RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 avril 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08078
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mai 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° F13/11333
APPELANT
Monsieur [H] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, K0137
INTIMÉE
SA AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, P0461
PARTIE INTERVENANTE
Syndicat SECIF-CFDT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, K0137
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 décembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président
Madame Christine LETHIEC, conseillère
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 27 mai 2014 ayant débouté de leurs demandes M. [H] [C] ainsi que le syndicat SECIF CFDT, et ayant condamné M. [H] [C] aux dépens';
Vu la déclaration d'appel de M. [H] [C] reçue au greffe de la cour le 17 juillet 2014';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 14 décembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [H] [C] et du syndicat SECIF-CFDT, intervenant volontaire, qui demandent à la cour':
- d'infirmer le jugement entrepris
- statuant à nouveau,
' pour M. [H] [C]':
- d'ordonner son repositionnement au coefficient 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et au coefficient 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, avec un salaire de 3'424 € bruts mensuels et sa revalorisation afférente
- de condamner la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à lui régler les sommes de':
68'459,22 € de rappel de salaires et 6'845,92 € d'incidence congés payés
587,63 € de rappel au titre des heures de déplacement professionnel et 58,76 € de congés payés afférents (demande nouvelle)
726,48 € de rappel d'heures supplémentaires et 72,64 € d'incidence congés payés (demande nouvelle)
43'075,83 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier lié à une discrimination syndicale
30'000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral consécutif à la discrimination syndicale
30'000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral
30'000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention (demande nouvelle)
15'000 € de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles (demande nouvelle)
3'000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile
avec intérêts au taux légal, et remise des bulletins de paie conformes
' pour le syndicat SECIF-CFDT':
5'000 € de dommages-intérêts
1'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 14 décembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI) qui demande à la cour de confirmer la décision querellée, et de condamner solidairement M. [H] [C] ainsi que le syndicat SECIF-CFDT à lui payer la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les demandes salariales :
M. [H] [C] a été engagé par la Sa CARBOXYQUE SANTE, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI), en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 12 février 1996 pour y exercer les fonctions de distributeur, catégorie agent de maîtrise-groupe IV-coefficient 225 de la convention collective nationale des industries chimiques, moyennant une rémunération de 10'700 francs bruts mensuels.
Au vu des derniers bulletins de paie produits aux débats par l'appelant - pièces sous cote 3/37 -, dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, celui-ci occupe un emploi relevant de la qualification conventionnelle de « technicien comptable » au coefficient 300, et qui lui procure en contrepartie un « salaire réel » de 3'170,50 € bruts mensuels.
*
Au soutien de ses demandes de « repositionnement » au sein de la catégorie des cadres avec application des coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, et de paiement d'un rappel de salaires sur la base d'une rémunération à fixer à 3'424 € bruts mensuels, M. [H] [C] relève une « inadéquation » du dernier coefficient lui étant attribué au regard de ses dernières fonctions de contrôleur de gestion opérationnel, fonctions qui, en l'absence de « poste repère » dans la convention collective, doivent être identifiées par référence aux propres données émanant de l'employeur.
Le coefficient conventionnel 300 attribué à M. [H] [C], en application de l'accord collectif du 10 août 1978 portant révision des classifications, correspond à la catégorie d'agent de maîtrise concernant les agents qui encadrent un groupe d'agents de maîtrise de classification inférieure, sont responsables de l'organisation et de la répartition du travail, participent à l'élaboration des consignes, et veillent à leur application.
Les coefficients 350/360 et 400, que l'appelant revendique, relèvent du groupe V-catégorie ingénieurs et cadres auquel il est fait référence dans sa fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel - ses pièces 66 et 67 avec la mention « Catégorie professionnelle': Technicien/Cadre, fourchette coefficient': 360/460 » -, fiche de poste établie par l'employeur faisant un descriptif des missions confiées qui, par leur ampleur et leur diversité, relèvent bien fonctionnellement de la catégorie des cadres, telle que définie par la convention collective applicable, et notamment par renvoi au coefficient 400 qui vise les « ingénieurs et cadres agissant à partir de directives dans le secteur d'activité qui leur est imparti ' animent et coordonnent l'activité des agents de maîtrise et techniciens placés sous leur autorité ' assistent les ingénieurs et cadres d'un niveau supérieur auxquels incombe la responsabilité d'ensemble du secteur ' participent à la définition des objectifs sur le secteur ».
Contrairement ainsi à ce que prétend l'employeur, les indications figurant sur cette même fiche de poste ne présentent pas seulement un caractère indicatif sans force obligatoire, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un exposé précis des missions propres à ce type d'emploi, missions qui correspondent dans la réalité au groupe catégoriel V des ingénieurs et cadres auquel M. [H] [C], qui est par ailleurs titulaire d'un diplôme de 2ème cycle de l'enseignement supérieur (Master 1 et 2 mention contrôle de gestion), peut solliciter le rattachement
Après infirmation du jugement entrepris, il sera reconnu à M. [H] [C] les coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et l'intimée sera en conséquence condamnée à lui régler, au vu du décompte en page 63 de ses écritures, les sommes de 68'459,22 € à titre de rappel de salaires et 6'845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation directe en bureau de jugement.
*
A l'appui de sa demande en paiement d'heures de déplacement professionnel, M.[H] [C] indique qu'il existait un usage d'entreprise consistant à rémunérer les temps de déplacement professionnel sur la base de 19,47 € de l'heure, et que l'employeur y a mis fin unilatéralement courant juillet 2012 en ramenant la contrepartie afférente à 10 € de l'heure, ce à quoi l'intimée répond que ces temps de déplacement professionnel lui sont rémunérés comme pour les autres salariés au taux « normal » horaire de 10 €.
L'article L.3121-14 du code du travail rappelle que le temps de déplacement professionnel, qui n'est pas un temps de travail effectif, fait l'objet d'une contrepartie qui peut être de nature financière à déterminer par un accord collectif ou, à défaut, par une décision unilatérale de l'employeur.
L'appelant se fonde seulement sur un courriel qu'il a reçu le 19 janvier 2009 de la responsable des ressources humaines lui précisant que ses temps de déplacement professionnel lui seront payés « au taux normal » sans plus d'explication.
Force est de constater que M. [H] [C] ne démontre pas l'existence d'un usage d'entreprise qui prévoirait une rémunération des temps de déplacement professionnel sur une base horaire de 19,47 € comme il le prétend, un examen des bulletins de paie sur la période comprise entre janvier 2009 et juin 2012 ne confirmant pas la mise en application d'un tel tarif.
Il sera en conséquence débouté de cette demande nouvelle à ce titre (587,63 € + 58,76 €).
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Pour revendiquer le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, M. [H] [C] précise que l'accord collectif d'entreprise sur le temps de travail, s'agissant des salariés itinérants, prévoit une base forfaitaire de 38 heures hebdomadaires de travail effectif sur 210 jours dans l'année, que sont assimilées notamment à des jours travaillés « les absences pour maladie accordées par arrêt de travail », que la valeur d'un jour travaillé est de 7h36, que l'employeur a néanmoins retenu pendant ses périodes d'arrêts de maladie représentant 95 jours courant 2014 une évaluation réduite à 7h00, et que si on régularise la situation en reprenant la valeur conventionnelle précitée de 7h36, il a effectué « en théorie » plus de 1'603 heures devant générer un rappel à ce titre qu'il calcule à hauteur de la somme de 726,48 €.
En réponse, pour s'opposer à une telle réclamation, l'intimée considère que les périodes d'arrêts de travail de M. [H] [C] ont été valorisées conformément aux dispositions conventionnelles applicables, et que ces prétendues heures supplémentaires ne reposent sur aucun élément.
Si la valeur d'un jour travaillé est de 7h36 en horaire de base dès le premier jour d'arrêt de travail en application des « Règles de valorisation des absences » pour les salariés itinérants - pièce 124 de l'appelant -, et si durant ses différentes périodes d'arrêts de maladie sur janvier/mai 2014 l'employeur a retenu à tort le concernant une évaluation réduite à 7h00 - son autre pièce 126 -, force est cependant de relever que M. [H] [C] en déduit et donc affirme avoir « en théorie », pour reprendre son expression, effectué plus de 1'603 heures courant 2014, mais sans soumettre sur ce point à la cour des éléments exploitables et vérifiables au soutien d'une demande ainsi insuffisamment étayée.
La cour ne pourra en conséquence que rejeter sa réclamation nouvelle à ce titre.
Sur les demandes indemnitaires :
1/ La discrimination syndicale et Le harcèlement moral.
Au soutien de ses demandes indemnitaires à ce titre, M. [H] [C] précise avoir connu des difficultés professionnelles à compter de sa réélection en octobre 2009 en tant que délégué du personnel titulaire et membre suppléant du comité d'établissement, difficultés avec son nouveau supérieur hiérarchique en la personne de M. [P] au travers de l'allégation d'une prétendue insuffisance professionnelle relevée en février 2010 alors même que jusque-là ses évaluations étaient positives, qu'il n'a pu bénéficier d'un entretien individuel en 2011 au titre de son activité sur l'année 2010 et en 2014 sur celle de l'année 2013, qu'ayant été en arrêts de travail continus du 6 décembre 2013 au 5 mai 2014 ce n'est que le 1er juin 2015 qu'il a eu un entretien au titre de ses performances sur 2014, qu'outre l'inadéquation du coefficient conventionnel lui ayant été attribué au regard des fonctions qu'il exerce réellement, ce qui motive sa demande de rappel de salaires, un écart significatif de coefficient apparait si on compare son niveau de rémunération avec celui des salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions de niveau égal, que cette différence observable à son détriment s'illustre principalement par un retard de coefficient et non par un arrêt brutal des augmentations individuelles de salaires, que son manager rejetait ses plannings d'heures et s'opposait à ses heures de délégation tout en lui imposant une modification de son périmètre de travail par le transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable dès la fin de l'année 2009, qu'il a subi une modification unilatérale de son contrat de travail puisqu'en septembre 2011 il lui a été attribué les fonctions de contrôleur de gestion opérationnel aux lieu et place de celles de gestionnaire comptable de filière qui avaient été supprimées, qu'outre la violation par l'employeur des dispositions en vigueur sur la rémunération des temps de déplacement professionnel et le temps de travail à l'occasion des arrêts de maladie il a subi un isolement physique du reste de son équipe de novembre 2013 à février 2015, qu'il a subi une rupture d'égalité de traitement lors de la mise en 'uvre du plan de départs volontaires de 2014 puisqu'alors que son emploi était directement « impacté » sa candidature au titre du volet mobilité dudit plan sur un poste de contrôleur de gestion à [Localité 2] était rejetée au prétendu motif qu'il n'avait pas un profil suffisamment technique, qu'il n'a eu aucune réponse de son employeur suite à sa demande de renouvellement de sa voiture de fonction de mai 2015, et que cette situation a perduré en dépit de ses multiples démarches au sein et en dehors de l'entreprise (inspection du travail) pour y remédier, ce qui a sensiblement dégradé son état de santé tant physique que mentale puisqu'ayant été atteint courant 2010 et 2011 d'un syndrome dépressif.
*
Pour les raisons précédemment exposées lors de l'examen par la cour de certaines des demandes salariales, ne sont pas établis les griefs liés à la violation par l'employeur des dispositions en vigueur au titre, d'une part, de la rémunération des temps de déplacement professionnel et, d'autre part, du traitement des arrêts de maladie s'agissant des salariés itinérants, cette dernière problématique ayant abouti à un rejet de la demande nouvelle de M. [H] [C] en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires.
Sur les entretiens annuels d'évaluation de M. [H] [C] - ses pièces 7 à 11 -, il est permis de relever que ceux-ci sont globalement satisfaisants jusqu'en 2009 et qu'à compter de 2010 ils deviennent nettement moins bons, les comptes rendus relatifs à la dernière période en cause donnant lieu à des retards dans la formalisation ainsi qu'à de nombreux échanges de courriels avec sa hiérarchie suite à ses observations non suivies d'effet - ses autres pièces 13 à 18.
Sur l'écart significatif de coefficient pour la détermination de la rémunération de M. [H] [C] qui compare sa situation avec celle d'autres salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions à niveau de responsabilités comparables - son panel en page 27 de ses écritures -, il est manifeste que le coefficient conventionnel 300 qui lui a été attribué est inférieur à celui de M. [Q] [D] (360) qui s'est vu attribuer au sein de l'entrepris des missions avec un niveau de responsabilités similaires pour relever comme lui de la catégorie technicien-agent de maîtrise, ainsi qu'à ceux de Messieurs [N] [I] (400) et [R] [T] (350 puis 400) qui en tant que contrôleurs de gestion opérationnel sont déjà classés dans la catégorie cadre qu'il revendique lui-même à bon droit.
Sur les heures de délégation liées à l'exercice de ses mandats électifs, M. [H] [C] verse aux débats - sa pièce 111 - un échange de courriels courant décembre 2010 avec son supérieur hiérarchique direct, M. [P], assez peu disposé à en respecter le principe, ce qui est pourtant un droit attaché au statut d'élu du personnel.
Sur le changement du périmètre de travail de M. [H] [C] qui invoque un transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable avec sa hiérarchie - ses pièces 112 à 116 -, le grief n'est pas caractérisé en ce qu'il s'agit bien de tâches entrant dans son domaine d'intervention lié notamment au suivi des commandes clients au plan comptable, comme ne l'est pas davantage celui lié à une prétendue modification de son contrat de travail par un changement de fonctions dès lors, comme cela lui a été confirmé par le service des ressources humaines courant 2013, qu'à son ancien poste de gestionnaire de filière a été substitué, par un simple changement d'appellation, celui de contrôleur de gestion opérationnel suite à une réorganisation interne.
Sur l'isolement physique dont se dit victime M. [H] [C], celui-ci ressortirait du fait qu'il a été installé dans un bureau du 5ème étage alors que le reste de l'équipe des contrôleurs de gestion se trouve au 7ème étage, ce qui en soi apparaît peu pertinent et ne permet donc pas de retenir ledit grief.
Sur la mise en 'uvre à son égard courant 2014 du plan de départs volontaires sous l'intitulé « projet AMBITION » qui avait un impact direct sur son emploi, mise en 'uvre qui serait constitutive selon lui d'une « inégalité de traitement », M. [H] [C] ayant postulé le 3 juin pour un poste de contrôleur de gestion LI au sein de l'établissement de [Localité 2], après avoir été reçu le 20 juin par un responsable des ressources humaines, si sa candidature n'a pas été retenue, il n'apparaît pas que le choix final fait par l'employeur en la personne de Mme [J] soit par nature critiquable, ce qui conduit à considérer comme non établi ledit grief.
Sur la restitution de son véhicule de fonction dont il bénéficiait jusque-là en qualité de salarié itinérant, restitution exigée par son supérieur hiérarchique direct dans un courriel du 10 décembre 2009, ce qui a obligé M. [H] [C] à faire l'avance de frais de location d'un véhicule auprès de la société AVIS, et que si ledit véhicule de fonction lui a été finalement réaffecté en juin 2011, sa hiérarchie n'a pas traité courant 2015 sa demande de renouvellement en prévision de l'arrivée à échéance du contrat comme le rappelait alors la société gestionnaire du parc automobile de l'entreprise dans un courriel du 27 mai.
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M. [H] [C], par les pièces qu'il verse à la procédure, justifie avoir été en arrêts de travail suite au diagnostic posé d'un syndrome dépressif avec des complications médicales altérant sensiblement son état de santé.
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Les services de l'inspection du travail, après avoir pris contact avec l'appelant et certains représentants élus du personnel, ont adressé à la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE le 15 février 2011 un courrier l'invitant à « cesser sans délai les pressions exercées » sur celui-ci, avec cette conclusion': « Faute d'une solution apportée à la situation dramatique vécue par M. [H] [C], j'envisage de dresser procès-verbal à votre égard » - sa pièce 45.
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Les griefs ainsi caractérisés sur les entretiens annuels d'évaluation, l'écart de coefficient conventionnel pour le calcul de la rémunération avec la reconnaissance d'un rattachement à la catégorie des cadres et l'application corrélative des coefficients 360 et 400, les heures de délégation, et le véhicule de fonction, lesquels sont à prendre dans leur ensemble, outre l'état de santé dégradé et la mise en garde de l'inspection du travail, laissent supposer au sens de l'article L.1134-1 du code du travail l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'activité syndicale de M. [H] [C], d'une part, et au visa de l'article L.1154-1 permettent de présumer l'existence à son égard d'un harcèlement moral par renvoi à l'article L.1152-1, d'autre part.
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En réponse, la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE dénie tout changement dans les évaluations professionnelles de l'appelant au tournant des années 2009/2010, tout retard à compter de l'année 2010 dans la formalisation et la transmission desdits entretiens à celui-ci, l'absence de tout écart et retard dans le choix du coefficient de rémunération attribué à M. [H] [C] qui retient un panel non pertinent dès lors qu'aucun des salariés auxquels il se compare ne serait placé selon elle dans une situation identique et qu'il n'est pas anormal finalement qu'un contrôleur de gestion opérationnel comme ce dernier puisse rester dans la catégorie technicien-agent de maîtrise au coefficient 300, que ses heures de délégation n'ont à aucun moment été remises en cause par sa hiérarchie, et qu'il n'a jamais subi le moindre préjudice au titre de son véhicule de fonction sur la période en cause, lequel lui a d'ailleurs été changé en juin 2016.
Force est de constater en définitive que l'intimée, d'une part, ne prouve pas que ses décisions prises vis-à-vis de M. [H] [C] sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à raison de son activité syndicale et, d'autre part, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral pour reposer sur des décisions justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.
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Infirmant le jugement critiqué, la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE sera condamnée en conséquence à payer à l'appelant les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts ':
- 40'000 € en réparation du préjudice matériel lié à la discrimination syndicale, sur la base de la « méthode Clerc » telle que reprise et exposée dans les écritures de celui-ci (pages 64/65)';
- 8'000 € pour préjudice moral consécutif à la discrimination syndicale';
- 12'000 € pour harcèlement moral';
avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
2/ L'obligation de sécurité et de prévention.
L'ensemble des faits subis par M. [H] [C] comme précédemment relevés, en dépit de la mise en garde de l'inspection du travail, constituent de la part de l'intimée un manquement à son obligation générale d'assurer notamment sa santé tant physique que mentale, cela pour ne pas avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail nonobstant ce qu'elle prétend.
La Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE sera en conséquence condamnée à payer à l'appelant la somme de 8'000 €à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales précitées, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
3/ Les dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise.
M. [H] [C] se prévaut de l'accord collectif d'entreprise du 11 septembre 2002 sur le droit syndical conclu au sein de la Sa AIR LIQUIDE, en ses articles 4 sur la charge de travail des représentants du personnel et syndicaux, et 5 sur l'évolution professionnelle des élus.
Cette dernière disposition précise en son premier alinéa que': « L'engagement syndical et de représentation du personnel ne doit pas empêcher, ralentir ou modifier l'évolution professionnelle en terme de promotion et de salaire ».
Nonobstant ce que prétend la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE, cet accord collectif du 11septembre 2002 est applicable en son sein en vertu d'un autre accord collectif ayant le même objet qu'elle a conclu le 30 août 2011 avec ses partenaires sociaux, lequel à son article 2 dispose que': « Les parties conviennent de reconduire au sein de la société AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE l'accord relatif au droit syndical en date du 11 septembre 2002 de la société L'AIR LIQUIDE SA ».
Le sort réservé à M. [H] [C] caractérisant une violation flagrante des dispositions conventionnelles précitées, l'intimée sera condamnée à lui payer la somme de 7'000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
Sur la demande de dommages-intérêts du syndicat SECIF-CFDT':
Sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail qui permet aux syndicats professionnels d'agir en justice « concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent », s'agissant en l'espèce de faits de discrimination syndicale contrairement à ce que soutient l'intimée, après infirmation de la décision querellée, la cour la condamnera en conséquence à payer au syndicat SECIF CFDT la somme de 5'000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':
L'intimée sera condamnée en équité à payer à M. [H] [C] et au syndicat SECIF CFDT, chacun, la somme de 1'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement entrepris';
Statuant à nouveau,
DIT que M. [H] [C] est bien fondé à revendiquer les coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et, en conséquence,
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUISTRIE à lui régler les sommes de 68'459,22 € à titre de rappel de salaires et 6'845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013 ;
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à payer à M. [H] [C] à titre de dommages-intérêts les autres sommes de':
40'000 € pour préjudice matériel lié à la discrimination syndicale ;
8'000 € pour préjudice moral consécutif à la discrimination syndicale';
12'000 € pour harcèlement moral';
avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à régler au syndicat SECIF CFDT la somme de 5'000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [H] [C] de ses demandes en paiement de rappels au titre d'heures de déplacement professionnel et d'heures supplémentaires ;
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à payer à M. [H] [C] à titre de dommages-intérêts les sommes de':
8'000 € pour violation de l'obligation légale de sécurité et de prévention ;
7'000 € pour violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical ;
avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à verser à M. [H] [C] et au syndicat SECIF CFDT, chacun, la somme de 1'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la remise par la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à M. [H] [C] des bulletins de paie conformes au présent arrêt';
CONDAMNE la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT