Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 28 MARS 2017
(n° 130 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15945
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/05626
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] (92)
Représenté par Me Florent LOYSEAU DE GRANDMAISON de la SELEURL LDG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E2146
INTIMES
Monsieur [D] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2] (70)
Représenté par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J037
Compagnie d'Assurances ZURICH INSURANCE PLC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 484 373 295
Représentée par Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J037
SA COVEA RISKS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 378 716 419
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant, Me Laurent CAZELLES; de la SCP RAFFIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P133
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Madame Joëlle CLÉROY, Conseillère, appelée pour compléter la composition de la cour en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire.
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
M. [Z] [W] a confié la défense de ses intérêts à M. [D] [O], avocat, à
l'occasion d'un redressement fiscal opéré en raison d'une activité 'de livraison d'argent en liquide' initiée par son père et qu'il a poursuivie, à la suite du décès de celui-ci, pendant plusieurs mois avec son frère.
C'est ainsi qu'il a fait l'objet d'une proposition de rectification à hauteur des sommes de 85 455 euros au titre de l'année 2002 et de 54 545 euros pour l'année 2003.
Reprochant à son conseil un manquement à son devoir de conseil, d'information et de diligence, M. [Z] [W] l'a assigné ainsi que les compagnies d'assurances COVEA RISKS et ZURICH INSURANCE FRANCE PUBLIC LIMITED COMPAGNY en indemnisation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris dont il a déféré à la cour le jugement rendu le 16 juillet 2015 qui a :
- mis hors de cause la société COVEA RISKS,
- dit que M. [D] [O] a commis une faute,
- Rejeté toutes les demandes présentées par M. [Z] [W],
- condamné M. [Z] [W] à payer la somme de 1 000 euros à la société COVEA RISKS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. [Z] [W] aux dépens .
Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute de M. [D] [O],
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a refusé de retenir son préjudice et le lien de causalité avec la faute constatée,
- condamner in solidum M. [D] [O] et la société COVEA RISKS à lui payer la somme de 170 626 euros au titre de la procédure de redressement et celle de 37 946 euros pour les pénalités et intérêts moratoires, outre chacun, une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- faire application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret 96/1080 du 2 décembre 1996 en cas d'exécution forcée.
- la mettre hors de cause,
- débouter M. [Z] [W] de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause,
- condamner M. [Z] [W] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a prononcé la mise hors de cause de la société COVEA RISKS dont M. [Z] [W] poursuit toujours la condamnation in solidum avec M. [D] [O], étant relevé d'une part que la société MMA IARD déclare venir aux droits de ladite société COVEA RISKS en concluant à sa mise hors de cause et d'autre part que la société ZURICH INSURANCE PLC ne conteste pas devant la cour devoir garantir M. [D] [O] au cas où la responsabilité de celui-ci serait retenue.
Sur le fond de l'affaire, après avoir formulé par lettre du 8 décembre 2004 des observations à la suite de la proposition de rectification dont il a été l'objet , lesquelles ont été rejetées par l'administration fiscale dans sa réponse du 3 mars 2005, M. [Z] [W] s'est adressé à M. [D] [O] qui, le 13 septembre 2005, a rédigé une réclamation contentieuse avec demande de sursis à paiement à la direction nationale des vérifications de situations fiscales, puis sur rejet de celle-ci en date du 15 mars 2006 par le directeur des services fiscaux, a déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris .
M. [Z] [W] reproche à M. [D] [O] de :
- ne l'avoir jamais rencontré,
- avoir eu une mauvaise connaissance de son dossier et avoir rédigé une requête devant le tribunal administratif affectée de maladresses (250 000 euros de gains et non pas 350 000 euros),
- avoir omis de faire valoir devant le tribunal administratif le moyen de nullité tiré de ce que l'administration fiscale n'était pas en droit de mettre en oeuvre une procédure d'imposition d'office à son encontre sans l'avoir préalablement mis en demeure de déposer ses déclarations fiscales concernant ses revenus,
- avoir fait le choix de critiquer les méthodes de l'administration fiscale et avoir argumenté sur les bases d'imposition en se fondant comme celle-ci sur ses déclarations, ce qui ne satisfait pas aux critères d'exigence en matière de démonstration d'évaluation des revenus taxables,
- n'avoir pas suffisamment étayé ses écritures de sorte que les demandes avaient une chance extrêmement faible d'être accueillies,
- ne l'avoir pas informé des suites et conséquences de la requête déposée devant le tribunal administratif de Paris, ne s'être pas rendu à l'audience et ne l'avoir pas informé de la possibilité de faire appel,
- ne l'avoir pas informé sur les risques d'une exécution forcée.
Le tribunal a retenu que M. [D] [O], ce que celui-ci reconnaît devant la cour, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en négligeant de suivre la procédure de son client devant le tribunal administratif et en s'abstenant de se préoccuper de la teneur de la décision rendue par cette juridiction.
Sur les autres manquements reprochés à M. [D] [O], la cour se doit de relever en premier lieu que la consultation établie par Maître [B] [X] dont se prévaut l'appelant au soutien de ses prétentions, revient, sous couvert d'une analyse d'ordre fiscal, à dénigrer au mépris de toute règle d'ordre déontologique, la conduite du dossier et les méthodes de travail d'un confrère, accusé d'avoir fait preuve de nombreuses carences dans l'exercice de sa mission et de ne pas avoir travaillé ' dans les règles de l'art' , alors de surcroît que la qualité de spécialiste de droit fiscal de cette avocate ne résulte que des seules affirmations de M. [Z] [W].
Pour autant il peut être valablement reproché à M. [D] [O] de n'avoir pas soulevé devant le tribunal administratif qui a constaté qu'il n'était pas contesté que M. [Z] [W] avait fait l'objet d'une procédure régulière de taxation d'office à l'impôt sur le revenu en vertu des dispositions combinées des articles L . 68 et L . 73-2° du livre des procédures fiscales, le moyen de nullité de la procédure fiscale tenant à l'absence de mise en demeure préalable d'avoir à déposer une déclaration de revenus spécifique, laquelle est prévue par l'article L. 68 du livre des procédures fiscales et alors que l'exception prévue par l'alinéa 2 de ce texte ne serait pas applicable au cas d'espèce.
Également, la défense complète des intérêts de son client lui imposait de contester, ainsi que l'a retenu le Conseil d'Etat dans son arrêt du 19 décembre 1973, le montant du redressement calculé par l'administration fiscale sur la base des déclarations de celui-ci en proposant une autre méthode d'évaluation alors qu'il a fondé sa critique sur lesdites déclarations sans chercher par ailleurs à les expliciter et à les situer dans le contexte familial ayant présidé à l'exercice de l'activité de blanchiment litigieuse.
Constituent par ailleurs des manquements fautifs le fait pour l'avocat de n'avoir jamais rencontré directement son client, de ne s'être pas présenté à l'audience du tribunal administratif ainsi que des erreurs portant sur le montant total des gains réalisés par les frères [W], griefs non contestés au demeurant par l'intimé.
Enfin l'avocat n'établit pas avoir alerté son client sur le risque et les conséquences d'une exécution forcée.
Néanmoins c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont estimé que M. [Z] [W] ne démontrait pas que le fait pour l'avocat d'avoir négligé la procédure introduite devant le tribunal administratif notamment en ne l'informant pas de la teneur du jugement rendu et des suites à envisager, lui avait fait perdre une chance raisonnable d'obtenir la réformation de cette décision si un recours avait été exercé.
Il convient en effet de rappeler que l'administration fiscale qui n'a pas délivré de mise en demeure préalable s'est prévalue de l'alinéa 2° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales qui dispose qu'il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (......) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprise ou du greffe du tribunal de commerce (......)'.
Or en application de l'article 371 A J de l'annexe II du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, M. [Z] [W] alors étudiant, devait se faire connaître d'un centre de formalité en tant qu'assujetti à l'impôt sur les bénéfices non commerciaux en raison de son activité litigieuse (article 92-1 du code général des impôts), exercée de façon habituelle et à titre lucratif pendant prés d'un an, ainsi qu'il l'a reconnu au cours de l'instruction pénale ouverte à cet effet, laquelle activité revêtait ainsi un caractère 'professionnel'.
Dès lors il n'y avait pas lieu à le mettre préalablement en demeure de régulariser sa situation fiscale et ce moyen de nullité n'avait ainsi aucune chance raisonnable de prospérer tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel si les voies de recours avaient été exercées.
Par ailleurs la jurisprudence du Conseil d'Etat si elle permet au contribuable de présenter une méthode d'évaluation de la base d'imposition autre que celle appliquée par l'administration fiscale, n'exclut pas cependant que celle-ci puisse retenir les déclarations faites par le contribuable.
Or en l'espèce l'appelant a déclaré aux services de police que les bénéfices qu'il avait tirés de son activité litigieuse s'étaient élevés à la somme de 150 000 euros.
Ses aveux ont ainsi été particulièrement précis tant sur le montant des sommes qu'il avait directement perçues à titre personnel que sur leur nature à savoir des bénéfices tirés de son activité litigieuse, étant relevé que tant devant le tribunal que désormais devant la cour M. [Z] [W] se limite à mentionner de façon générale la possibilité de proposer d'autres méthodes d'évaluation sans pour autant préciser celle dont il aurait pu être fait état et ne fournit aucun élément susceptible de démontrer que les bénéfices qu'il a retirés de son activité occulte auraient été inférieurs à la somme de 150 000 euros spontanément reconnue.
La perte d'une chance raisonnable d'obtenir une autre décision du tribunal administratif ou la réformation en cause d'appel, de celle prononcée, n'est également pas rapportée.
Et il en est de même des autres manquements fautifs retenus par cette cour dont il n'est pas établi qu'ils sont directement à l'origine pour l'appelant d'une perte de chance raisonnable pour celui-ci d'avoir pu obtenir des juridictions administratives une décision plus favorable tant en ce qui concerne le redressement lui même que les pénalités et intérêts moratoires.
En effet n'est pas rapportée la preuve de ce que les maladresses ayant émaillé la requête, le défaut de rencontre entre le client et l'avocat ainsi que l'absence de celui-ci à l'audience du tribunal administratif ont raisonnablement fait perdre une chance à M. [Z] [W] que le tribunal administratif se prononce différemment .
M. [Z] [W] sera en conséquence débouté de toutes ses prétentions et le jugement déféré confirmé.
La solution du litige et l'équité commande d'accorder à la seule société MMA IARD une indemnité d'un montant de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Donne acte à la société MMA IARD de ce qu'elle vient aux droits de la société COVEA RISKS.
Confirme le jugement déféré.
Condamne M. [Z] [W] à payer à la société MMA IARD une indemnité d'un montant de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne M. [Z] [W] aux dépens.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,