RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 20 Avril 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/01509
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 8 décembre 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section activités diverses- RG n° 14/15696
APPELANTE
Madame [U] [W] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (ITALIE)
représentée par Me Jean-Claude AMIOT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
Association MISSION LAÏQUE FRANÇAISE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, P0192
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président de chambre
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 8 décembre 2015 ayant jugé irrecevable l'action engagée par Mme [U] [W] [V], et ayant condamné cette dernière aux dépens';
Vu la déclaration d'appel de Mme [U] [W] [V] reçue au greffe de la cour le 28 janvier 2016';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 2 février 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [U] [W] [V] qui demande à la cour':
- d'infirmer le jugement entrepris
- statuant à nouveau,
- de dire que la décision du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999 n'a pas acquis autorité de la chose jugée au regard de la nouvelle procédure introduite à son initiative courant juin 2013
- d'ordonner qu'elle fasse usage de son droit d'évocation en application de l'article 568 du code de procédure civile
- de condamner la MISSION LAIQUE FRANCAISE à lui payer la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 2 février 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la MISSION LAIQUE FRANCAISE qui demande à la cour, à titre principal, de déclarer Mme [U] [W] [V] irrecevable en ses prétentions pour autorité de la chose jugée attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999, unicité de l'instance et prescription, subsidiairement sur le fond, de l'en débouter et, en tout état de cause, de la condamner à lui payer la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Par un jugement du 10 décembre 1999, le conseil de prud'hommes de Fréjus a ordonné la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée du contrat à durée déterminée d'usage initialement conclu entre les parties sur la période correspondant à l'année scolaire septembre 1982/juillet 1983, Mme [U] [W] [V] occupant alors au sein de la MISSION LAIQUE FRANCAISE les fonctions de maître auxiliaire en anglais, contrat renouvelé jusqu'en août 1998, cette requalification s'accompagnant de la condamnation de l'employeur à payer à la salariée l'indemnité afférente ainsi que d'autres sommes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail.
Dans cette même décision, le conseil utilise dans son dispositif la formule suivante': « Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ».
Ce jugement, qui a été régulièrement notifié le 17 décembre 1999, n'a pas été frappé d'appel et est donc définitif.
*
Sur une assignation du 5 juin 2013 à l'initiative de Mme [U] [W] [V], le tribunal de grande instance de Paris, aux termes d'une ordonnance du juge de la mise en état du 11 février 2014, s'est déclaré incompétent sur sa demande aux fins de condamnation de la MISSION LAIQUE FRANCAISE à lui payer la somme de 63'600,71 € au titre du montant des cotisations non versées aux organismes sociaux et celle de 30'000 € pour préjudice moral, avec renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris qui a rendu le jugement présentement déféré.
Mme [U] [W] [V] a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour de Paris - chambre 6/2 - qui, par un arrêt du 27 novembre 2014, l'a confirmée en toutes ses dispositions.
Dans son arrêt précité, la cour d'appel de Paris relève que les sommes ayant été allouées à Mme [U] [W] [V] par le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999 « n'incluaient pas les dommages-intérêts demandés pour préjudice subi pour non déclaration aux organismes de retraite et de couverture maladie ».
Sur l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999
Mme [U] [W] [V] soutient que le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999, qui l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 500'000 francs à titre de dommages-intérêts pour « préjudice subi pour non déclaration aux organismes de retraite et de couverture maladie », n'a pas autorité de la chose jugée, au sens des articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, au regard de son action ultérieure du 5 juin 2013 devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir condamner la MISSION LAIQUE FRANCAISE à lui régler la somme de 63'600,71 € « représentant le montant des cotisations patronales et salariales qui n'ont pas été versées aux organismes sociaux ».
Au visa de l'article 480 du code de procédure civile, Mme [U] [W] [V] indique en effet que la « formule lapidaire » utilisée par ledit conseil dans son dispositif en dernière page, soit': « Rejette toute autre demande plus ample ou contraire », doit être considérée comme constituant une absence de motivation conduisant à une omission de statuer, absence de motivation qui, comme telle, n'a aucune portée juridique et ne peut lui être valablement opposée au travers du principe tiré de l'autorité de la chose jugée.
Après un rappel des dispositions issues de l'article 1351 du code civil, dans son ancienne version, Mme [U] [W] [V] estime par ailleurs que les demandes en cause, outre leurs montants différents, présentent « une disparité de cause » puisque celle initialement présentée devant le conseil de prud'hommes de Fréjus visait à l'indemnisation du préjudice qu'elle avait subi en tant que salariée du fait des non-déclarations par son employeur auprès des organismes de retraite et de couverture maladie, alors que celle formée dans le cadre de la présente action vise à faire reconnaître l'existence d'une faute commise par la MISSION LAIQUE FRANCAISE sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour la voir condamner en réparation de son « préjudice actuel » à lui payer une somme distincte représentant le montant des cotisations sociales non acquittées auprès des organismes sociaux.
*
En réponse, la MISSION LAIQUE FRANCAISE pour soutenir que la présente action de l'appelante se heurte au principe tiré de l'autorité de la chose jugée en application des mêmes textes précités, d'une part, considère que le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus l'a expressément déboutée de sa demande en paiement de la somme de 500'000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice allégué pour défaut de déclaration aux organismes sociaux, cela par l'emploi dans le dispositif de la mention « Rejette toute autre demande plus ample ou contraire » et, d'autre part, estime que la présente action poursuivie à son encontre devant le conseil de prud'hommes de Paris présente une identité d'objet s'agissant d'une simple demande réactualisée par rapport à la procédure initiale, une identité de cause puisque les demandes présentées successivement par Mme [U] [W] [V] ont un fondement identique portant sur un manquement prétendu de sa part dans l'exécution des obligations nées du contrat de travail - un défaut de déclaration aux organismes sociaux -, ainsi qu'une identité de parties.
*
En application des textes précités, seules les questions litigieuses effectivement tranchées par le juge vidant ainsi sa saisine et contenues dans le dispositif de sa décision en des termes explicites ont autorité de la chose jugée.
En l'espèce, il sera relevé que le conseil de prud'hommes de Fréjus, dans son jugement du 10 décembre 1999, alors même qu'il était saisi notamment d'une demande de Mme [U] [W] [V] aux fins de condamnation de la MISSION LAIQUE FRANCAISE au paiement de la somme de 500'000 francs à titre de dommages-intérêts pour non déclaration aux organismes de retraite et de couverture maladie, n'y a pas expressément répondu sur le fond en se contentant d'une motivation en ces termes : « Attendu que les problèmes concernant le régime des retraites ne sont pas de la compétence du Conseil de Prud'hommes ».
Il convient tout autant de constater que dans le dispositif dudit jugement, le conseil de prud'hommes de Fréjus utilise la formulation': « Rejette toute demande plus ample ou contraire » qui, outre son caractère général et imprécis, ne se rattache à aucune motivation répondant sur le fond à cette même demande, comme cela a été précédemment indiqué par la cour.
Malgré ainsi ce que soutient la MISSION LAIQUE FRANCAISE, le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus n'a en rien statué sur tous les chefs de demandes de Mme [U] [W] [V] dont celui en cause, de sorte qu'il ne peut être valablement opposé à cette dernière le principe tiré de l'autorité de la chose jugée.
Sur l'unicité de l'instance
La MISSION LAIQUE FRANCAISE invoque les dispositions de l'article R.1452-6 du code du travail alors en vigueur rappelant que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font l'objet d'une seule instance, sauf lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé après la saisine du juge prud'homal.
Elle considère qu'il est acquis, d'une part, que la présente action de Mme [X] [W] [V] procède du même contrat de travail que celui ayant fait l'objet d'une requalification en un contrat à durée indéterminée en vertu du jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 10 décembre 1999 et, d'autre part, que les causes du litige sont identiques pour obtenir sa condamnation au paiement d'une somme représentant le montant des cotisations sociales non versées aux organismes concernés faute de déclaration.
La présente action introduite en juin 2013 par Mme [X] [W] [V] devant le tribunal de grande instance de Paris, qui s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris suivant une ordonnance confirmée du 11 février 2014, n'est recevable que si à la date de la clôture des débats devant le conseil de prud'hommes de Fréjus saisi de la première instance elle ne pouvait avoir connaissance des faits qui ont justifié sa dernière saisine.
En l'espèce, dès lors que le fondement de la demande de Mme [X] [W] [V] accompagnant sa dernière saisine de juin 2013 renvoie à un manquement allégué de la MISSION LAIQUE FRANCAISE, à laquelle elle reproche précisément durant l'exécution du contrat de travail un défaut de déclaration auprès des organismes sociaux collecteurs des cotisations tant salariales que patronales, s'agissant plus précisément des organismes de retraite et d'assurance maladie, fait dont elle avait déjà une pleine connaissance lors de la première instance prud'homale 14 années plus tôt, contrairement à ce qu'elle soutient, il convient par substitution de motifs de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en ses présentes prétentions, et ce en application de la règle de l'unicité de l'instance.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [X] [W] [V] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS'
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris';
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE Mme [X] [W] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT