RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 28 Mars 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07662
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 14/06473
APPELANT
Monsieur [V] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] - MALI
comparant en personne, assisté de Me Joseph KENGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1681
INTIMEE
SAS ESSI TURQUOISE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 489 702 977
représentée par Me Jean-louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0891
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bruno BLANC, Président, et Mme Roselyne GAUTIER chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bruno BLANC, Président
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère
Mme Soleine HUNTER-FALCK, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Le 1er janvier 2014, Monsieur [V] [C] , agent de service exerçant les fonctions de Chef d'équipe, a été repris, avec ancienneté au 4 mai 2009, sur le site du SENAT, par la société ESSI TURQUOISE dans le cadre de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté .
Monsieur [V] [C] percevait un salaire mensuel brut de 1491.75 € pour un temps partiel de 130 heures mensuelles .
Le 30 janvier 2014, le salariéa été convoqué pour le 11 février 2014 à un entretien préalable
à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .
Le 11 février 2014, cet entretien a eu lieu.
A l'issue de cet entretien du 11 février 2004, Monsieur [V] [C] était convoqué une deuxième fois, par courrier du 11 février 2014 pour le 25 février 2014, toujours pour un entretien préalable à une mesure de licenciement . Cette nouvelle convocation était assortie d'une mise à pied conservatoire .
Le 17 février 2014, avant même que l'entretien préalable fixé au 25 février 2014 n'ait
eu lieu, Monsieur [V] [C] était sanctionné d'un avertissement pour des faits de refus d'exécution de la prestation de travail et de retard injustifié qu'il aurait commis les 7 et 13 janvier 2014 .
A l'issue de l'entretien préalable qui se tenait le 25 février 2014, Monsieur [V] [C] était licenciement pour faute grave le 7 mars 2014 pour des faits de violence en date 7 et 10 février 2014.
Contestant son licenciement, Monsieur [V] [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 09 mai 2014 des chefs de demandes suivants :
Chefs de la demande ;
- Annuler l'avertissement du 17 février 2014 ;
- Dommages et intérêts pour avertissement infondé et préjudice moral : 3 000,00 € ;
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :11842,00 € ;
- Indemnité compensatrice de préavis : 2 961,00 € ;
- Congés payés afférents : 296,00 € ;
- Indemnité de licenciement :1 451,00 € ;
- Maintien de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 25 février au 7 mars
2014 : 1215,00 € ;
- Congés payés afférents : 121,00 € ;
- Prime d'expérience afférente : 24,00 € ;
- Article 700 du Code de Procédure Civile : I 200,00 € ;
- Exécution provisoire article 515 du code de procédure civile ;
- Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil .
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [V] [C] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 12 mai 2015 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens .
Vu les conclusions en date du 14 février 2017, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [V] [C] demande à la cour de :
1- Annuler l'avertissement du 17 février 2014 ;
2- Dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a été l'objet le 7 mars 2014;
3- Subsidiairement dire ce licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse compte tenu de tant de l'ancienneté du salarié sur le site que de la brièveté de la relation du travail;
4- Condamner la société ESSI TURQUOISE, au paiement de la somme de :
* 3000 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement infondé et préjudice moral
* 11 842 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 2983 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 298 € à titre de congés payés sur préavis ;
* 1451 € à titre d'indemnité de licenciement ;
* 1215 € à titre de maintien de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 25 février 2014 au 7 mars 2014 ;
* 121 € de congés payés afférents ;
* 24 € à titre de prime d'expérience afférente ;
* 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
5- Condamner la société ESSI TURQUOISE aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier en cas de recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir ;
6- La condamner au paiement des sommes sollicitées avec intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil.
Vu les conclusions en date du 14 février 2017, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS ESSI TURQUOISE demande à la cour de :
- Juger Monsieur [C] mal fondé en son appel ;
- Le débouter de toutes ses demandes et le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'avertissement :
Considérant que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière où sa rémunération;
Que cette sanction disciplinaire est soumise aux dispositions de l'article L 1331-1 et suivants du code du travail;
Qu'il est imputé à faute à Monsieur [V] [C] , aux termes de cette sanction disciplinaire, un refus de ramasser des poubelles, un retard le 13 janvier 2014, d'avoir laissé ouverte une porte et de ne pas avoir vidé la poubelle d'un bureau ;
Que force est de constater qu'aucun élément n'établi le refus de ramasser les poubelles, qu'aucun élément probant n'établi le retard allégué alors qu'il n'est pas contesté qu'un système de pointage est en service ;
Qu'il n'entre pas dans les attributions du salarié de s'assurer de la fermeture des portes ;
Qu'enfin, il n'est pas établi le bureau dans lequel Monsieur [V] [C] se serait abstenu de vider une poubelle ;
Qu'en conséquence, aucun des griefs ayant présidé à la délivrance de l'avertissement n'étant établi , la cour considère qu'il y lieu d'annuler l'avertissement délivré le 17 février 2014 et d'indemniser Monsieur [V] [C] du préjudice subi à hauteur de 2.000 euros ;
Sur le licenciement :
Considérant que l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ;
Qu'ainsi le pouvoir disciplinaire de l'employeur est épuisé par l'effet d'une sanction antérieure lorsque qu'il est établi que l'employeur avait eu connaissance au moment de cette sanction antérieure de faits commis au moment où cette sanction était notifiée;
Qu'en l'espèce, les griefs ayant fondé le licenciement et relatifs à des faits survenus les 7 et 10 février 2014 sont tous antérieurs à l'avertissement délivré le 17 février 2014 et dont il n'est pas rapporté la preuve par la SAS ESSI TURQUOISE qu'elle en ignorait l'existence lors de la délivrance de l'avertissement ;
Qu'en effet, il ressort de il ressort de la déclaration de main courante effectuée le 11 février 2014 à 13 heures 20 par Madame [P], Responsable du site du SENAT que:
« .. Je gère trente employés. Hier, il y a eu un différend entre deux employés, Monsieur [C] [V] et Madame [B] [P] (...) Ce dernier (Monsieur [C] [V]) a tenu les propos suivants : salope et il m'a menacé de mort en me disant, je vais vous tuer salope. Je ne souhaite pas déposer plainte à son encontre pour les faits. Toutefois, j'ai informé également ma société des faits et ma hiérarchie m'a demandé de me présenter en vos services aux fins de faire établir une main courante... »;
Qu'ainsi les faits des 7 et 10 février 2014 qui ont justifié le licenciement étaient donc connus de la société ESSI TURQUOISE, depuis le 11 février 2014 lorsqu'elle a notifié le 17 février 2014 un avertissement à Monsieur [C];
Que dés lors le licenciement du 7 mars 2014 est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré devra être infirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les conséquences du licenciement :
Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise ( plus de 11 salariés) de l'ancienneté (plus de 4 ans ) et de l'âge du salarié (né en [Date naissance 2] 1079) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail une somme de 9.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant qu'en vertu l'article L 1235-4 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la SAS ESSI TURQUOISE , employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARE l'appel de Monsieur [V] [C] recevable ;
INFIRME le jugement entrepris ;
et statuant à nouveau :
ANNULE l'avertissement délivré le 17 février 2014 ;
JUGE le licenciement de Monsieur [V] [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS ESSI TURQUOISE à payer à Monsieur [V] [C] les sommes suivantes :
* 2000 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement infondé et préjudice moral;
* 9000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 2983 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 298 € à titre de congés payés sur préavis ;
* 1451 € à titre d'indemnité de licenciement ;
* 1215 € à titre de maintien de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 25 février 2014 au 7 mars 2014 ;
* 121 € de congés payés afférents ;
* 24 € à titre de prime d'expérience afférente ;
* 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter de la décision qui les a prononcées ;
ORDONNE, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS ESSI TURQUOISE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Monsieur [V] [C] dans la limite de 6 mois ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la SAS ESSI TURQUOISE aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT