Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 19 AVRIL 2017
(n° 152 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21739
Décision déférée à la Cour : Décision du 20 Septembre 2014 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de SEINE ST DENIS
APPELANTE
Madame [J] [T]
[Adresse 2]
[Localité 6]
née le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 7] (CONGO)
Comparante
Assistée de Me Nathalie BARBIER de l'AARPI BARBIER VIALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : PB 121
INTIMEE
Maître [R] [E] [I]
[Adresse 4]
[Localité 5]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 8] (93)
Comparante en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
Saisi par Mme [J] [T] d'une demande en paiement des sommes de:
-5 100€ à titre de préavis,
-850€ à titre de rétrocession d'honoraires,
-3 200€ à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
-1 700€ à titre de dommages-intérêts pour discrimination familiale,
le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Seine Saint-Denis a par décision en date du 20 septembre 2014:
-dit que la rupture du contrat de collaboration entre Mme [J] [T] et Mme [R] [E]-[I] est intervenue régulièrement pendant la période d'essai,
-condamné Mme [E]-[I] à verser à Mme [T] la somme de 850€ à titre de rétrocession d'honoraires pour la période de travail du 15 au 30 juin 2013,
-donné acte à Mme [T] de son offre de rembourser la somme de 912,96€ au titre du trop-perçu de rétrocession,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-ordonné le partage des dépens.
Mme [T] a interjeté appel de cette décision le 23 octobre 2014 et dans ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience elle demande à la cour de:
-constater l'existence de relations contractuelles depuis septembre 2011 et la poursuite de celles-ci par contrat en date du 11 mars 2013,
en conséquence,
-dire nulle la clause de période d'essai mentionnée au contrat du 11 mars 2013,
-constater l'irrégularité de la rupture du contrat de collaboration,
-constater les conditions abusives et vexatoires de la rupture,
en conséquence,
-constater que le contrat de collaboration s'est poursuivi au delà de la période d'essai,
-condamner Mme [E]-[I] à lui verser les sommes de:
*5 100€ à titre de préavis,
*850€ à titre de rétrocession d'honoraires,
*3 200€ à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
*1 700€ à titre de dommages-intérêts pour discrimination familiale en raison de sa situation de mère d'un nouveau-né,
*1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [E]- [I] qui forme un appel incident demande à la cour de :
-confirmer la sentence dont appel en ce qu'elle a déclaré la rupture du contrat de collaboration régulière pendant la période d'essai et en ce qu'elle a condamné Mme [T] à lui payer la somme de 912,96€ au titre du trop-perçu de rétrocession d'honoraires pendant les congés maternité,
-débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,
y ajoutant,
'condamner Mme [T] à lui verser la somme de 10 000€ en réparation de son préjudice moral et celle de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION:
Mme [E]-[I] a signé avec Mme [T] [F] un contrat de collaboration libérale le 30 août 2011 à effet au 1er septembre 2011.
Enceinte, Mme [T] a sollicité pour raisons de santé son omission du tableau effective à compter du 1er novembre 2012.Elle a été réinscrite au tableau le 4 avril 2013.
Les parties ont conclu le 30 mars 2013 un nouveau contrat de collaboration libérale à effet au 20 mars 2013 prévoyant en son article 3 une période d'essai de trois mois avec en cas de rupture pendant cette période un délai de prévenance de 8 jours ainsi qu'une rétrocession d'honoraires mensuelle de 1 700€ HT.
L'article 9 relatif à la rupture du contrat prévoit une dénonciation : 'par lettre recommandée ou non mais avec accusé de réception'.
Le contrat a été rompu pendant la période d'essai dans des conditions dont Mme [T] conteste la validité en soutenant d'une part que ce contrat étant la continuité du précédent conclu en 2011 il n'y avait pas lieu à période d'essai et d'autre part que la rupture a été dénoncée dans des conditions irrégulières puisqu'elle n'a pas signé la lettre recommandée qui lui était destinée.
Mme [E]-[I] fait valoir que sa collaboratrice a commis de nombreux manquements aux règles professionnelles justifiant qu'il soit mis un terme au contrat mais ne soutient pas l'existence d'une faute grave la dispensant de respecter le délai de préavis qu'elle estime avoir appliqué en conformité avec les termes du contrat relatifs à la période d'essai.
*****
Sur les demandes de Mme [T]:
Quelle que soit l'intention des parties lors de la signature du contrat de collaboration du 30 mars 2013 force est de constater que Mme [T] ayant été omise du tableau à compter du 1er novembre 2012 le contrat signé le 30 août 2011 ne pouvait être considéré comme suspendu, l'omission mettant fin au contrat en cours, de sorte que Mme [T] ne peut soutenir pour ce motif l'irrégularité de la période d'essai figurant au contrat conclu le 30 mars 2013, à effet au 20 mars 2013.
En revanche, dès lors que Mme [T] avait donné satisfaction à Mme [E]-[I] à l'issue de la période d'essai relative au contrat signé le 30 août 2011comme celle-ci le reconnaît elle-même et comme le démontrent les mails échangés entre les parties pendant le congé de maternité de Mme [T] ainsi que le nouveau contrat prévoyant une rétrocession d'honoraires augmentée de 1 500€ HT à 1 700€ HT, il convient de considérer cette clause insérée dans le second contrat abusive et de la déclarer nulle et sans effet, Mme [E]-[I] ayant de surcroît indiqué devant le délégué du bâtonnier qu'elle était prête à renoncer à la seconde période d'essai si le conseil de l'ordre le lui avait demandé.
En conséquence le contrat conclu le 30 mars 2013 ne pouvait être rompu que moyennant un préavis de trois mois et selon les modalités prévues à l'article 9 du dit contrat.
Cet article n'exige par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception mais uniquement la preuve que l'avocat concerné en a bien pris connaissance.
L'accusé de réception de la lettre de rupture adressée le 27 mai 2013 a été signé le 31 mai suivant.
Mme [T] conteste en être la signataire en faisant valoir la pratique, non mise en cause par Mme [E]-[I] de ce que les courriers parvenant aux avocats du cabinet étaient indifféremment signés par eux et cette dernière n'explique pas pourquoi cette lettre n'a pas été envoyée au domicile de Mme [T].
Il convient en conséquence de dire irrégulier le congé délivré non pas au domicile de la collaboratrice mais au cabinet par LRAR dont le signataire ne peut être identifié.
Enfin le délai de préavis d'une durée de trois mois ne pouvait courir qu'à compter de la réinscription au tableau de Mme [T] soit le 4 avril 2013 de sorte que la lettre du 27 mai 2013 ne pouvait prévoir une cessation du contrat effective au 14 juin 2013 mais seulement au 4 juillet 2013 et c'est à bon droit que Mme [T] invoque le caractère irrégulier de la rupture de son contrat à effet au 14 juin 2013.
En conséquence il y a lieu de faire droit à sa demande au titre du préavis et de condamner Mme [E]-[I] à lui verser la somme de 5 100€ de ce chef, Mme [T] ne justifiant pas avoir travaillé au sein du cabinet au delà du 4 juillet 2013.
Les conditions de la rupture au retour du congé maternité de la collaboratrice moyennant un préavis non conforme justifient l'allocation de la somme de 1 500€ à titre de dommages-intérêts.
Sur les demandes de Mme [E]-[I]:
Compte tenu des justificatifs versés aux débats, (pièce n° 25), et de la reconnaissance par Mme [T] du montant du trop perçu d'honoraires il convient de fixer celui-ci à la somme de 912,96 € et de condamner Mme [T] à son paiement.
Mme [E]-[I] ne justifie ni des propos blessants tenus par Mme [T] à son encontre ni de l'intention de nuire de cette dernière de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts de la somme de 10 000 € pour préjudice moral.
L'équité commande d'allouer à Mme [T] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [E]- [I] qui succombe sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
- Infirme la sentence arbitrale en date du 20 septembre 2014,
Statuant à nouveau,
- Déclare irrégulière et abusive la rupture du contrat de collaboration du 30 mars 2013 par lettre du 27 mai 2013 ;
-Fixe à la somme de 5 100 € la rétrocession d'honoraires pendant le préavis due par Mme [R] [E]-[I] à Mme [J] [T] [F] et à celle de
1 500 € les dommages-intérêts pour rupture irrégulière et abusive du contrat de collaboration ;
- Fixe à la somme de 912,96 € le trop perçu au titre de rétrocession d'honoraires par Mme [J] [T] [F] versé par Mme [R] [E]-[I] ;
- Ordonne la compensation entre ces deux sommes ;
- Condamne Mme [R] [E]-[I] à payer à Mme [J] [T] [F] la somme de 5 687,04 €;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne Mme [R] [E]-[I] à payer à Mme [J] [T] [F] la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [R] [E]-[I] aux dépens.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,