Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 29 MARS 2017
(n° , 07 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08267
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/04606
APPELANTE :
SCI CROMARO MADELEINE prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 415 296 615
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant
Assistée de Me Marie-Odile LARDIN de la SEP LARDIN CABELI PRADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : W01, avocat plaidant
INTIMÉS :
Madame [N] [I] ÉPOUSE [P]
Née le [Date naissance 1] 1922 à [Localité 1] (92)
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Monsieur [X] [P]
Né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentés par Me Géraldine PIEDELIEVRE de la SELAS LPA-CGR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238, avocat postulant
Assistés de Me Hanan CHAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Agnès THAUNAT, présidente
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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Faits et procédure :
Par acte sous seing privé du 30 novembre 1987, Mme [N] [P] née [I] a donné à bail commercial à la SA Cromaro, aux droits de laquelle vient la SCI Cromaro Madeleine, un immeuble situé [Adresse 1], pour une durée de 18 ans à compter du 1er janvier 1987, moyennant un loyer de base de 900.000 francs, hors taxes, en principal et par an.
Le loyer est révisable à l'expiration de chaque période triennale.
Les parties ont expressément stipulé dans le bail que le preneur envisage d'accomplir dans cet immeuble des travaux de rénovation en vue de son exploitation partielle ou totale sous forme de sous-locations.
Par acte extrajudiciaire du 28 juin 2004, Mme [P] a fait délivrer à la SCI Cromaro Madeleine un congé pour le 31 décembre 2004 avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2005, moyennant un loyer annuel de 350.000 euros, HT HC.
Par jugement du 6 juillet 2006, le tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que, par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 28 juin 2004, le bail s'était renouvelé au 1er janvier 2005 ;
- dit que le droit de préférence inclus au bail a été conclu pour la durée du bail initial et a cessé de produire ses effets lors du renouvellement du bail au 1er janvier 2005 ;
- dit que la sous-évaluation des sous-loyers visée à l'article 13 du bail pour la fixation du loyer en renouvellement s'apprécie à la date d'effet du renouvellement soit au 1er janvier 2005 ;
- désigné Monsieur [P] [Z] pour rechercher la valeur locative des sous-baux.
Par arrêt du 7 juin 2007, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au droit de préférence inclus au bail du 30 novembre 1987 et dit que le droit de préférence stipulé au bail du 30 novembre 1987 s'applique au bail renouvelé.
Par jugement du 11 février 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que la valeur locative des lieux était de 777.350 euros et que les sous-loyers d'un montant global de 718.537,08 euros n'étaient pas manifestement sous-évalués ;
- débouté Mme [P] de sa demande de réévaluation du loyer et fixé le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2005 à la somme de 287.500 euros en principal.
Par acte extrajudiciaire du 24 juin 2013, Mme [P] et M. [P] en leurs qualités respectives d'usufruitière et de nu-propriétaire ' à la suite d'un acte de donation intervenu le 16 décembre 2009 ' ont fait délivrer à la SCI Cromaro Madeleine un congé pour le 31 décembre 2013 avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2014, moyennant un loyer annuel de 1.110.000 euros, HT HC.
Par acte du 17 mars 2014, la SCI Cromaro Madeleine a assigné Mme [N] [I] veuve [P] et M. [V] [P] aux fins de voir dire et juger que le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2004 s'établit à 40% des sous-loyers encaissés par la SCI Cromaro Madeleine soit la somme de 380.021,21 euros, hors taxes ; à titre subsidiaire, dire et juger qu'il n'existe pas de motif de déplafonnement et que le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 sera calculé selon la formule suivante : 287.500 x indice trimestriel du coût de la construction au 1er trimestre 2014 / 1270 et encore plus subsidiairement, désigner un expert pour donner son avis sur la valeur locative de l'immeuble loué au 1er janvier 2014.
Les consorts [P] ont conclu à la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 830.000 euros en principal à compter du 1er janvier 2014 et si besoin à une expertise.
Par jugement du 26 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que, par l'effet du congé délivré le 24 juin 2013, le bail passé entre la SCI Cromaro Madeleine et les consorts [P] et portant sur l'immeuble situé au [Adresse 1] s'est renouvelé au 1er janvier 2014 ;
- dit et jugé que la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 n'est pas régie par les stipulations de l'article 13 du bail du 30 novembre 1987 mais par les dispositions des articles L145-33 et L145-34 du code civil ;
- Avant dire droit au fond, ordonné une mesure d'expertise et désigné en qualité d'expert M. [A] [S] avec notamment pour mission de :
- procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties, notamment sur le caractère anormalement bas du loyer initial et, le cas échéant, la disparition des circonstances ayant présidé à ce loyer, ainsi que sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité,
- rechercher la valeur locative des lieux loués.
La SCI Cromaro Madeleine a relevé appel du jugement par déclaration en date du 14 avril 2015.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2017, la SCI Cromaro Madeleine demande à la Cour de :
- Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
- Dire et juger que le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 s'établit à 40% des sous-loyers encaissés par la SCI Cromaro Madeleine à cette date, soit 380.021,21 euros hors taxes ;
- Subsidiairement, usant de son pouvoir d'évocation,
Vu les articles L 145-34 et R 145-6 du code de commerce,
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014, les facteurs locaux de commercialité n'ayant pas notablement évolué depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré et leur faible évolution n'ayant présenté aucun intérêt pour les commerces considérés ;
Vu les articles L 145-34 et R 145-8 du code de commerce,
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement dudit loyer ' le loyer fixé au 1er janvier 2005 résultant d'une décision judiciaire ' et le loyer fixé au 1er janvier 1987 ayant été arrêté en raison de circonstances particulières et notamment de la restructuration complète de l'immeuble mise à la charge du preneur, lesdites circonstances n'ayant pas disparu au 1er janvier 2014 ;
- En conséquence, au cas où la Cour écarterait le principe de la fixation du loyer à 40% des sous-loyers encaissés par le preneur, fixer ledit loyer à la somme de 373.070,86 euros résultant de la variation de l'indice du coût de la construction entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2013 ;
- Plus subsidiairement, encore, si la Cour admettait le déplafonnement du loyer, désigner tel expert qu'il lui plaira nommer avec mission de donner son avis sur la valeur locative de l'immeuble loué au 1er janvier 2014 mais dans l'état où il se trouvait au 1er janvier 1987 ;
- Condamner les consorts [P] à payer à la Société Cromaro Madeleine une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Les condamner aux dépens, lesquels seront recouvrés par Me Pellerin, Avocat à la Cour, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2017, les consorts [P] demandent à la Cour de :
- Confirmer le jugement du 26 mars 2015 en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Cromaro Madeleine de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Fixer à 758.563 euros par an en principal, à compter du 1er janvier 2014, le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Cromaro Madeleine aux bailleurs, concernant les locaux sis [Adresse 1]) ;
- Dire et juger que la société Cromaro Madeleine devra payer à Mme [N] [P] et à M. [V] [P] les intérêts sur les trop-perçus de loyer depuis le 1er janvier 2014, puis à compter de chaque échéance, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an ;
- Condamner la société Cromaro Madeleine aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise de M. [A] [S] et autoriser la SELAS LPA-CGR, représentée par Me Géraldine Piedeliévre , à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Cromaro Madeleine au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Il n'est pas contesté que Mme [P], ayant reçu l'immeuble litigieux sis à [Adresse 1] à titre de donation et souhaitant le réhabiliter, a conclu avec la société Cromaro, qui a accompli les travaux de réhabilitation de l'immeuble, un bail en date du 30 novembre 1987 pour une durée de dix huit années allant du 1er janvier 1987 au 31 décembre 2004 pour une destination de commerces de luxe et de bureaux, moyennant un loyer annuel de 900.000 francs soit 137.204,11 euros HT ;
Pour tenir compte de l'investissement du preneur, les parties sont convenues de dispositions particulières et, notamment, de l'engagement du bailleur de renouveler le bail pour une durée de neuf années et de fixer le loyer au choix du bailleur, soit à la valeur initiale corrigée de la variation de l'indice CC ou tout indice de substitution, entre le 1er trimestre 1987 et le 1er trimestre 2005, soit au montant de 40% des sous loyers nets de toute charge à la date du renouvellement, soit au produit du loyer de base et du coefficient de majoration applicable à l'occasion du renouvellement fictif en 1996 multiplié par le coefficient de majoration applicable au renouvellement de 2005.
Mme [P] a choisi la première option mais les parties ne parvenant pas à s'entendre sur le prix du loyer du bail ainsi renouvelé, elles ont saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, entre autres dispositions, a fixé le loyer suivant jugement du 11 février 2010 à la somme de 287.500 euros en principal HT.
La SCI Cromaro Mdeleine expose qu'elle a accompli dans les lieux d'importants travaux de restructuration pour un montant de 3.200.139 euros compte tenu de l'état de semi-ruine de l'immeuble, soutient qu'il y a lieu de rechercher au visa des articles 1156 et suivants du code civil la commune intention des parties telle qu'elle résulte du bail précité dont il ne saurait être déduit que les bailleurs ont la faculté de procéder au renouvellement du bail à la valeur locative d'un immeuble neuf , privant le preneur des revenus tirés de son activité de loueur qui correspond à la destination du bail, la sous-location totale des locaux étant autorisée.
Les consorts [P] soutiennent au contraire que le bail initial ne prévoyait aucun mode de fixation du loyer lors du second renouvellement intervenu le 1er janvier 2014, qu'il résulte de l'article 13 du bail initial que seule l'octroi d'une indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement du bail est contractuellement prévue, que par conséquent, les articles L145-33 et L145-34 du code de commerce doivent trouver à s'appliquer afin de déterminer les modalités de calcul du loyer renouvelé au 1er janvier 2014 et qu'il n'est pas nécessaire de rechercher la volonté des parties, soulignant que la société Cromaro a pu dans le temps du bail initial amortir son investissement.
Le bail de 1987 ne prévoit de disposition qu'en cas de refus d'un second renouvellement du bail, les parties étant convenues en pareil cas de modalités particulières du calcul de l'indemnité d'éviction ; en revanche, le bail ne contient aucune disposition relative à la fixation du loyer du bail renouvelé à l'échéance du bail de neuf ans postérieur à celui de 1987.
Or, la circonstance que le bail de 1987 contient des modalités particulières de calcul de l'indemnité d'éviction en cas de non renouvellement du bail se terminant en décembre 2013 ne peut permettre de déduire une quelconque volonté des parties d'échapper aux dispositions du statut applicables en matière de fixation du loyer, d'autant que les parties ne font état à aucun moment de l'engagement du bailleur de renouveler le bail à son terme de décembre 2013, l'intention des parties de tenir compte des travaux réalisés pour la fixation du loyer n'étant pas davantage mentionnée, le bail prévoyant au contraire expressément que les travaux d'amélioration ne font accession au bailleur qu'au départ des lieux du preneur.
Il s'ensuit qu'en ce qu'il a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'interpréter le bail et que la fixation du loyer n'est pas régie par les stipulations de l'article 13 du bail du 30 novembre 1987 mais par les dispositions des articles L145-33 et L145-34 du code civil, les premiers juges doivent être approuvés, de même qu'en ce qu'ils ont ordonné une expertise pour permettre de procéder à l'examen des faits allégués par les parties et rechercher la valeur locative des lieux loués.
Bailleurs et preneur sollicitent conjointement que la cour use de sa faculté d'évocation après l'accomplissement de la mesure d'expertise et fixe le loyer du bail renouvelé. Il est de bonne justice d'y procéder, eu égard à la date de renouvellement du bail au 1er janvier 2014.
Les bailleurs soutiennent que le loyer a été fixé initialement en 1987 à un prix anormalement bas (900.000 francs soit 132.204 euros) représentant 32% du prix de marché de 430.073 euros et fixé ensuite lors du renouvellement de 2005 à un prix résultant de dispositions contractuelles particulières ayant prévalu à la fixation du loyer, à un montant représentant 40% des sous-loyers, que ces circonstances particulières ayant disparu, il convient de fixer désormais le loyer du bail renouvelé à la valeur locative hors plafonnement.
La société Cromaro fait valoir pour sa part que le loyer initial a été fixé en 1987 en tenant compte de l'état de semi-ruine des locaux, de la volonté de la bailleresse conseillée par un avocat spécialiste des baux commerciaux et son administrateur de biens d'assurer la pérennité de l'immeuble qu'elle n'avait pas les moyens financiers de remettre en état et du projet de rénovation à la seule charge du preneur, ce qui justifie selon elle le loyer minoré, que l'appréciation de l'expert [S] suivant laquelle le loyer par comparaison aurait pu être fixé à la valeur avant travaux de 291.672 euros est irréaliste, compte tenu des charges acceptées par le preneur.
Elle soutient encore que le loyer du bail renouvelé en 2005 ne peut davantage être considéré comme anormalement bas dès lors qu'il résulte d'une décision de justice, que l'expert alors désigné M. [Z] a estimé que le bail présentait des clauses et conditions équilibrées, que la bailleresse Mme [P] avait la faculté d'opter pour le loyer plafonné à sa valeur indiciaire ou encore de soutenir que les mécanismes contractuels ne pouvaient trouver à s'appliquer et solliciter la fixation du loyer à sa valeur locative.
Elle fait grief enfin aux consorts [P] d'avoir déclaré lors de la donation du bien en 2008 une valeur en pleine propriété et hors travaux de 2.150.000 euros tout en revendiquant pour ce même bien un loyer déplafonné de 830.000 euros, représentant une rentabilité anormalement élevée.
Ceci exposé, l'article R 145-8 du code de commerce dispose qu'il est tenu compte dans la détermination de la valeur locative du bail renouvelé des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
Le prix 'originairement fixé' auquel il est fait référence s'entend du prix du bail expiré précédant immédiatement le renouvellement et non du bail qui est à l'origine des relations des parties.
Le loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2005 a été fixé par le juge des loyers en tenant compte des modalités particulières telles que prévues suivant le contrat de bail de 1987 et de l'option choisie par la bailleresse, à un montant représentant 40% de la valeur des sous-loyers, la valeur locative des locaux n'ayant été recherchée qu'au motif que la bailleresse prétendait que les sous-loyers étaient sous évalués.
Le loyer du bail renouvelé a donc été fixé selon des dispositions particulières convenues entre les parties et tenant compte des circonstances de l'espèce résultant de l'engagement par le preneur de réaliser d'importants travaux de rénovation des lieux, étant observé que toutes les améliorations, tous les aménagements et embellissements ne seront acquis au bailleur qu'au départ du preneur.
L'expert [Z] qui est intervenu lors de ce premier renouvellement, a estimé à cet égard que les accords contractuels contenus dans le bail et ayant présidé au renouvellement, en outre de ceux relatifs notamment à la liberté de cession et la faculté de sous louer librement, sont la contrepartie de la réalisation de travaux, lesquels pouvaient être selon lui amortis 'sereinement' sur la durée de 18 ans du bail d'origine.
Or ces dispositions particulières ayant présidé à la fixation du loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2005, dérogatoires aux dispositions statutaires concernant la fixation du loyer, font défaut lors du second renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2014, le loyer devant être fixé selon les dispositions statutaires des articles L.145-33 et suivants, sans référence aux dispositions de l'article 13 du bail d'origine.
En application de ces dispositions particulières, le loyer du bail antérieur au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce, faisant suite au bail initial consenti pour un longue durée destinée à permettre l'amortissement des sommes investies, a été fixé à un prix particulièrement modeste de 287.500 euros alors que la valeur locative de l'immeuble a été estimée dans son ensemble ' boutique du rez-de-chaussée et bureaux du 2ème au 6ème étage ' à celle de 746.400 euros HT et HC ;
Il n'est pas contesté au surplus que, quelque soit l'option choisie par la bailleresse, loyer plafonné à la valeur indiciaire ou fixé suivant une part des sous-loyers comme cela a été le cas, le loyer était notablement inférieur à la valeur locative mentionnée ci-dessus de telle sorte qu'il ne peut être reproché à la bailleresse d'avoir fait un choix qui la désavantageait.
En conséquence, il convient de retenir que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014 doit être fixé à sa valeur locative telle que prévue à l'article L. 145-33 du code de commerce sans qu'il y ait lieu de rechercher au surplus si les facteurs locaux de commercialité ont été modifiés de façon notable et favorable au cours du bail expiré.
La société Cromaro estime subsidiairement que la méthode de l'expert ayant consisté à pratiquer un abattement sur la valeur locative pour tenir compte de l'état des locaux avant améliorations et aménagements ne permet pas à la cour d'en fixer la valeur réelle et qu'il convient d'ordonner une nouvelle expertise.
Or l'expert a procédé à des abattements distincts pour la boutique du rez-de-chaussée (10%), les bureaux du 2ème au 5ème étage (20%) et les bureaux du 6ème étage auparavant chambres de services (20%) pour tenir compte de l'état avant travaux, non compris les autres abattements pour clauses exorbitantes, charge de l'impôt foncier, large destination pour la boutique et autorisation de sous location pour les bureaux.
Tout en soutenant que ces minorations procèdent d'une méthode classique ne prenant pas en compte l'exacte situation des locaux avant travaux et autorisations, la société Cromaro n'opère aucune critique précise des différents abattements qui ont été proposés de façon justifiée par l'expert et qui seront retenus par la cour.
La valeur locative des locaux s'établit ainsi à la somme arrondie de 758.000 euros par an HT et HC à la date du renouvellement du bail.
Les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyers dus depuis la date de renouvellement du bail courront à compter de la date de l'assignation au 17 mars 2014.
La société Cromaro supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, les frais d'expertise étant partagés par moitié. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Evoquant après réalisation de la mesure d'expertise,
Fixe le loyer du bail renouvelé entre les consorts [P] et la société Cromaro à la somme de 758 000 euros par an HT et HC et portant un immeuble situé [Adresse 1],
Dit que les intérêts au taux légal dus sur les arriérés de loyers courront à compter du 17 mars 2014 et seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Cromaro aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les frais d'expertise étant partagés par moitié.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE