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28/03/2017 | FRANCE | N°14/13530

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 28 mars 2017, 14/13530


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 28 Mars 2017



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13530



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° F13/01093





APPELANTE

SARL EBLA EDITIONS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 388 028 227 00022

représentée par Me Catherine

SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909,

En présence de M. [U] [G] (Gérant)





INTIME

Monsieur [G] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 28 Mars 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13530

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° F13/01093

APPELANTE

SARL EBLA EDITIONS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 388 028 227 00022

représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909,

En présence de M. [U] [G] (Gérant)

INTIME

Monsieur [G] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Michèle ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0177 substitué par Me Sophie BENOIST DE WITT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0951

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [G] [H] a été engagé par la société EBLA EDITIONS le 22 mars 2010, en qualité de VRP exclusif, à temps partiel, la durée moyenne mensuelle étant de 75 heures 83.

La société EBLA EDITIONS occupe habituellement moins de 10 salariés.

Du 8 août 2011 au 29 février 2012, monsieur [H] a été en arrêt maladie.

Le 7 mars 2013, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, qui s'est tenu le 21 mars, et licencié pour faute grave le 25 mars.

Le 10 avril 2013, monsieur [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 9 octobre 2014, le Conseil de Prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné la société EBLA EDITIONS à payer à monsieur [H] les sommes suivantes :

- 1.634,50 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

- 929,26 Euros à titre de rappel de salaires pour 2011 et les congés payés afférents ;

- 2.428,50 Euros à titre de rappel de salaires pour 2012 et les congés payés afférents ;

- 658,16 Euros à titre de rappel de salaires pour 2013 et les congés payés afférents

- 6.534 Euros au titre de la clause de non concurrence

- 4.200 Euros à titre d'indemnité de clientèle

- 1.200 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes .

Cette décision a été notifiée le 5 décembre et la société EBLA EDITIONS en a interjeté appel le 10 décembre.

Par conclusions visées par le greffe le 23 janvier 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société EBLA EDITIONS demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui rembourser les sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire de droit.

Par conclusions visées par le greffe le 23 janvier 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [H] demande à la Cour de confirmer le jugement sur l'indemnité de clientèle, de l'infirmer pour le surplus, de dire que la rupture est abusive et de condamner la société EBLA EDITIONS à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la convocation devant le bureau de conciliation :

- 6.533,85 Euros à titre de rappel de salaires pour 2010 et les congés payés afférents ;

- 6.389,80 Euros à titre de rappel de salaires pour 2011 et les congés payés afférents ;

- 10.419,50 Euros à titre de rappel de salaires pour 2012 et les congés payés afférents ;

- 3.110,38 Euros à titre de rappel de salaires pour 2013 et les congés payés afférents ;

- 19.615 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 5.000 Euros pour absence de visite médicale ;

- 26.152 Euros au titre de la clause de non concurrence ;

- 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

MOTIFS

Sur le rappel de salaires

Le contrat de travail de monsieur [H] comporte une clause intitulée 'exclusivité', aux termes de laquelle il s'engage 'à consacrer à la société EBLA EDITIONS l'exclusivité de son activité et s'interdit de représenter d'autres produits pour son propre compte ou pour le compte d'une autre entreprise, quelle qu'elle soit' ;

Monsieur [H] étant ainsi tenu de travailler à titre exclusif pour un seul employeur, il ne pouvait se voir imposer de travailler à temps partiel ;

A la demande de la cour, monsieur [H] a produit, en cours de délibéré l'extrait K bis de la librairie dont la société EBLA EDITIONS prétendait qu'il était encore le gérant, démontrant que le fonds a été vendu en 1997 et aucune autre pièce n'est versée aux débats par la société pour établir que la clause d'exclusivité n'était pas respectée ;

Monsieur [H] avait donc droit à la rémunération minimale trimestrielle garantie par l'article 5 de l'accord du 3 octobre 1975 relatif aux VRP, à savoir 390 fois le taux horaire du SMIC en vigueur à la fin du dernier mois échu pour les trois premiers mois, puis à partir du deuxième trimestre, 520 fois ce taux horaire ; cette ressource minimale est réduite à due concurrence lorsque le contrat de travail a débuté ou pris fin au cours d'un trimestre et en cas de suspension temporaire d'activité au cours de ce trimestre ;

En application de ces dispositions, la société EBLA EDITIONS reste devoir à monsieur [H] les sommes suivantes :

- 4.988,26 Euros pour l'année 2010

- 6.389,80 Euros pour l'année 2011

- 9.706,33 Euros pour l'année 2012

- 2.666,11 Euros pour l'année 2013

Soit au total un rappel de salaires de 23.750 Euros et les congés payés afférents ; le jugement qui avait alloué un rappel de salaires dans la limite des montants sollicités par monsieur [H] en première instance, devra donc être infirmé sur ce point ;

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ;

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'A la suite de votre convocation préalable de licenciement du 21 mars 2013 et des fait qui vous sont reprochés, à savoir :

- Vous ne vous conformez pas aux directives demandées par votre direction ;

- L'objectif de 3.000 Euros de CA mensuel prévu sur votre contrat du 8 mars 2010 n'a jamais été atteint entre septembre 2010 et février 2013 ;

- L'obligation de deux visites minimum par jour prévu dans votre contrat du 8 mars 2010 n'a jamais été atteint ;

Tous ces éléments ajoutés à ceux du courrier que nous vous avons envoyé le 7 mars 2010 mettent notre société en grande difficulté.

En conséquence, nous sommes dans l'obligation de vous licencier pour faute grave suite aux causes réelles et sérieuses reposées sur des faits objectifs et vérifiables et du non respect de votre contrat de travail.'

Les griefs relatifs à la non atteinte des objectifs fixés relève d'une insuffisance professionnelle laquelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié qu'il appartient à l'employeur de démontrer, n'est pas une faute ni a fortiori une faute grave ;

L'accusation faite à monsieur [H] de dénigrer les produits de la société, au motif que lors d'un rendez-vous, il a été, 'trop négatif' sur deux ouvrages' n'est pas sérieuse et contredite d'ailleurs par les autres appréciations formulées lors des deux tournées de janvier ('d'une façon générale bonne argumentation') ; de même, le fait de s'être abstenu de prendre systématiquement des rendez-vous avant ses visites, 'risquant ainsi d'entraîner des déplacements inutiles', ne saurait caractériser un comportement fautif justifiant un licenciement disciplinaire ;

Monsieur [H] fait valoir qu'avant janvier 2013, aucune observation ne lui avait été faite ni sur sa pratique professionnelle ni sur ses résultats, le courrier du 31 octobre 2012 ne concernant que des remboursements de frais ;

En revanche, il est exact que son contrat de travail, s'il lui laissait toute liberté pour organiser ses tournées et la fréquence de ses visites, lui imposait d'effectuer deux visites par jour au minimum, et d'établir à la fin de chaque semaine un rapport détaillé sur les clients visités ;

Or la société fait valoir, sans être contredite que ce minimum de deux visites quotidiennes n'a pas été respecté, ainsi que cela ressort de la lettre du 7 mars 2013 (20 visites en janvier, 26 en février) et monsieur [H] ne donne à cet égard aucune explication ;

Ce non respect des dispositions contractuelles avait nécessairement une incidence sur les objectifs, non atteints par le salarié ; il constituait donc une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais ne justifiait pas la rupture immédiate du contrat de travail. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la faute grave et dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

En revanche, selon les dispositions de l'article L 7313-9 du code du travail, la durée du préavis des VRP ne peut être inférieure à trois mois au-delà de trois ans de présence dans l'entreprise, comme c'était le cas de monsieur [H] ; le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a limité l'indemnité compensatrice de préavis à un mois de salaire, le montant étant porté à la somme de 4.903,60 Euros avec les congés payés afférents ;

Sur l'absence de visites médicales

Monsieur [H] fait valoir, sans être contredit, que l'employeur n'a pas organisé de rendez-vous auprès de la médecine du travail, ni lors de son embauche, ni au cours de la relation de travail ; toutefois, il ne justifie pas que cette carence lui a causé un quelconque préjudice si bien qu'il convient de confirmer le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande ;

Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail de monsieur [H] comportait une clause de non concurrence pour une période de deux ans, s'appliquant au secteur d'activité et aux catégories de clients définis par le contrat, la société EBLA EDITIONS s'engageant à lui verser une contrepartie pécuniaire mensuelle égale 2/3 de mois apprécié sur la moyenne des 12 derniers mois de rémunération après déduction des frais professionnels ; la société EBLA EDITIONS se réservait la faculté de dispenser monsieur [H] de l'exécution de la clause ou d'une réduire la durée à la condition de le prévenir dans les 15 jours suivant la notification de la rupture;

La société EBLA EDITIONS, qui ne démontre par aucune pièce avoir dispensé l'intéressé de son obligation de non concurrence prétend, de façon inopérante, que monsieur [H] ne justifie pas avoir respecté ladite clause alors que conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, la charge de la preuve qu'elle s'est libérée de son obligation lui incombe; or elle se borne à verser aux débats des documents sur la librairie de monsieur [H] vendue en 1997 comme il a été vu ci-dessus, ou sur ses activités, en 2016, au sein d'une association ;

Il convient de faire droit à la demande de monsieur [H] et de lui allouer, sur la base des douze derniers mois de rémunération minimale garantie, la somme de 25.715 Euros, le jugement étant infirmé sur ce point ;

Sur l'indemnité de clientèle

En vertu des dispositions de l'article L 7313-13 du code du travail le VRP a droit , en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, sauf en cas de faute grave écartée en l'espèce, à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée , créée ou développée par lui ;

Pour avoir droit à cette indemnité l'intéressé doit démontrer un accroissement durable de la clientèle du fait de son activité personnelle, à savoir la fidélité et la stabilité de cette clientèle personnelle, qui ne doit pas être occasionnelle ; or en l'espèce force est de constater que cette preuve n'est aucunement rapportée par monsieur [H] qui ne verse aucune pièce sur les clients qu'il aurait ainsi fidélisés ; il convient, en conséquence de le débouter de sa demande, le jugement étant également infirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement de monsieur [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société EBLA EDITIONS à payer à monsieur [H] la somme de 1.200 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau ;

Condamne la société EBLA EDITIONS à payer à monsieur [H] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2013 :

- 23.750 Euros à titre de rappel de salaires et 2.375 Euros pour les congés payés afférents ;

- 4.903,60 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 490,36 Euros pour les congés payés afférents ;

- 25.715 Euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Dit'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel ;

Met les dépens à la charge de la société EBLA EDITIONS.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/13530
Date de la décision : 28/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/13530 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-28;14.13530 ?
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