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30/03/2017 | FRANCE | N°15/21079

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 30 mars 2017, 15/21079


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 30 MARS 2017



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/21079



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2015 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 14/00248





APPELANT



Monsieur [J] [S]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]
r>Représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399







INTIMÉS



FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

Direction des Affaires ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 30 MARS 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/21079

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2015 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 14/00248

APPELANT

Monsieur [J] [S]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

INTIMÉS

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

Direction des Affaires Civiles et du Sceau

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2375

MINISTÈRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Ayant pour avocat, Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744

COMMISSION NATIONALE D'INDEMNISATION DES AVOUES MINISTERE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS

Direction des Affaires civiles et du Sceau

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Non comparante, non représentée

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES [Localité 3]

Commissariat du gouvernement

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par M. [O] en vertu d'un pouvoir général

MINISTÈRE DE LA JUSTICE MADAME LE MINISTRE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 Février 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Christian HOURS conformément à l'article 786 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christian HOURS, président de chambre

Mme Maryse LESAULT, conseillère

M. Marc BAILLY, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

La cour statue sur l'appel formé, le 27 octobre 2015, par M [J] [S] de la décision du juge de l'expropriation de Paris du 24 septembre 2015 :

- ayant mis hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat ;

- l'ayant débouté de ses demandes d'indemnisation ;

- ayant dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ayant condamné le Fonds d'indemnisation des avoués (FIDA) aux dépens.

M [J] [S] exerçait la profession d'avoué auprès de la cour d'appel de Toulouse au sein de la SCP [S], dont il détenait 50% des parts.

La SCP [S] a accepté une indemnité totale de 1 594 528 euros, au titre de son préjudice résultant de la perte du droit de présentation (1528 944 euros), des coûts de mise en place du contrat de sécurisation professionnelle au profit du personnel (12 960 euros), des frais d'archivage (38 224 euros) et des conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation au coût de la gestion de la chambre nationale des avoués (14 400 euros).

M [J] [S], devenu avocat, a présenté des demandes personnelles, qui ont été rejetées par la commission d'indemnisation.

Il a, le 27 octobre 2014, saisi le juge de l'expropriation qui a rendu la décision précitée.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par M [J] [S], les 26 janvier et 10 novembre 2016, aux termes desquelles il demande en définitive à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau de :

- fixer les indemnités à la somme de 1 429 457 euros se décomposant comme suit :

- 1 346 611 euros au titre de la charge exorbitante subie du fait de la suppression de la profession ;

- 32 846 euros au titre de la perte des droits à la retraite ;

- 50 000 euros au titre de la désorganisation dans l'activité professionnelle ;

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance ;

- dire que les intérêts seront capitalisés par périodes annuelles, conformément à l'article 1154 du code civil ;

- condamner le Fonds d'indemnisation à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;

- déposées au greffe par le FIDA, les 8 mars et 6 décembre 2016, aux termes desquelles il demande en définitive à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M [J] [S] ;

- confirmer le jugement du 5 mai 2015 ;

- débouter M.[S] de ses demandes ;

- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

- adressées par l'agent judiciaire de l'Etat, le 15 février 2016, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- prononcer sa mise hors de cause ;

- confirmer le jugement ;

y ajoutant, condamner M [J] [S] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les dépens ;

- adressées par le commissaire du gouvernement, le 8 mars 2016, aux termes desquelles il propose à la cour d'écarter les demandes d'indemnisation présentées au titre des préjudices personnels ;

La commission d'indemnisation des avoués et l'Etat en tant que tel n'ont pas présenté d'observations.

Motifs de l'arrêt :

Considérant que M [J] [S] soutient que :

- un droit à réparation des préjudices personnels subis par l'avoué doit être reconnu dès lors que s'il souhaite poursuivre une carrière d'avocat, il subit inévitablement une perte de revenus au cours de la période transitoire ;

- au vu de la jurisprudence de la CEDH (arrêt Lallement), le professionnel a droit à la réparation d'un préjudice spécifique au titre de la perte de l'outil de travail ;

- le bénéfice d'un monopole de représentation devant le tribunal de grande instance et la reconnaissance d'une spécialité en procédure d'appel est sans commune mesure avec la perte du monopole de postulation devant la cour d'appel ;

- le trouble d'exploitation subi, comparable à celui indemnisé lors d'une expropriation d'un fonds de commerce, doit être indemnisé, dès lors qu'il est distinct de la perte du droit de présentation ;

- la charge exorbitante subie entraîne une perte de revenus pendant 7 ans, le temps admis pour constituer une clientèle d'avocat (baisse annuelle de revenus de 192 373 euros depuis qu'il est avocat) ;

- une perte des droits à la retraite existe également en raison de la baisse des cotisations ;

- l'atteinte aux conditions normales d'existence liée au trouble personnel et professionnel profond à l'origine d'une tension et d'une angoisse forte ainsi que la désorganisation de l'activité professionnelle doivent être indemnisées ;

Considérant que le FIDA réplique que :

- M. [J] [S] est irrecevable à demander un complément d'indemnisation dès lors qu'il a accepté l'offre d'indemnisation du FIDA pour la perte du droit de présentation et de ne pas être indemnisé pour le surplus ; l'offre acceptée portait sur l'ensemble des chefs de demandes présentés par la SCP ;

- il résulte sur le fond de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, est inconstitutionnel ;

- le Conseil constitutionnel a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi devant les tribunaux de grande instance ;

- le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

- la procédure ne relève pas du droit de l'expropriation dès lors qu'il n'y a ni droit de propriété sur l'office ni expropriation car le droit de présentation n'est pas transféré à l'Etat; - la décision [E] ne peut être invoquée car à supposer qu'il y ait eu ingérence des pouvoirs publics, celle-ci était justifiée et répondait à l'objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice ;

- la référence à la décision Lallement est dénuée de pertinence s'agissant d'un exploitant agricole exproprié qui avait subi une atteinte au droit de propriété, ce qui n'est pas le cas des avoués ;

- il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral, ce qui méconnaîtrait l'exigence du bon emploi des deniers publics et conduirait à une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat fait valoir que :

- le mémoire ne justifie du fondement sur lequel il a été mis en cause alors qu'il n'a pas de mandat pour représenter l'Etat et qu'une personne morale spécifique, possédant une compétence exclusive, a été instituée ;

Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que l'indemnisation sollicitée, si tant est qu'elle est recevable, ne peut lui être allouée, s'agissant de préjudices que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et à la règle de bonne utilisation des deniers publics ; qu'en outre, au regard des textes du code de l'expropriation, il ne peut qu'être estimé que les préjudices demandés sont incertains et éventuels ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du [Localité 4], du [Localité 5] et de la [Localité 6], après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la

Seine) ;

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM.[B] (2008) et [R] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes clauses confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat a, aux termes de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955, vocation à intervenir devant les juridictions de l'ordre judiciaire, dans les actions tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur, sauf exception prévue par la loi ;

Considérant précisément qu'il résulte des articles 13 et 19 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel qu'il existe un fonds d'indemnisation, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, chargé spécialement du paiement des sommes dues aux avoués ;

Considérant qu'eu égard à l'existence d'une personnalité morale spécifique contre laquelle diriger les actions en paiement, il n'y avait pas lieu d'attraire dans l'instance en indemnisation d'autres personnes que le Fonds d'indemnisation ; que la décision du premier juge ayant mis hors de cause l'agent judiciaire de l'Etat doit être confirmée ;

Considérant que la recevabilité des demandes de M [J] [S], dont les demandes d'indemnisation à titre personnel ont été rejetées par la commission, n'est pas sérieusement discutable ;

Considérant que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel ;

Considérant dès lors que le préjudice direct, matériel et certain, devant être intégralement indemnisé en application de l'article L13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice ;

Considérant d'autre part que l'article 1er du Protocole n°1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Considérant qu'il s'ensuit que la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l'absence de charge spéciale exorbitante ; qu'une privation de propriété implique le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu'une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d'utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien ;

Considérant que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique ;

Considérant que la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors fondés à obtenir aucune somme, au delà de l'indemnisation, pour un montant qui a été accepté, sans que la preuve d'une violence économique soit rapportée, de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, qui constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel la loi nationale n'est pas contraire ;

Considérant en conséquence que M [J] [S], qui n'établit pas subir une atteinte disproportionnée, doit être débouté de ses demandes d'indemnisation concernant des préjudices accessoires ;

Considérant en définitive que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, M [J] [S] supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

- confirme en toutes ses dispositions la décision du juge de l'expropriation de Paris du 24 septembre 2015 ;

- y ajoutant :

- dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- dit que M [J] [S] supportera les dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/21079
Date de la décision : 30/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°15/21079 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;15.21079 ?
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