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19/04/2017 | FRANCE | N°15/07620

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 19 avril 2017, 15/07620


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 Avril 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07620



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F14/07970









APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Locali

té 1]

comparant en personne, assisté de Me Delphine DERUMEZ, avocat au barreau de PARIS, J095







INTIMEE

SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE (CFF)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 542 029 848

représe...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 Avril 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07620

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F14/07970

APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Delphine DERUMEZ, avocat au barreau de PARIS, J095

INTIMEE

SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE (CFF)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 542 029 848

représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, C0016

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 juin 2015 ayant :

- condamné la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE (CCF) à payer à M. [T] [G] les sommes de :

'94 785 € à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur

'35 544 € de dommages-intérêts pour nullité du licenciement

avec intérêts au taux légal partant de son prononcé

'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [T] [G] de ses autres demandes

- condamné le CCF aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [T] [G] reçue au greffe de la cour le 23 juillet 2015 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 25 janvier 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [T] [G] qui demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit nul son licenciement

- de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner la SA CCF à lui payer les sommes indemnitaires suivantes :

'165 480 € pour violation du statut protecteur

'201 804 € pour nullité de son licenciement

'100 900 € pour préjudice moral

'10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- d'assortir lesdites sommes des intérêts au taux légal avec leur capitalisation

- d'ordonner la remise d'un solde de tout compte, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes

- d'ordonner la publication sous astreinte de la décision à intervenir dans l'établissement principal de l'entreprise, sur son site intranet ainsi que dans la presse ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 25 janvier 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA CCF qui demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement déféré et de débouter en conséquence M. [T] [G] de toutes ses demandes, subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions ses prétentions et, en tout état de cause, de le condamner à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [T] [G] a intégré l'établissement public CCF en septembre 1986 sur concours pour y occuper un emploi d'attaché stagiaire, avant de se voir confier des fonctions d'inspecteur sur la période 1988/2001, exerçant depuis 2002 des responsabilités en tant que directeur régional du grand sud-ouest au sein du pôle expertises.

M. [T] [G] a été élu le 6 octobre 2009 délégué du personnel suppléant sur la liste CFE-CGC.

*

La chronologie suivante sera rappelée :

- convocation le 7 août 2012 de M. [T] [G] par la SA CCF à un entretien préalable prévu le 20 août ;

- notification le 3 septembre 2012 par la SA CCF à M. [T] [G] de son licenciement pour faute ainsi motivé : " ... compte tenu du conflit d'intérêt clairement établi, du manquement à votre obligation de loyauté, du non respect du règlement intérieur et de l'instruction d'application relative aux conflits d'intérêts, et compte tenu de l'absence de déclaration relative à votre activité d'expertise judiciaire ... " ;

- courrier du 5 septembre 2012 de M. [T] [G] à la SA CCF en ces termes : " Comme je suis délégué du personnel et élu du personnel, je constate que votre lettre de licenciement s'avère nulle et je poursuis en conséquence mes fonctions " ;

- lettre en réponse du 6 septembre 2012 de la SA CCF à M. [T] [G] : " Je fais suite à votre courrier du 5 septembre 2012 par lequel vous nous rappelez être titulaire d'un mandat de délégué du personnel. Conformément à votre demande et à la législation applicable, la lettre de licenciement que nous vous avons adressée est effectivement nulle et non avenue. Nous allons donc réitérer la procédure en respectant le formalisme prévu par le Code du travail pour les salariés titulaires d'un mandat ... " ;

- nouvelle convocation le 7 septembre 2012 de M. [T] [G] par la SA CCF à un entretien préalable fixé le 19 septembre mais qui n'ira pas au-delà sur le plan de la procédure.

*

Pour conclure à l'absence de violation du statut légal protecteur de M. [T] [G] lié à son mandat électif, la SA CCF indique que suite au licenciement notifié le 3 septembre 2012 "les parties ont immédiatement après convenu de revenir sur ce licenciement et de le rétracter ... au titre de l'article 1134 du code civil ", que le salarié a fait "une offre de rétractation ... acceptée par la Société ", et que la rétractation du licenciement a bien eu lieu à la demande de celui-ci comme cela ressort des termes mêmes de son courrier du 5 septembre 2012 qu'il lui a adressé, ce que conteste l'appelant exposant la règle selon laquelle un employeur qui licencie un salarié protégé sans autorisation administrative préalable ne peut rétracter sa décision sans l'accord de l'intéressé, et que l'employeur ne peut davantage régulariser la procédure a posteriori en accomplissant les formalités légales requises.

*

La SA CCF, qui ne conteste pas le caractère manifestement illicite de la procédure ayant conduit à la notification le 3 septembre 2012 du licenciement pour motif disciplinaire de M. [T] [G], procédure suivie en violation de l'article L.2411-5, alinéa 1er, du code du travail disposant que le licenciement d'un salarié délégué du personnel, titulaire ou suppléant, "ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspection du travail ", tient à préciser que cette erreur s'explique par le fait que la gestion des institutions représentatives du personnel est assurée par les directeurs régionaux locaux et non par la direction des ressources humaines au siège parisien, ce qui en soi ne constitue qu'un argument manquant de pertinence.

Si l'intimée, pleinement consciente du problème, a entendu rétracter sa décision de licenciement dans son courrier en réponse du 6 septembre 2012, nonobstant ce qu'elle affirme, il n'est pas établi que M. [T] [G] l'ait ensuite expressément accepté, et c'est à tort qu'elle se retranche derrière la lettre de contestation précitée de ce dernier du 5 septembre dont les termes ne peuvent s'interpréter comme une acceptation de cette même rétractation.

Sur cette question centrale pour la solution à trouver au présent litige, l'inspection du travail n'a pas manqué de rappeler à la SA CCF dans une correspondance du 13 septembre 2012 que le fait de licencier un salarié délégué du personnel sans autorisation administrative est au plan pénal constitutif d'un délit d'entrave, outre les sanctions civiles en résultant, et qu'elle ne peut se rétracter en reprenant ensuite la procédure "qu'avec l'accord du salarié ".

Ce défaut d'acceptation ressort renforcé à l'examen d'une autre lettre de M. [T] [G] adressée à la SA CCF le 17 septembre 2012 ("En définitive, dans l'objectif exclusif de tenter de régulariser a posteriori tant la procédure menée à mon encontre en totale violation de mon statut protecteur que le licenciement qui m'a finalement été notifié d'une façon singulièrement expéditive ..., vous n'hésitez pas aujourd'hui, à considérer que mes protestations antérieures auraient valu accord de ma part pour une réintégration à mon poste et ... pour de nouveau me faire licencier ... aucune réintégration ne saurait, depuis lors, m'être valablement imposée sans mon accord express. Un tel accord ne vous a, en l'occurrence, jamais été donné ...").

*

La notification ainsi faite à M. [T] [G] le 3 septembre 2012 a rendu définitive la décision de le licencier prise par l'intimée qui n'a pu revenir sur celle-ci sans son accord express.

Le licenciement de M. [T] [G] intervenu dans un tel contexte est sanctionné par la nullité.

L'appelant, qui a été licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas spécialement sa réintégration au sein de la SA CCF, peut prétendre, d'une part, à une indemnité pour violation du statut protecteur d'un montant égal à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de deux ans, augmentée de six mois et, d'autre part, outre les indemnités de rupture, à des dommages-intérêts réparant l'intégralité de son préjudice né du caractère illicite de son licenciement d'un montant minimum équivalent à six mois de salaires par renvoi aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

*

Si l'on reprend le total des rémunérations brutes servies à M. [T] [G] sur les 12 derniers mois de son activité au sein de la SA CCF, période lui étant la plus favorable en terme de calcul, la moyenne de celles-ci est de 7 400 € bruts mensuels.

*

S'agissant de la durée de la période légale de protection à prendre en compte, il y a lieu de se reporter à l'accord collectif d'entreprise du 12 juillet 2012 ayant prorogé les mandats, notamment des délégués du personnel, jusqu'au 25 octobre 2013, dans l'hypothèse d'un second tour de scrutin.

M. [T] [G] ayant été définitivement sorti des effectifs de la SA CCF à la date du 3 décembre 2012 qui correspond à l'expiration de ses trois mois de préavis dont il a été dispensé d'exécution contre rémunération - notification du licenciement le 3 septembre 2012 + 3 mois -, la période légale de protection va en l'espèce du 3 décembre 2012 au 25 avril 2014 - 25 octobre 2013 + 6 mois.

Infirmant le jugement déféré sur le quantum de l'indemnité qui lui revient pour violation du statut légal protecteur, la SA CCF sera en conséquence condamnée à payer à l'appelant la somme à ce titre de 118 400 € (7 400 € x 16 mois pleins de décembre 2012 à avril 2014), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

*

Compte tenu de l'ancienneté (26 années) et de l'âge (52 ans) de M. [T] [G] lors de la rupture de son contrat de travail, infirmant tout autant la décision critiquée sur le quantum, l'intimée sera condamnée à lui régler la somme de 178 000 € à titre de dommages-intérêts réparant l'intégralité de son préjudice né du caractère illicite de son licenciement, représentant l'équivalent de 24 mois de salaires, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

*

Dès lors que les premiers juges, même par le truchement d'un minimum de motivation normalement attendue et conforme à leur mission première, n'ont pas répondu à la demande de dommages-intérêts de M. [T] [G] pour préjudice moral, eu égard à la manière quelque peu expéditive dont la SA CCF a conduit cette procédure de licenciement contre un collaborateur qui n'a jamais démérité dans l'exercice de ses fonctions à responsabilités, y ajoutant, la cour la condamnera à lui verser la somme à ce titre de 50 000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

*

Il y a lieu, en application de l'article 1154 du code civil devenu l'article 1343-2 par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes indemnitaires revenant à l'appelant.

*

Il sera ordonné la délivrance par la SA CCF à l'appelant d'un solde de tout compte, d'une attestation Pôle emploi, ainsi que d'un certificat de travail, conformes au présent arrêt.

*

Il n'y a pas lieu d'ordonner sous astreinte l'affichage de la présente décision comme sollicité par le salarié.

*

La SA CCF sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme complémentaire de 6 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit sur le principe aux demandes de dommages-intérêts de M. [T] [G] pour violation du statut légal protecteur et nullité du licenciement rendu illicite ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens;

L'INFIRME sur les montants alloués et STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE à payer à M. [T] [G] les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :

'118 400 € pour violation du statut légal protecteur

'178 000 € réparant son préjudice né du caractère illicite de son licenciement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE à régler à M. [T] [G] la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes allouées à M. [T] [G] dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ressortissant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ORDONNE la délivrance par la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE à M. [T] [G] d'un solde de tout compte, d'une attestation Pôle emploi, ainsi que d'un certificat de travail, conformes au présent arrêt ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à publication sous astreinte du présent arrêt ;

CONDAMNE la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE à verser à M. [T] [G] la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/07620
Date de la décision : 19/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/07620 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-19;15.07620 ?
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