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21/04/2017 | FRANCE | N°14/03141

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 21 avril 2017, 14/03141


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 21 avril 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03141



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/15376



APPELANTE

SA BANQUE PALATINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Isabelle ZAKINE-ROZENBERG, avocat au barre

au de PARIS, toque : J007



INTIMES

Monsieur [Z] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1])



comparant en personne, assisté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 21 avril 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03141

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/15376

APPELANTE

SA BANQUE PALATINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle ZAKINE-ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

INTIMES

Monsieur [Z] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1])

comparant en personne, assisté de Me Vincent MALLEVAYS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

FEDERATION CGT DES SYNDICATS DU PERSONNEL DE LA BANQUE ET DE L'ASSURANCE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Vincent MALLEVAYS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Valérie AMAND, Faisant fonction de Présidente

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Christelle RIBEIRO, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, faisant fonction de Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Banque Palatine (la Banque San Paolo antérieurement) a employé Monsieur [Z] [D] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1990 en qualité de Guichetier-Vendeur à l'agence de Boulogne au coefficient de base 365 (actuel niveau B).

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque.

Au mois d'octobre 1993, Monsieur [Z] [D] a obtenu le Brevet Professionnel et il est passé au coefficient 395 (actuel niveau C).

A compter du 19 juin 1995, il a été muté à l'agence de [Localité 2] [Localité 3] et a conservé sa fonction de Guichetier-Vendeur.

En 1996, il a été muté à l'agence de [Localité 2] [Localité 4].

Au mois de janvier 1998, il est passé au coefficient 420 (actuel niveau D).

En 1999, il a été muté à l'agence de [Localité 2] [Localité 5].

Le 1er janvier 2000, il est passé au coefficient 450 (actuel niveau E) et a bénéficié d'une augmentation individuelle.

En juillet 2000, il a obtenu le diplôme d'études supérieures de l'institut technique de banque et est passé au niveau G.

A compter du 1er juillet 2001, il a été affecté à l'agence de [Localité 6] [Localité 7] en qualité de Chef de guichet stagiaire et fin 2002, à l'agence de [Localité 2] Notre Dame en qualité de Chef de guichet.

A compter du 14 septembre 2005, il a été affecté au poste de Gestionnaire Bancaire.

A partir du 4 septembre 2006, il a été nommé Analyste Engagements pour la Région sud-ouest à [Localité 8], ce qui correspond au poste d'Analyste Engagements Région selon la définition d'emploi applicable au sein de la Banque PALATINE.

Monsieur [Z] [D] a bénéficié à compter du 1er janvier 2007 d'une augmentation individuelle de 1.000 euros.

Depuis le 1er mars 2008, Monsieur [Z] [D] occupe la fonction d'Assistant Entreprise au sein de l'Agence de [Localité 8].

A compter de l'année 1996, Monsieur [Z] [D] a exercé différents mandats représentatifs au sein du CHSCT, du C.E et du C.C.E. Il exerce actuellement les fonctions de Secrétaire du CHSCT.

Soutenant qu'il est victime d'une discrimination syndicale et réclamant diverses indemnités, Monsieur [Z] [D] a saisi le 1er décembre 2010 le conseil de prud'hommes de [Localité 9].

En cours de procédure, le 1er janvier 2012, Monsieur [D] a été promu au niveau H.

Par jugement du 20 février 2014 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de [Localité 9] a rendu la décision suivante :

« Dit que Monsieur [Z] [D] a été victime de discrimination syndicale ;

Ordonne à la SA BANQUE PALATINE de lui attribuer un salaire mensuel moyen d'un montant de 3 045 euros dans le mois suivant la notification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, le juge départiteur se réservant la liquidation de l'astreinte ;

Condamne la SA BANQUE PALATINE à payer à Monsieur [Z] [D] les sommes de:

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice salarial : 70 000 euros

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice de retraite : 9 000 euros

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral : 8 000 euros

Condamne la SA BANQUE PALATINE à payer à la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'Assurance une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire de la décision ;

Condamne la SA BANQUE PALATINE à payer à Monsieur [Z] [D] la somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 1 000 euros à la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'Assurance ;

Déboute Monsieur [Z] [D] du surplus de ses demandes ;

Déboute la SA BANQUE PALATINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens ; »

La société Banque Palatine a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 14 mars 2014.

L'affaire a été appelée à l'audience du 19 janvier 2017.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la société Banque Palatine demande à la cour de :

« Infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Débouter Monsieur [Z] [D] de l'intégralité de ses demandes en leur dernier état;

Ordonner restitution à la Banque des sommes versées au titres de l'exécution provisoire dont le jugement était assorti, soit la somme globale de 94.500€ (Pièce n° 35) ;

Condamner Monsieur [Z] [D] au paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ;

Subsidiairement,

Vu l'article L.1134-5 du Code du travail, constater l'acquisition de la prescription au regard de l'argumentation présentée par Monsieur [Z] [D], et abusivement fondée sur les bilans sociaux, les demandes devant nécessairement être qualifiées de salariales ;

Dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour préjudice salarial, moral, de retraite en l'absence de tout élément justificatif à cet égard de discrimination.

En tout état de cause,

Constater que Monsieur [Z] [D] n'est pas fondé dans des demandes dont il avait fixé l'origine en 2006 le premier juge ayant statué ultra petita en retenant l'année 2000 comme étant celle où une évolution aurait dû exister et limiter le préjudice invoqué en terme de quantum ;

Le débouter de sa demande au titre du préjudice de retraite s'agissant d'un préjudice éventuel et le débouter de ses autres demandes ;

Débouter la Fédération CGT de toutes ses demandes.»

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Monsieur [Z] [D] s'oppose à toutes les demandes de la société Banque Palatine et demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement de départage du Conseil du Prud'hommes de [Localité 9] en ce qu'il a dit et jugé que Monsieur [Z] [D] est victime de discrimination syndicale du fait de ses mandats de représentant du personnel et syndicaux,

CONFIRMER le jugement de départage du Conseil du Prud'hommes de [Localité 9] en ce qu'il a ordonné à la SA BANQUE PALATINE d'attribuer à Monsieur [Z] [D] le salaire moyen mensuel de la classe H à hauteur de 3.045 € à compter du mois de mars 2014.

Et, pour le surplus réformant partiellement ce jugement sur le quantum des sommes allouées :

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] [D] la somme de 72.835 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi en raison de la discrimination opérée à son encontre,

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] [D] la somme de 9.516 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de retraite subi en raison de la discrimination opérée à son encontre,

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] [D] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la discrimination opérée à son encontre,

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à la Fédération CGT des Syndicats du personnel de la Banque et de l'Assurance FSPBA CGT la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

ASSORTIR l'ensemble de ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le Bureau de conciliation par la SA BANQUE PALATINE,

Y ajoutant :

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] [D] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile en cause d'appel,

CONDAMNER la S.A. BANQUE PALATINE à verser à la Fédération CGT des Syndicats du personnel de la Banque et de l'Assurance FSPBA CGT la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile en cause d'appel,

CONDAMNER la S.A BANQUE PALATINE aux entiers dépens de première instance et d'appel. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 31 mars 2017 prorogée au 21 avril 2017 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la discrimination

Monsieur [Z] [D] soutient qu'il a été victime d'une discrimination syndicale comme le montre le fait qu'il a stagné pendant 12 ans au niveau G de 2000 à 2012 alors qu'il a occupé des postes correspondant à une classification supérieure (Analyste Engagement Région en 2006 et Assistant d'Entreprise depuis 2008) et que sa rémunération a été inférieure à la rémunération moyenne de sa classe jusqu'au 1er janvier 2012 ; il précise qu'en 2013 sa rémunération brute mensuelle était de 2770,70 € sur 13 mois alors que le salaire mensuel moyen de la classe H s'élevait à 3.045 € selon le bilan social 2012 (page 4/42 de ses conclusions).

La société BANQUE PALATINE conteste toute discrimination syndicale et soutient que le positionnement de Monsieur [Z] [D] au niveau G était un positionnement correct au regard de l'emploi et que des augmentations salariales liées à la prise de poste sont intervenues ; elle précise que, devant le juge départiteur, Monsieur [Z] [D] revendiquait l'attribution du salaire mensuel moyen de la classe H qui s'élevait à 3.045 € alors qu'il en percevait un de 3.034 € (page 1 de ses conclusions).

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [Z] [D] invoque les faits suivants :

- il est victime d'une inégalité de traitement au regard de la situation des autres salariés disposant du même classement conventionnel ; en effet l'analyse des bilans sociaux de la banque (pièces n° 23 à 31 salarié - bilans sociaux 1991 à 2010) ainsi que la « grille de positionnement des emplois Palatine et plage de Classification cibles associées » dite « la grille de positionnement » (pièce n° 22 salarié - grille de positionnement), démontrent le retard qu'il a subi en terme de classification au regard d'autres salariés occupant des postes identiques ; il aurait dû obtenir la classe H depuis 2006 si l'on compare sa situation de Chef de guichet à celle de 24 responsables de service clientèle dont 50 % sont au niveau H à compter de 2006 (page 13/42 et pièce n° 22 salarié), si l'on compare sa situation d'Analyste Engagement Région à celle des 13 autres Analystes Engagement Région qui sont tous au moins au niveau H (page 14/42 et pièce n° 22 salarié) et si l'on compare sa situation d'Assistant Entreprise à celle des 56 autres Assistants Entreprise qui sont pour 60 % d'entre eux au moins au niveau H (page 14/42 et pièce n° 22 salarié)

- il est victime d'une inégalité de traitement en termes de rémunération ; ainsi la lecture des bilans sociaux de l'entreprise (pièces n° 23 à 31) démontre que sa rémunération (pièce n° 32 salarié) a été inférieure à la rémunération moyenne de sa classe jusqu'au 1er janvier 2012 comme le montre le fait qu'en 2010, la moyenne des salaires de la classe G était de 33.462 € alors qu'il percevait lui 32.369,22 € (page 15/42)

- il soutient qu'il a subi un retard pour passer du niveau G au niveau H puisqu'il a mis 12 ans alors que le temps de passage moyen entre G et H est de 5,2 ans

la qualité de ses entretiens annuels d'évaluation montre qu'aucun élément objectif ne permet de justifier la différence de traitement dont il a fait l'objet (pièces n°33 à 42 salarié)

- des tensions existent entre la direction de la société BANQUE PALATINE et la CGT et son supérieur hiérarchique a une attitude discriminatoire à son encontre (pièces n° 43, 48, 65, 49 à 51 salarié)

- l'analyse des bilans sociaux est un critère pertinent pour établir l'existence d'une discrimination syndicale et elle permet précisément de faire une comparaison des salariés de même niveau de classification conventionnelle ; de toute façon, les bilans sociaux ne sont pas les seuls éléments fondant la comparaison puisqu'il utilise aussi la grille de positionnement (pièce n° 22 salarié)

- le panel de la société BANQUE PALATINE est impropre à caractériser l'absence de discrimination syndicale car les choix faits sont sélectifs et injustifiés.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [Z] [D] produit notamment les pièces précitées complétées par des bulletins de salaire, des entretiens annuels d'évaluation et des bilans sociaux plus récents.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur [Z] [D] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

En réplique, la société BANQUE PALATINE conteste la discrimination syndicale et fait valoir les moyens suivants :

- Monsieur [Z] [D] percevait en 2002, en 2011 et en 2013 un salaire proche du salaire médian des salariés ayant occupé comme lui l'emploi de Chef de guichet en 2002;

- Monsieur [Z] [D] percevait un salaire conforme à ceux des salariés ayant une classification G en 2002 et ayant le même niveau de classification en 2011 ;

- Monsieur [Z] [D] percevait un salaire conforme comparativement aux autres assistants entreprises ;

- au surplus, le temps de passage de Monsieur [Z] [D] sur les niveaux de classification démontre une progression beaucoup plus rapide comparativement à ses collègues ;

- l'analyse supplémentaire sur des panels de salariés exerçant le même emploi et appartenant à la tranche d'âge de Monsieur [D] ou selon l'ancienneté établit l'absence de toute discrimination ;

- l'ensemble de ces éléments constitue un ensemble pertinent de critères retenus par la jurisprudence pour apprécier l'existence d'une situation de discrimination ;

- à l'inverse, les seuls critères présentés par Monsieur [Z] [D] qui consistent à établir une comparaison sur la base du bilan social et une comparaison des salariés de même niveau de classification conventionnelle sont impropres à apprécier la situation de discrimination alléguée.

Sur ce,

La Convention collective de la Banque entrée en vigueur le 10 janvier 2000 prévoit une grille de classification établie en fonction de différentes catégories professionnelles.

Cette grille de classification est basée sur l'attribution d'un coefficient de base permettant d'établir une hiérarchie des emplois ou métiers dans l'entreprise (annexe IV, Titre IV, chapitre I de la Convention collective de la Banque) ; elle distingue:

- les Techniciens des métiers de la banque (anciennement appelés Employés) répartis selon deux niveaux : le niveau A dont les coefficients sont 270, 290, 300, 320 et le niveau B dont les coefficients sont 345, 365.

- les Gradés de niveaux C, D, E, F, G, dont les coefficients sont respectivement 395, 420, 450, 480, 535.

- les Cadres de niveaux H, I, J, K (anciennes classes V, VI, VII et VIII) dont les coefficients sont respectivement: 655, 750, 870, 1000.

La cour constate que les entretiens annuels d'évaluation de Monsieur [Z] [D] mentionnent de très bonnes appréciations et signale sa disponibilité pour des mobilité géographique et fonctionnelle, ce qui n'est pas contesté par la société BANQUE PALATINE.

La cour retient à l'examen des bulletins de salaire de Monsieur [Z] [D] que ce dernier a perçu :

- 171.272 F (soit 26.068 €) en 2000 (pièce n° 32 salarié)

- 26.919 € en 2001idem

- 29.475 € en 2002idem

- 27.484 € en 2003idem

- 27.379 € en 2004idem

- 27.519 € en 2005idem

- 32.244 € en 2006idem

- 28.853 € en 2007idem

- 32.036 € en 2008idem

bulletin de salaire de décembre non produit en 2009 (cf pièce n° 32 salarié)

- 34.832 € en 2010 (pièce n° 32 salarié)

- 32.669 € en 2011 (chiffre non contesté)

- 36.489 € en 2012 (pièce n° 60 salarié)

- 36.019 € en 2013 (chiffre non contesté)

- 36.419 € en 2014 (chiffre non contesté)

- 40.586 € en 2016 (pièce n° 48 employeur)

La cour retient encore que Monsieur [Z] [D] a été promu au niveau H le 1er janvier 2012 dans le cadre de l'accord signé le 26 décembre 2011 sur la deuxième phase de la mise en place de la grille de classification des emplois et aucun élément n'établit que c'est sous la pression de la procédure alors en cours que cette promotion est intervenue.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la société BANQUE PALATINE démontre que les faits matériellement établis par Monsieur [Z] [D] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En effet la cour retient que la comparaison entre la situation de Monsieur [Z] [D] et celles des autres salariés de l'entreprise se trouvant une situation comparable fait ressortir que :

sur la situation des 32 salariés ayant occupé en 2002 l'emploi de Chef de guichet comme Monsieur [Z] [D]

- Monsieur [Z] [D] pouvait être classé au niveau G comme Analyste Entreprise, la grille de positionnement retenant les niveaux F à J pour cette fonction (pièce n° 15 employeur)

- Monsieur [Z] [D] a eu en 2002 une rémunération de 29.475 € (pièce n°32 salarié) proche de celle des salariés ayant occupé en 2002 l'emploi de Chef de guichet dont la moyenne était alors de 27.730 € étant précisé que la salaire médian était alors de 26.820€ entre le salaire minimum de 23.028 € et le salaire maximum de 39.447 € (pièces 1A et 3 employeur)

- Monsieur [Z] [D] était en 2002 Chef de guichet au niveau G comme 13 des 32 Chefs de guichet de la société BANQUE PALATINE, 17 ayant un niveau inférieur à G et 2 un niveau supérieur à G (pièce n°1A et 3 employeur)

- en 2011, avant son passage au niveau H, Monsieur [Z] [D] était toujours au niveau G comme 16 autres Chefs de guichet de 2002 dont 9 étaient aussi au niveau G en 2002 ; parmi les 32 Chefs de guichet de 2002, 11 avaient en 2011 un niveau supérieur à G et 5 avaient toujours un niveau inférieur à G, en D, E ou F (pièces n°1A et 3 employeur)

- en 2011, avant son passage au niveau H, le salaire de Monsieur [Z] [D] était de 32.669 € et il était alors proche de celui des 32 salariés ayant occupé en 2002 l'emploi de Chef de guichet dont la moyenne était en 2011 de 33.628 € étant précisé que la salaire médian était alors de 32.742 € entre le salaire minimum de 27.627 € et le salaire maximum de 45.000 € (pièces 1A et 3 employeur)

- en 2013, sur les 32 salariés ayant occupé en 2002 l'emploi de Chef de guichet comme Monsieur [Z] [D], 28 étaient encore présents dans l'entreprise et ils étaient alors 12 a être classés en H comme Monsieur [Z] [D], 11 étant restés classés en G et 5 en dessous de G, en E ou F

- en 2013 le salaire de Monsieur [Z] [D] était de 36.019 € et il était alors un peu au dessus de celui des 28 salariés ayant occupé en 2002 l'emploi de Chef de guichet comme lui, et qui se trouvaient encore dans l'entreprise et dont la moyenne était en 2013 de 34.749€ étant précisé que la salaire médian était alors de 34.438 € entre le salaire minimum de 28.477 € et le salaire maximum de 42.099 € (pièces 1A et 3 employeur)

- ainsi, la cour retient que Monsieur [Z] [D] a eu en 2002, 2011 et 2013, une rémunération proche du salaire médian ou du salaire moyen des salariés ayant eu le même emploi que lui en 2002 et toujours présents dans l'entreprise.

sur la situation des salariés occupant l'emploi d'Analyste Entreprise comme Monsieur [Z] [D]

- Monsieur [Z] [D] pouvait être classé au niveau G comme Analyste Entreprise, la grille de positionnement retenant les niveaux F à J pour cette fonction (pièce n° 15 employeur)

- en 2011 le salaire de Monsieur [Z] [D] était de 32.669 € et il était alors un peu au dessus de celui de 19 salariés occupant un emploi d'Analyste Entreprise comme lui, et dont la moyenne était en 2011 de 32.207 € étant précisé que la salaire médian était alors de 32.000 € entre le salaire minimum de 29.000 € et le salaire maximum de 34.230 € (pièces 1A et 3 employeur)

- en 2013 le salaire de Monsieur [Z] [D] était de 36.019 € et il était alors un peu au dessus de celui de 33 salariés occupant l'emploi d'Analyste Entreprise comme lui, et dont la moyenne était en 2013 de 35.389 € étant précisé que le salaire médian était alors de 35.449 € entre le salaire minimum de 32.050 € et le salaire maximum de 44.231 € (pièce 26 employeur)

- en 2016 le salaire de Monsieur [Z] [D] était de 40.586 € et il était alors au dessus de celui de 47 salariés occupant l'emploi d'Analyste Entreprise comme lui, et dont la moyenne était en 2016 de 36.028 € étant précisé que la salaire médian était alors de 35.700 € entre le salaire minimum de 33.000 € et le salaire maximum de 43.042 € (pièce 48 employeur)

- ainsi, la cour retient que Monsieur [Z] [D] a eu en 2011, 2013 et 2016 une rémunération proche du salaire médian ou du salaire moyen des salariés Analystes Entreprise comme lui

- comparé au salaire des 56 autres Analystes Entreprise de la société BANQUE PALATINE présents en 2016, Monsieur [Z] [D] a le 5e salaire le plus élevé du groupe (pièce n° 48 employeur)

sur les temps de passage d'un niveau à l'autre pour Monsieur [Z] [D]

- Monsieur [Z] [D] a mis 3 ans pour passer de B à C, la durée moyenne étant de 3,7 ans, 5 ans pour passer de C à D, la durée moyenne étant de 4,9 ans, 2 ans pour passer de D à E, la durée moyenne étant de 3,4 ans, 0,5 an pour passer de E à G (sans passer par F), la durée moyenne étant de 8,6 ans, et 12 ans pour passer de G à H, la durée moyenne étant de 5,2 ans,

- si Monsieur [D] a mis 12 ans pour obtenir la classe H alors que la durée moyenne de passage de G à H est de 5,2 ans, il a mis six mois à passer de E à G la où ses collègues mettent près de neuf ans pour l'obtenir.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que les faits matériellement établis par Monsieur [Z] [D] pour étayer la situation de discrimination syndicale qu'il allègue, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Et c'est en vain que Monsieur [Z] [D] invoque l'analyse des bilans sociaux de la banque au motif que le bilan social est impropre à permettre des comparaisons objectives et qu'il y a lieu de lui préférer la constitution de panels dès lors que la seule appartenance à une même catégorie professionnelle n'implique pas une identité de situation comme cela ressort de la grille de positionnement de la société BANQUE PALATINE (pièce n° 22 salarié).

C'est encore en vain que Monsieur [Z] [D] soutient que le panel de la société BANQUE PALATINE est impropre à caractériser l'absence de discrimination syndicale car les choix faits sont sélectifs et injustifiés au motif que la société BANQUE PALATINE a de façon pertinente constitué des panels correspondant à la situation à des dates différentes des salariés occupant les mêmes fonctions que Monsieur [Z] [D], soit comme Chef de guichet en 2002 pour observer leur évolution de carrière et de rémunération, soit comme Analyste Entreprise pour observer leur rémunération en 2011, 2013 et 2016 et leur classification.

C'est enfin en vain que Monsieur [Z] [D] soutient que la société BANQUE PALATINE n'a pas donné suite à sa candidature au poste de contrôleur en 2015 et à ses courriers de relances (pièces n° 66 à 69 salarié), ce qui montre la persistance de la discrimination syndicale ; en effet la cour retient que Monsieur [Z] [D] dénature la réalité qui est qu'il a été reçu dans le cadre du recrutement du contrôleur, mais que la société BANQUE PALATINE lui a préféré un jeune diplômé de l'université ayant obtenu en 2015 un master 2 Pro contrôle des risques bancaires et sécurité financière (pièces n° 45-1 à 45-6 employeur)

Les demandes relatives à la discrimination doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a

« Dit que Monsieur [Z] [D] a été victime de discrimination Syndicale ;

Ordonné à la SA BANQUE PALATINE de lui attribuer un salaire mensuel moyen d'un montant de 3 045 euros dans le mois suivant la notification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, le juge départiteur se réservant la liquidation de l'astreinte ;

Condamné la SA BANQUE PALATINE à payer à Monsieur [Z] [D] les sommes de:

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice Salarial : 70 000 euros

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice de retraite : 9 000 euros

- à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral : 8 000 euros »

et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Monsieur [Z] [D] de toutes ses demandes de dommages et intérêts formées au titre de la discrimination syndicale et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la demande de la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'Assurance

Les moyens relatifs à la discrimination syndicale ayant été rejetés, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a octroyé à la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'Assurance 5000 € de dommages et intérêts, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'Assurance de toutes ses demandes formées à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré

La société BANQUE PALATINE demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire.

Cependant, la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société BANQUE PALATINE de ce chef.

Sur les autres demandes

La cour condamne Monsieur [Z] [D] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société BANQUE PALATINE les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute Monsieur [Z] [D] de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

Déboute la société Banque Palatine de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [Z] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/03141
Date de la décision : 21/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/03141 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-21;14.03141 ?
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