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19/04/2017 | FRANCE | N°15/10806

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 19 avril 2017, 15/10806


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 Avril 2017



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10806



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° F 13/04524





APPELANT

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

repré

senté par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, PC 095







INTIMEE

SA ADVANCED AIR SUPPORT en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 Avril 2017

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10806

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° F 13/04524

APPELANT

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

représenté par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, PC 095

INTIMEE

SA ADVANCED AIR SUPPORT en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 383 951 811

représentée par Me Anne-Laure BÉNET, avocat au barreau de PARIS, J095 substitué par Me Victoire POTOCKI, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [J] [R] a été engagée par la SA AERO SERVICES HANDLING aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS ADVANCED AIR SUPPORT, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée lié à un accroissement temporaire d'activité prenant effet le 7 août 2007, prolongé le 31 octobre 2007 jusqu'au 6 novembre 2008 pour y exercer les fonctions d'hôtesse d'accueil.

A compter du 7 novembre 2008, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée. La relation de travail était régie par la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien.

Par lettre remise en mains propres le 11 juin 2013, la société ADVANCED AIR SUPPORT a convoqué Mme [J] [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 19 juin 2013.

Le 28 juin 2013, la salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Un licenciement pour motif économique a été notifié à l'intéressée par courrier recommandé du 8 juillet 2013, rédigé en ces termes :

«' ... Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure économique afin de vous exposer les raisons qui nous amènent à envisager votre licenciement mais aussi, si vous en faites ultérieurement le choix d'adhérer à la CSP.

La présente lettre a pour but de vous rappeler la mesure envisagée et les dispositifs d'accompagnement existants dans une telle procédure.

Situation générale de l'entreprise. La société enregistre des pertes importantes susceptibles de remettre en cause la pérennité de la société.

En effet, si le résultat net était bénéficiaire sur les deux derniers exercices en raison de nombreuses créances abandonnées par l'actionnaire, le résultat d'exploitation demeure quant à lui largement déficitaire sur les trois derniers exercices sans amélioration.

La situation financière de la société est dégradée et est illustrée par les données relatives des tableaux ci-dessous aux trois derniers exercices.

Nos difficultés économiques sont durables car structurelles et nécessitent des mesures exceptionnelles dans une conjoncture économique difficile ( baisse du trafic sur le Bourget de l'ordre de 10%).

La société BCA présente les résultats suivants : ...

AMO, société de services auxiliaires aux transports aériens présente de son côté à nouveau un exercice déficitaire, ....

AERO JET DATA agence de voyage présente les résultats suivants : ....

Les autres sociétés du pôle économique JET SERVICES sont également affectées par la conjoncture et présentent des résultats largement déficitaires, ...

AEROVISION présente un résultat déficitaire depuis plusieurs exercices, ...

La holding JET SERVICES est également déficitaire aux derniers exercices, ...

Les difficultés économiques affectent l'entreprise mais également le groupe .

Faute de pouvoir procéder à des économies significatives sur des postes de charges non indispensables, la SAS ADVANCED AIR SUPPORT est contrainte de mettre en 'uvre des mesures de restructuration et réorganisations internes ayant un impact sur l'emploi dans la société.

Des sources d'économie très importantes doivent être recherchées , ...

Nous sommes contraints de procéder à la suppression de 7 postes, parmi lequel un poste d'hôtesse d'accueil. Par application des critères d'ordre déterminant l'ordre des licenciements, cette suppression est de nature à entrainer votre licenciement sous réserves des possibilités de reclassement.

Dispositif d'accompagnement alternatif, ...

Recherche de poste de reclassement; nous procédons au sein du groupe à une recherche de reclassement. Compte tenu de la situation des entreprises du groupe, nous n'avons pu identifier à ce jour, aucune solution de reclassement correspondant à vos compétences. Nous ne manquons pas le cas échéant de vous proposer tous postes avant expiration du délai d'adhésion au CSP ...».

L'entreprise employait plus de dix salariés à la date de la rupture.

Estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [J] [R] a saisi, le 30 août 2013, le conseil de prud'hommes de Bobigny, lequel, par jugement rendu le 27 octobre 2015, a déclaré prescrite la demande de la salariée au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée du 7 août 2007, a dit que le licenciement pour motif économique était fondé et que l'entreprise avait satisfait à son obligation de reclassement et débouté la salariée de ses demandes en indemnisation pour licenciement abusif, rappel de salaire sur gratification annuelle, heures travaillées les dimanches et jours fériés, indemnité compensatrice de préavis congés payés afférents et frais irrépétibles.

Le 3 novembre 2015, Mme [J] [R] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 10 janvier 2017 et soutenues oralement, Mme [J] [R] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007 en un contrat de travail à durée indéterminée, de dire que le licenciement pour motif économique notifié le 8 juillet 2013 est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société ADVANCED AIR SUPPORT à lui verser les sommes suivantes :

' 1 800 € à titre d'indemnité de requalification

' 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 8 975.49 € à titre de rappel sur gratification annuelle suivant l'article 36 CCN pour la période de 2008 à 2013

' 3 715.14 € à titre de rappel sur heures de dimanches et jours fériés

' 371.51 € au titre des congés payés afférents

' 5 098 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 509.80 € au titre des congés payés afférents.

La salariée demande la remise d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de pae conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 € par document et par jour de retard, ainsi que les intérêts au taux légal sur les sommes précitées à compter de la saisine et de la rupture du contrat de travail pour les salaires et accessoires de salaires, ainsi que leur capitalisation.

Elle sollicite, en outre, une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 10 janvier 2017 et soutenues oralement, la société ADVANCED AIR SUPPORT sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté la prescription extinctive de l'action relative à la demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007, ainsi que des demandes salariales portant sur une période antérieure au 3 août 2010, dit que le licenciement pour motif économique de Mme [J] [R] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté la salariée de toutes ses demandes.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

1/ Sur la demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.

a) Sur la prescription

Mme [J] [R] a formé une demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007 en un contrat de travail à durée indéterminée, aux termes de conclusions remises le 18 février 2015 devant le conseil de prud'hommes de Bobigny et elle sollicite le paiement d'une indemnité de requalification de 1 800 €.

Elle souligne que sa demande est recevable dès lors que la saisine du conseil de prud'hommes a interrompu le cours de la prescription et que le délai de prescription de trois ans ayant commencé à courir le 17 juin 2013, date de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, la prescription n'est pas acquise.

La société ADVANCED AIR SUPPORT s'oppose à cette demande en soulevant la prescription extinctive de cette demande en requalification formée par la salariée, en cours de procédure.

Elle fait valoir que la loi du 14 juin 2013 a réduit le délai de prescription à deux ans s'agissant d'une action portant sur l'exécution du contrat de travail, qu'en outre, en matière de requalification du contrat de travail, le délai de prescription court à compter du terme du dernier contrat, soit en l'occurrence en novembre 2008 et qu'il appartenait à la salariée de former sa demande en requalification avant le mois de novembre 2013, seuls les chefs de demande pour lesquels le conseil de prud'hommes est saisi lors de l'introduction de la demande initiale bénéficiant de l'effet interruptif d'instance.

Mme [J] [R] a été engagée suivant un contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007 au 6 novembre 2007 et ce contrat a été renouvelé pour 12 mois jusqu'au 6 novembre 2008.

Elle a saisi, le 30 août 2013, le conseil des prud'hommes de Bobigny et elle a sollicité la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée par conclusions ultérieures datées du 18 février 2015.

Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent le même contrat de travail, de sorte qu'en l'espèce, la prescription de l'action en requalification a été interrompue par la saisine du conseil des prud'hommes.

Le délai de prescription de 5 ans a été réduit à 2 ans par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui a introduit l'article L. 1471-1 du code du travail aux termes duquel toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

L'article 21 V de la même loi prévoit que « Les dispositions du code du travail prévues aux paragraphes III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure' et que 'Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne».

En l'espèce Mme [J] [R] a saisi le conseil des prud'hommes, le 30 août 2013, et elle a formé sa demande de requalification par conclusions remises au conseil des prud'hommes le 18 février 2015, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de requalification de son contrat à durée déterminée n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 2 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure.

Il en résulte que les demandes de la salariée en requalification de son contrat de travail à durée déterminée venu à échéance le 6 novembre 2008 et en paiement d'une indemnité de requalification ne sont pas prescrites du fait de l'interruption de la prescription par la saisine, le 30 août 2013, du conseil des prud'hommes, et que par conséquent elles sont recevables.

Il convient d'infirmer le jugement déféré qui a déclaré Mme [J] [R] prescrite en sa demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007 en un contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'en sa demande en paiement d'une indemnité de requalification.

b) Sur la demande en requalification

Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée ou du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Eu égard au caractère exceptionnel du recours à un contrat de travail à durée déterminée, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

En l'espèce, le contrat litigieux, à effet au 7 août 2007 jusqu'au 6 novembre 2008, a été conclu pour une durée déterminée au motif suivant : « accroissement temporaire d'activité découlant de la mise en exploitation de nouveaux avions».

Aux termes d'un avenant signé des parties le 31 octobre 2007, cette relation contractuelle à durée déterminée a été prolongée pour une durée de 12 mois, jusqu'au 6 novembre 2008.

Mme [J] [R] conteste le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée, en faisant valoir que la société ADVANCED AIR SUPPORT est une société d'exploitation d'activités aériennes qui implique une exploitation pérenne des matériels ainsi qu'une affectation pérenne des moyens humains nécessaires à cette exploitation.

En cas de litige sur le motif de recours, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

En l'occurrence, la société ADVANCED AIR SUPPORT s'abstient de communiquer les éléments de nature à justifier le motif de l'accroissement temporaire d'activité généré par la mise en exploitation de nouveaux avions, de sorte que la salariée est fondée à solliciter la requalification de sa relation contractuelle de travail en un contrat de travail à durée indéterminée conformément aux dispositions de l'article L. 1245-1 du code du travail.

Le jugement entrepris est infirmé à ce titre.

c) Sur l'indemnité de requalification

Aux termes de l'article L. 1245-2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu.

Le droit à l'indemnité de requalification naît dès la conclusion du contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance des exigences légales, peu important qu'un contrat de travail à durée indéterminée ait été ultérieurement conclu entre les parties.

Il sera alloué donc à ce titre à Mme [J] [R], compte tenu de son ancienneté et des circonstances de l'espèce telles qu'elles résultent des pièces produites aux débats, notamment, des contrats de travail et de son dernier bulletin de paye, une indemnité de 1 800 € conformément à la demande de l'intéressée.

Le jugement entrepris est infirmé à ce titre.

2/ Sur l'exécution du contrat de travail

a) Sur le rappel de prime de fin d'année

Mme [J] [R] sollicite le paiement de la somme de 8 975.49 € à titre de rappel de la prime de fin d'année, en vertu des dispositions de la convention collective nationale applicables de 2008 à 2013.

Elle fait valoir qu'elle a perçu le 13ème mois stipulé dans son contrat de travail mais non la prime de fin d'année prévue à l'article 36 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien.

La salariée insiste sur le fondement distinct de ces deux primes et elle s'oppose à la prescription soulevée par l'employeur du fait de son interruption le 30 août 2013 par la saisine du conseil de prud'hommes, en invoquant les dispositions transitoires de la loi.

La société ADVANCED AIR SUPPORT , pour sa part, soulève la prescription de la demande portant sur une période antérieure au 3 août 2010 du fait de l'application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail.

En tout état de cause, elle estime que le 13ème mois prévu par le contrat de travail et la gratification annuelle prévue par la convention collective nationale applicables de 2008 à 2013 ont le même objet et la même cause de sorte que la salariée n'est pas fondée en ce chef de demande.

L'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail en réduisant à 3 ans le délai de prescription de l'action en paiement des salaires qui était auparavant de 5 ans.

L'article 21 V de la même loi prévoit que 'Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure' et que 'Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne'.

En l'espèce Mme [J] [R] a introduit son action devant le conseil de prud'hommes le 30 août 2013, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de rappel sur gratification annuelle due depuis août 2008 n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 3 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure. Il en résulte que l'action de la salariée engagée par la saisine de la juridiction prud'homale le 30 août 2013 pour les gratifications annuelles réclamées à compter du 30 août 2008 n'est pas prescrite.

Le contrat de travail signé des parties prévoit que la salariée est rémunérée sur 13 mois et que cette prime de 13ème mois est versée en deux fois. Les bulletins de paie versés aux débats confirment que Mme [J] [R] a perçu cette prime.

La salariée reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé la gratification annuelle stipulée par la convention collective.

L'article 36 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien prévoit le versement d'une gratification annuelle en ces termes :

«' Il est institué une gratification annuelle, prime de fin d'année dont les modalités sont déterminées au sein de chaque entreprise, elle est au minimum égale à 100% du salaire forfaitaire mensuel de l'intéressé».

Il est constant qu' en cas de concours entre des dispositions contractuelles et des

dispositions conventionnelles, les avantages qu'elles instituent ne peuvent se cumuler dès lors qu'ils ont le même objet et la même cause.

En l'espèce, la gratification conventionnelle n'est subordonnée à aucune condition propre d'ouverture et de règlement dès lors qu'elle renvoie expressément à des modalités déterminées au sein de l'entreprise.

Il en résulte que le versement en deux fois du 13ème mois constitue une modalité définie par la société ADVANCED AIR SUPPORT pour cette gratification annuelle de sorte que ces avantages ont le même objet et la même cause et qu'ils ne peuvent pas être cumulés.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté Mme [J] [R] de ce chef de demande.

b) Sur le rappel des heures du dimanche et jours fériés de 2008 à 2013 et les congés payés afférents.

Mme [J] [R] sollicite le paiement de la somme de 3 715.14 € à titre de rappel sur les heures effectuées les dimanches et jours fériés. Elle invoque les dispositions de l'article 9 de l'annexe 3 de la convention collective, prévoyant que «' les heures de travail effectuées le dimanche et prévues par l'horaire de travail bénéficient d'une majoration de 25 %'». Elle reproche à l'employeur de ne pas avoir majoré les heures de travail effectuées et elle estime que la prime de travail dite de week end forfaitaire stipulée au contrat de travail n'a pas le même objet que la majoration des dimanches prévue par la convention collective de sorte qu'elle est fondée à bénéficier du cumul de ces deux avantages.

La salariée s'oppose à la prescription soulevée par l'employeur du fait de son interruption le 30 août 2013 par la saisine du conseil de prud'hommes en invoquant les dispositions transitoires de la loi.

La société ADVANCED AIR SUPPORT , pour sa part, soulève la prescription de la demande portant sur une période antérieure au 3 août 2010 du fait de l'application des dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail.

En tout état de cause, elle estime que la prime forfaitaire instituée par le contrat de travail pour toute journée travaillée le week end a le même objet que la majoration prévue par la convention collective et qu'étant plus favorable à la salariée, celle-ci ne peut prétendre au cumul de ces avantages.

Mme [J] [R] a introduit son action devant le conseil de prud'hommes le 30 août 2013, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle du 14 juin 2013 qui a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail en réduisant à 3 ans le délai de prescription de l'action en paiement des salaires qui était auparavant de 5 ans. A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de rappel sur heures de dimanches et jours fériés depuis août 2008 n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 3 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure. Il en résulte que l'action de la salariée engagée par la saisine de la juridiction prud'homale le 30 août 2013 pour les heures de dimanches et jours fériés réclamées à compter du 30 août 2008 n'est pas prescrite.

Le contrat de travail signé des parties prévoit, en son article 5 relatif à la rémunération, que la salariée bénéficie d' «une prime week end forfaitaire de 91.47 € brut pour toutes journées complètes de week end et jours fériés au poste et lieu de travail, 45.75 € brut pour toutes demi-journées complètes».

Les bulletins de paie versés aux débats confirment que Mme [J] [R] a régulièrement perçu cette prime au titre de chaque dimanche travaillé.

La salariée reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé la majoration de 25 % pour les heures de travail effectuées le dimanche et prévues par l'horaire de travail.

L'article 9 de l'avenant 3 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien prévoit que : « les heures de travail effectuées le dimanche et prévues par l'horaire de travail bénéficient d'une majoration de 25% '».

Cependant, en cas de concours des dispositions contractuelles et conventionnelles, les avantages qu'elles instituent ne se cumulent pas dès lors qu'elles ont le même objet.

En l'occurrence, la prime forfaitaire de week end de 91.47 € qui garantit à la salariée une rémunération complémentaire majorée lorsqu'elle travaille le samedi ou le dimanche a le même objet que la majoration prévue par la convention collective, en outre, elle est plus favorable à l'intéressée qui perçoit une somme forfaitaire de 91.47 € pour chaque dimanche travaillé au lieu de la majoration de 27.77 € en application des dispositions conventionnelles précitées.

Il en résulte que ces avantages qui ont le même objet et la même cause, ne peuvent pas être cumulés.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté Mme [J] [R] de ce chef de demande.

3/ Sur la rupture du contrat de travail

a) Le motif économique

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié et résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité et à la nécessité de sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel l'entreprise appartient.

Même s'il peut être tenu compte d'éléments postérieurs, le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement, étant observé que la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement et que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

Dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et lie les parties et le juge, la société ADVANCED AIR SUPPORT invoque, notamment, une situation financière dégradée susceptible de remettre en cause la pérennité de l'entreprise et se traduisant par des déficits sur les trois derniers résultats d'exploitation, elle relève, également, les résultats d'exploitation déficitaires des autres sociétés du groupe et la nécessité de procéder à des économies en vue de réorganiser les services avec la suppression de sept postes dont un poste d'hôtesse d'accueil.

Mme [J] [R], pour sa part, conteste la réalité des difficultés économiques, elle rappelle que la société ADVANCED AIR SUPPORT appartient au groupe aéronautique JET SERVICES, comprenant les sociétés AEROVISION, JET OPS, AAS, ANEO, AA AVIATION, BCA avec des établissements en France et à l'étranger et que ce groupe appartient, lui-même, au groupe SEGUR qui est présent dans les secteurs de l'aviation d'affaires, de l'hôtellerie et de l'immobilier par l'intermédiaire d'une quarantaine de sociétés.

Il ressort de la note d'information établie le 31 mai 2013 en vue de la consultation des délégués du personnel que la société ADVANCED AIR SUPPORT, spécialisée dans l'aviation d'affaires, rencontre des difficultés du fait d'une conjoncture économique difficile se traduisant par une baisse de 10 % du trafic sur le Bourget et des conséquences du «Printemps Arabe» et de «'la chute du régime libyen , principal financier des pays africains correspondant à 60 % de l'activité '».

Dans ce document, elle informe les institutions représentatives du personnel de son projet de réorganiser l'entreprise et de sa décision de procéder à la suppression de sept postes de travail, non indispensables à la poursuite de l'activité, notamment la suppression de l'activité «'commissariat'» qu'elle cesse d'exercer pour le compte de ses clients.

L'examen des documents comptables de l'entreprise, versés aux débats, établit qu'en 2012, le compte de résultat de la société ADVANCED AIR SUPPORT présentait un montant négatif de -1 406 673 €, que celui des six premiers mois de l'exercice 2013 avait un résultat déficitaire de - 827 088 € pour atteindre un montant négatif de - 1 051 118 € à la fin de l'exercice 2013 et que le résultat net de l'entreprise qui était bénéficiaire du fait de l'abandon de créances par le principal actionnaire présente un solde négatif de -1 442 738 € à la fin de l'exercice 2013.

La société ADVANCED AIR SUPPORT qui appartient au groupe JET SERVICES, justifie avoir pris des mesures pour tenter de redresser une situation difficile en procédant, notamment, le 17 septembre 2012, à l'absorption de la société ESCADRILLE MERCURE, société de handling et filiale de la société JET SERVICES en vue de rationaliser et d'augmenter le chiffre d'affaires de ces deux sociétés en les regroupant dans les mêmes bureaux.

Elle démontre, également, que bien qu'appartenant au groupe JET SERVICES et du fait de l'absorption précitée, elle est la seule société à exercer une activité d'assistance aéroportuaire au sein du groupe dans une conjoncture difficile en raison de la baisse du trafic sur l'aéroport [Localité 2].

Par ailleurs, la société ADVANCED AIR SUPPORT communique les comptes de résultat des autres sociétés du groupe faisant état des difficultés financières rencontrées et qui sont les suivantes :

Ainsi la société BCA, Société exploitant une activité de maintenance, avait un résultat déficitaire de - 282 939 € en 2012 qui s'est aggravé en 2013 pour atteindre - 3 960 516 €.

La société CAMO AIR SUPPORT qui exerce une activité de suivi de navigabilité a enregistré un résultat net déficitaire de - 91 943 € en 2012 qui s'est aggravé pour atteindre à la fin de l'exercice 2013 le montant négatif de - 186 750 €.

La société AERO JETS DARTA qui a vu son chiffre d'affaires de 2010 à 2011 chuter de 17 M€ à 9,1 M€ en 2011 s'est vu contrainte de réorganiser l'entreprise en procédant, le 29 août 2012, à la suppression de 5 postes ainsi que le confirme la note d'information et consultation du comité d'entreprise de l'UES du groupe DARTA du 29 août 2012.

La société AERO JET, compagnie aérienne du groupe, atteignait également un déficit alarmant, de - 3 354 332 € à la fin de l'exercice 2012, contraignant la société à procéder à deux licenciements économiques pour suppression de poste les 2 octobre et 5 décembre 2012'; ce déficit s'est encore aggravé en 2013 pour atteindre à la fin de l'exercice le montant négatif de - 5 896 822 €.

La société AEROVISION, autre compagnie aérienne du groupe, a également enregistré un résultat net déficitaire de - 976 466 € en 2012 après abandon de créances de l'actionnaire mais qui s'est aggravé pour atteindre à la fin de l'exercice 2013 le montant négatif de - 3 680 975€.

La société mère JET SERVICES faisait elle-même face à une situation économique largement dégradée, enregistrant un résultat net déficitaire de - 28 230 117 € en 2012 et de - 20 673 963 € en 2013.

Par ailleurs, les registres d'entrée et de sortie du personnel versés aux débats révèlent que ces différentes structures procèdent à des réductions de personnel et qu'aucune embauche n'est mentionnée.

Mme [J] [R] soutient que la société mère, la société JET SERVICES, a réalisé des investissements importants, en finançant, notamment, la transformation d'un hangar de l'aéroport [Localité 2] en hangar de luxe pour accueillir une clientèle privée et d'affaires. Elle indique, également, que le groupe SEGUR poursuit son développement hôtelier avec la construction d'un hôtel quatre étoiles et elle estime que ces différentes opérations démontrent l'absence de difficultés économiques rencontrées par le groupe.

Toutefois, la société ADVANCED AIR SUPPORT démontre que le projet d'aménagement d'un hangar VIP a été abandonné compte tenu des sérieuses difficultés financières rencontrées par l'ensemble des sociétés du groupe exerçant une activité dans le secteur aéroportuaire et qu'un hangar a été financé par une société SNC JET HOME qui n'a aucun lien capitalistique avec les sociétés du groupe JET SERVICES et qui a recouru à un emprunt bancaire à hauteur de 80 %. Elle établit, également que le groupe SEGUR n'a aucun lien capitalistique avec elle et que son secteur d'activité concerne, exclusivement, la gestion immobilière.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments et notamment de l'étude des différents documents comptables versés aux débats que les entreprises du groupe auquel appartient la société ADVANCED AIR SUPPORT et qui relèvent du même secteur d'activité aéroportuaire sont confrontées à une dégradation importantes des pertes sur le résultat de leur exploitation depuis 2009, et que la baisse constante du chiffre d'affaires réalisé ainsi que l'augmentation des pertes enregistrées tant au sein de l'entreprise que du groupe caractérisent la réalité des difficultés économiques.

La société ADVANCED AIR SUPPORT justifie de la suppression du poste de Mme [J] [R] pour des raisons objectives liées aux difficultés économiques sérieuses rencontrées lors de la rupture.

b) L'obligation de reclassement

Mme [J] [R] reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement, ce que conteste l'intimée.

Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans l'entreprise ou le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Les offres de reclassement doivent être claires, précises, concrètes et personnalisées quant au profil du poste envisagé, aux fonctions qui devront être exercées, à la rémunération fixée et doivent impartir au salarié un délai pour y répondre.

Cette recherche des possibilités de reclassement doit s'apprécier au sein de l'entreprise mais également au sein du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En l'espèce, la société ADVANCED AIR SUPPORT s'est trouvée contrainte de procéder à la suppression du poste d'hôtesse d'accueil occupé par la salariée ainsi qu'elle le justifie par la réalité des difficultés financières rencontrées.

Elle verse aux débats la note d'information établie le 31 mai 2013 en vue de la consultation des délégués du personnel qui précise au paragraphe III-2-4 Recherches de reclassement :

«' Des reclassements dans toutes les sociétés du groupe permettant la permutation du personnel, sont recherchées pour être proposés aux salariés aptes à les remplir. En cas de possibilité de reclassement au sein d'autres sociétés du groupe, il est précisé que ces sociétés sont seules aptes à décider de retenir ou non les candidatures.

Pour chaque possibilité de reclassement, des propositions écrites individualisées et précises seront remises aux salariés.

Chaque salarié concerné par une suppression de poste de nature à entraîner son licenciement se verra proposer d'adhérer au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) mis en place par le pôle emploi.

En parallèle, et dans l'hypothèse où aucune solution de reclassement interne ne pourrait être trouvée, la société fera parvenir à la FNAM les curriculum vitae de salariés visés afin qu'ils soient informés, le cas échéant, de postes vacants correspondant à leur qualification, dans le secteur du transport aérien'».

La société ADVANCED AIR SUPPORT a procédé à une recherche active de postes de reclassement dans l'entreprise et dans les sociétés du groupe dans lesquelles une permutation du personnel pouvait être envisagée.

Par courriel adressé, le 18 juin 2013, aux sociétés O'NEO, BCA, JET OPS, JET SERVICES, GROUPE SEGUR, STAR SERVICE, RF TRONIC, AEROVISION, AA AVIATION et CAMO AIR SUPPORT, la société ADVANCED AIR SUPPORT a informé ces sociétés du projet de licenciement pour motif économique, du nombre de suppressions de poste envisagées et des caractéristiques des postes supprimés, en leur demandant leurs possibilités de reclassement des salariés visés par ces mesures.

Ce document précise, s'agissant de Mme [J] [R], que la salariée occupe depuis août 2007, un poste d'hôtesse d'accueil français / anglais, statut employé, coefficient 195, de niveau 3.

Les courriels de réponses versés aux débats, adressés à l'entreprise entre les 24 et 28 juin 2013, mentionnent l'absence de poste de reclassement disponible pour un emploi d'hôtesse d'accueil, tout en précisant avoir des postes disponible pour des emplois de responsable technicien et de comptable qualifié.

Tant les demandes de reclassement que les réponses sont précises et circonstanciées.

En outre l'examen du registre unique du personnel de la société AERO JET établit qu'aucune embauche n'a été effectuée depuis le 1er novembre 2012 et celui de la société AEROJET DARTA fait état du recrutement d'un responsable d'agence, soit un poste ne correspondant pas à la qualification de la salariée.

Quant à la société HOCHE VENTURE, société du groupe spécialisée dans l'investissement dans le secteur immobilier, celle-ci qui n'employait pas de personnel a fait l'objet d'une radiation le 18 septembre 2013 ainsi que le confirme l'extrait du site «société .com».

L'employeur de Mme [J] [R] justifie avoir procédé à une recherche active de postes de reclassement dans les sociétés du groupe dans lesquelles une permutation du personnel pouvait être envisagée et avoir étendu ses recherches aux sociétés du groupe exerçant une activité différente, soit au-delà du périmètre de reclassement, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir étendu ses recherches à l'ensemble des autres sociétés du groupe SEGUR alors même qu'elle n'a aucun lien capitalistique avec celles-ci, qui exercent leur activité exclusivement dans le domaine de la gestion immobilière, et que le périmètre de reclassement a été rappelé dans la note d'information remise aux délégués du personnel le 31 mai 2013.

Mme [J] [R] reproche à la société ADVANCED AIR SUPPORT de ne pas avoir saisi, préalablement à la rupture, la commission nationale paritaire de l'emploi instituée par l'accord national interprofessionnel du 12 février 1969, lequel prévoit, à l'article 5 de avenant du 21 novembre 1974, que «si un licenciement collectif d'ordre économique pose des problèmes de reclassement non résolus au sein de l'entreprise, les commissions paritaires de l'emploi compétentes seront saisies dans les conditions prévues à l'article 15 ci-après...».

Elle fait valoir que ces dispositions ont été reprises par l'accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986, en son article 2. La salariée invoque les dispositions de l'article 18 de la convention collective du personnel au sol de transport aérien, ne précisant pas que les dispositions conventionnelles doivent s'appliquer en fonction d'un seuil déterminé de salariés visés par un licenciement collectif pour motif économique de sorte que l'employeur avait l'obligation conventionnelle de solliciter le concours de la commission nationale paritaire de l'emploi en vue de rechercher des possibilités de reclassement externe et que cette absence de saisine prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La société ADVANCED AIR SUPPORT conteste le bien fondé de ce moyen, soulevé pour la première fois en cause d'appel. Elle affirme qu'elle n'est tenue de saisir la commission nationale paritaire de l'emploi de sa branche que dans l'hypothèse d'un licenciement collectif pour motif économique concernant plus de dix salariés sur une même période de trente jours.

L'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 qui renvoie à l'article 15 de l'avenant du 21 novembre 1974, dispose, notamment :

« Si des licenciements collectifs pour raisons économiques n'ont pu être évités et posent un problème de reclassement, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés visées à l'article 12 [art. 14 depuis accord du 20 10 1986] ou les commissions paritaires de l'emploi compétentes pourront être saisies :

- soit d'un commun accord entre la direction et le comité d'entreprise ou d'établissement;

-soit lorsque le licenciement portera sur plus de dix salariés occupés dans le même établissement (ce chiffre étant éventuellement calculé sur une période de trente jours) ...».

Aux termes de ces dispositions, l'employeur n'est tenu de saisir la commission nationale paritaire de l'emploi de sa branche que dans le cas où le licenciement collectif pour motif économique concerne plus de dix salariés sur une période de trente jours.

L'article 18 de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien stipule :

« En cas de licenciement collectif résultant soit d'une réorganisation intérieure, soit d'une réduction ou d'une transformation d'activité, soit d'une transformation d'exploitation, l'ordre des licenciements est établi en tenant compte, à qualification professionnelle égale, de l'ancienneté dans l'entreprise, ou l'établissement, et des charges de famille, cette ancienneté étant majorée de 1 année par enfant et autre personne fiscalement à charge au moment de la notification du licenciement. L'ancienneté des cadres prise en compte pour établir l'ordre des licenciements est majorée de 2 ans pour les cadres âgés de 50 à 55 ans, de 4 ans au-dessus de 55 ans, sous réserve qu'ils aient effectivement 10 ans d'ancienneté.

Dans la mesure où des solutions satisfaisantes ne pourraient intervenir au plan de l'entreprise, celle-ci s'efforcera d'assurer le reclassement du personnel licencié dans d'autres entreprises similaires et situées dans le même lieu géographique. A cet effet, chaque entreprise pourra avoir recours à la cellule de reclassement prévue au b de l'article 40 de la convention collective concernant la commission paritaire nationale de l'emploi.

Elle en donne information officielle au comité d'entreprise (ou d'établissement). Les mêmes informations sont simultanément portées à la connaissance de l'inspection du travail et de la CPNE ».

Ces dispositions conventionnelles n'instituent aucune obligation de saisir la commission nationale paritaire de l'emploi, s'agissant d'une simple faculté pour l'employeur.

Il en résulte que la société ADVANCED AIR SUPPORT n'avait pas l'obligation conventionnelle de saisir la commission nationale paritaire de l'emploi, préalablement à la notification de la rupture.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a dit que le licenciement pour motif économique de Mme [J] [R] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de sa demande en indemnisation pour rupture abusive, outre l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents .

4/ Sur les autres demandes, les frais irrépétibles et les dépens

Du fait de la requalification de la relation contractuelle de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 août 2007, il sera ordonné à l'employeur de délivrer à la salariée un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.

En application de l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

La société ADVANCED AIR SUPPORT qui succombe partiellement supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en versant à l'intimée une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] [R] de sa demande en requalification de la relation contractuelle de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 août 2007 et de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification.

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée du 7 août 2007 en un contrat de travail à durée indéterminée ;

CONDAMNE la SAS ADVANCED AIR SUPPORT à verser à Mme [J] [R] une somme de 1 800 € à titre d'indemnité de requalification, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

ORDONNE à la SAS ADVANCED AIR SUPPORT de délivrer à Mme [J] [R] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt ;

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins depuis une année entière ;

CONDAMNE la SAS ADVANCED AIR SUPPORT à verser à Mme [J] [R] une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS ADVANCED AIR SUPPORT aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/10806
Date de la décision : 19/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/10806 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-19;15.10806 ?
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