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20/04/2017 | FRANCE | N°14/01312

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 20 avril 2017, 14/01312


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 20 Avril 2017



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01312



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 12-00281





APPELANTE

CPAM [Localité 1]

Division du contentieux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentÃ

©e par Mme [P] [B], en vertu d'un pouvoir général





INTIMEES

Madame [V] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Xavier TERMEAU, avocat au barreau du Val-de-Marne, toque

PC 001



Madame [Q] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 20 Avril 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01312

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 12-00281

APPELANTE

CPAM [Localité 1]

Division du contentieux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [P] [B], en vertu d'un pouvoir général

INTIMEES

Madame [V] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Xavier TERMEAU, avocat au barreau du Val-de-Marne, toque

PC 001

Madame [Q] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Xavier TERMEAU, avocat au barreau du Val-de-Marne, toque : PC 001

Madame [R] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Xavier TERMEAU, avocat au barreau du Val de Marne, toque : PC 001

Société SEGULA HOLDING

venant aux droits de la Société AURA PARIS NORD

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Rozenn GUILLOUZO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0180 substituée par Me Emma SIGAUDES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0180

Société SQF

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau du Val de Marne, toque PC 095, substitué par Me Michael GABAY, avocat au barreau du Val de Marne, toque PC95

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 6]

[Adresse 6]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Mme Claire CHAUX, Président, et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier présent lors du prononcé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] à l'encontre d'un jugement rendu le 11 septembre 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à société Segula Holding à l'occasion de l'instance engagée contre cette dernière et la société SQF par les ayants droit de [Z] [O] ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que [Z] [O], recruté en qualité de serrurier par la société de travail intérimaire Aura Paris Nord, aux droits de laquelle vient la société Segula Holding, a été victime d'un accident du travail, le 8 février 2010, en chutant d'un toit, au cours d'une mission effectuée pour le compte de la société SQF ; qu'il est décédé des suites de cet accident le 15 février 2010 ; que l'origine professionnelle de l'accident et du décès ont été reconnus par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] ; que les ayants droit de la victime ont ensuite engagé une procédure en reconnaissance d'une faute inexcusable et ont saisi à cette fin la juridiction des affaires de sécurité sociale devant laquelle l'employeur a conclu à l'inopposabilité de la prise en charge ;

Par jugement du 11 septembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a reconnu l'existence d'une faute inexcusable commise par la société SQF, déclaré la société Segula Holding responsable de cette faute, fixé au maximum la majoration des rentes perçues par Mme [N] et par les deux enfants, alloué en réparation de leur préjudice moral 40 000 € à Mme [N], 30000 € à chacun des enfants et ordonné une expertise médicale avant de déterminer l'indemnisation des souffrances endurées par la victime.

Le tribunal a également décidé que la reconnaissance de l'accident mortel du travail dont a été victime [Z] [O] était inopposable à la société Segula Holding.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à infirmer ce dernier chef du jugement, décider au contraire que la prise en charge de l'accident est opposable à l'employeur et condamner celui-ci à supporter l'ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable. Elle conclut aussi à l'irrecevabilité de la contestation de la décision de prise en charge du décès.

Au soutien de son appel, elle prétend qu'il convient de distinguer les deux décisions de prise en charge qui sont successivement intervenues les 26 février et 24 mars 2010 pour l'accident d'abord et pour le décès ensuite. Elle estime qu'une enquête n'était pas obligatoire avant de prendre en charge l'accident dans la mesure où il n'a pas été immédiatement suivi du décès de la victime et que la déclaration d'accident n'était pas assortie de réserves motivées au sens de la loi. Elle dit avoir procédé à une prise en charge d'emblée de l'accident et rappelle que dans cette hypothèse, il n'y a aucune information préalable de l'employeur. S'agissant ensuite du décès intervenu 7 jours après l'accident, elle prétend également qu'elle n'était pas tenue d'ouvrir une enquête, ni d'informer l'employeur avant de se prononcer sur son lien avec l'accident. Elle fait observer que la lettre du 15 mars 2010 invitant l'employeur à venir consulter le dossier ne concerne que le décès et non l'accident d'ores et déjà pris en charge. Enfin, elle estime que si l'employeur conserve la possibilité de contester l'opposabilité de la prise en charge à l'occasion de l'instance en reconnaissance de sa faute inexcusable, cela ne vaut que pour l'accident lui-même et non pour le décès. Selon elle, à défaut d'avoir contesté le caractère professionnel du décès dans les deux mois de la notification de sa prise en charge, l'employeur n'est plus recevable à le faire à l'occasion de la procédure en reconnaissance de sa faute inexcusable dans la survenance de l'accident, lequel constitue un événement distinct du décès.

Dans ses conclusions soutenues par son conseil, la société Segula Holding demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il lui déclare inopposable la prise en charge de l'accident et des décisions subséquentes. A titre subsidiaire, elle demande la garantie par la société SQF de l'ensemble des condamnations pouvant être prononcées à son encontre au titre de la faute inexcusable et le remboursement des dommages-intérêts versés aux ayants droit ainsi que la rente d'accident du travail. Elle s'oppose en outre aux demandes des ayants droit au titre de l'action successorale. Enfin, elle conclut à la condamnation de la société SQF à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait en effet valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par la caisse à l'occasion de l'instruction de la demande de prise en charge de l'accident dont est décédé [Z] [O]. Elle indique notamment que, contrairement à ce qu'elle prétend aujourd'hui, la caisse lui a indiqué, dans sa lettre du 24 février 2010, qu'elle mettait en oeuvre une procédure d'instruction avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident et l'a informée deux jours plus tard de la prise en charge sans lui donner la possibilité de consulter le dossier et de présenter ses observations alors même qu'elle avait exprimé des réserves dans sa déclaration d'accident. Elle reproche également à la caisse de ne pas avoir respecté le délai de 10 jours annoncé dans la lettre du 15 mars 2010 relative au décès et rappelle qu'une enquête est obligatoire en ce cas. Enfin, elle s'oppose à l'argumentation nouvelle de la caisse qui soutient que l'inopposabilité ne pourrait porter que sur l'accident et non sur le décès qui en est pourtant la conséquence. Subsidiairement, elle invoque la garantie de la société SQF qui a commis la faute inexcusable en affectant le salarié à un poste plus dangereux que celui qu'il devait occuper, en ne lui délivrant aucune formation et en ne lui fournissant aucun équipement de protection. Pour s'opposer à l'indemnisation des souffrances endurées par le défunt, elle prétend que les ayants droit qui perçoivent une rente ne peuvent agir en réparation du préjudice de la victime dans le cadre de l'action successorale.

Mme [N] et Mlles [O] s'en rapportent à l'appréciation de la cour sur l'appel interjeté par la caisse et lui demandent d'évoquer la liquidation des préjudices résultant de la faute inexcusable dont le principe n'est contesté par aucune des parties. Ils font état du rapport d'expertise qui évalue les souffrances endurées à 5/7 et demandent l'attribution par la caisse primaire d'une indemnité de 25000€ au titre de l'action successorale. Ils demandent enfin la condamnation de la société Segula Holding à leur verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SQF demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il déclare inopposable à la société Segula Holding l'accident du travail de [Z] [O] mais s'oppose à l'évocation souhaitée par les ayants droit. A titre subsidiaire, elle conclut à la réduction de l'indemnité allouée en réparation des souffrances endurées à la somme de 17 000 € et rappelle qu'aucune condamnation directe ne peut être prononcée à son encontre à ce titre. Elle demande enfin que les frais irrépétibles soient laissés à chacune des parties.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Motifs :

Considérant qu'en cause d'appel, la reconnaissance de la faute inexcusable, la majoration des rentes, l'indemnisation du préjudice moral de chacun des ayants droit ne font l'objet d'aucune contestation ;

Considérant que seule reste en litige la question de l'opposabilité de la prise en charge de l'accident mortel avec toutes les conséquences financières résultant de la faute inexcusable et celle de l'indemnisation des souffrances endurées par le défunt ;

Sur la demande d'inopposabilité :

Considérant qu'il résulte de l'article R 441-11-III du code de la sécurité sociale, qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procède à une enquête auprès des intéressés ; qu'une enquête est obligatoire en cas de décès ;

Considérant qu'en l'espèce la caisse indique s'être prononcée d'abord sur l'accident, pris en charge d'emblée, puis sur le décès et en déduit qu'elle n'était pas tenue de procéder à ces formalités ;

Considérant que si les réserves exprimées par l'employeur ne portaient pas sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause étrangère au travail mais sur l'absence de mesures de sécurité au sein de l'entreprise utilisatrice et sur la présence d'autres employés de la société SQF se trouvant sur les lieux au moment de l'accident, la caisse a été informée du décès du salarié avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident ;

Considérant qu'ainsi, même si les réserves de l'employeur n'étaient pas motivées comme elles auraient dû l'être, il lui appartenait néanmoins à la caisse de procéder à l'enquête obligatoirement prévue en cas de décès avant de prendre en charge l'accident et la lettre du 24 février 2010 informe d'ailleurs l'employeur de l'ouverture d'une instruction ;

Considérant qu'au lieu d'attendre le résultat de cette enquête et de recueillir les observations de l'employeur, la caisse l'a informé deux jours plus tard que l'accident mortel du salarié était pris en charge ;

Considérant que si postérieurement à cette notification de prise en charge de l'accident mortel, une nouvelle lettre en date du 15 mars 2010 invite l'employeur à venir consulter le dossier préalablement à la prise de décision qui interviendra le 25 mars, cette démarche tardive ne permet pas à la caisse de satisfaire à son obligation d'information ;

Considérant qu'en effet à cette date, l'accident du travail mortel était d'ores et déjà reconnu et qui plus est le délai alors imparti par la caisse à l'employeur ne respecte pas les prescriptions de l'article R 441-14 puisque la notification de pris en charge du décès est intervenue ensuite le 24 mars 2010, moins de 10 jours plus tard ;

Considérant qu'enfin, la caisse ne peut utilement soutenir que le décès de la victime constituerait un événement distinct de l'accident pour en déduire que l'employeur, dont la faute inexcusable est recherchée, ne pourrait se prévaloir à cette occasion de l'inopposabilité de sa prise en charge ;

Considérant qu'en réalité, il s'agit d'un seul et même risque professionnel susceptible d'engager la responsabilité de l'employeur ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que la reconnaissance de l'accident mortel du travail devait être déclarée inopposable à la société Segula Holding et ont retenu qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2012, l'inobservation des règles d'information de l'employeur privait la caisse de la possibilité de récupérer auprès de lui les sommes allouées aux ayants droit de la victime sur le fondement de la faute inexcusable ;

Sur l'indemnisation des souffrances endurées par la victime :

Considérant qu'en application de l'article 568 du code de procédure civile, la bonne administration de la justice commande d'évoquer les points non encore jugés par les premiers juges ; que la société SQF qui en raison de l'inopposabilité n'aura pas à supporter les conséquences financières de sa faute n'est pas fondée à s'y opposer ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Segula Holding, les ayants droit de la victime d'un accident dû à la faute inexcusable de l'employeur sont recevables à exercer l'action en réparation du préjudice personnel de la victime, peu important qu'ils aient ou non droit à une rente ;

Considérant que l'expert désigné par les premiers juges évalue à 5/7 les souffrances physiques et morales ressenties par la victime après sa chute d'une hauteur de cinq mètres ;

Considérant que l'importance de ce préjudice justifie qu'il soit alloué aux ayants droit de [Z] [O] la somme de 25 000 € ;

Considérant que cette somme sera allouée par la caisse qui, en raison de l'inopposabilité, ne pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur ;

Considérant qu'enfin, au regard de la situation respective des parties, il y a lieu de condamner la société Segula Holding, sous la garantie de la société SQF, à verser aux ayants droit de la victime la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

Par ces motifs :

- Déclare la caisse primaire d'assurance maladie recevable mais mal fondée en son appel ;

- Confirme le jugement en ce qu'il déclare la prise en charge de l'accident mortel dont a été victime [Z] [O] inopposable à la société Segula Holding ;

- Constate que la reconnaissance de la faute inexcusable, la majoration des rentes et l'indemnisation des préjudices moraux personnels des ayants droit ne font l'objet d'aucune contestation en appel ;

Evoquant sur l'indemnisation demandée au titre de l'action successorale :

- Fixe à 25 000 € le montant des souffrances endurées par la victime de l'accident du 8 février 2010 ;

- Dit que cette somme sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] aux ayants droit de [Z] [O] ;

- Condamne la société Segula Holding, sous la garantie de la société SQF, à verser aux ayants droit de [Z] [O] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 14/01312
Date de la décision : 20/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°14/01312 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-20;14.01312 ?
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