RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 29 Mars 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13350
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/02562 confirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 11 décembre 2013 lui-même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 25 novembre 2015
APPELANTE
Madame [C] [K]
Chez M. [K]-[J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN290
INTIMÉE
SA FRANCE TELEVISION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jérôme SOLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R171
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M Benoît DE CHARRY, Président et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Mme [C] [K] a été engagée par la société Réseau France Outre-mer (RFO), aux droits de laquelle vient la société France télévisions, suivant contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 1er février 1994, en qualité d'envoyé spécial permanent de l'Agence internationale d'images de télévision (AITV). Dans ce cadre, elle était affectée à [Localité 2].
Entre le 1er septembre 2000 et le 31 août 2002, Mme [K] a été mise à disposition du Conseil international des radios-télévisions d'expression française (CIRTEF).
À compter du 1er septembre 2002, elle s'est vu confier la mission, sous l'autorité et pour le compte du rédacteur en chef chargé d'Internet de la société RFO, Mme [N] [N], de rechercher, auprès de bailleurs de fonds européens, le financement durable nécessaire à la création d'une nouvelle rubrique, voire d'un sous-portail ACP-UE (Afrique Caraïbes Pacifique - Union européenne), au sein du site Internet de la société et à son alimentation régulière. En cas de financement, il était envisagé de lui confier lesdites rubriques.
La société RFO est entrée dans le groupe France télévisions interactive (FTVI) à compter de 2007.
Mme [K] a été positionnée, à compter du 1er janvier 2012, au poste de grand reporter palier 1.
Elle a fait valoir ses droits à retraite à compter du 28 février 2015.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des journalistes, avenant audiovisuel.
Le 19 février 2010, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 6 mai 2011, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a condamné la société France télévisions à lui payer les sommes de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 600 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de l'instance. Le conseil de prud'hommes a rejeté le surplus des demandes présentées par Mme [K].
Sur appel interjeté par Mme [K], la cour d'appel de Paris a, par arrêt rendu le 11 décembre 2013 :
- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme [K] la somme de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- infirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande d'indemnisation pour l'occupation de son appartement personnel en local professionnel ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société France télévisions à payer à Mme [K] les sommes de 8 000 euros à titre d'indemnité d'occupation de son appartement personnel en local professionnel et 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- débouté les parties du surplus des demandes,
- et condamné la société France télévisions aux dépens.
Le 11 février 2014, Mme [K] a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision. Par arrêt rendu le 25 novembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel, sauf en ce qu'il a condamné la société France télévisions à payer à Mme [K] la somme de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et rejeté les demandes au titre de la classification de rédacteur en chef de rédaction nationale, au motif :
- qu'en statuant comme elle l'avait fait alors qu'elle avait constaté que Mme [K] n'avait pas été mise en mesure, à compter de 2007, d'exercer son activité professionnelle et qu'elle faisait valoir que son salaire n'avait pas été réévalué pendant au moins six ans, la cour d'appel, qui n'avait pas apprécié ces éléments pris dans leur ensemble, avait violé les articles L. 1152-1 et L. 1254-1 du code du travail,
- et qu'en statuant sans rechercher la nature des fonctions réellement exercées par la salariée au regard de la qualification de grand reporter seule visée par le moyen, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision l'article 1134 du code civil.
Par conclusions déposées le 7 février 2017, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- condamner la société France télévisions à lui payer la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail, et la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
- lui attribuer la qualification de grand reporter niveau IV pour la période comprise entre février 2005 et mars 2012,
- avant-dire droit :
* à titre principal, ordonner à la société France télévisions, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, en se réservant sa liquidation, de lui remettre des éléments permettant de déterminer les salaires bruts mensuels moyens, pour les hommes et les femmes, des envoyés spéciaux et des grands reporters niveaux I à IV pour les années 2005 à 2015,
* à titre subsidiaire, désigner un conseiller afin qu'il se fasse communiquer ces éléments et qu'il établisse un comparatif entre l'évolution de son salaire et celui des catégories visées sur la période considérée, renvoyer l'affaire afin de statuer sur son rappel de salaires et ordonner à la société France télévisions, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, en se réservant sa liquidation, de lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif.
Elle sollicite, en outre, le remboursement de ses frais irrépétibles pour la somme de 5 000 euros et la condamnation de l'intimée aux dépens.
Par conclusions déposées le 7 février 2017, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société France télévisions conclut à l'irrecevabilité des demandes de rappel de salaires pour la période antérieure au 21 avril 2006 et au rejet de toutes les demandes.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [K] prétend avoir été victime de harcèlement moral. Elle soutient qu'à compter de mars 2007, elle n'a plus eu les moyens matériels de travailler, que ses articles ont été ignorés et que son nom a régulièrement disparu des organigrammes de la société. Elle ajoute que son salaire n'a pas été réévalué pendant six ans. Elle précise que sa 'placardisation' a été dénoncée par l'inspecteur du travail et que cette situation a eu des incidences sur sa notoriété de journaliste et sur son employabilité.
En ce qui concerne la privation de fonctions, il résulte du compte-rendu d'une réunion du comité d'établissement qui s'est tenue le 29 janvier 2008 que Mme [N], alors responsable hiérarchique de Mme [K], a dénoncé la disparition de cette dernière de l'organigramme indicatif des fonctions, s'est interrogée sur le devenir de l'intéressée compte tenu du fait qu'elle n'avait elle-même plus de travail, et a signalé que Mme [K] entendait ne plus faire parvenir d'articles puisque ceux-ci étaient ignorés et que, de ce fait, il n'était même plus répondu à ses demandes d'interviews. Mme [N] a réitéré ses doléances dans un courriel daté du 4 avril 2008. Ces doléances ont été relayées par l'inspection du travail dans un courrier daté du 17 juillet 2009.
S'agissant de l'absence de réévaluation de salaire, les bulletins de paie communiqués font apparaître qu'entre mars 2007 et avril 2012, Mme [K] a eu le même salaire de base.
Mme [K] produit, en outre, sur la période postérieure à mars 2007 :
- un certificat médical établi le 20 août 2009 par le Dr [E] [M] faisant état d'une incapacité de travailler pendant huit jours pour cause d'affection médicale,
- une attestation établie le 26 novembre 2009 par sa s'ur, le Dr [Q] [K]-[J], qui retrace, en sa qualité de médecin traitant de l'intéressée, la dégradation de son état de santé à la suite d'agissements hostiles d'un autre salarié à compter de 1990, puis de la restructuration de l'entreprise survenue en mars 2007 qui a eu pour effet de la priver de travail,
- et une copie de son dossier médical, faisant apparaître des examens du médecin du travail le 29 juillet 2008 et le 24 mai 2011, les déclarations de Mme [K] ayant été retranscrites.
Mme [K] établit, au regard des éléments ainsi recueillis, l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
La société France télévisions fait valoir que le harcèlement moral dénoncé n'est pas constitué. Elle indique qu'elle a d'ores et déjà été condamnée au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail pour ne pas avoir fourni de travail à Mme [K], qu'elle n'a pas cherché à faire disparaître l'intéressée de ses organigrammes, qu'elle ne l'a pas privée de ses moyens de travail, que les pièces produites par l'appelante contredisent l'absence de travail, qu'elle ne s'est pas livrée à des agissements répétés de harcèlement moral et que les éléments médicaux communiqués ne sont pas pertinents. Elle ajoute que la restructuration intervenue en 2007 était conforme aux orientations et décisions des organes de tutelle et que la situation dénoncée par Mme [K] était ainsi justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
La société France télévisions reconnaît, en rappelant elle-même la condamnation dont elle a fait l'objet à cet égard, qu'elle n'a pas fourni de travail à Mme [K] après la restructuration de l'entreprise, ce qui rend sans incidence les désaccords des parties sur la privation de moyens matériels et sur les organigrammes de la société. Elle ne conteste pas, par ailleurs, que le salaire de base de l'intéressée n'a pas été réévalué entre mars 2007 et avril 2012. La synthèse du rapport public de la Cour des comptes datée d'octobre 2009, pointant, sur les dernières années, des objectifs contradictoires et changeants sur la ligne stratégique à adopter, ne peut justifier l'oubli dont Mme [K] a fait l'objet pendant plusieurs années.
Au vu des éléments et explications ainsi fournis, la société France télévisions échoue à démontrer que les faits dénoncés par Mme [K] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables qu'il a eues pour Mme [K], telles qu'elles ressortent des pièces et des explications communiquées, le préjudice en résultant pour la salariée doit être réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point.
Sur la qualification professionnelle
Mme [K] prétend qu'en sus de sa fonction de journaliste, elle était chargée de rechercher des financements et de préparer puis rédiger des dossiers de candidature aux appels d'offre dans le cadre de coproductions avec l'Union européenne. Elle précise que le coefficient qui lui était appliqué ne correspond à aucune qualification dans la convention collective applicable et qu'il se trouve entre le coefficient du rédacteur en chef d'une rédaction régionale et celui du rédacteur en chef adjoint d'une rédaction nationale. Elle ajoute que son positionnement, à compter du 1er avril 2012, au poste de grand reporter palier 1 ne correspond pas à la réalité de ses fonctions, ni à son expérience, ni aux règles de transposition adoptées lors du regroupement de la société France télévisions, et que tous les envoyés spéciaux permanents du siège ont été positionnés au poste de rédacteur en chef d'une rédaction nationale. Elle cite, à cet égard, MM. [X] [T], [D] [C], [P] [B] et [W] [H]. Elle estime que ses fonctions, qui excédaient celles d'un envoyé spécial, la font relever de la qualification de grand reporter palier 4 ce, depuis le 19 février 2005, jusqu'à son repositionnement effectif au 1er avril 2012.
L'accord collectif pour le personnel journaliste de France télévisions du 15 septembre 2011 contient une grille de correspondance des fonctions entre RFO et FTV qui fait apparaître, notamment :
- qu'un envoyé spécial permanent à RFO est devenu un envoyé spécial permanent niveau 6 à France télévisions,
- qu'un grand reporter palier 1 niveau 5 à France télévisions était un grand reporter 1 à RFO,
- et qu'un grand reporter palier 4 niveau 9 à France télévisions n'avait pas d'équivalent au sein de RFO.
Cet accord définit :
- la fonction d'envoyé spécial permanent comme suit : 'Journaliste chargé d'assurer, pour des éditions d'information et sous l'autorité de la hiérarchie, la responsabilité rédactionnelle et la réalisation de sujets et de directs à l'étranger, en fonction de l'actualité du pays ou de la zone géographique où il exerce sa mission pour une durée déterminée, dans le cadre des moyens et des ressources alloués par l'entreprise',
- et la fonction de grand reporter comme suit : 'Journaliste de grande expérience, chargé d'assurer la couverture d'événements de l'actualité régionale, nationale ou internationale, de reportages, de sujets d'enquêtes et d'investigations pour des éditions d'information, de documentaires ou de magazines d'information, en cohérence avec l'angle rédactionnel défini avec la hiérarchie. Le grand reporteur peut être appelé à diriger et coordonner ponctuellement une équipe de reporteurs'.
L'annexe 3 de l'avenant audiovisuel à la convention collective applicable définissait auparavant les mêmes fonctions, respectivement, comme suit :
- 'Journaliste envoyé pour une durée déterminée par l'entreprise qui l'emploie en région ou à l'étranger pour y assurer en permanence la correspondance avec les rédactions de l'entreprise qu'il représente',
- 'Journaliste de grande expérience et de grande notoriété ayant une connaissance approfondie de toutes les formes et techniques de communication audiovisuelle et apte à assurer la couverture de tout événement. Il peut être appelé à diriger et à coordonner ponctuellement une équipe de reporteurs'.
Mme [C] [K] a été engagée par la société RFO en qualité d'envoyé spécial permanent. Une ancienneté au 20 septembre 1980 a été reprise.
À compter du 1er septembre 2002, Mme [K] s'est vu confier la mission, sous l'autorité et pour le compte du rédacteur en chef chargé d'Internet de la société RFO, de rechercher, auprès de bailleurs de fonds européens, le financement durable nécessaire à la création d'une nouvelle rubrique, voire d'un sous-portail ACP-UE (Afrique Caraïbes Pacifique - Union européenne), au sein du site Internet de la société et à son alimentation régulière. En cas de financement, il lui appartenait d'alimenter lesdites rubriques.
L'exercice effectif de cette mission jusqu'à la restructuration de l'entreprise en 2007 est dénié par la société France télévisions qui soutient qu'aucun résultat significatif n'a été apporté par Mme [K] à cet égard. Néanmoins, elle n'a jamais retiré les fonctions ainsi confiées à sa salariée au motif qu'elles n'étaient pas exercées en réalité. En outre, elle n'explique pas pour quelles raisons elle a positionné Mme [K], en 2012, sur le poste revendiqué de grand reporter alors qu'aucune modification de la situation factuelle n'est intervenue. La cour retient que les fonctions habituelles et effectives de Mme [K], au vu des éléments fournis, relevaient de la classification palier 1.
Dès lors, il est justifié de faire droit à la demande nouvellement présentée en cause d'appel par Mme [K] tendant à ce repositionnement, mais au seul palier 1, aucun élément ne permettant de retenir le palier 4 de cet emploi.
Sur la discrimination
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, en raison de son sexe.
L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Mme [K] expose qu'elle a été discriminée pour l'évolution tant de son salaire que de sa carrière en raison de son sexe. Elle évoque :
- une différence de traitement avec M. [H], qui était envoyé spécial permanent comme elle à [Localité 2], qui a été nommé, en 1997, rédacteur en chef adjoint de la rédaction parisienne, chargé des affaires européennes, en résidence à [Localité 2], puis, en 2000, rédacteur en chef adjoint d'une rédaction nationale, et, enfin, en 2006, rédacteur en chef d'une rédaction nationale,
- sa situation de blocage salarial pendant au moins six ans,
- une différence de traitement avec les salariés hommes qui étaient comme elle envoyés spéciaux permanents et qui ont été nommés rédacteurs en chef ou rédacteurs en chef adjoints,
- et une différence de rémunération avec les femmes et les hommes occupant comme elle le poste de grand reporter palier 1 et ayant comme elle plus de 30 ans d'ancienneté.
En ce qui concerne la différence de traitement avec M. [H], ce dernier a été nommé en qualité d'envoyé spécial à [Localité 2] le 6 avril 1990. Il a ensuite été promu rédacteur en chef adjoint, chargé des affaires européennes à [Localité 2], le 28 janvier 1997, puis rédacteur en chef adjoint d'une rédaction nationale le 1er septembre 2000, et, enfin, rédacteur en chef d'une rédaction nationale le 1er août 2006.
S'agissant de la situation de blocage salarial pendant six ans, les bulletins de paie communiqués font apparaître qu'entre janvier 2005 et avril 2012, Mme [K] a eu le même salaire de base.
Sur la différence de traitement avec les salariés hommes qui étaient envoyés spéciaux permanents, Mme [K] cite le cas, outre celui de M. [H], déjà évoqué, de MM. [T], [C] et [B], mais elle ne verse au débat aucune pièce les concernant. Elle n'établit donc pas la différence de traitement alléguée par rapport à ces derniers.
Enfin, sur la différence de rémunération avec les femmes et les hommes occupant comme elle le poste de grand reporter palier 1 et ayant comme elle plus de 30 ans d'ancienneté, il ressort d'un tableau émanant de la direction de la société France télévisions qu'en 2012, les hommes percevaient un salaire mensuel brut moyen de 6 070 euros et les femmes de 5 333 euros, alors que le salaire mensuel brut de Mme [K] s'élevait, en décembre 2012, à la somme de 4 174,67 euros.
Mme [K] établit, au regard des éléments ainsi recueillis, l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une discrimination à son encontre dans l'évolution tant de sa rémunération que de sa carrière en raison de son sexe.
La société France télévisions fait valoir, sur ces faits, que la formation et le parcours professionnel de M. [H] ne sont pas comparables à ceux de Mme [K], les diplômes étant différents au même titre que l'évolution de carrière. Elle communique ainsi une fiche biographique sur M. [H], mettant en exergue, notamment, une formation à l'Ecole supérieure de journalisme de [Localité 3], son bilinguisme et sa spécialisation dans le commerce international et dans l'action de l'Union européenne en faveur des pays ACP, ainsi que deux décisions le concernant, faisant apparaître qu'il a été nommé en qualité d'envoyé spécial non permanent à [Localité 2] le 6 avril 1990, puis, alors qu'il était devenu envoyé spécial permanent à [Localité 2], rédacteur en chef adjoint de la rédaction parisienne, chargé des affaires européennes, en résidence à [Localité 2] le 29 janvier 1997.
Elle n'apporte, en revanche, aucune explication ni ne produit aucune pièce sur l'évolution salariale de Mme [K].
Au vu des éléments et explications ainsi fournis, l'employeur échoue à démontrer que les faits dénoncés par Mme [K] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est donc établie.
Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée et des conséquences dommageables qu'elle a eues pour Mme [K], telles qu'elles ressortent des pièces et des explications communiquées, le préjudice en résultant pour la salariée doit être réparé par l'allocation de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les demandes avant-dire droit
Mme [K] demande à la cour d'ordonner sous astreinte à la société France télévisions de lui remettre des éléments permettant de déterminer les salaires bruts mensuels moyens, pour les hommes et les femmes, des envoyés spéciaux et des grands reporters niveaux I à IV pour les années 2005 à 2015, ou de désigner un magistrat aux fins de dresser un comparatif salarial.
Néanmoins, elle ne justifie d'aucune sommation de communiquer préalable ni d'une impossibilité d'obtenir des pièces lui permettant de procéder au calcul de ses droits, et elle ne présente aucune demande en rappel de salaires alors qu'elle aurait pu tirer toutes conséquences utiles de la carence de la partie adverse, notamment en tenant compte du tableau des salaires mensuels bruts moyens pour l'année 2012 qu'elle a elle-même versé au débat.
Dans ces conditions, ses demandes avant-dire droit formulées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire sont rejetées.
Sur les autres demandes
La société France télévisions succombant à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens et à payer à Mme [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande d'indemnisation pour harcèlement moral,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé :
CONDAMNE la société France télévisions à payer à Mme [K] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Ajoutant,
ORDONNE le repositionnement de Mme [K] en qualité de grand reporter palier 1 entre le 19 février 2005 et le 31 mars 2012,
CONDAMNE la société France télévisions à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Mme [K] du surplus de ses demandes,
CONDAMNE la société France télévisions aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT