RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 29 Mars 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02925
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 14/09794
APPELANT
Monsieur [J] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Samya BOUICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0479
INTIMEE
SASU ZODIAC AERO ELECTRIC
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 775 694 995
représentée par Me Christine GERGAUD-LERBOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0264
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Ingrid JOHANSSON, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [J] [Z] a été engagé par la SA ECE, pour une durée indéterminée à compter du 9 février 1976, en qualité d'ajusteur. M. [Z] a évolué au sein de la société et en dernier lieu, il exerce le poste de prototypiste depuis 1998, niveau V 1, échelon 2, coefficient 305 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Le contrat de travail du salarié a été repris en 2013 par la société ZODIAC AERO ELECTRIC.
En juillet 2013, l'entreprise a déménagé du site du [Adresse 3] pour s'installer à [Localité 3]. Une réorganisation des services a été menée avec la création de 'Business Unit' et le service prototype dont dépendait M. [Z] a été scindé en deux, M. [Z] étant affecté au service contacteurs.
Le 10 septembre 2013, M. [Z] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire d'un jour. Il a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie du 12 novembre 2013 jusqu'au 15 décembre 2013.
Lors de la première visite médicale de reprise du 19 décembre 2013, le médecin du travail a coché la case 'inapte' et a indiqué 'ne peut reprendre son travail ce jour. Doit consulter son médecin traitant'.
Le salarié a fait l'objet d'arrêt de travail pour maladie par son médecin traitant du 19 décembre 2013 au 5 janvier 2014.
Lors de la visite médicale de reprise du 8 janvier 2014, le médecin du travail a coché la case 'inapte' et a précisé 'ne peut travailler ce jour, doit consulter son médecin traitant. A voir à la reprise'.
M. [Z] a fait l'objet d'arrêts de travail du 8 janvier 2014 jusqu'au 30 novembre 2016 pour 'syndrome dépressif'.
Le 22 juillet 2014, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris. Il a formé des demandes en résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral et pour exécution déloyale du contrat de travail, remise des documents sociaux.
Par jugement du 11 février 2015 notifié le 10 mars 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société ZODIAC AERO ELECTRIC de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [Z] aux dépens.
M. [Z] a interjeté appel de cette décision le 12 mars 2015.
Lors de la visite de reprise du 1er décembre 2016, le médecin du travail a émis l'avis suivant :'ne peut travailler ce jour, doit consulter son médecin traitant, avis spécialisé demandé. RDV au centre de consultation spécialisé le 7 décembre 2016 à 8h30".
Lors de la visite du 12 décembre 2016, le médecin du travail a indiqué :'premier examen dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. La seconde visite est prévue le 26 décembre 2016 à 11H15. L'étude de poste dans l'entreprise sera effectuée le 20 décembre 2016 à 9 heures. En attendant l'état de santé de M. [Z] ne lui permet pas d'être affecté à un emploi dans l'établissement'.
A l'issue d'une deuxième visite du 26 décembre 2016, M. [Z] été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail en ces termes : 'A la suite du premier examen du 12 décembre 2016, deuxième visite dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. Après étude du poste et des conditions de travail dans l'entreprise et après avis spécialisé, M. [Z] est inapte au poste de prototypiste ajusteur. Il pourrait occuper un poste similaire dans un environnement différent, notamment dans un autre contexte relationnel (autre établissement par exemple)'.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 9 janvier 2017, M. [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- annuler la mise à pied du 10 septembre 2013
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à compter de l'arrêt
- fixer sa rémunération mensuelle brute à 3 382,83 €
- condamner la société ZODIAC AERO ELECTRIC à lui payer les sommes suivantes:
6 765,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
676,56 € au titre des congés payés afférents
41 251,32 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
81 188 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
10 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un bulletin de paie et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt
- assortir les condamnations de l'intérêt légal avec capitalisation des intérêts
- condamner la société intimée aux dépens.
La société ZODIAC AERO ELECTRIC reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite la condamnation de M. [Z] à lui verser à ce titre une indemnité de 1 000 €.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d'annulation de la mise à pied notifiée le 10 septembre 2013
La lettre du 10 septembre 2013 notifiant la mise à pied disciplinaire est libellée comme suit:
'[...] afin de vous faire part de comportements inadmissibles survenus le 6 août 2013 au sein de l'établissement de [Localité 3].
En effet, ce 6 août en début d'après midi, M. [W], M. [O] et [L] respectivement supérieur hiérarchique, responsable de l'établissement et responsable ressources humaines ont été alertés par le personnel de votre étage que vous aviez à l'égard de certains salariés un comportement inacceptable. Plus précisément, il a été remonté que vous fumiez dans les espaces de travail de vos collègues, allant jusqu'à leur expirer de la fumée vers le visage, tout en agressant verbalement ceux qui vous faisaient des réflexions, aussi bien sur votre cigarette que sur les propos et le ton que vous employiez. Les plaignants ont alors mis en avant la difficulté qu'ils rencontraient à travailler, alors que vous aviez envers eux un comportement agressif et provoquant.
Vous avez été rencontré à 17h45 par M. [O], responsable du site, auprès duquel vous avez reconnu avoir agi de la sorte, précisant que vous souhaitiez 'attirer l'attention' pour 'être licencié' et ainsi 'percevoir les indemnités associées'. Il vous a été rappelé les règles régissant les relations individuelles et collectives de travail au sein de l'entreprise, précisé que de tels agissements étaient intolérables et représentaient un caractère fautif et qu'à ce titre, vous seriez très certainement recontacté par la direction des ressources humaines en vue d'une éventuelle sanction.
Deux jours après les faits, différents salariés ayant assisté aux événements explicités précédemment ont confirmé les faits, l'un d'entre eux se disant choqué de ce qui s'était passé.
Par ailleurs, le 13 août 2013, vous avez tenu des propos particulièrement alarmants devant Mmes [Q] et [B] membres du service paie et administration du personnel de l'établissement. En effet, vous avez déclaré 'être prêt à vous blesser volontairement' et à ainsi être mis en arrêt de travail afin d'attirer de nouveau l'attention sur votre souhait d'être licencié. Comme il vous l'a été explicité lors de notre entretien du 5 septembre, un tel comportement s'apparente à du chantage et est totalement inacceptable.
Nous vous avons reçu en entretien préalable à sanction le 5 septembre 2013 à 14h, entretien pour lequel vous n'avez pas souhaité vous faire assister. Vous n'avez non seulement pas contesté les faits mais les avez reconnus dans leur totalité, allant jusqu'à nous indiquer que vos menaces d'automutilation avaient été effectuées 'pour rire'.
Aussi par la présente, nous vous notifions, au vu des manquements constatés et répétés, une mise à pied disciplinaire d'un jour[...]'.
Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
M. [Z] fait valoir qu'il était épuisé psychologiquement suite aux conditions modifiées de son emploi, qu'il a tenté d'attirer l'attention de son employeur en fumant le 6 août 2013 dans son espace de travail et en provoquant une rencontre avec lui pour évoquer son mal être. Il précise que son acte n'était pas destiné à faire chanter l'employeur pour obtenir un licenciement, qu'il a évoqué en toute transparence son mal être et ses difficultés dans l'exécution de son travail. Il ajoute que le 13 août 2013 il a, de nouveau, tenté d'attirer l'attention de son employeur mais que son cri de détresse a été compris comme du chantage au licenciement, qu'il s'est senti provoqué et humilié par la sanction et s'est refermé sur lui-même, que ces prémisses d'une détresse morale et d'une souffrance au travail n'ont pas été décelées par l'employeur.
La société ZODIAC AERO ELECTRIC produit plusieurs pièces corroborant le fait que le 6 août 2013 M. [Z] a fumé dans les espaces de travail en adoptant un comportement agressif:
- M. [H] dans son courriel du 6 août 2013 déplore que M. [Z] 'passe de bureau en bureau, en fumant et en agressant chaque personne se situant sur son passage. Ce qu'il vient de faire à l'instant en passant dans notre zone. Il ne peut s'empêcher de nuire au respect des autres.
Il n'est pas de notre ressort de répondre à ses agressions mais il est vraiment très difficile de travailler dans ces conditions' ;
- Mme [U] : 'je vous confirme que le 6 août entre 17h et 17h30 M. [Z] a fumé dans l'espace de travail où je me trouvais et qu'il a été un peu agressif avec JM. [E] et A. [H] (dans le but de se faire licencier disait-il)' ;
- M. [O], responsable des services généraux, relate dans son courriel du 7 août 2013 avoir rencontré M. [Z] la veille à 18h, et avoir compris qu'il souhaiterait quitter la société s'il y avait un arrangement.
Il n'est pas contesté que M. [Z] s'est rendu le 13 août 2013 dans les bureaux du service paie, et a sollicité des informations sur les indemnités de départ versées par la société dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou d'un départ à la retraite. Les interprétations divergent quant à ses déclarations sur le bénéfice éventuel de la prévoyance en cas de blessure au vu des attestations des deux employées du service Mmes [Q] et [B] et du collègue qui accompagnait M. [Z], M. [V] :
- Mme [Q] : 'M. [Z][...]m'a signalé qu'il travaillait seul sur une machine dangereuse et qu'il pouvait volontairement se blesser afin de bénéficier de la prévoyance';
- Mme [B] : 'étant dans le même bureau que Mme [Q] j'étais présente lors de la venue de M. [Z]. De ce fait, j'ai entendu la conversation suivante. [...], il a signalé que travaillant seul à son poste de travail sur sa machine, il avait la possibilité de se blesser volontairement ce qui, serait considéré comme accident de travail.
Notre réponse à toutes les deux a été de lui dire que ce n'était pas une solution et lui avons dit de voir soit le directeur des ressources humaines ou le responsable des ressources humaines' ;
- M. [V] : M. [Z] a dit 'si je me blesse alors que je suis tout seul dans l'atelier la boîte est responsable'. Jamais il n'a dit qu'il se blesserait de manière intentionnelle. Je pense qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation des personnes présentes. [J] a voulu évoquer les risques qu'il prenait s'il utilisait des machines (tour fraiseur) alors qu'il était seul dans l'atelier'.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande nouvellement formée en cause d'appel aux fins de voir annuler la sanction, celle-ci étant proportionnée au regard du fait que le salarié a fumé dans les espaces de travail ce qui est prohibé, a importuné plusieurs collègues, puis a sollicité une employée paie aux fins d'obtenir des simulations dans le cadre d'un départ de la société de façon inadaptée.
Sur la demande de résiliation judiciaire
Un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles empêchant la poursuite du contrat de travail.
M. [Z] invoque d'une part une modification importante de ses fonctions sans son accord, d'autre part une dégradation de ses conditions de travail et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
1. Sur la modification des fonctions emportant modification du contrat de travail sans l'accord du salarié
M. [Z] soutient que la modification du contrat de travail nécessite l'accord du salarié, et doit être expressément acceptée, que ses fonctions ont été modifiées unilatéralement et sans son accord. Il indique qu'en dernier lieu il occupait le poste de prototypiste affecté au service groupe composant relevant de la direction technique, qu'il était responsable de la mise au point de composants électroniques. Il déclare que depuis la réorganisation en mai 2013, deux 'business unit' ont été créées toutes deux dotées d'une direction technique, qu'il a été affecté à un nouveau service, une nouvelle direction et a intégré la 'business unit' 'Electrical Power System' au pôle contacteur du groupe système. Il affirme qu'il ne réalise plus aucun prototype alors que c'était son coeur de métier, que son travail consistait à réaliser et concevoir sur différents composants, et que dorénavant il développe des contacteurs pour des clients externes ou internes, en réalisant majoritairement de la pré-série, travail répétitif en série de montage de composants.
La société ZODIAC AERO ELECTRIC fait valoir que l'évolution des tâches du salarié à qualification constante constitue un simple aménagement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur. La société ZODIAC AERO ELECTRIC expose que le salarié, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas qu'il lui aurait été imposée une modification contractuelle, que la qualification du salarié est demeurée inchangée, que les tâches et les responsabilités qui lui ont été dévolues sont conformes à sa qualification, que l'activité est bien une activité de prototypiste et de mise au point de produits, qu'il n'a jamais été demandé à M. [Z] de faire de la production en série.
L'analyse de la fonction de prototypiste qu'assumait M. [Z] avant la réorganisation et après la réorganisation ne montre pas de changement en termes de classification, de responsabilité du salarié, ni d'attributions, M. [Z] exerçant toujours l'emploi de prototypiste mais étant affecté spécifiquement au service technique d'une des deux 'business unit' nouvellement créées.
Au vu des attestations produites, concordantes sur ce point, le poste après réorganisation présente un caractère moins varié et plus répétitif :
- M. [J], directeur technique :'comparativement à ce qu'il effectuait avant la scission CLS-EPS du GC, le travail qu'il devra réaliser est perçu comme moins intéressant/varié et limité à de l'assemblage sans réel apport technique' ;
- M. [S], ingénieur systèmes électriques, qui a quitté la société en mars 2012 et n'était plus présent lors de la nouvelle organisation ;' M. [Z] est à mon sens un prototypiste au sens strict du terme. On lui demande de trouver des solutions de montage, d'assemblage mécanique permettant une bonne industrialisation des produits mécaniques. On ne peut le cantonner à un travail répétitif sur un composant unique au niveau design, et sur lequel les quantités de fabrication initiale sont importantes' ;
- M. [I], responsable projet, en charge des produits cokpits : 'les projets bureau d'études ne peuvent se finaliser qu'avec une expérience et une connaissance du produit des prototypistes. M. [Z] était à la base de la création de ces voyants, il m'était indispensable pour la mise au point et la finalisation [...] Je pense que cette restructuration a dévalorisé les compétences et la création de M. [Z] ce qui lui donne ce sentiment de mal être' ;
- M. [V], agent d'atelier prototypiste, déclare que 'la répercussion de cette division sur le travail a été de faire moins de conception mais plus de mise au point et de correction sur les produits réalisés dans notre service'.
Le ressenti de M. [Z] quant à ses nouvelles attributions, témoigne d'un réel mal-être voire d'une souffrance qui ne saurait être déniés, le salariée déplorant de ne pas pouvoir exprimer autant sa créativité que dans son poste précédent, alors que cette créativité constituait un de ses points forts.
Cependant, il y a lieu de considérer que la modification des tâches dans le cadre de la nouvelle organisation constitue un changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail, ne nécessitant donc pas l'accord du salarié, en ce que M. [Z] s'est vu affecter à un poste de prototypiste similaire à celui qu'il occupait avant la réorganisation, tout en étant plus spécialisé, car affecté à une 'business unit' nouvellement créée. Par voie de conséquence, aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur qui n'était pas tenu de recueillir l'accord du salarié pour l'affecter à ce poste.
2. Sur la dégradation des conditions de travail et le manquement à l'obligation de sécurité
M. [Z] invoque les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail en vertu desquelles l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat renforcée et doit s'assurer de la sécurité physique et/ou morale de ses salariés. M. [Z] déclare que les faits qui ont été sanctionnés étaient un appel à l'aide, qu'il a évoqué son mal être et ses difficultés dans l'exécution de son travail, mais que son alerte n'a pas été entendue et a été perçue comme du chantage au licenciement. M. [Z] reproche à son employeur d'avoir sollicité la médecine du travail, qui l'a déclaré inapte à son poste de travail hors procédure d'inaptitude, sans prendre de mesure pour remédier à la situation, et sans tirer de conséquence de l'avis rendu par le médecin du travail le 8 janvier 2014, puis de celui du 26 décembre 2016. Il fait valoir qu'il a été arrêté pour syndrome dépressif pendant près de trois ans, que la médecine du travail l'a déclaré inapte à son poste pour des raisons non liées à une inaptitude physique mais en raison de difficultés rencontrées lors de l'exécution du contrat de travail, qu'il était apte à travailler dans un autre environnement et un autre contexte relationnel, ce qui vaut reconnaissance de l'impact de la dégradation des conditions de travail sur sa santé psychique et par conséquent du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
La société ZODIAC AERO ELECTRIC fait valoir que suite à l'incident du 6 août 2013, le salarié a été reçu par deux responsables immédiatement pour échanger, qu'après l'incident du 13 août 2013, l'employeur, inquiet du comportement et des propos tenus par le salarié, a pris l'initiative de contacter les services de médecine du travail, que lors de la reprise du travail en janvier 2014, le responsable hiérarchique de M. [Z] l'a contacté afin de le rassurer sur ses conditions de travail. La société ZODIAC AERO ELECTRIC soutient que la concomitance entre la visite médicale et la cérémonie de remise de la médaille du travail s'explique par la date de fin de l'arrêt maladie et les délais courts de convocation, que le salarié n'a pas répondu au courriel d'invitation à la remise des médailles, et qu'il aurait pu assister au pot commençant à 17h, étant en effet sorti à 16h30 de la visite médicale. La société ZODIAC AERO ELECTRIC expose que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un lien entre son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail, aucun élément ne permettant d'affirmer que les arrêts maladie et l'état anxio-dépressif du salarié auraient une origine professionnelle. La société ZODIAC AERO ELECTRIC précise que les avis de la médecine du travail des 19 décembre 2013 et 8 janvier 2014 sont des avis d'inaptitude temporaire, qu'aucun avis d'inaptitude définitive au poste de travail n'a été délivré à cette époque.
Ainsi qu'il a été retenu supra, M. [Z] a été affecté suite à une nouvelle organisation sur un poste ne modifiant pas son contrat de travail dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur et la mise à pied disciplinaire du 10 septembre 2013 est justifiée.
L'intervention de la médecine du travail en décembre 2013, fait suite à l'arrêt de travail pour maladie de M. [Z], lequel, étant d'une durée de plus de trente jours, devait être suivi d'une visite médicale de reprise conformément aux dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail. L'avis rendu par la médecine du travail ne s'inscrit donc pas dans le cadre d'une procédure pour inaptitude. Cet avis n'a pas été contesté et n'a pas fait l'objet d'un recours par le salarié. Le fait que cette visite médicale se soit tenue concomitamment à la remise de médaille aux salariés concernés, incluant M. [Z], relève de la coïncidence et ne peut être reproché à l'employeur, le service de santé au travail étant en charge de l'organisation de l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
Le médecin du travail dans son avis du 19 décembre 2013 puis dans son avis du 8 janvier 2014 n'a pas émis de préconisations à la charge de l'employeur, il ne peut donc être reproché à ce dernier de manquement à ce titre.
Dans son avis du 26 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte à son poste après étude du poste et des conditions de travail dans l'entreprise et après avis spécialisé dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. Le médecin du travail a indiqué que M. [Z] pourrait 'occuper un poste similaire dans un environnement différent, notamment un autre contexte relationnel (autre établissement par exemple)'.
Cependant, le contrat de travail de M. [Z] étant suspendu depuis le 8 janvier 2014, la dégradation des conditions de travail de M. [Z] imputable à l'employeur n'est pas avérée, en l'absence d'éléments objectifs permettant d'établir la dégradation invoquée.
L'employeur établit dès lors qu'il n'a pas manqué à ses obligations dans le cadre de l'exécution du contrat de travail.
Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [Z] de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [Z] sollicite la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sur les fondement des articles 1134 du code civil et L. 1222-1 du code du travail. Il expose que l'employeur doit organiser le travail en prenant en considération les intérêts du salarié, ou du moins, en évitant de lui causer un préjudice, et qu'un manquement de l'employeur à son exécution de bonne foi constitue une faute, que son préjudice distinct de la rupture du contrat de travail doit être réparé.
En l'espèce, au vu des développements qui précèdent, aucun manquement de l'employeur à son exécution de bonne foi du contrat de travail n'est établi.
Il y a donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur celle ci en première instance.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
M. [Z] fait valoir qu'il a très mal vécu la modification des tâches à accomplir et la dégradation de ses conditions de travail, qu'il s'est senti blessé et humilié par l'indifférence dont il a pu faire l'objet. Il reproche à son employeur de lui avoir fixé une visite de reprise conjointement avec la médecine du travail concomitamment à la remise de sa médaille grand or, le récompensant de quarante années de service, alors qu'il était à l'initiative de la demande de remise de médaille, qu'il a été arrêté immédiatement et que cet événement a été très douloureux. Il conclut qu'il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts.
Au vu des développements qui précèdent, et sans nier la réalité de la souffrance de M. [Z], aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur, qui suite à une nouvelle organisation a affecté M. [Z] sur un poste ne modifiant pas son contrat de travail mais ses seules conditions de travail. De même la convocation à la visite médicale de reprise, visite obligatoire dans les huit jours de la reprise et dont l'organisation revient au service de santé, au même moment que la remise de médaille dont M. [Z] était bénéficiaire, ne constitue pas un manquement imputable à l'employeur.
Il y a donc lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, en l'absence de manquement avéré de l'employeur.
Sur les autres demandes
M. [Z] succombant à la présente instance, en supportera les dépens. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [J] [Z] de sa demande d'annulation de la mise à pied notifiée le 10 septembre 2013,
DÉBOUTE M. [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] [Z] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT