RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 MARS 2017
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10604
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de MEAUX -section industrie- RG n° 13/00838
APPELANT
Monsieur [E] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Anne-sophie FEDIDE de la SCP CABINET CUSSAC, avocat au barreau de PARIS, P0045
INTIMÉE
SARL MAURY
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE de la SELARL BAUDIN VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
M. [E] [L] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée à compter du 30 juin 2008 par la SARL MAURY en qualité de chauffeur, moyennant un salaire mensuel brut de 2 679 €. Le contrat de travail était régi par la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.
Par lettre du 10 juin 2013, M. [L] a demandé à son employeur de régulariser ses indemnités de trajet et le décompte des heures supplémentaires sur ses bulletins de paie, ainsi que de lui fournir les disques et documents contenant les informations des décomptes quotidiens du mois de mai 2013 et de lui donner les raisons de la suppression de la prime de chantier effective depuis le 1er juillet 2010.
Par lettre du 15 juin 2013, la SARL MAURY a indiqué au salarié que l'omission de la prime de chantier allait être rétablie et qu'aucune heure supplémentaire n'était due.
Par lettre du 24 juin 2013, la SARL MAURY a notifié à M. [L] un avertissement pour avoir omis, à deux reprises, de faire signer des bons journaliers à des clients de l'entreprise.
Par lettre du 26 juin 2013, la SARL MAURY a mis en demeure M. [L] de procéder à l'entretien de son véhicule.
Par lettre du 7 août 2013, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a quitté l'entreprise le 30 août 2013, après un préavis de quinze jours.
Au moment de la rupture du contrat, la SARL MAURY employait moins de onze salariés.
Considérant que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 9 août 2013 afin d'obtenir diverses sommes en conséquence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité de trajet, d'indemnité pour non paiement des heures supplémentaires, d'indemnité pour non respect de l'obligation de sécurité de résultat et discrimination, et d'indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement rendu le 14 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Meaux a :
- dit que la prise d'acte de M. [L] produira les effets d'une démission ;
- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la SARL MAURY de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- laissé les dépens à la charge de M. [L].
Par déclaration du 28 octobre 2015, M. [L] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement le 1er décembre 2016, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
- dire qu'il était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail et que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, condamner la SARL MAURY à lui verser les sommes de :
1 339,50 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
4 420,55 € à titre d'indemnité légale de préavis et congés payés afférents,
16 078,25 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la SARL MAURY à lui verser également les sommes suivantes :
31 855 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,
3 185 € au titre des congés payés afférents,
348,60 € à titre d'indemnité de trajet,
2 000 € à titre d'indemnité pour non paiement des heures supplémentaires,
8 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et « discrimination »,
16 078,25 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
6 736,50 € à titre d'indemnité pour non information et non prise du repos compensateur ;
- pour les sommes à caractère salarial, fixer la date de calcul des intérêts à compter de la date à laquelle les salaires étaient dus ;
- pour les sommes à caractère indemnitaire, fixer la date de calcul des intérêts à compter de la demande, soit le 13 août 2013 ;
- prononcer l'exécution provisoire du jugement, au-delà de l'exécution provisoire de droit ;
- condamner la SARL MAURY à lui verser la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SARL MAURY aux entiers dépens.
La SARL MAURY, reprenant oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;
- l'infirmer pour le surplus ;
- condamner reconventionnellement M. [L] à lui verser les sommes de :
132 € au titre de frais de téléphone professionnel,
1 394,45 € au titre de la formation professionnelle,
4 862,60 € de dommages et intérêts pour non-exécution du préavis,
2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [L] aux dépens, y compris les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
La SARL MAURY a été autorisée à produire une note en délibéré afin de donner des précisions sur sa demande reconventionnelle au titre de la formation professionnelle, ce qu'elle a fait le 8 décembre 2016. M. [L] a été autorisé à y répondre, si nécessaire, ce qu'il a fait le 16 décembre 2016.
MOTIFS
Sur les demandes liées aux heures supplémentaires
M. [L] sollicite un rappel d'heures supplémentaires sur 5 ans, à hauteur de 31 855 €, ainsi que la somme de 3 185 € au titre des congés payés afférents. Il s'oppose au moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription soulevé par la société intimée au motif qu'il a demandé un rappel d'heures supplémentaires dès le 10 juin 2013, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013.
La SARL MAURY soutient que la demande du salarié est pour partie irrecevable car prescrite. En effet, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 9 août 2013, la loi du 14 juin 2013 ayant réduit le délai de prescription à 3 ans est applicable. Par conséquent, l'intimée affirme que M. [L] ne peut formuler une demande de salaire que sur une période de 3 ans.
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L'article 21-V de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail en réduisant à 3 ans le délai de prescription de l'action en paiement des salaires qui était auparavant de 5 ans.
L'article 21-V de la même loi prévoit que 'Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure' et que 'Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne'.
En l'espèce M. [L] a introduit son action devant le conseil de prud'hommes le 9 août 2013, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. À la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de rappel de salaires dus à compter du 30 juin 2008 n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 3 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure. Il en résulte que l'action du salarié engagée par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 août 2013 pour les salaires exigibles à compter du 30 juin 2008 n'est pas prescrite.
Enfin il est constant que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
En conséquence l'action en paiement sur les heures supplémentaires accomplies à compter du 30 juin 2008 n'est pas atteinte par la prescription.
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En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
M. [L] affirme avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées dans la mesure où la SARL MAURY n'a pas pris en compte le temps de trajet aller et retour entre le dépôt et les chantiers où il se rendait quotidiennement. Afin d'étayer sa prétention, le requérant produit un calcul fondé sur l'analyse des disques chrono-tachygraphes fournis par l'employeur. Il affirme avoir effectué 101 heures supplémentaires sur trois mois (mai, juin et juillet 2013) et il établit sur ce fondement une moyenne de 404 heures supplémentaires sur un an et 2 020 heures supplémentaires sur 5 ans. L'appelant fournit également un relevé journalier de ses heures de départ du siège social de la SARL MAURY et de ses heures de retour pour les mois de mai et juin 2013.
Il étaye par conséquent sa demande par la production d'éléments suffisamment précis.
Nonobstant le éléments de réponse de la SARL MAURY sur ce point, le mode de calcul retenu par le salarié apparaît crédible pour correspondre à la réalité même des heures effectuées, la législation européenne dans le transport routier concernant la conservation des disques chrono-tachygraphes pendant une durée d'une année ne la dispense pas de les conserver pendant tout le délai de prescription applicable en droit interne, et force est de constater qu'elle n'a jamais réellement coopéré avec M. [L] en vue d'établir un pointage intégrant ses récapitulatifs d'heures avec les éléments qu'elle indique avoir gardé en sa possession, pour se contenter en définitive d'une régularisation partielle et sommaire sur les bulletins de paie de mai à août 2013.
Infirmant le jugement entrepris, la SARL MAURY sera en conséquence condamnée à régler à M. [L] la somme de 31 855 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période d'emploi, et 3 185 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 16 août 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation.
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L'appelant sollicite la condamnation de la SARL MAURY à lui verser la somme de 16 078,25 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé. Au soutien de sa demande, il indique que les bulletins de paie ne comportent pas l'intégralité des heures effectivement travaillées au-delà de 35 heures et que cette démarche de l'employeur était intentionnelle dès lors qu'il a réclamé la régularisation des heures supplémentaires dès le 10 juin 2013. M. [L] ajoute que cette somme devra être déduite de l'indemnité de licenciement.
La SARL MAURY conteste avoir dissimulé des heures supplémentaires. Elle indique s'être tenue à la disposition du salarié pour croiser leurs informations dès qu'il a effectué sa demande de paiement et demande à ce qu'il soit débouté de sa demande.
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
Dès lors que n'est pas caractérisée l'intention coupable de l'employeur au sens des textes précités, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [L] de sa demande de dommages-intérêts afférente.
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M. [L] sollicite la condamnation de la SARL MAURY à lui verser la somme de 2 000 € de dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires.
La SARL MAURY demande à la cour de débouter le salarié de sa demande.
Considérant que M. [L] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui lié au simple retard apporté par l'intimée à l'exécution de son obligation à ce titre, au sens de l'article 1153-1 ancien du code civil, lequel retard est déjà pris en compte dans les intérêts moratoires de sa créance, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a l'a débouté de cette prétention indemnitaire.
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Sur le fondement de l'article L. 3121-31 du code du travail, M. [L] sollicite la condamnation de la SARL MAURY à lui verser la somme de 6 736,50 € bruts à titre d'indemnité pour non information et non prise des 50 jours de repos compensateurs auxquels il avait droit à l'issue de ces 5 ans compte tenu des heures supplémentaires effectuées.
La SARL MAURY indique pour sa part que l'article L. 3121-31 du code du travail a été abrogé par la loi n°2008-789 du 20 août 2008 et que les heures supplémentaires ne donnent plus lieu à repos compensateur depuis lors.
En application de la loi précitée, au repos compensateur légal s'est substituée la contrepartie obligatoire en repos seulement prévue en cas d'heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, comme le rappelle l'article L.3121-11 du code du travail.
Dans la mesure où M. [L], au soutien de cette réclamation, ne fait état que d'heures supplémentaires qu'il a accomplies « à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires », la cour le déboutera de sa demande nouvelle à ce titre.
Sur l'indemnité de trajet
L'appelant réclame le paiement la somme de 348,60 € au titre des indemnités de trajet des mois de mai, juin et juillet 2013, qui ont été déduites sur le bulletin de paie d'août 2013.
La SARL MAURY conclut au débouté de la demande, indiquant qu'elle a « réglé l'ensemble de cette indemnité sur les bulletins de salaire sur la période de janvier à avril 2013 ».
En l'espèce, il ressort des bulletins de paie versés au débat que la SARL MAURY a déduit du salaire d'août 2013 la somme de 174,30 € sous le libellé « Régul indemnité de trajet », somme correspondant au cumul des indemnités de trajet versées aux mois de mai et juin 2013 (84,66 € + 89,64 €).
Mais il ressort de la lettre de la SARL MAURY à M. [L] en date du 31 juillet 2013 que cette déduction de l'indemnité de trajet est consécutive à la régularisation des heures supplémentaires, régularisation qui apparaît également sur le bulletin de paie d'août 2013, l'employeur indiquant « en ce qui concerne les indemnités de trajets : comme indiqué lors de notre rendez-vous, ces dernières n'ont pas à être versées lorsque le temps de trajet est compris dans le temps de travail effectif et payé comme tel ».
La déduction étant justifiée par la régularisation concomitante des heures supplémentaires, M. [L] sera débouté de sa demande au titre de l'indemnité de trajet, et le jugement sera ainsi confirmé.
Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et discrimination
M. [L] demande la condamnation de la SARL MAURY à lui verser la somme de 8 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat du fait du mauvais état du camion qui lui a été confié à compter de mai 2013 ; et à titre d'indemnité pour discrimination dès lors que, depuis le mois de février, au cours duquel il a commencé à réclamer oralement la régularisation de son salaire, il s'était vu attribuer un camion en mauvais état de fonctionnement, affecter à des chantiers éloignés, et supprimer sa prime de chantier.
La SARL MAURY indique que le salarié n'apporte aucun élément objectif au soutien de sa prétention relative à la discrimination. S'agissant de l'obligation de sécurité de résultat, l'employeur affirme que le véhicule confié à M. [L] a été réparé, contrôlé par un organisme agréé et autorisé à circuler.
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M. [L] expose faire l'objet d'un comportement discriminatoire après avoir demandé la régularisation de ses bulletins de paie en février 2013.
Il résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail que les demandes relatives à la discrimination doivent être fondées sur l'un des motifs réputés illicites que vise expressément le dit texte.
M. [L] n'invoquant aucun des motifs illicites énumérés limitativement par l'article L. 1132-1, ne peut se prévaloir utilement des dispositions prohibant la discrimination.
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En application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer cette sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
M. [L] reproche à son employeur de lui avoir attribué, à partir de mai 2013, un camion en mauvais état. Au soutien de sa prétention, il produit le procès-verbal de contrôle technique du véhicule qui lui était attribué, daté du 30 mai 2013 et indiquant « véhicule soumis à contre-visite avec interdiction de circuler » et un procès-verbal de contre-visite daté du 1er juin 2013 indiquant « véhicule accepté ».
La SARL MAURY répond que M. [L] n'avait pas correctement entretenu son dernier véhicule, qui était neuf, de sorte que ce véhicule a été attribué à un autre salarié tandis que M. [L] se voyait attribuer le seul camion disponible, qui avait été contrôlé au préalable et qui a finalement été déclaré apte à circuler.
Il résulte des pièces versées au débat par M. [L] que si le véhicule qu'il conduisait a fait l'objet d'une interdiction de circulation le 30 mai 2013, les avaries constatées ont été réparées rapidement et le véhicule a été déclaré apte à la circulation lors de la contre-visite du 1er juin 2013. La SARL MAURY a donc réagi rapidement, dans le respect de son obligation de sécurité de résultat.
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Pour l'ensemble de ces raisons, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions indemnitaires de M. [L] de ces chefs.
Sur la rupture du contrat de travail
Selon les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.
La prise d'acte permet au seul salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.
Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits imputables à son employeur, cette rupture produit, immédiatement, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, étant observé que la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail, à raison de manquements de son employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles, ne fixe pas les termes du litige et ne lie pas les parties et le juge et qu'à l'appui de sa prise d'acte, le salarié peut se prévaloir d'autres faits au cours du débat judiciaire.
Au soutien de sa prise d'acte intervenue par un courrier du 7 août 2013, M. [L] reproche à l'intimée, dans le dernier état de ses écritures, le non paiement de ses heures supplémentaires, un « comportement menaçant et discriminatoire », ainsi qu'une dégradation de ses conditions de travail avec la mise à disposition d'un camion « en très mauvais état ».
Dès lors qu'il peut seulement être reproché à la SARL MAURY un non paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées par M. [L] durant sa période d'emploi de juin 2008 à août 2013, que cette situation présente un caractère ancien puisque l'appelant, recruté cinq ans auparavant, a attendu le 10 juin 2013 pour solliciter de manière officielle une régularisation salariale, la cour estime qu'il ne s'agit pas d'un manquement suffisamment grave de nature à avoir fait obstacle ou rendu impossible la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail.
Les autres griefs ne sont pas établis.
Il en résulte que cette prise d'acte injustifiée doit produire les effets d'une démission.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté M. [L] de ses demandes au titre des indemnités légales de rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et incidence congés payés) et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Sur les demandes reconventionnelles de la SARL MAURY
1. Le remboursement des frais de téléphone professionnel
La SARL MAURY demande le remboursement des frais professionnels de téléphone à hauteur de 132 €, somme correspondant au coût de remplacement d'un téléphone, M. [L] ayant conservé le téléphone professionnel qu'elle lui avait remis.
M. [L] affirme avoir rendu le téléphone bien avant la rupture de son contrat car les appels de ce téléphone professionnel étaient transférés sur son téléphone personnel de sorte qu'il n'en avait pas l'utilité.
Selon l'article 1315 du code civil, recodifié sous l'article 1353 par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La SARL MAURY verse au débat une attestation signée de M. [L], en date du 2 juillet 2010, selon laquelle " je soussigné, [E] [L], salarié, certifie avoir reçu de la Sarl MAURY ['], suite au changement d'opérateur téléphonique
-un téléphone de marque NOKIA 2330, de couleur noir, avec chargeur, en échange d'un téléphone de marque NOKIA 1200 de couleur gris avec chargeur ['].
Pour rappel : je m'engage à utiliser ce téléphone dans les meilleures conditions et exclusivement dans le cadre de mon activité professionnelle. Il m'est formellement interdit d'utiliser ce téléphone durant le week-end sauf pour joindre un autre membre de la société".
Il en ressort, et il n'est pas contesté, que la remise du téléphone portable constituait un prêt à usage dans le cadre de la relation de travail, de sorte que M. [L] était soumis à une obligation de restitution à la rupture de son contrat de travail.
La SARL MAURY ayant prouvé l'obligation dont il réclame l'exécution, la charge de la preuve de l'exécution incombe à M. [L]. Celui-ci se contente d'affirmer avoir remis le téléphone à son employeur "plus de trois ans" avant son départ de l'entreprise, sans justifier de la restitution de la chose litigieuse.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la SARL MAURYde sa demande reconventionnelle, et M. [L] sera condamné à rembourser à la SARL MAURY la somme à ce titre de 132 €.
2. Le remboursement de la formation professionnelle
La SARL MAURY demande le remboursement de la formation professionnelle de 35 heures suivie par M. [L] du 7 au 11 janvier 2013, à hauteur de 1 394,45 €, correspondant au salaire de la semaine, primes comprises (637,38 €), auquel s'ajoute le coût de la formation (757,07 €).
Par note en délibéré autorisée par la cour, M. [L] indique qu'il « ne sait pas à quoi correspond la formation qu'il est censé avoir faite le 31 mai 2013 ».
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Par note en délibéré autorisée par la cour, la SARL MAURY verse au débat l'attestation de formation ainsi que l'attestation de présence de M. [L], datée du 11 janvier 2013, à la formation intitulée « FCFN12 FCO Transport de marchandises » ayant eu lieu du 7 au 11 janvier 2013, pour une durée de 35 heures. L'attestation de présence porte la signature de M. [L]. L'employeur fournit également la facture établie par l'organisme de formation le 31 janvier 2013 portant le nom de M. [L] et enfin la carte de qualification du salarié délivrée le 12 janvier 2013 à la suite de la formation effectuée.
Il résulte de ces éléments que M. [L] a effectivement suivi une formation professionnelle du 7 au 11 janvier 2013.
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L'article 8 « Formation professionnelle » du contrat de travail conclu entre M. [L] et la SARL MAURY stipule qu' : « en contrepartie des stages de formation auxquels [E] [L] aura accès, visant à parfaire ses connaissances et à actualiser ses compétences, [E] [L] s'engage à rester au service de la SARL MAURY pendant les deux ans qui suivront cette formation.
Dans le cas où [E] [L] quitterait la SARL MAURY avant la fin de ce délai de deux ans pour démission ou licenciement pour faute, il pourra, selon la seule volonté de l'employeur, être tenu de rembourser la totalité des frais de formation ».
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La clause de dédit-formation, qui fait obligation au salarié en contrepartie d'une formation assurée par l'employeur, de rester à son service pendant une certaine durée et de lui verser en cas de départ anticipé une indemnité correspondant aux frais qu'il a ainsi engagés, n'est licite que si elle constitue la contrepartie d'un engagement de l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou un texte conventionnel, si le montant de l'indemnité de dédit est proportionné aux frais de formations engagés, et si elle n'a pas pour effet de priver le salarié de la faculté de rompre unilatéralement son contrat de travail, notamment par une prise d'acte.
Au surplus, pour être valable, l'engagement du salarié doit faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de sa formation et préciser la date, la nature, la durée de celle-ci et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié.
La dite clause précitée ne remplit pas ces conditions dès lors que la SARL MAURY l'invoque pour demander à tort le remboursement par M. [L] de la formation professionnelle de 35 heures qu'il a suivie du 7 au 11 janvier 2013, à hauteur de la somme de1 394,45 € correspondant pour partie au salaire de la semaine concernée, primes comprises et qu'en tout état de cause l'employeur ne justifie pas des frais réels qu'il a engagés hors dépenses imposées par la loi ou les dispositions conventionnelles applicables.
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Pour l'ensemble de ces raisons, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL MAURY de sa demande reconventionnelle à ce titre.
3. Les dommages et intérêts pour non-exécution du préavis
La SARL MAURY demande le versement de la somme de 4 862,60 € à titre de dommages et intérêts pour non-exécution du préavis.
La prise d'acte de M. [L] produisant les effets d'une démission, il est redevable vis à vis de l'intimée du montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L.1237-1 du code du travail.
Après infirmation du jugement déféré, M. [L] sera ainsi condamné à régler à la SARL MAURY la somme de 4 019,55 € à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis équivalente à deux mois de salaires, après déduction des 15 jours de préavis qu'il a de fait exécuté dans le courant de la deuxième quinzaine d'août 2013 (2 679,70 € de salaire en moyenne x 2 = 5 359,40 € - 1 339,85 €), et 401, 95 € de congés payés afférents.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SARL MAURY sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions sur les heures supplémentaires et les demandes reconventionnelles de la SARL MAURY au titre des frais de téléphone et du préavis, ainsi que sur les dépens ;
STATUANT à nouveau sur ces chefs de demandes,
CONDAMNE la SARL MAURY à régler à M. [E] [L] la somme de 31 855 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 3 185 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 16 août 2013 ;
CONDAMNE reconventionnellement M. [E] [L] à rembourser à la SARL MAURY les sommes de :
132 € de frais de téléphone professionnel
4 019,55 € d'indemnité compensatrice légale de préavis et 401,95 € d'incidence congés payés ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [E] [L] de sa demande au titre du repos compensateur ;
ORDONNE la compensation à due concurrence entre les créances respectives des parties ;
CONDAMNE la SARL MAURY à payer à M. [E] [L] la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL MAURY aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT