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24/03/2017 | FRANCE | N°15/10285

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 24 mars 2017, 15/10285


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 24 MARS 2017



(n° 52- 2017 , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10285



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 13/00947





APPELANTE



SAS MAISONS PIERRE agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[

Adresse 2]

N° SIRET : 487 514 267 00029



Représentée par : Me François CHASSIN de l'AARPI CHASSIN COURNOT-VERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0210



INTIMES



Madame [U] [A]...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 24 MARS 2017

(n° 52- 2017 , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10285

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 13/00947

APPELANTE

SAS MAISONS PIERRE agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : 487 514 267 00029

Représentée par : Me François CHASSIN de l'AARPI CHASSIN COURNOT-VERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0210

INTIMES

Madame [U] [A]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

ET

Monsieur [G] [A]

[Adresse 5]

[Adresse 6]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1]

Représentés par : Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

Assistés par : Me Ludivine PERROT, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

Monsieur [N] [M]

[Adresse 7]

[Adresse 8]

né le [Date naissance 3] 1950

Représenté par : Me Laurence IMBERT, avocat au barreau de MELUN

Madame [B] [M] épouse née [V]

[Adresse 9]

[Adresse 8]

née le [Date naissance 4] 1952

Représentée par : Me Laurence IMBERT, avocat au barreau de MELUN

Monsieur [L] [W]

[Adresse 10]

[Adresse 11]

Née le [Date naissance 5] 1958 à[Localité 2] ( BLEGIQUE)

et

Madame [T] [D] épouse [W]

[Adresse 10]

[Adresse 11]

N' le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 3]

Représentés et assistés par : Me Sylvie MONTERO, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Annie DABOSVILLE, présidente

Madame Madeleine HUBERTY, conseillère

Madame Marie José DURAND, conseillère

qui en ont délibéré

Rapport ayant été fait oralement par Madame Madeleine Huberty, conseillère conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement et par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Annie DABOSVILLE, présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI , greffier présent lors du prononcé auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE

Au cours de l'année 1987, Monsieur et Madame [W] ont chargé la SOCIETE MAISONS PIERRE de construire leur maison individuelle sur un terrain leur appartenant, sis [Adresse 12]. La réception est intervenue sans réserve le 24 novembre 1987.

Le 11 mars 1991, Monsieur et Madame [W] ont vendu leur maison à Monsieur [M] et Madame [V].

Le 4 avril 2005, Monsieur et Madame [A] ont à leur tour fait l'acquisition de la maison.

Par exploit d'huissier en date du 3 janvier 2006, Monsieur et Madame [A] ont assigné leurs vendeurs Monsieur [M] et Madame [V] en référé-expertise en raison de désordres affectant notamment le réseau électrique et la charpente.

Par ordonnance du 1er mars 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de MELUN a fait droit à la demande d'expertise. En 2008, les opérations d'expertise ont été rendues communes à Monsieur et Madame [W], puis à la SOCIETE MAISONS PIERRE.

Monsieur [K], expert, a déposé son rapport le 14 septembre 2011.

Par exploits d'huissier en date des 14, 15,19 et 22 février 2013, Monsieur et Madame [A], frère et soeur, ont assigné Monsieur et Madame [W] (sur le fondement délictuel), Monsieur [M] et Madame [V] (sur le fondement contractuel) et la SOCIETE MAISONS PIERRE (sur le fondement de la garantie décennale ou de la faute dolosive) en ouverture de rapport devant le tribunal de grande instance de MELUN afin d'obtenir réparation des préjudices subis.

Dans son jugement rendu le 3 février 2015, le tribunal de grande instance de MELUN a statué en ces termes :

- Déclare recevable l'action introduite par les consorts [A] à l'encontre de la SOCIETE MAISONS PIERRE en ce qu'elle est fondée sur la faute dolosive;

- Condamne la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer à Monsieur et Madame [A] les sommes suivantes :

' 104 570, 38€ TTC valeur juillet 2008, outre indexation selon l'indice BT01 du coût de la construction entre cette date et le présent jugement;

' 24 700€ au titre du trouble de jouissance pour la période d'avril 2005 à septembre 2011;

' 5000€ au titre du préjudice moral;

' 5000€ au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

- Condamne in solidum Monsieur [L] [W], Madame [T] [W], Monsieur [N] [M] et Madame [B] [V] épouse [M] à payer à Madame [U] et Monsieur [G] [A] la somme de 12984,40€ valeur juillet 2008 au titre de la reprise des désordres affectant l'installation électrique, outre indexation selon l'indice BT01 du coût de la construction entre cette date et le présent jugement;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

- Condamne la SOCIETE MAISONS PIERRE aux dépens;

- Condamne la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer à Madame [U] et Monsieur [G] [A] la somme de 5000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Ordonne l'exécution provisoire.

La SOCIETE MAISONS PIERRE a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 28 avril 2015.

*****************

Dans ses conclusions régularisées le 13 novembre 2015, la SOCIETE MAISONS PIERRE sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions. Elle fait valoir que :

' l'action contractuelle pour faute dolosive n'est pas liée à la chose et ne se transmet donc pas avec la chose. L'action fondée sur le dol implique en outre que les deux parties soient liées par un même contrat. Or la SOCIETE MAISONS PIERRE n'a aucun lien contractuel avec les consorts [A]. Ceux ci doivent donc être déclarés irrecevables en leur action fondée sur le dol à l'encontre du constructeur.

' s'il est constant que la charpente initialement posée n'était pas conforme aux dispositions contractuelles, en ce qu'elle ne permettait pas l'aménagement des combles, il n'est cependant pas démontré qu'une faute dolosive soit imputable au constructeur. Il n'est en effet pas établi que la SOCIETE MAISONS PIERRE ait eu conscience du désordre qui résultait de la destruction par sciage des contreventements qui occupaient tout le volume des combles. L'expert a lui même indiqué qu'il était possible que le constructeur n'ait pas eu connaissance de la situation. Ce sont les consorts [W] qui ont confié la modification de la charpente à une entreprise tierce qui n'a pas été mise dans la cause. Le contrat de construction de maison individuelle n'a été communiqué que postérieurement aux opérations d'expertise, malgré les demandes de l'expert.

' les prétentions en garantie énoncées à son encontre doivent être rejetées.

' la ré-actualisation des préjudices sollicitée par les consorts [A] ne saurait être justifiée par la seule durée de la procédure.

*****************

Dans leurs conclusions régularisées le 23 novembre 2015, Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] sollicitent la confirmation partielle du jugement. Ils font valoir que:

' il résulte du rapport d'expertise que les combles posés n'étaient pas aménageables contrairement aux stipulations contractuelles et que la charpente industrielle a été 'sabotée' afin de dissimuler cette non conformité.

' l'action fondée sur la faute dolosive du constructeur est une action de nature contractuelle attachée à l'immeuble. Elle est donc transmissible au sous-acquéreur qui est recevable à invoquer le dol à l'encontre du constructeur.

' il importe peu de déterminer l'identité de la personne qui a procédé au sciage de la charpente. Ce qui caractérise la faute dolosive de la SOCIETE MAISONS PIERRE, c'est la connaissance de la pose d'une charpente non conforme, puis de son sabotage.

La réception sans réserve de la maison traduit la volonté du constructeur de camoufler la non conformité contractuelle des combles.Ce faisant, la SOCIETE MAISONS PIERRE a sciemment mis en danger la vie de ses clients puisqu'en tant que professionnelle elle ne pouvait ignorer les conséquences dangereuses des modifications dans la toiture et l'aménagement des combles envisagé par les époux [W].

' les époux [W] sont responsables de l'état actuel de la charpente car leurs travaux ont directement contribué à la flexion et à l'affaissement de la toiture. Au regard de l'importance des travaux qu'ils ont réalisés (cloisonnement, installations électriques, fenêtres de toitures et lucarnes), ils n'ont pu manquer de constater que la charpente avait été sciée avant réception. Ils connaissaient donc le vice affectant l'immeuble, ce qui explique qu'ils aient demandé la révision de la surface prise en compte pour le calcul de leur taxe locale d'équipement.

' les époux [M] sont également responsables de l'état catastrophique de la toiture car ils ont modifié la charpente en réalisant eux mêmes au moins deux chiens assis sur le versant avant de la toiture. Selon l'expert, ces travaux ont fait empirer le problème de façon spectaculaire. De surcroît, ils ont trompé les consorts [A] en leur cachant l'état réel de la maison l ors de la vente. Lors de la visite des lieux , le salon était meublé et l'étage était vide de tout meuble.

Les époux [M] savaient que l'étage n'était pas habitable et que le plancher et la toiture s'affaissaient mais ils ont dissimulé cette situation ce qui constitue une réticence dolosive.

' la SOCIETE MAISONS PIERRE, les époux [W] et les époux [M] doivent donc assumer solidairement les préjudices subis par les consorts [A] en raison de la réticence dolosive dont ils ont été les victimes.

' les époux [W] et les époux [M] ont engagé leur responsabilité pour l'installation électrique qui n'est pas conforme aux normes car ils n'ont pas fait appel à des professionnels.

' le devis de reprise de la charpente doit être réactualisé sur la base du devis du 8 octobre 2014 car ce devis est conforme à celui qui a été retenu par l'expert. Les travaux de reprise de la charpente doivent donc être évalués à la somme de 130157,20€. Les travaux de réfection totale de l'électricité, intégrant la réfection des peintures doivent être évalués à 39810,42€. Des frais doivent en outre être remboursés qui ont dû être engagés pour procéder à des réparations urgentes (5865,80€). Le trouble de jouissance est substantiel car il persiste depuis plus de 10 ans, aucune inaction ne pouvant être reprochée aux propriétaires. Il doit être évalué à la somme de 32 825€. Le préjudice moral doit être évalué à la somme de 30225€. Le manque d'isolation dû aux problèmes de charpente et de toiture a d'autre part provoqué une surconsommation d' électricité pour un montant qui doit être évalué à 10 000€ sur 10 ans.

****************

Dans leurs conclusions régularisées le 15 septembre 2015, Monsieur et Madame [N] [M] sollicitent l'infirmation partielle du jugement en ce qu'ils ont été condamnés in solidum avec les époux [W] à réparer les désordres affectant l'installation électrique. Ils font valoir que :

' ils ne sont pas intervenus sur l'installation électrique . Ils ont seulement changé deux convecteurs électriques en procédant au branchement sur les dominos existants. Ils n'étaient pas en mesure de pouvoir apprécier la non conformité aux normes de l'installation électrique. Seul Monsieur [W] a pu réaliser l'installation électrique du premier étage. Ils doivent donc être mis hors de cause de ce chef, et à défaut, garantis par les époux [W].

' aucune réticence dolosive ne peut leur être reprochée pour la charpente. En effet, s'ils avaient conscience des affaissements, il n'est pas démontré qu'ils aient eu connaissance de l'origine des désordres.

*****************

Dans leurs conclusions régularisées le 23 septembre 2015, Monsieur et Madame [W] sollicitent la confirmation pure et simple du jugement. Ils font valoir que :

' ils ont bien commandé une maison avec des combles aménageables.

' la mauvaise foi de la SOCIETE MAISONS PIERRE justifie sa condamnation à leur payer une somme de 5000€ à titre de dommages intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le jeudi 12 janvier 2017.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur la fin de non recevoir soulevée par la SOCIETE MAISONS PIERRE contre l'action engagée par Madame [U] [A] et Monsieur [G] [A];

La SOCIETE MAISONS PIERRE soutient que l'action engagée par les consorts [A] à son encontre, sur le fondement d'une faute dolosive doit être déclarée irrecevable, parce que l'action fondée sur le dol suppose que les deux parties soient liées par un même contrat. Or, elle n'a pas de lien contractuel avec les consorts [A] et, dans tous les cas, l'action en nullité de la convention pour dol n'est pas liée à la chose, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir de transmission de l'action avec la chose.

Ainsi qu'il a été relevé par les premiers juges, l'action engagée par les consorts [A] à l'encontre de la SOCIETE MAISONS PIERRE s'analyse en une action contractuelle, puisque le dol invoqué serait survenu à l'époque de réalisation du contrat de construction de la maison individuelle commandée, au cours de l'année 1987, par Monsieur et Madame [W]. La faute dolosive ayant une incidence directe sur l'immeuble, l'action ayant pour cause cette faute est attachée à l'immeuble et transmissible aux sous-acquéreurs, lesquels sont donc recevables à s'en prévaloir pour rechercher la responsabilité du constructeur, après l'expiration de la garantie légale. Il doit, d'autre part, être souligné que l'action en responsabilité doit être distinguée de la seule action en nullité pour dol, les incidences en étant nécessairement différentes compte tenu de son objet.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré cette action recevable.

Sur l'existence d'une faute dolosive imputable à la SOCIETE MAISONS PIERRE, aux époux [W] et aux époux [M];

Il résulte des constatations de l'expert que la maison des consorts [A] est affectée de désordres de charpente avérés, qui se manifestent par la souplesse exagérée du plancher de l'étage, par le ventre du plafond du séjour et par la flexion exagérée de la toiture.

Monsieur [K], expert, explique que ces désordres ont pour origine le fait que la charpente industrielle posée lors de la construction de la maison a été 'mutilée' : les contreventements en diagonal des fermettes ont été découpés. Il précise que les contreventements assurent la résistance au vent et mobilisent toute la hauteur des combles pour former une très haute poutre au droit de chaque fermette, ce qui permet de supporter le poids de la toiture. Leur suppression entraîne un affaiblissement immédiat de la toiture. Le plancher mis en place sous une telle toiture ne peut être aménagé faute de place. S'il est aménagé, il ne peut que s'affaisser sur les têtes de cloisons, qui ne sont pas conçues pour reprendre la charge.

L'état structurel de la charpente a encore été affaibli par la pose de deux fenêtres sur le versant arrière de la toiture avec découpage d'un arbalétrier formant chevron de fermette industrielle, puis par les lucarnes installées sur le versant avant (rapport pages 34 et 35).

Il est ainsi établi qu'une charpente à fermettes industrielles a été installée dans la maison qui a été l'objet du contrat de construction de maison individuelle, conclu le 1er novembre 1986 entre Monsieur [W] et la SOCIETE MAISONS PIERRE (pièce 1 époux [W]).

Ce type de charpente est incompatible avec des combles aménageables, parce que les contreventements mobilisent tout le volume des combles. C'est donc pour libérer les combles et les rendre aménageables que les contreventements ont été supprimés. Selon les énonciations du rapport d'expertise, seule une charpente traditionnelle à fermes avec entraits et arbalétriers aurait permis de dégager un volume vide pouvant être affecté à des combles aménageables.

Pour déterminer à quelle époque les contreventements ont été supprimés, il importe de définir les caractéristiques du bien immobilier, qui a fait l'objet du contrat de construction de maison individuelle du 1er novembre 1986 (pièce 1 [W]). Aux termes de ce contrat, qui n'a été communiqué qu'après la clôture des opérations d'expertise, Monsieur et Madame [W] ont commandé la construction d'une maison de type ARIA 811 pour le prix de 278 000F TTC, intégrant des combles aménageables pour 22000F. Dans l'avenant à la notice descriptive produit aux débats, en annexe au contrat de construction (en l'absence de la notice elle-même), il est prévu que l'évacuation de l'air vicié est intégrée dans le prix et sera assurée grâce à un système de ventilation mécanique contrôlée, en particulier pour le cabinet de toilette installé dans les combles aménagés.

Les plans au 1/100ème produits aux débats par Monsieur et Madame [W] (pièce 2 [W]), correspondant à une maison ARIA 811, revêtus du cachet de la SOCIETE MAISONS PIERRE (anciennement PIERRE SA), font apparaître des combles aménageables destinés à être affectés à l'installation de deux chambres (n°4 et n°5) avec un cabinet de toilette.

La demande de permis de construire, signée le 10 décembre 1986 par Monsieur et Madame [W] (pièce 3 [M]) fait état d'une surface hors oeuvre nette totale de 128,70 m² correspondant à 88m² en rez de chaussée et 40,70m² au premier étage (cette dernière surface étant le résultat de la soustraction de 47,30m² de superficie non aménageable au premier étage). Les plans au 1/100ème sont en tous points conformes à ces données.

Ces éléments parfaitement concordants démontrent que la maison commandée par les époux [W] devait comporter des combles aménageables. Ils tendent encore à être confortés par l'existence d'une liste de 8 entreprises qui seraient intervenues sur le chantier (pièce 6 LATOUR- liste non signée ni datée), l'une d'entre elles ayant été chargée du plancher des combles, l'expert soulignant qu'un tel lot ne pouvait exister que dans le cas d'une charpente traditionnelle (rapport page 35).

Si des doutes ont, par ailleurs, été émis sur la portée d'un courrier administratif en date du 19 novembre 1987 (pièce 7 [M]) répondant à une demande de Monsieur [W] de reconsidérer la superficie prise en compte pour la taxe locale d'équipement (128,70m²), ce courrier ne fait, en réalité, que conforter l'existence de combles aménageables, puisqu'il reprend strictement les surfaces prévues dans la demande de permis de construire. La superficie de 128,70m² figure encore sur la déclaration d'achèvement des travaux du 1er décembre 1987 (pièce 9 [M]), ce qui montre que le permis de construire n'a pas été modifié à cet égard. La demande de permis de construire modificatif du 25 février 1987 (pièce 10 [M]) n'a eu pour objet que l'ajout de 2 vélux en façade arrière sur la toiture, et de 2 lucarnes sur toiture en façade avant, ce qui s'intègre manifestement dans un projet d'aménagement des combles.

Le certificat de conformité a été délivré le 12 juin 1990.

Le procès verbal de réception produit aux débats en copie (pièce 4 [M]) n'a fait l'objet d'aucune contestation ni réserve, tant pendant l'expertise, qu'au cours de la procédure engagée après l'expertise, bien qu'il soit établi sur papier libre (sans en-tête de l'entreprise) et qu'il ne supporte pas la signature du représentant de la SOCIETE MAISONS PIERRE, contrairement aux dispositions de l'article 14 du contrat de construction, qui prévoit la remise des clefs après signature du procès verbal de réception par les maîtres d'ouvrage ET le constructeur. Il est évoqué dans l'acte authentique de vente des époux [W] aux époux [M] en date du 11 mars 1991 (page 6). Il a été signé par les époux [W], sans aucune réserve, le 24 novembre 1987, ce qui signifie que ceux ci ont considéré que le bien immobilier livré était conforme à la maison prévue au contrat avec des combles aménageables. Une telle situation implique que le plancher était déjà libre au premier étage et que les contreventements liés à la charpente industrielle avaient déjà été sciés, soit sur l'initiative de l'entreprise chargée du lot charpente, soit sur l'initiative du constructeur de maisons individuelles.

Ainsi qu'il a été énoncé par les premiers juges, l'hypothèse d'une mutilation de la charpente par Monsieur et Madame [W] ne peut être raisonnablement admise en l'absence de réserves à la réception et parce qu'une telle attitude (mettant en cause les droits des acquéreurs, la pérennité de l'ouvrage et la sécurité des occupants) est incohérente avec la prise de possession d'un bien immobilier neuf censé présenter toutes garanties.

Aucun élément ne permet d'identifier exactement la personne physique ou morale ayant pris l'initiative de modifier la charpente par amputation (suppression des contreventements), cette modification ayant eu pour seul objectif de dissimuler qu'une charpente industrielle avait été fournie et posée au lieu d'une charpente traditionnelle.

Il ne peut donc pas être reproché à la SOCIETE MAISONS PIERRE d'avoir délibérément ordonné ou réalisé la modification de la charpente, puisque la connaissance de l'époque de cette modification (avant la prise de possession par les époux [W]) ne signifie pas la connaissance de ses circonstances exactes. Dans son rapport (page 42), l'expert indique que 'la modification sauvage' a pu être effectuée à l'insu de la SOCIETE MAISONS PIERRE et des maîtres d'ouvrage, ce qui signifie que l'initiative n'en revient pas nécessairement à cette société.

Il est donc reproché à la SOCIETE MAISONS PIERRE d'avoir, postérieurement à la 'modification sauvage' effectuée, en sa qualité de professionnelle de la construction, sciemment livré un bien immobilier neuf affecté d'une non conformité (charpente industrielle modifiée), mettant en cause les caractéristiques de l'immeuble ainsi que sa pérennité et sa sécurité. S'il peut être retenu que la SOCIETE MAISONS PIERRE a eu recours à des entreprises par corps de métier pour réaliser la maison ARIA 811 et, notamment, à une entreprise chargée du lot charpente, elle ne peut prétendre qu'elle serait restée dans l'ignorance de la modification effectuée parce qu'elle a, d'une part, assuré le suivi du chantier et la coordination des différents corps de métiers et, d'autre part, présidé à la livraison de la maison et la remise des clefs. La pose d'une charpente industrielle et non traditionnelle ne pouvait passer inaperçue en cours de chantier, puisqu'elle était visible du fait que sa structure remplissait les combles, en parfaite contradiction avec les plans et la description de la maison vendue. L'examen des lieux préalablement à la réception et lors de la réception, dans le prolongement du suivi de chantier, ne pouvait manquer de révéler la modification de la structure réalisée sur la charpente par le sciage des contreventements des fermettes et les insuffisances du plancher, qui n'était pas destiné à supporter des combles habitables.

C'est la stabilité de l'ensemble de la structure qui était directement mise en cause, étant souligné que le constructeur ne pouvait ignorer le projet d'aménagement des combles de Monsieur et Madame [W] puisque ceux ci avait déposé une demande de permis de construire modificatif à cette fin (vélux et lucarnes).

La SOCIETE MAISONS PIERRE a donc remis les clefs de la maison à Monsieur et Madame [W], sans rien dire, ce qui caractérise une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles, dont les acquéreurs ne pouvaient se rendre compte puisque la maison était, en apparence, conforme pour des profanes.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute dolosive imputable à la SOCIETE MAISONS PIERRE.

Il est soutenu par Monsieur et Madame [A] que Monsieur et Madame [W] ont également commis une réticence dolosive à l'égard de leurs acquéreurs, Monsieur et Madame [M], et que ceux-ci ont, à leur tour, commis une réticence dolosive à leur égard.

Pour invoquer une faute dolosive de Monsieur et Madame [W], lors de la vente aux époux [M], ils soutiennent que les vendeurs connaissaient le vice affectant l'immeuble, car ils y avaient habité plusieurs années et avaient effectué des travaux d'aménagement des combles, qu'ils n'ignoraient pas les désordres affectant la charpente et lui conférant un caractère dangereux et qu'ils avaient d'ailleurs sollicité une modification de la surface prise en compte pour le calcul de la taxe locale d'équipement.

La connaissance du vice affectant l'immeuble ne peut simplement résulter du fait que Monsieur et Madame [W] y ont résidé et y ont effectué des travaux d'aménagement entre 1988 et 1990 (cloisonnement, électricité et fenêtres de toit). Il n'est aucunement démontré que l'éventuelle découverte de traces de sciage sur la charpente leur ait permis de comprendre qu'il y avait eu fourniture et installation d'une charpente industrielle, qui avait été camouflée en charpente traditionnelle permettant la création de combles aménageables, étant rappelé que, jusqu'à la date de la vente de la maison, ils étaient toujours bénéficiaires de la garantie décennale (pièce 5 [M]) et de l'assurance dommages ouvrage souscrite auprès de la SMABTP (acte notarié du 11 mars 1991 - page 6). De même, le courrier administratif du 19 novembre 1987 (pièce 7 [M]), afférent à une demande de modification de la taxe locale d'équipement, n'est pas significatif de la connaissance d'un vice quelconque, Monsieur et Madame [W] ayant pu simplement remettre en cause le calcul de la surface parce que les combles n'étaient pas encore aménagés à cette époque (le document constituant la réponse à un courrier du 28 septembre 1987, donc antérieur à la réception).

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté la connaissance des désordres par Monsieur et Madame [W].

La responsabilité de Monsieur et Madame [W] est encore invoquée, sans attitude dolosive, sur le seul fondement d'une faute non intentionnelle au visa de l'article 1383 du code civil (conclusions page 16), la faute ayant consisté à poser des fenêtres et lucarnes, ce qui a contribué à l'affaissement de la toiture puisque celle-ci était posée sur une structure inadaptée.

La mise en oeuvre des articles 1382 et 1383 du code civil implique qu'une faute soit caractérisée et qu'elle ait causé un dommage en rapport avec cette faute.

L'attitude fautive de Monsieur et Madame [W] ne peut être caractérisée du seul fait qu'ils ont aménagé les combles et la toiture, dès lors que ces combles étaient aménageables pour des profanes : leur négligence ou leur imprudence n'est pas démontrée . Surtout, les aménagements fautifs invoqués ne sont pas en rapport causal direct avec l'affaissement de la toiture, étant souligné que cet affaissement n'a été détecté qu'en 2006, lors des opérations d'expertise, et que la cause exacte de cet affaissement est la mutilation de la toiture, les bricolages intervenus dans la maison étant strictement usuels. Sans la mutilation de la toiture, les fenêtres de toiture, même mal posées, n'auraient eu aucune incidence sur la structure supérieure de la maison. Enfin, il ne résulte pas de l'acte de vente du 4 avril 2005 que le bien immobilier vendu devait toujours être considéré comme neuf et conforme aux normes en vigueur.

Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité prévue par les articles 1382 et 1383 n'étant pas remplies les prétentions de Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] énoncées contre Monsieur et Madame [W] à ce titre doivent être rejetées.

Pour invoquer un comportement dolosif commis à leur préjudice par Monsieur et Madame [M], Monsieur et Madame [A] font valoir que leurs vendeurs étaient manifestement au courant de l'état dans lequel se trouvait la maison, puisqu'ils y avaient vécu pendant 14 années, qu'ils avaient installé deux chien-assis sur le versant avant de la toiture et que l'étage était vide de tout meuble lorsqu'ils avaient visité la maison. Ils considèrent, en conséquence, que Monsieur et Madame [M] leur ont sciemment dissimulé le caractère dangereux des lieux.

Il est certain que l'absence de meubles à l'étage ne peut que concrétiser une difficulté sur le caractère habitable des combles. Mais cette absence de meubles était parfaitement visible et n'interdisait nullement aux éventuels acquéreurs de déambuler sur le plancher pour se rendre compte qu'il était anormalement flexible. Dans le constat d'huissier dressé le 19 août 2005, quelques mois après la vente, l'huissier indique que 'sous simple pression du pied, le plancher s'affaisse....' (pièce 8 [A]). Le caractère anormal du plancher et son corollaire, la flèche du plafond du salon (meublé lors de la visite), n'ont donc pas été dissimulés aux acquéreurs, qui ne prétendent d'ailleurs pas, que pour une raison quelconque donnée par les vendeurs, ils n'auraient pas éprouvé le besoin de marcher sur le plancher des combles supposés habitables. Il doit être relevé que l'existence de désordres affectant une maison ne signifie pas que les occupants ont conscience de la gravité de ces désordres, le fait qu'ils y aient habité de nombreuses années pouvant simplement s'analyser comme une marque de confiance dans la pérennité de la construction. S'il n'est pas nécessaire que l'origine d'un désordre soit connue pour caractériser une attitude dolosive, encore faut il que les vendeurs aient conscience que les désordres présentent une gravité telle que la vente ne serait pas intervenue, ou à des conditions très différentes, si les acquéreurs en avaient été informés. En l'occurrence, il n'est nullement démontré que Monsieur et Madame [M] aient su que les combles étaient structurellement inhabitables et la toiture susceptible d'effondrement du fait du caractère mutilé de la charpente. S'il y avait effectivement des désordres visibles pour les occupants, ils pouvaient croire qu'il pourrait y être remédié par de simples travaux usuels de remise en état ou de renforcement, sans nécessité d'une mise en garde particulière dans le cadre d'une vente immobilière.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté l'existence d'une attitude dolosive de Monsieur et Madame [M]. La preuve de la dissimulation d'un désordre substantiel du fait de sa gravité connue n'est, en effet, pas rapportée.

Sur les réparations nécessaires;

L'expert explique qu'il est nécessaire de procéder à une réparation structurellement complète portant à la fois sur le plancher haut du rez de chaussée et sur la charpente (rapport page 42). Sur la base d'un devis de la SARL CABRITA en date du 5 octobre 2010, correspondant à un devis rectifié du 7 juillet 2008 (pièce 16 [A]), prévoyant notamment la pose d'une charpente traditionnelle, il évalue les travaux de reprise nécessaires à la somme totale de 99118,84€ HT comprenant les travaux de démolition et gros oeuvre (80204,82€) et les doublages et cloisonnements intérieurs (18914,02€).

Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] sollicitent qu'un devis quasi- identique de la SARL CABRITA, actualisé au 8 octobre 2014, soit retenu pour un montant total de 117 762,24€ HT correspondant aux travaux de démolition et gros oeuvre pour 95 339,67€ (déduction faite d'un vélux pour qu'il y ait concordance exacte avec les sommes retenues en valeur 2010) et aux doublages et cloisonnements intérieurs pour 21650,20€ HT, ce qui concrétise une augmentation des prix de près de 19% sur 4 ans, l'évolution de l'indice BT01 sur la même période étant de 8% (soit indice 105,10 en octobre 2014, c'est à dire 880,75 sur l'ancienne base, après application du coefficient de raccordement de 8,3802, par rapport à un indice de 815,50 en juillet 2008).

L'analyse du devis actualisé fait apparaître des augmentations de caractère aléatoire allant de 2,60% (réalisation d'un faux plafond) à 24% pour la charpente traditionnelle , 21% pour la couverture en tuiles, 22% pour l'isolation des plafonds, 16% pour la réalisation d'un plancher béton allégé. Ces augmentations de prix, parcellaires, sans aucune concordance avec l'évolution de l'indice BT01 pour la même période, non confortées par la production de devis similaires établis par d'autres entreprises ne permettent pas de retenir le devis actualisé de la SARL CABRITA, car sa concordance avec l'état du marché n'est pas démontrée.

Le jugement doit donc être confirmé en ce que la SOCIETE MAISONS PIERRE a été condamnée à payer à Monsieur et Madame [A] la somme de 104 570,38€ TTC (soit 99118,84€ HT ) sur la base du devis CABRITA du 5 octobre 2010 avec indexation sur l'évolution de l'indice BT01 depuis juillet 2008 jusqu'à la date du jugement (3 février 2015) au titre des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres affectant la charpente.

Sur le préjudice de jouissance des consorts [A];

Monsieur [K], expert, a proposé d'évaluer ce préjudice à un quart de la valeur locative mensuelle de la maison (soit 325€ par mois), car celle-ci est partiellement inutilisable du fait des désordres afférents à la charpente (rapport page 42).

Cette modalité d'évaluation n'a pas été critiquée.

Les consorts [A] considèrent que leur préjudice de jouissance doit être pris en considération depuis leur entrée dans les lieux (5 avril 2005) jusqu'au mois de février 2015, date du jugement, ce qui représente 118 mois, soit :

118mois X 325€ = 38 350€

Le fait qu'un délai de 17 mois ait été déduit de la durée du préjudice de jouissance parce qu'aucune diligence n'a été entreprise entre le dépôt du rapport d'expertise (14 septembre 2011) et les assignations introductives d'instance en février 2013 ne peut justifier une réduction du préjudice, dès lors que le risque des aléas normaux de la procédure incombe au responsable du dommage et que la victime a droit à la réparation intégrale du préjudice subi, peu important qu'elle n'ait pas agi avec une efficacité optimale.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'une durée de 17 mois a été retranchée du préjudice de jouissance invoqué en raison d'un manque de diligence reproché aux demandeurs. Le préjudice de jouissance doit donc être évalué à la somme de 38 350€ au lieu de 24 700€.

Sur le préjudice induit par le manque d'isolation résultant des désordres de charpente;

Les consorts [A] sollicitent une somme globale de 10 000€ pour une sur-consommation électrique, qui résulterait, tant des désordres de la charpente, que de la non conformité du réseau électrique.

Les consommations électriques enregistrées sur la période de mars 2006 à mars 2011 et leur comparaison avec une consommation type pour une maison de 100m² (pièces 21 et 22 [A]) ne permettent cependant pas d'établir un lien caractérisé entre les consommations enregistrées et les problèmes de charpente, car les conditions de la consommation type indiquée par un site EDF ne sont nullement précisées, alors qu'elles dépendent manifestement des aléas météorologiques et des conditions d'utilisation de la maison (nombre de personnes et utilisation des ouvrants). Si les défauts structurels ont été mis en évidence par l'expert, celui-ci n'a pas évoqué un quelconque problème d'isolation des combles pour une toiture posée en 1987.

Ce poste de préjudice doit donc être rejeté, et le jugement confirmé à ce titre, en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [A] de leurs prétentions en paiement d'une somme de 8000€ pour la sur-consommation électrique induite par les désordres de charpente (et les défauts de l'installation électrique).

Sur le préjudice moral invoqué par les consorts [A];

Le préjudice moral invoqué par les consorts [A] n'est contesté par la SOCIETE MAISONS PIERRE que dans la mesure où une ré-actualisation ou majoration est sollicitée en cause d'appel. En l'occurrence, les consorts [A] considèrent que le préjudice moral subi doit être évalué à la somme de 30 225€ chacun (au lieu de 5000€ globalement), car Madame [U] [A] et ses deux enfants ont été privés de vie sociale ou limités dans leur vie sociale et qu'ils ont vécu dans un inconfort permanent.

Aucune attestation n'a été produite confortant la situation d'inconfort (social) invoquée. Il n'a pas plus été justifié par un document quelconque de la domiciliation effective de deux enfants dans les lieux. Si l'expert a pris en compte le fait qu'une partie de la surface du pavillon ne pouvait être utilisée, il n'a pas fait état d'un confort amoindri, de façon significative, pour la partie utilisable du bien immobilier. Le préjudice moral, distinct du préjudice de jouissance résultant de l'impossibilité d'habiter toute la surface, ne peut résulter que du fait de savoir que la structure supérieure de la maison est anormalement fragile et qu'il va falloir entreprendre des travaux importants.

Il doit, d'autre part, être noté que les conditions du rachat par Monsieur [A] (frère de Madame [A]) de la part indivise de Monsieur [R] (acquéreur initial) par acte authentique en date du 23 avril 2007 (rapport page 18 - pièces communiquées le 27 septembre 2007) ne sont pas démontrées, puisque l'acte concerné n'a pas été produit aux débats. Les indications figurant sur les conclusions montrent, par ailleurs, que Monsieur [A] n'est pas domicilié dans la maison.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a évalué le préjudice moral à la somme globale de 5000€ pour les consorts [A].

Sur les désordres afférents à l'installation électrique, les réparations nécessaires et leur imputabilité;

Leur existence n'est pas contestée. Ils résultent des constatations effectuées par l'expert, qui a relevé les désordres suivants (rapport page 37) :

- absence de prise à la terre en RDC sur terre plein et carrelage;

- câbles noyés directement dans le plâtre au RDC;

- épissures à la place de dominos dans des boîtes de dérivation tant au RDC qu'en étage.

Monsieur [K] expert a préconisé des travaux de remise en état d'un montant total de 12984,40€ TTC (rapport page 43) correspondant aux postes suivants:

- réparation des lignes de distribution électrique au rez de chaussée (3398,16€),

- remise en peinture plafonds et hauts mur du rez de chaussée (3308,99€),

- re-construction du réseau électrique de l'étage (6277,25€).

Les consorts [A] contestent la somme retenue par les premiers juges sur la base du rapport d'expertise (12984,40€) en faisant valoir que cette évaluation repose sur des devis anciens (devis [Q] [U] du 24 septembre 2007 et devis NUANCE 3 du 21 septembre 2005). Ils sollicitent la prise en compte du devis de la SARL CABRITA du 8 octobre 2014 (pièce 17 [A]) pour un montant total de 39 810,42€ TTC, ce qui correspond aux postes suivants :

- réfection installation électrique du rez de chaussée et premier étage...................20 566€ TTC

- travaux de peinture des murs et plafonds du rez de chaussée............................. 19 244,42€ TTC.

La somme ainsi réclamée au titre des mêmes travaux représente une augmentation de plus de 300% des devis établis en 2005 et 2007, étant relevé que l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction depuis septembre 2005 (indice 691,50) jusqu'au mois d'octobre 2014 (880,75) s'établit à 27,36%, ce qui est sans commune mesure avec l'augmentation consacrée par le devis de la SARL CABRITA et met directement en cause la concordance de ce devis avec l'état du marché. En l'absence d'autres devis, qui conforteraient les prix pratiqués par la SARL CABRITA, l'évaluation proposée par l'expert sera retenue.

Les consorts [A] sollicitent, par ailleurs, le remboursement de travaux de mise en conformité du réseau électrique qu'ils auraient engagés en octobre 2005 pour un montant de 5865,80€ TTC (pièce 19 [A] - rapport expert page 12). La facture invoquée, en date du 18 octobre 2005, est établie au nom de Monsieur [R] et Madame [T] (Madame [A]). Il doit, d'abord, être relevé que les consorts [A] ne démontrent pas qu'ils ont réglé cette facture, puisque Monsieur [R] figure sur le libellé de la facture et qu'il a vendu sa part indivise du bien immobilier, sans que les conditions exactes de cette vente aient pu être vérifiées, faute de production de l'acte notarié. La facture apparaît, d'autre part, sujette à caution en la forme, car sa deuxième page se présente purement et simplement comme un devis avec la mention 'copie à renvoyer signé' et '45% payable à la commande'. Il n'a pas été justifié du règlement effectif de cette facture. L'examen des postes de la facture permet, d'autre part, de relever qu'un certain nombre de postes ne sont pas directement en rapport avec un risque pour la sécurité (reprise de l'éclairage garage pour des fils coupés, fourniture de deux alimentations pour de l'extension au dessus du garage, fourniture et remplacement de la VMC, fourniture et/ou suppression de prises dans la cuisine, déplacement d'un convecteur dans la chambre d'enfant...). La facture ne fait pas mention de prix poste par poste mais seulement de main d'oeuvre (sans préciser les heures) et de matériel.

La demande de remboursement de cette facture n'a pas été présentée au cours des opérations d'expertise, ce qui n'a pas permis à Monsieur [K] de donner un avis éclairé sur les travaux qui étaient effectivement nécessaires pour des raisons de sécurité et sur leur réalisation. Pour l'ensemble de ces raisons, la demande de remboursement de cette facture (demande non sollicitée en première instance) doit être rejetée.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fixé les travaux de reprise de l'installation électrique et les accessoires qui en sont le corollaire à la somme de 12984,40€ avec indexation depuis le mois de juillet 2008 jusqu'à la date du jugement.

L'expert n'a pas énoncé d'éléments permettant de retenir un préjudice de surconsommation induit par la non conformité de l'installation électrique et les pièces communiquées ne permettent pas de démontrer l'existence d'un tel préjudice. Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions énoncées au titre des frais d'électricité supplémentaires (demande fixée à 8000€ en premier ressort et 10 000€ en appel - il s'agit de la même demande que pour le défaut d'isolation de la charpente).

Le réseau électrique des combles, ou premier étage, ne peut être de l'époque de la construction de la maison, puisque les combles ont été aménagés par les premiers acquéreurs. L'expert note pour le rez de chaussée que le câblage d'origine semble avoir été partiellement remplacé par des câbles non gainés et raboutés grossièrement, afin de desservir des prises supplémentaires. Il qualifie les interventions sur le réseau électrique de travail d'amateur n'ayant pas respecté les normes et réglementations en vigueur.

La SOCIETE MAISONS PIERRE n'est donc pas en cause du chef de ce désordre.

L'expert a proposé de retenir la responsabilité de Monsieur et Madame [W] parce qu'ils avaient procédé à l'installation électrique dans les combles et modifié l'installation du rez de chaussée, tandis que Monsieur et Madame [M] avaient eux-mêmes au moins procédé au branchement de nouveaux radiateurs sur une installation manifestement non conforme et sans respecter les règles en la matière.

Monsieur et Madame [W] n'ont pas contesté la condamnation (désormais définitive) prononcée à leur encontre à ce titre (12984,40€) in solidum avec Monsieur et Madame [M].

Ainsi qu'il est soutenu par Monsieur et Madame [M], il n'est pas démontré qu'ils soient à l'origine des non conformités de l'installation électrique, puisqu'ils n'ont fait que procéder à de nouveaux branchements ou à des aménagements limités sur l'installation existante. Le fait que l'expert qualifie ces interventions de fautives (rapport page 40) ne suffit pas à engager leur responsabilité, dès lors qu'ils n'ont pas de qualification particulière dans les installations électriques et qu'il n'est pas démontré qu'ils pouvaient apprécier la portée technique des défauts constatés, s'agissant de simples remaniements de l'installation déjà en place. En page 37 de son rapport, l'expert note, d'ailleurs, que les défauts constatés au rez de chaussée sont très similaires à ceux qui ont été relevés au premier étage, lequel étage a été aménagé, pendant que Monsieur et Madame [W] en étaient propriétaires.

Il sera noté, à titre surabondant, que la vente du 4 avril 2005 n'a pas porté sur un bien immobilier neuf, qui aurait dû être conforme aux normes en vigueur, étant rappelé que le dol n'est invoqué qu'au sujet de la charpente.

Le jugement doit donc être infirmé en ce que les prétentions énoncées contre Monsieur et Madame [M] au titre de l'installation électrique doivent être rejetées . La condamnation à ce titre ne subsiste donc que pour Monsieur et Madame [W].

Sur les prétentions de Monsieur et Madame [W] à l'encontre de la SOCIETE MAISONS PIERRE pour appel dilatoire;

Il n'est pas douteux que l'appel interjeté par la SOCIETE MAISONS PIERRE a pu susciter des inquiétudes légitimes pour Monsieur et Madame [W], en particulier parce que cette société met en cause leur sincérité pour les désordres de la charpente (conclusions page 9). Mais cet appel ne peut être considéré, ni comme dilatoire, ni comme abusif, car l'imputation d'un dol est d'autant plus complexe et discutable que les faits en litige remontent à plus de 20 ans et que tous les documents afférents à la construction n'ont pu être produits aux débats (notamment la notice complète). Les prétentions en dommages intérêts énoncées contre la SOCIETE MAISONS PIERRE à ce titre doivent donc être rejetées.

Sur les prétentions accessoires;

Il est équitable de condamner la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer aux consorts [A] une somme de 7000€ outre une somme de 2000€ à Monsieur et Madame [M], d'une part, et Monsieur et Madame [W], d'autre part.

Les dépens incomberont à la SOCIETE MAISONS PIERRE puisqu'elle succombe dans ses prétentions afférentes aux désordres de charpente.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- CONFIRME le jugement pour :

' la recevabilité de l'action contractuelle pour faute dolosive engagée par Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] contre la SOCIETE MAISONS PIERRE

' la condamnation de la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer les travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres de la charpente (soit 104 570,38€ TTC valeur juillet 2008 outre indexation sur l'indice BT01 jusqu'à la date du jugement);

' le rejet des prétentions énoncées par Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] à l'encontre de Monsieur et Madame [W] et de Monsieur et Madame [M] pour les désordres de la charpente;

' la condamnation prononcée contre Monsieur et Madame [W] au titre de l'installation électrique ( non contestée par les intimés);

' la condamnation de la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer à Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] une somme de 5000€ en réparation du préjudice moral subi;

' le rejet des prétentions de Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] pour la sur-consommation électrique (demande de 8000€ en premier ressort portée à 10000€ en appel);

- INFIRME le jugement pour le surplus;

Statuant à nouveau;

- CONDAMNE la SOCIETE MAISONS PIERRE à payer à Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] une somme de 38 350€ en réparation du préjudice de jouissance subi;

- DEBOUTE Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] de leurs prétentions énoncées contre Monsieur et Madame [M], au titre des désordres affectant l'installation électrique;

- DEBOUTE Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A] de leur demande de remboursement d'une facture de travaux électriques du 18 octobre 2005;

- DEBOUTE Monsieur et Madame [W] de leurs prétentions en dommages intérêts énoncées contre la SOCIETE MAISONS PIERRE pour appel dilatoire;

- CONDAMNE la SOCIETE MAISONS PIERE à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

. une somme de 7 000€ à Monsieur [G] [A] et Madame [U] [A];

. une somme de 2 000€ à Monsieur et Madame [M],

. et une somme de 2 000€ à Monsieur et Madame [W];

- CONDAMNE la SOCIETE MAISONS PIERRE aux dépens avec distraction au profit de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE & BOTHOREL et associés (conseil des consorts [A]), de la SCP IMBERT & ASSOCIES (conseil époux [M]) et de Maître Sylvie MONTERO (conseil époux [W]) conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/10285
Date de la décision : 24/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°15/10285 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-24;15.10285 ?
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