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19/04/2017 | FRANCE | N°14/01815

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 19 avril 2017, 14/01815


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 19 AVRIL 2017



(n° 150 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01815



Décision déférée à la Cour : Décision du 20 Décembre 2013 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS





APPELANTE

SCP [T] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]


>représentée à l'audience par son gérant, Me [W] [T],



Comparant en personne



N° SIRET : [T]





INTIMEE

Madame [D] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Sophie TIDIER, avocat au bar...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 19 AVRIL 2017

(n° 150 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01815

Décision déférée à la Cour : Décision du 20 Décembre 2013 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS

APPELANTE

SCP [T] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée à l'audience par son gérant, Me [W] [T],

Comparant en personne

N° SIRET : [T]

INTIMEE

Madame [D] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie TIDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0823

Ayant pour avocat plaidant Me Thomas LECLERC, Avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

Mme [V] qui était collaboratrice libérale de la SCP [T] depuis octobre 2010, a présenté sa démission le 31 mai 2013 avec effet au 31 août 2013.

A la suite d'un incident s'étant déroulé au cabinet le 21 juin 2013, la SCP [T] a fait savoir à Mme [V] qu'elle suspendait l'exécution de son contrat de collaboration libérale et qu'elle saisissait le bâtonnier dans le cadre d'une procédure d'arbitrage afin qu'il soit statué sur l'existence d'un manquement grave justifiant la rupture immédiate du contrat.

Par un mail du 10 juillet 2013, la SCP [T] a fait savoir à Mme [V] que malgré l'avis rendu par la commission dé déontologie, elle confirmait la rupture de sa collaboration pour faute grave avec effet au 21 juin 2013 au soir.

Par une sentence du 20 décembre 2013, le bâtonnier a :

- dit que la déloyauté du comportement de Mme [V] le 21 juin 2013 est constitutive d'une faute grave justifiant la rupture anticipée du délai de prévenance,

- débouté Mme [V] de sa demande en complément d'honoraires,

- dit que le comportement vexatoire de la SCP [T] lors de la rupture du délai de prévenance a causé à Mme [V] un préjudice et condamné en conséquence la SCP [T] à payer à Mme [V] la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts de ce chef,

- dit sans objet la demande de restitution des fichiers électroniques, ceux-ci ayant été restitués au 10 décembre 2013,

- débouté la SCP [T] de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée du 22 janvier 2014, la SCP [T] a formé appel de cette décision.

Dans des écritures déposées et soutenues à l'audience, la SCP [T] sollicite l'infirmation de la décision du 20 décembre 2013 sauf en ce qu'elle a retenu que Mme [V] avait commis une faute grave justifiant l'interruption prématurée de son préavis de démission, la condamnation de Mme [V] à rembourser les frais d'huissier qu'elle a dû encourir soit 436,44 € et à payer la somme de 3 000 € pour procédure abusive, outre la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, en ce compris les éventuels frais de la signification de la décision à intervenir.

Dans des écritures déposées et soutenues à l'audience , Mme [V] demande à la cour de débouter la SCP [T] de l'ensemble de ses demandes, de confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a condamné la SCP [T] à lui payer des dommages-intérêts mais de l'infirmer sur le quantum et ainsi de condamner la SCP [T] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait des circonstances vexatoires de la rupture du contrat de collaboration, de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau de dire qu'elle n'a commis aucun manquement grave flagrant aux règles professionnelles, de condamner la SCP [T] à lui régler la somme de 10 350 € HT au titre des honoraires dus à compter du 22 juin jusqu'au 31 août 2013 inclus, de condamner la SCP [T] à lui régler les intérêts de droit sur l'ensemble des condamnations à compter de la saisine de la commission de règlement des difficultés de l'exercice en collaboration libérale soit le 11 juillet 2013, de condamner la SCP [T] aux frais d'exécution de la décision à intervenir, ainsi qu'à la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la rupture immédiate de la collaboration :

La SCP [T] expose qu'elle était en conflit avec une de ses anciennes collaboratrices, Mme [O], à propos notamment d'un dossier susceptible de donner lieu à un important honoraire de résultat, que Mme [O] s'est présentée le vendredi 21 juin 2013 au cabinet pour remettre le dossier litigieux mais que l'assistante du cabinet ayant reçu pour instruction de le refuser, elle a appelé Mme [V] avec qui elle entretenait de bonnes relations, sur son téléphone, que celle-ci est alors intervenue et a pris ledit dossier.

La SCP [T] relate qu'après le départ de Mme [V], elle a fermé son bureau à clé car elle souhaitait accéder à ses fichiers informatiques pour découvrir des documents relatifs au dossier litigieux et aux difficultés rencontrées avec Mme [O]. Enfin elle déclare que le lundi 24 juin, elle a adressé un mail à Mme [V] pour lui faire connaître la suspension de son contrat de collaboration et la saisine du bâtonnier.

La SCP [T] reproche à Mme [V] d'avoir délibérément et ostensiblement agi en faveur de Mme [O] et au détriment du cabinet.

Mme [V] confirme le déroulement des faits, indiquant néanmoins qu'elle était dans l'ignorance de la volonté du cabinet de refuser la remise du dossier en cause. Elle ajoute qu'elle a ensuite eu un entretien avec M. [T] qu'elle décrit comme agressif. Elle déclare qu'ayant voulu le lendemain se rendre à son bureau, elle a constaté qu'il était fermé à clé et qu'elle ne pouvait y accéder.

Elle considère que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas un manquement grave flagrant aux règles professionnelles. Elle déclare ne pas comprendre le préjudice que le cabinet pouvait subir en raison de la réception du dossier en cause qu'il revendiquait et pour lequel au surplus aucun détournement n'était établi à l'encontre de Mme [O]. Elle soutient qu'elle n'avait reçu aucune instruction de refuser la remise de ce dossier et qu'elle n'a pas pris position en faveur de Mme [O] dans le cadre du litige en partage des honoraires l'opposant au cabinet.

Mme [V] était informée du différend opposant la SCP [T] à son ancienne collaboratrice à propos notamment d'un problème de succession dans un dossier susceptible de générer un honoraire de résultat important.

Mme [J], assistante du cabinet, qui avait reçu instruction de ne pas accepter la remise du dossier des mains de Me [O], relate dans une attestation produite par la SCP [T], qu'elle a effectivement refusé le dossier de Mme [O] en lui faisant part de l'ordre qu'elle avait reçu, que celle-ci a appelé Mme [V], laquelle a pris le dossier en déclarant qu'elle prenait acte de sa remise.

Mme [V] même si elle n'avait pas personnellement reçu de consigne sur la remise du dossier en cause, aurait dû néanmoins préalablement s'informer des circonstances qui 'avaient conduit Mme [J] à refuser de prendre le dossier.

Le manquement grave et flagrant aux règles professionnels est celui qui ne permet plus la continuation de la relation pendant le délai de préavis. La suspension immédiate du contrat de collaboration est ainsi justifiée lorsque le collaborateur adopte un comportement susceptible de nuire aux intérêts de la structure au sein de laquelle il exerce.

La réception d'un dossier client dont la SCP [T] contestait l'appropriation par Mme [O], apparaissait comme un acte purement matériel insusceptible de porter atteinte aux intérêts de la SCP et en acceptant de le prendre au nom du cabinet, Mme [V] ne pouvait pas avoir conscience de nuire à ce dernier. Il n'est d'ailleurs versé aux débats aucun élément permettant de comprendre en quoi la réception de ce dossier posait une difficulté et il n'est pas allégué que celle-ci ait eu une incidence sur la solution du litige entre la SCP [T] et Mme [O].

Aussi, le comportement de Mme [V] ne manifestait pas une volonté de faire prévaloir les intérêts de Mme [O] sur ceux de la SCP [T] et ne constituait donc pas un acte d'une déloyauté suffisamment grave pour empêcher son maintien dans la structure pendant la durée de prévenance jusqu'au 31 août 2016 et pour justifier la rupture immédiate du contrat de collaboration.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision du bâtonnier du 20 décembre 2013 en ce qu'elle a dit que la déloyauté du comportement de Mme [V] le 21 juin 2013 est constitutive d'une faute grave justifiant la rupture anticipée du délai de prévenance, et en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en complément d'honoraires.

Il y a donc lieu de condamner la SCP [T] à payer à Mme [V] le montant des honoraires dus entre le 22 juin et le 31 août 2013 soit la somme de 10 350 €HT avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2013.

2/ Sur la demande en dommages-intérêts de Mme [V] :

Mme [V] estime que les conditions de la rupture de sa collaboration ont été vexatoires et elle sollicite une augmentation du montant des dommages-intérêts alloués par le Bâtonnier . Elle expose ainsi avoir dû prélever sur son épargne pour faire face à ses besoins alors que sa nouvelle collaboration ne débutait que le 15 septembre 2013 et avoir dû faire face à des charges exceptionnelles liées à son mariage sans avoir pu anticiper qu'elle serait privée de revenus pendant 2 mois.

La SCP [T] fait valoir qu'elle estimait Mme [V] complice de Mme [O] et qu'elle souhaitait pouvoir obtenir des preuves de cette complicité en consultant son ordinateur de sorte qu'elle a souhaité lui en interdire l'accès jusqu'à ce qu'elle ait pu l'explorer avant tout effacement des preuves. Elle soutient que cet objectif justifiait une réaction immédiate et qu'elle n'a pas eu la possibilité d'informer Mme [V]. Elle ajoute que Mme [V] n'avait pas vocation à se rendre dans son bureau le week-end et qu'elle n'a su que celui-ci était fermé qu'à raison 'd'une nouvelle initiative parfaitement déloyale dont elle ne veut toujours pas révéler les détails horaires'.

La SCP [T] a interdit à Mme [V] l'accès à son bureau le soir même sans l'en avoir préalablement avisée et alors que celle-ci y avait ses affaires personnelles.

La décision du bâtonnier sera confirmée en ce qu'elle a estimé que ces circonstances étaient vexatoires.

Néanmoins en l'absence de pièces justificatives nouvelles, il apparaît que la décision entreprise a fait une juste appréciation du dommage subi et elle sera donc confirmée sur ce point, la créance en dommages-intérêts portant intérêts au taux légal à compter de la décision du bâtonnier du 20 décembre 2013.

3/ Sur les demandes de la SCP [T] :

Les demandes de Mme [V] étant bien-fondées, elle ne aurait être condamnée au paiement des dommages-intérêts pour procédure abusive sollicités par la SCP [T].

Celle-ci réclame le montant des frais d'huissier engagés pour effectuer des recherches dans l'ordinateur de Mme [V].

Le fondement juridique de cette demande n'étant pas explicité elle en sera également déboutée.

Il sera alloué à Mme [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision du bâtonnier du 20 décembre 2013 sauf en ce qu'elle a dit que la déloyauté du comportement de Mme [V] le 21 juin 2013 est constitutive d'une faute grave justifiant la rupture anticipée du délai de prévenance, et en ce qu'elle l' a déboutée de sa demande en complément d'honoraires,

Statuant à nouveau :

Dit que le comportement de Mme [V] ne justifiait pas la rupture immédiate de la collaboration sans délai de prévenance,

Condamne la SCP [T] à payer à Mme [V] la somme de 10 350 €HT au titre de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2013,

Y ajoutant :

Dit que la condamnation de la SCP [T] au paiement de la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts produira intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2013,

Déboute la SCP [T] de sa demande en paiement des frais d'huissier de justice,

Condamne la SCP [T] à payer à Mme [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP [T] aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/01815
Date de la décision : 19/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/01815 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-19;14.01815 ?
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