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20/04/2017 | FRANCE | N°14/03921

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 avril 2017, 14/03921


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 20 Avril 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03921



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/00094





APPELANTE

Madame [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau d

e PARIS, toque : G0242, substitué par Me Xavier COURTEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242







INTIMEE

SA SOCIÉTÉ FOSSIL

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 6...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 20 Avril 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03921

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/00094

APPELANTE

Madame [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242, substitué par Me Xavier COURTEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

INTIMEE

SA SOCIÉTÉ FOSSIL

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 675 68 0 5 166

représentée par Me Florence DREVET-WOLFF, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, présidente

Monsieur Stéphane MEYER, conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, conseillère

Greffier : Mme Christelle RIBEIRO, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Mariella LUXARDO, présidente et par Madame Christine LECERF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [Z] [V] a été engagée par la société FOSSIL, pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 2009, en qualité de démonstratrice.

Par lettre du 3 novembre 2011, Madame [V] était convoquée pour le 16 novembre à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 décembre 2011 suivant pour avoir refusé un changement de lieu de travail de façon injustifiée.

Son salaire moyen des six derniers mois s'élève à 2 701,50 euros.

La relation de travail est régie par la convention collective de l'horlogerie.

Le 5 janvier 2012, Madame [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes de paiement d'une prime ainsi que des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 18 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage, a débouté Madame [V] de l'ensemble de ses demandes et mis les dépens à sa charge.

A l'encontre de ce jugement notifié le 22 mars 2014, Madame [V] a interjeté appel le 8 avril 2014.

Lors de l'audience du 3 mars 2017, Madame [V] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société FOSSIL à lui payer les sommes suivantes :

- 24 996 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- 75 € à titre de 'prime FOSSIL'

- les intérêts au taux légal

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au soutien de ses demandes, Madame [V] expose :

- que l'employeur a indûment refusé de lui payer la prime qui lui était due au motif qu'elle n'avait pas porté sur son lieu de travail la montre qui lui avait été confiée

- que le changement de lieu de travail constituait en réalité une sanction injustifiée

- que ce changement, par ses conséquences sur sa rémunération variable, entraînait une modification de son contrat de travail

- qu'elle était donc fondée à refuser ce changement, ce dont il résulte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- qu'elle justifie de son préjudice moral, ayant subi un véritable acharnement disciplinaire

En défense, la société FOSSIL demande la confirmation du jugement et la condamnation de Madame [V] à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que la suppression de la prime était justifiée

- que le nouveau lieu de travail se situant à 400 mètres de l'ancien, le changement ne modifiait pas le contrat de travail

- que ce changement n'entraînait nullement une modification de la rémunération de Madame [V]

- que l'entreprise a exercé normalement son pouvoir de direction et d'organisation, le changement n'ayant aucun rapport avec le différend relatif à la montre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la 'prime FOSSIL'

Aux termes de l'article L. 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites, toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

En l'espèce, la société FOSSIL a supprimé, sur la fiche de paie du mois de juin 2011, la prime d'un montant de 75 euros due à Madame [V] en cas d'atteinte de ses objectifs, au seul motif qu'elle n'avait pas porté, sur le stand, la montre que l'entreprise lui avait confiée, la salariée faisant valoir que cette montre, cassée, avait été envoyée en réparation.

Cette suppression, alors que l'atteinte des objectifs n'est pas contestée, constitue une sanction pécuniaire prohibée et le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Madame [V] de cette demande.

Sur le licenciement

S'il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil qu'il entre dans le pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur de modifier les conditions de travail du salarié, il ne peut, de façon unilatérale, lui imposer une modification de son contrat de travail.

En l'espèce, Madame [V] exerçait ses fonctions de démonstratrice sur le stand de l'horlogerie du magasin Galeries Lafayettes [Adresse 3]. Par lettre du 7 octobre 2011, la société FOSSIL l'a informé qu'à compter du 1er novembre 2011, elle exercerait son activité sur le stand de l'horlogerie du magasin Printemps, étant précisé qu'elle devait ainsi permuter son poste avec celui de sa collègue.

Il est constant que ces deux lieux de travail n'étaient distants que de 400 mètres. En droit, le changement de lieu de travail ne constitue pas, en soi, une modification du contrat de travail mais seulement des conditions de travail.

Madame [V] soutient que ce changement constituait en réalité une modification indirecte de son contrat de travail eu égard aux conséquence qu'il entraînait sur le montant de sa rémunération variable.

Elle fait valoir que la prime d'objectif représente à elle seule, un peu plus de la moitié de son salaire de base et précise qu'en 2012, le magasin Printemps [Adresse 3] a accueilli 7,5 millions de visiteurs alors que les Galeries Lafayettes en ont accueilli 25 millions.

Elle produit un tableau faisant apparaître qu'elle a perçu par mois à titre de primes, en plus de son salaire fixe mensuel de 1 600 €, en moyenne 633 € en 2008, 1 016 € en 2009, 886 € en 2010 et 1 000 € en 2011, alors que sa collègue, qui travaillait au magasin Printemps [Adresse 3], ne percevait en moyenne que 700 € de primes par mois.

De son côté, la société FOSSIL fait valoir qu'elle tient compte, dans la fixation des objectifs de ses salariés, de la différence de fréquentation de clientèle et de chiffres d'affaires entre les deux magasins.

Il ressort toutefois des tableaux comparatifs produits par la société, que la différence dans la fixation des objectifs n'a jamais permis de compenser la fréquentation des sites par la clientèle.

Ainsi, en octobre 2011, date du refus de Madame [V], l'objectif cumulé aux Galeries Lafayettes avait été atteint à 120 %, générant, pour elle, un total de primes cumulées de 9 996 €, tandis, qu'au magasin du Printemps il n'a été atteint qu'à 89,10 %, générant pour sa collègue un total de primes cumulées de 7 422€.

Cette tendance s'est confirmée à la fin du mois de décembre 2011, les primes cumulées pour la salariée en poste aux Galeries Lafayettes s'élevant à 11 995 €, contre 8 840 € pour celle du magasin du Printemps.

De même, au titre des deux années précédentes, le montant cumulé des primes versées aux salariées a toujours été plus important aux Galeries Lafayettes qu'au magasin du Printemps (respectivement 11 995 € et 9 843 € en 2010, 9 828 € et 7 997 € en 2009).

Le rapport s'est certes, inversé en 2012, puisque l'objectif au magasin du Printemps a été atteint à 100 % et a même été dépassé, générant pour la salariée en poste un total de primes de 9 996 euros sur l'année, tandis qu'aux Galeries Lafayettes, il n'a été atteint qu'à 88,66 %, générant un total de primes de 8 862 euros sur l'année.

Cependant, il s'agit-là de la seule année plus favorable à la salariée du magasin du Printemps, correspondant d'ailleurs à l'année à laquelle il avait été demandé à Madame [V] de changer de site.

En 2013, la situation était à nouveau plus favorable pour la salariée en poste aux Galeries Lafayettes (primes cumulées en novembre 2013 : 8 031 € contre 5 744 € au Printemps).

La cour relève en définitive que par la fixation des objectifs annuels, l'employeur exerçait une emprise directe sur le montant de la rémunération de la salariée, d'autant plus que le variable constituait une part importante du salaire de Madame [V].

En outre, en intégrant dans le contrat, le lieu du travail aux Galeries Lafayettes, les parties ont entendu contractualiser cet élément qui exerce une incidence directe sur le salaire effectivement perçu.

Il résulte de ces considérations que le changement imposé à Madame [V] entraînait une modification de son contrat de travail.

Son licenciement, motivé par son refus d'intégrer son nouveau poste est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande d'indemnité formée à cet égard.

L'entreprise comptant plus de onze salariés, Madame [V], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Madame [V], âgée de 28 ans, comptait environ 2 ans et 2 mois d'ancienneté. Elle justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'au mois de janvier 2014.

Au vu de cette situation, il convient de lui allouer une indemnité de 17 000 euros.

Madame [V] ne justifie pas d'un préjudice moral qui ne serait déjà réparé par cette somme et doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.

Enfin, sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage versées à Madame [V] à concurrence de six mois.

Sur les autres demandes

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société FOSSIL à payer à Madame [V] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que la condamnation au paiement de la prime portera intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2012, date de convocation devant le bureau de conciliation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 nouveau du même code.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société FOSSIL à payer à Madame [Z] [V] les sommes suivantes :

- au titre de la prime de juin 2011 : 75 €

- au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 000 €

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 €

Dit que la condamnation au paiement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que la condamnation au paiement de la prime portera intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2012

Ordonne le remboursement par la société FOSSIL des indemnités de chômage versées à Madame [V] à concurrence de six mois

Rappelle qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt est adressée par le Secrétariat-greffe à Pôle-emploi

Déboute Madame [Z] [V] de ses plus amples demandes

Déboute la société FOSSIL de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société FOSSIL aux entiers dépens d'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/03921
Date de la décision : 20/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/03921 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-20;14.03921 ?
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