. [W] [O] et à Madame [D] [E] ont la qualité d'emprunteurs avertis,

- juger qu'HSBC France n'a pas manqué à son devoir de mise en garde,

- débouter les appelants de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal et devant la cour,

- débouter Monsieur [W] [O] et à Madame [D] [E] et la société

[O] Films de toutes leurs demandes, fins, moyens et conclusions,

- Très subsidiairement,

- débouter les appelants de leur demande de dommages et intérêts exorbitante qui n'est pas justifiée, et en tout cas réduire le montant des dommages et intérêts mis à la charge de la banque par le tribunal qui sera ramené de 8 000 euros à 1 euro symbolique,

- condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2017.

SUR CE

Sur le manquement allégué à l'obligation de mise en garde lors de l'octroi des trois prêts par offres du 14 janvier 2008

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, l'établissement dispensateur de crédit, ne devant pas s'ingérer dans les affaires de ses clients, n'est pas tenu d'une obligation de conseil sur l'opportunité des opérations envisagées par eux, sauf stipulation contraire spécifique inexistante en l'espèce, et M. [O] et Mme [E], appelants, n'étayent pas un défaut particulier de la société HSBC au titre de son devoir d'information sur les modalités des crédits consentis.

En revanche, l'établissement de crédit doit recueillir des renseignements de ses clients candidats emprunteurs sur leur situation patrimoniale, de revenus et financière et est tenu d'une obligation de mise en garde si l'exécution des prêts qu'il consent à leur demande conduit à un risque d'endettement excessif, sauf si les candidats emprunteurs ne sont pas profanes mais ont la qualité d'emprunteur avertis ou si, dans cette dernière hypothèse, il dispose sur leur situation d'information qu'eux-mêmes ignoraient.

C'est à juste titre que le tribunal a considéré que la société HSBC, sur laquelle repose la charge de la preuve à cet égard, ne démontre pas que les emprunteurs sont avertis en matière de crédits immobiliers au sens des principes appliqués puisque la qualification de M. [O] en BEP électrotechnique, sa gestion de la SARL [O] Films, petite entreprise familiale évoluant dans le domaine de la technique audiovisuelle, de même que la fonction de Mme [E] dans ladite société, laquelle exerçait auparavant dans le domaine de la gestion de la production et de la communication audiovisuelle, ne font pas d'eux des professionnels du crédit immobilier.

Le recours aux crédits immobiliers dont ils ont bénéficié auparavant pour la gestion personnelle et exclusive de leur activité professionnelle de leur logement ou d'investissement de défiscalisation pour M. [O] seul, n'est pas de nature à les faire considérer comme des emprunteurs avertis.

La nécessité de l'intervention d'un notaire, par acte authentique du 25 février 2008, pour la régularisation de l'acquisition de la maison de Guérande au moyen des prêts litigieux, et le conseil que ce dernier peut être amené à dispenser, seulement s'il en est requis, sur la situation patrimoniale plus générale de ses clients - ce qui n'est pas démontré en l'espèce- n'exonère pas la société HSBC de son obligation de mise en garde, étant ajouté que le tribunal relève, à juste titre, que cette dernière n'a pas produit de feuille de renseignements qu'elle aurait sollicitée de ses clients sur leurs revenus patrimoine et situation financière comportant l'ensemble des engagements auxquels ils étaient tenus.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a objectivé :

- qu'à l'issue du treizième mois suivant le déblocage des fonds issus des trois prêts litigieux et dans l'hypothèse - non advenue en l'espèce - où la vente des biens du Perreux-sur-Marne aurait permis qu'ils se libèrent des précédents prêts souscrits, le taux d'endettement des emprunteurs aurait été de plus de 46 %, sans même prendre en compte l'investissement 'de Robien' du seul M. [O],

- que dans l'hypothèse, réalisée en l'espèce, du défaut de vente de ces biens avant le 13ème mois suivant déblocage des fonds ou concomitamment, la mise en oeuvre, payante, des différés d'amortissement que la structure des prêts permettait pour 6 mois pour le prêt travaux de 66 881 euros et le prêt immobilier de 410 000 euros et de 11 mois pour le prêt relais de 287 000 euros, conduisait à un taux d'endettement de plus de 74 %,

- que, dans cette même hypothèse et sans mise en oeuvre de ces différés et période de franchise d'amortissement, leur taux d'endettement excédait indubitablement leurs revenus, à plus de 100 %.

C'est à juste titre que les emprunteurs font valoir que, n'étant pas mariés mais ayant acquis les biens du [Adresse 5] et de [Localité 6] sous le régime de l'indivision, par moitié, c'est leur situation individuelle qui doit être considérée.

Il en résulte toutefois que pour Mme [E], qui disposait de moindres revenus, les exactes constatations du tribunal sont encore aggravées tandis que pour M. [O] elles ne sont pas sensiblement amoindries puisqu'au contraire du tribunal cette fois, qui n'a pas tenu compte de cette charge de remboursement dans ses calculs, la cour estime que si l'acquisition par ce dernier du bien défiscalisé 'de Robien' à Poitiers traduit sa volonté de se constituer un patrimoine d'investissement, elle ne saurait pour autant conduire à tenir pour acquise son acceptation délibérée des risques d'endettement excessif qu'au contraire la mise en garde de la banque, si elle était dûment intervenue, avait pour but de souligner - en l'alertant - la charge supplémentaire des nouveaux emprunts qu'il n'était pas à même d'honorer.

Les impayés des trois emprunts litigieux du mois de janvier 2008 ne sont pas dus aux seules conséquences sur le patrimoine des emprunteurs de la baisse concomitante du marché immobilier puisque le premier bien du Perreux-sur-Marne acquis en 1991 pour 102141 euros a été revendu 200 000 euros en septembre 2010 et que le second, acquis en août 2005 pour 525 000 euros a été revendu 460 000 euros également au cours de l'année 2010, la plus value globale étant de 32 859 euros.

De même que les emprunteurs ne peuvent imputer à la banque, à laquelle il n'incombait pas d'anticiper cette baisse du marché de nature à retarder la revente des biens immobiliers, la banque n'avait pas à tenir pour acquises ces reventes rapides et se devait de satisfaire à son obligation de mise en garde au regard de la situation exacte des emprunteurs au moment ou le crédit était consenti, c'est à dire sans revente des biens immobiliers du Perreux-sur-Marne et encore moins de celui de Poitiers qui, ainsi que le relève le tribunal, n'était en principe pas cessible dans des conditions favorables aussitôt eu égard aux obligations fiscales contraignantes.

Le risque d'endettement excessif était donc patent.

Il ne peut qu'être constaté que la société HSBC, qui ne produit même pas les renseignements qu'elle aurait recueillis de ses emprunteurs au moment du prêt, ne justifie pas avoir satisfait à l'obligation de mise en garde qui lui incombait et doit donc réparer les conséquences dommageables de cette omission, dont le tribunal a relevé à juste titre qu'elle était constituée d'une perte de chance de ne pas contacter lesdits emprunts.

S'il est possible de considérer qu'en fonction de leurs revenus respectifs de 5 053,17 euros mensuels pour M. [O] et de 2 077,50 euros pour Mme [E] selon leur avis d'imposition au titre des revenus de 2007, les emprunteurs, compte tenu de leur reste à vivre charges déduites, avaient accepté avant même la souscription des trois prêts litigieux de 2008, un taux d'endettement important - le tribunal relevant qu'ils avaient concédé eux-mêmes qu'il était de 65 % - il ne peut être déduit de cette circonstance qu'ils étaient encore disposés à augmenter celui-ci alors qu'au contraire, une mise en garde était de nature à les alerter objectivement sur leur situation existante et sur les dangers d'aggraver leurs charges financières à raison de l'acquisition projetée de la maison de Guérande, à tout le moins avant d'avoir revendu les biens du Perreux-sur-Marne leur permettant de solder les précédents prêts souscrits en août 2005.

Il doit être constaté que le prêt principal immobilier de 215 000 euros et celui de 70 500 euros de différé d'amortissement souscrits à cette date ont été remboursés avec le produit des ventes de septembre 2010, dont l'excédent a également permis, outre le remboursement du prêt du Crédit Agricole du 25 janvier 2007 refinançant le premier prêt relais de 2005, de régler une somme de 57 944,10 euros au titre du prêt relais litigieux du mois de janvier 2008, sur lequel il reste dû, selon la banque et sous couvert de la décision à intervenir du juge de l'exécution compétent sur ce point, la somme de 117 239,39 euros, indemnité de 7 % équivalent à 20 180,07 euros comprise, tandis qu'au titre du prêt immobilier et travaux de la même date, la banque réclame les sommes de 486 994,70 euros et de 84 073 euros, indemnités de 7 % également inclues.

En considération de ces éléments, si la banque fait valoir à juste titre qu'en l'espèce, la perte de chance de ne pas contracter ne peut être équivalente à la totalité des sommes prêtées au moyen desquelles les appelants ont acquis la maison de [Localité 6], elle peut être évaluée au coût subsistant des causes du prêt relais consenti en janvier 2008, de sorte que la somme de 58 600 euros doit être allouée à chacun des appelants à titre de dommages-intérêts en lien avec le manquement à l'obligation de mise en garde, la compensation devant intervenir par décision du juge de l'exécution fixant la créance de la banque.

Sur la demande de dommages-intérêts complémentaire

S'agissant des dommages-intérêts complémentaires sollicités, il ne peut qu'être relevé :

- que la société [O] Films sollicite l'indemnisation du préjudice issu du maintien de son inscription indue au Fichier Bancaire des Entreprises - FIBEN-, gouverné par les articles L144-1 et suivants du code monétaire et financier instaurant un système de cotation des entreprises,

- que M. [O], mais ès qualités de gérant, s'est plaint d'un fichage au Fichier national des Incidents de Paiements des Crédits consentis aux consommateurs -FICP- pour leurs besoins non professionnels, gouvernés par les articles L133-4 et suivants du code de la consommation,

- que la société HSBC a répondu en justifiant de la suppression, tardive selon les appelants, d'une fiche de la société [O] Films au Fichier Central des Chèques -FCC-, qui se distingue encore des deux précédents.

Le jugement ayant rejeté les demandes de dommages-intérêts ne peut qu'être confirmé dès lors que l'inscription au FICP de M. [O] et de Mme [E] en dépit du manquement à l'obligation de mise en garde, était légalement entraînée par les impayés et qu'il n'est pas démontré l'existence d'une faute distincte de la banque.

En effet, il résulte de la réponse même faite par la Banque de France à M. [O] ès qualités de gérant que la rectification sur ce fichier 'doit concerner les erreurs de déclaration, mais ne pourra, en aucun cas, concerner des incidents pour le seul motif qu'ils ont été régularisés a posteriori par le débiteur', qui est pourtant le motif qu'il invoque pour voir le fichier régularisé.

En outre, le préjudice de la société [O] Films et la réalité du refus d'un concours bancaire en lien avec des agissements de la société HSBC ne sont pas démontrés à suffisance, la révocation de la facilité de caisse et de la ligne d'escompte du CIC Ouest par courrier du 21 juillet 2011 n'étant pas motivée.

En conséquence, il y a lieu, dans les limites de l'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la société HSBC pour manquement au devoir de mise en garde, en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts complémentaires et relativement aux condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance et de le réformer sur le surplus comme cela résulte de ce qui précède ainsi qu'en condamnant la société HSBC aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux appelants la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement :

- en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société HSBC France à l'égard de M. [W] [O] - [O] et de Mme [D] [E] pour manquement à l'obligation de mise en garde dans l'octroi des crédits selon offres du 14 janvier 2008,

- en ce qu'il a débouté M. [W] [O] - [O], Mme [D] [E] et la société [O] Films de leurs demandes respectives de 10 000 euros de dommages-intérêts,

- en ce qu'il a condamné la société HSBC aux dépens et à payer la somme de  3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réforme sur le quantum des dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de mise en garde et condamne la société HSBC France à payer à M. [W] [O] et à Mme [D] [E], à chacun, la somme de 58 600 euros de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société HSBC France à payer à M. [W] [O] et à Mme [D] [E], la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société HSBC France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/18293
Date de la décision : 21/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/18293 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-21;15.18293 ?
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