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23/03/2017 | FRANCE | N°15/08785

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mars 2017, 15/08785


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 23 Mars 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08785



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 13/10724





APPELANTE

SAS PROTEINES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine OLIVE, avocat au barreau de PARIS, toque C 1189
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INTIMEE

Madame [A] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167



COMPOSITION DE LA COUR :





L'a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 23 Mars 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08785

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 13/10724

APPELANTE

SAS PROTEINES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine OLIVE, avocat au barreau de PARIS, toque C 1189

INTIMEE

Madame [A] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [V] a été engagée par la société Protéïnes à compter du 1er mars 2010 en qualité de directrice générale opérationnelle, statut cadre, niveau 4.5.

La société Protéïnes est une agence de communication spécialisée dans le domaine de la nutrition et de la santé, qui emploie plus de onze salariés et applique la convention collective des entreprises de publicité.

Le salaire prévu au contrat est de 125.000 euros bruts annuels, augmentés d'une part variable. Mme [V] revendique après calcul du variable, un salaire mensuel de 13.255,97 euros bruts.

Le 9 juillet 2013, Mme [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur, pour le non paiement des heures supplémentaires et du variable depuis l'embauche.

Le 11 juillet 2013, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 juillet 2013 et licenciée le 14 août 2013 pour motif économique après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle le 30 juillet 2013.

Par jugement rendu le 25 août 2015, le conseil des prud'hommes a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 25 août 2015,

- condamné la société SAS Protéïnes à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

* 10.000 euros au titre du variable 2010-2011

* 5.000 euros au titre du variable 2011-2012

* 15.000 euros au titre du variable 2012-2013

* 108.000 euros au titre des heures supplémentaires

* 10.800 euros au titre des congés payés afférents

* 45.000 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos

* 37.500 euros au titre de la clause de non démarchage

* 75.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté Mme [V] de ses autres demandes,

- condamné la société SAS Protéïnes aux dépens.

La société Protéïnes a interjeté appel du jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Protéïnes demande à la cour de :

A titre principal,

- surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale concernant sa plainte déposée pour faux,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement du 25 août 2015 en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

- très subsidiairement, limiter le montant des condamnations,

- condamner Mme [V] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, Mme [V] demande à la cour de :

- rejeter la demande de sursis à statuer,

- confirmer partiellement le jugement du 25 août 2015,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'i1 a prononcé la résiliation judiciaire du contrat mais à la date du 13 août 2013 pour non paiement de 1.669 heures supplémentaires et non paiement intégral du salaire variable,

A titre subsidiaire,

- dire le licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse,

En tous cas,

- condamner la société Protéïnes à lui verser les sommes suivantes :

* 10.000 euros au titre du variable 2010-2011

* 5.000 euros au titre du variable 2011-2012

* 15.000 euros au titre du variable 2012-2013

* 158.042,46 euros au titre des heures supplémentaires

* 15.804,24 euros au titre des congés payés afférents

* 30.000 euros au titre de dommages-intérêts pour non paiement de salaires

* 69.311,85 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos

* 72.035,82 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

* 39.767,91 euros au titre du préavis

* 3.976,79 euros au titre des congés payés afférents

* 250.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour non respect de l'ordre des licenciements

* 72.030 euros au titre de la clause de non concurrence

* 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la demande de sursis à statuer

La société Protéïnes expose qu'elle a porté plainte pour faux, aux fins de contester l'authenticité des pièces 11, 13 et 15 communiquées par Mme [V] qui entend faire valoir ses droits en matière d'heures supplémentaires.

Mme [V] s'oppose à la demande au motif que les pièces communiquées correspondent à son agenda électronique personnel alors que la société Protéïnes se prévaut de l'agenda électronique du bureau.

En droit, l'article 4 du code de procédure pénale n'impose pas la suspension de la procédure civile même si la décision pénale est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil.

En l'espèce, la cour est en mesure d'apprécier le contenu et la portée des pièces communiquées par Mme [V] au soutien de sa demande en paiement de rappels de salaires, sans qu'il soit nécessaire d'attendre les suites de la plainte déposée le 28 décembre 2016 auprès du parquet du tribunal de grande instance de Paris, plainte dont il convient au demeurant de relever son caractère particulièrement tardif au regard de l'instance engagée par la salariée dès le 9 juillet 2013 et l'audience tenue devant le conseil des prud'hommes de Paris le 27 juillet 2015.

La demande de sursis à statuer n'apparaît ni fondée ni opportune, et doit être rejetée.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

En droit, lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de 1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante ; dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, Mme [V] a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail sur le fondement de deux manquements imputés à la société Protéïnes, le non paiement des heures supplémentaires et le non paiement du variable depuis l'embauche.

Ces griefs doivent être examinés successivement.

S'agissant du non paiement des heures supplémentaires :

A l'appui de son appel, la société Protéïnes fait valoir que Mme [V] disposait du statut de cadre dirigeant, de sorte qu'elle ne peut pas exciper du non paiement d'heures supplémentaires. Elle précise que

Mme [V] a remplacé Mme [R] qui avait déjà la qualité de dirigeante, qu'elle disposait d'une large autonomie, percevait la rémunération la plus élevée, disposait d'une classification 4.5 hors classe, et faisait partie de la direction générale de l'entreprise, avec M. [P] qui exerçait un rôle essentiellement scientifique.

En réplique, Mme [V] conteste le statut de cadre dirigeant pour la période antérieure au 1er novembre 2012, date de la signature d'un avenant qui lui reconnaît cette qualification. Elle estime que les heures supplémentaires lui sont dues depuis son embauche jusqu'à novembre 2012 et soutient que son poste de directrice générale opérationnelle était limité au domaine commercial, ce qui exclut sa participation à la stratégie de l'entreprise, contrairement à M. [P] qui s'occupait des bilans prévisionnels. Elle précise qu'elle était placée sous l'autorité des deux co-présidents, M. [J] et M. [H] et que la société entretient une confusion entre la SAS Protéïnes et Protéïnes Paris qui n'est qu'une direction commerciale et non une structure juridique indépendante.

Il doit être rappelé qu'en application de l'article L.3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants non soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

En l'espèce, les pièces versées aux débats par les parties ne laissent pas d'incertitude sur le fait que Mme [V] dispose depuis son embauche de la qualité de cadre dirigeant.

Cette situation de fait ressort en premier lieu de l'examen de tous les messages électroniques que Mme [V] produit à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

A la lecture des messages, il ne fait aucun doute que Mme [V], qui a été embauchée comme directrice générale opérationnelle de la société Protéïnes, exerce une action déterminante et centrale au sein de la société puisqu'elle constitue le point d'attache des collaborateurs sur les questions concernant la conduite de l'entreprise : validation des actions proposées par les équipes commerciales, représentation de la société pour la signature des contrats, pilotage des séminaires et des réunions, contrôle des budgets des programmes.

Son agenda confirme qu'elle participe aux points d'équipe comme aux rendez-vous avec les clients, à [Localité 1] comme en province, ce qui la conduit à faire de nombreux déplacements, participant également aux réunions de direction depuis son embauche.

En particulier, il ressort d'un mail du 23 novembre 2011 que Mme [V] est associée à la mise en oeuvre des comités de direction du groupe, associant Protéïnes Paris et Protéïnes Bruxelles, et qu'elle est chargée de la représentation de Protéïnes Paris dans ce comité.

Des messages révèlent également qu'elle participe aux discussions sur le choix et la fixation du salaire des collaborateurs (mails du 28 mars 2012, 15 juin 2012).

La société Protéïnes produit plusieurs évaluations de collaborateurs occupant des postes de directeurs conseils, dont il ressort que Mme [V] N+2 valide la note proposée par le N+1.

Elle représente la direction de l'entreprise au sein des institutions représentatives du personnel (mail de

M. [J] du 23 novembre 2011).

Elle dispose des informations les plus larges sur la société, émanant des équipes qui lui rendent compte, comme des intervenants extérieurs, tels M. [J] et M. [H] co-présidents de Protéïnes Groupe, dirigeants de la holding.

Plusieurs mails sont produits par Mme [V], faisant ressortir les liens entretenus avec M. [J], co-président du Groupe, qui, loin de remettre en cause sa position de cadre dirigeant, confirment qu'en cette qualité, elle communique les informations dont elle a la maîtrise.

Pour soutenir qu'elle est soumise à l'autorité hiérarchique de M. [J] et de M. [H], Mme [V] fait valoir que la société entretient une confusion entre la SAS Protéïnes et Protéïnes Paris qui ne serait qu'une direction commerciale.

Or les documents qu'elle produit, comme l'ensemble des pièces de la procédure, démontrent que la SAS Protéïnes est une structure juridique indépendante, immatriculée au registre du commerce de Paris, co-dirigée par M. [P] et une autre directrice générale.

Dans les documents communiqués, il s'agit de Mme [E] mais la pièce fait état de la situation de la société sur l'année 2015-2016, alors que Mme [V] qui a été licenciée en août 2013 a été remplacée depuis cette date. De la même manière, Mme [V] communique un extrait d'une seule page du procès-verbal de désignation de M. [P] comme directeur général mais cet extrait est postérieur au licenciement de Mme [V], comme étant daté du 24 mars 2014.

Il sera encore relevé que Mme [V] signe ses messages en qualité de directrice générale de la société Protéïnes, est associée aux informations concernant le budget de la société (mail du 8 juin 2010, compte-rendu de la réunion du 9 décembre 2011, messages concernant notamment les supports financiers et bancaires).

Pour argumenter sa demande, Mme [V] soutient par ailleurs qu'elle devait obtenir l'autorisation de sa hiérarchie pour ses départs en congés.

Or, les deux mails qu'elle produit, correspondent à des mails d'information sur des dates de congés dont elle a pris l'initiative, sans autorisation préalable. Il sera rappelé que le statut de cadre dirigeant n'exclut pas la nécessité d'informer les personnes avec lesquelles Mme [V] travaille, comme cela est visé dans le message du 31 mai 2013.

La cour relève en outre que les mails communiqués par Mme [V] concernant des congés (la journée du 31 mai 2013 et les congés d'été 2013) sont postérieurs à l'avenant du 29 octobre 2012, alors qu'à cette date la qualité de cadre dirigeant de Mme [V] ne fait plus aucun doute puisqu'elle a été entérinée par l'avenant au contrat de travail.

La société Protéïnes communique d'ailleurs les formulaires de demande de congés remplis par les salariés, soumis à autorisation, auxquels Mme [V] n'a jamais eu recours.

L'ensemble des pièces produites par Mme [V] démontre ainsi qu'elle disposait d'une totale indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, et participait à la direction de l'entreprise.

Cette situation correspond aux stipulations de son contrat de travail du 1er mars 2010 qui lui reconnaît en qualité de directrice générale opérationnelle, des attributions très larges qui correspondent au pilotage de la société.

Plus précisément, le contrat comporte une énumération détaillée de ses fonctions, en ce qu'elle :

- 'initiera et conduira l'ensemble de l'activité commerciale de l'entreprise', auprès des clients et des prospects, 'en définissant et pilotant la stratégie de développement commercial en lien avec le groupe',

- animera l'ensemble des équipes et veillera au bon management de chacun : qualité de prestation, capacité à développer des démarches de fond et à prend en compte les enjeux spécifiques de l'univers du groupe, esprit d'appartenance, capacité à progresser au sein de la structure etc.

- veillera à la qualité stratégique des recommandations et à l'efficacité des actions préconisées,

- aura la charge de la gestion de l'agence, des budgets et du reporting financier en relation avec les services du groupe'.

Mme [V] se voit reconnaître le statut cadre, niveau 4.5, alors que l'annexe II de la convention collective des entreprises de publicité définit le plus haut niveau de la catégorie des cadres en 3.4, alors que ce niveau suppose déjà un haut niveau d'expertise et de responsabilité, des fonctions d'animation et de conduite des équipes contrôlées de manière habituelle.

En classant Mme [V] au niveau 4.5, les parties ont voulu la situer à un niveau supérieur au plus haut niveau des cadres, ce qui confirme qu'elle participe à la direction de l'entreprise.

Le salaire prévu au contrat est de 125.000 euros bruts annuels, soit 10.416,66 euros mensuels, augmentés à 10.917 euros bruts à compter du 1er juin 2012. Elle a toujours bénéficié d'un avantage en nature voiture de 255 euros, ce qui porte son salaire à 11.172,64 euros bruts par mois, au vu de l'attestation Pôle Emploi.

Le contrat fixe une part variable de rémunération, partagée entre un critère quantitatif et un critère qualitatif, dont la tranche qualitative porte sur les critères de 'management, d'organisation et de mobilisation des équipes'.

La discussion des parties portant sur le fait de savoir si Mme [V] avait un salaire plus ou moins élevé que M. [P], présente peu d'intérêt dans la mesure où Mme [V] produit des mails dans lesquels elle se compare aux autres dirigeants de la société et du groupe, M. [P], M. [J] et M. [H], ce qui atteste de la connaissance qu'elle a de son niveau de responsabilité, équivalent aux dirigeants.

Il convient en outre de tenir compte de l'avenant du 29 octobre 2012, prenant effet le 1er novembre 2012, qui lui reconnaît le statut de cadre dirigeant.

En préambule de l'avenant, il est précisé Mme [V] a souhaité que sa protection soit renforcée en cas de rupture de son contrat de travail, et que la société Protéïnes a accepté d'insérer au contrat des dispositions spécifiques en cas de changement de contrôle au sein de la SAS Protéïnes.

Il est encore précisé que le statut de cadre dirigeant lui est accordée dans la mesure où elle exerce des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'elle est habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, moyennant une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de ceux pratiqués au sein de la société.

Dans son article 2, l'avenant reconnaît à Mme [V] le statut de cadre dirigeant et par voie de conséquence fixe, en application de son article 3, une durée du travail conforme aux dispositions de l'article L.3111-2 du code du travail, en indiquant que Mme [V] n'est pas astreinte à un horaire précis.

Les autres dispositions du contrat sont inchangées et en particulier celle qui place Mme [V] sous l'autorité de M. [J], présidents de Protéïnes Paris, et M. [H], présidents de Financière Protéïnes.

L'examen de ces dispositions contractuelles permet de considérer que l'avenant du 29 octobre 2012 a entendu préciser le statut de Mme [V], dont les attributions restent inchangées, comme sont également inchangées la rémunération et l'autorité de rattachement de la salariée.

Cet avenant ne crée pas une situation nouvelle, comme le prétend Mme [V] qui réclame le paiement des heures supplémentaires accomplies avant cette date, mais entérine en le précisant par écrit, une situation de fait existant jusqu'à cette date.

Par ailleurs, un mail du 5 novembre 2012 de M. [P], communiqué par Mme [V], vient confirmer que celle-ci a remplacé Mme [R], ce qui n'est d'ailleurs pas contesté dans ses conclusions d'instance.

Or, il ressort de ce mail que M. [P] co-dirige l'agence avec Mme [R] puis avec Mme [V], qui dispose de la qualité de directrice générale de la société.

Mme [V] invoque l'article 5 du contrat d'embauche qui fixe ses horaires de travail à 35 heures.

Toutefois, le maintien d'un tel article dans le contrat de Mme [V], qui lui attribue le poste de directrice générale opérationnelle, avec l'une des rémunérations les plus hautes de la société, et alors que toutes les pièces du dossier montrent qu'elle prend ses décisions de façon autonome et participe à la direction de l'entreprise, se présente comme une erreur qui a fait l'objet d'une régularisation par l'avenant du 29 octobre 2012.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments, Mme [V] n'est pas fondée à obtenir le paiement des heures de travail excédant les 35 heures hebdomadaires pour la période antérieure au 1er novembre 2012.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé des condamnations à ce titre.

S'agissant du non paiement du variable :

La société Protéïnes fait valoir à l'appui de son appel qu'elle a réglé en totalité le variable de l'exercice 2010-2011, et que pour les exercices suivants, les objectifs n'ont pas été atteints ou atteints en partie sur l'exercice 2011-2012 ce qui a justifié le paiement d'une prime de 20.000 euros.

En réplique, Mme [V] conteste la fixation des objectifs annuels par la société, réclamant par suite la totalité de la prime prévue par le contrat.

Le contrat du 1er mars 2010, non modifié sur ce point par l'avenant du 29 octobre 2012, fixe une rémunération variable pouvant aller jusqu'à 25.000 euros, décomposée en deux tranches :

- une tranche qualitative de 10.000 euros portant sur des critères de management, d'organisation et de mobilisation des équipes ;

- une tranche quantitative pouvant aller jusqu'à 15.000 euros en fonction de 'l'atteinte d'objectifs fixés d'un commun accord au plus tard le 30 octobre, en lien avec la fixation du budget initial de l'année fiscale en cours'.

La société Protéïnes soutient que les objectifs annuels de Mme [V] ont été fixés par mails.

Or, la cour relève que les messages communiqués par les parties ne constituent pas une fixation d'objectifs, mais reflètent des échanges sur le versement des primes, Mme [V] proposant notamment dans son mail du 16 avril 2013 des critères détaillés permettant de déterminer le variable devant lui être versé en septembre 2013.

La société Protéïnes n'a donc pas défini les objectifs quantitatifs annuels de Mme [V], dans les conditions prévus par le contrat, avant le 30 octobre de chaque exercice qui se déroule de septembre à août de l'année suivante.

S'agissant de l'objectif qualitatif, aucun élément n'est soutenu par la société pour remettre en cause les qualités de management et d'organisation de Mme [V], alors que les échanges de mails reflètent un désir de clarification des conditions de versement des primes, sans mise en cause de la qualité du travail accompli par Mme [V].

Au vu de ces éléments, Mme [V] est en droit de percevoir la totalité des primes contractuelles.

Les parties sont d'accord sur le fait que 45.000 euros ont été versés sur la durée de la relation contractuelle.

Il reste dû la somme de 30.000 euros au titre du variable restant dû sur les trois exercices concernés par la gestion et la direction de la société Protéïnes par Mme [V], ce qui a fait l'objet d'une condamnation par le jugement du 25 août 2015, qui sera confirmé sur ce point.

Sur le maintien de la relation contractuelle :

Le dernier message adressé par Mme [V] à M. [J] et M. [H] concernant le paiement de ses primes, est daté du 16 avril 2013, et constitue le compte-rendu d'un accord trouvé lors d'une réunion du 4 avril 2013.

Il n'existe aucune contestation formulée par les Présidents du groupe sur les propositions de Mme [V] concernant la fixation de ses objectifs, et d'ailleurs M. [J] donnera immédiatement instruction au directeur financier de verser à Mme [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'objectif qualitatif.

A l'exception de ces trois mails échangés en mai 2012 et avril 2013, il n'y a eu ni contestation, ni réclamation sur le montant des primes avant la saisine du conseil des prud'hommes de Paris le 9 juillet 2013 par Mme [V] qui était informée début juillet des mauvais résultats de la société, par un mail du directeur administratif et financier en date du 2 juillet 2013, mail qu'elle transmettait à M. [P] avec un unique commentaire 'dur...', ce dont il convient de déduire que le véritable motif de la demande de résiliation judiciaire ne réside pas dans le non-paiement à Mme [V] de sa part variable.

Compte tenu en outre du montant de sa rémunération fixe, et de l'accord des dirigeants du groupe pour verser le variable alors que l'exercice 2013 n'était pas terminé, le défaut de paiement des primes ne constitue pas un manquement de l'employeur suffisamment grave, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le jugement mérite par suite l'infirmation en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur le licenciement économique

En droit, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit, remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

A l'appui de ses demandes, Mme [V] fait valoir qu'elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 30 juillet 2013 sans connaître le motif économique de la rupture, alors qu'elle a reçu la lettre de licenciement le 17 août 2013, après le délai d'acceptation du contrat, qui expirait le 13 août 2013.

En réplique, la société Protéïnes soutient que Mme [V] était parfaitement informée du motif du licenciement avant son acceptation du CSP, en raison de sa place de directrice générale, ayant reçu les informations concernant les difficultés économiques de la société, par le DAF et par M. [P].

Il convient toutefois de relever que si Mme [V] avait reçu une information détaillée concernant les difficultés économiques de la société par le DAF dès le 2 juillet 2013, en revanche, aucun document écrit ne lui a été remis avant l'acceptation le 30 juillet 2013 du CSP proposé le 23 juillet 2013, l'informant de la nécessité de supprimer son poste de directrice générale opérationnelle.

La société Protéïnes produit un document détaillé présenté lors du CE extra-ordinaire du 10 juillet 2013, qui vise la suppression de ce poste.

Toutefois, il convient de relever que Mme [V] n'a pas été destinataire de ce document écrit, transmis par le DAF à d'autres personnes, et en copie à M. [P].

Ce dernier atteste qu'il avait prévenu Mme [V] dès le 3 juillet 2013 qu'elle serait concernée par un licenciement économique.

Toutefois, cette attestation est insuffisante pour répondre aux exigences de remise d'un document écrit énonçant les motifs de la rupture, avant l'acceptation du CSP.

Compte tenu de ces éléments, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le salaire de référence intégrant la part variable, s'élève à 13.255,97 euros bruts. Au vu de la durée de l'emploi et de la situation actuelle de Mme [V], la cour évalue l'indemnité que la société Protéïnes devra lui payer à ce titre, à la somme de 80.000 euros.

Mme [V] est également en droit d'obtenir l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, son acceptation du CSP étant dépourvue de cause, avec cette précision que le conseil a omis de statuer sur cette demande.

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire fondée sur le non-respect des critères d'ordre.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à Mme [V]

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail étant dans le débat, la cour a des éléments suffisants pour fixer à UN mois, le montant des indemnités versées à Mme [V] , que société Protéïnes devra rembourser aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur le travail dissimulé

La demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, est fondée sur l'accomplissement des heures supplémentaires, demande rejetée par la cour, de sorte que cette demande, sur laquelle le conseil des prud'hommes n'a pas statué, doit également être rejetée.

Sur la clause de non-démarchage

La société Protéïnes critique le jugement du 25 août 2015 en ce qu'il a octroyé à Mme [V] une indemnité de 37.500 euros au titre de la clause de non démarchage. Elle soutient que la clause initiale a été abrogée par l'avenant du 29 octobre 2012 et subsidiairement que la clause n'a eu qu'un effet limité sur ses possibilités de retrouver un emploi.

Mme [V] estime que la clause doit s'analyser comme une clause de non-concurrence, qu'elle n'a pas été supprimée par l'avenant du 29 octobre 2012, et qu'elle n'a pas été assortie d'une contrepartie financière.

Il ressort des documents contractuels que l'article 11 du contrat du 1er mars 2010, intitulé clause de non-démarchage, comporte à la fois une interdiction d'approcher les clients de la société pendant 12 mois, les fournisseurs et les partenaires, et une interdiction de débaucher des salariés du groupe pour rendre des services similaires aux clients de la société.

La clause de non-démarchage ne figure plus dans l'avenant du 29 octobre 2012 qui comporte un article 10 intitulé clause de non-débauchage, faisant interdiction à la salariée de débaucher tout salarié ayant travaillé dans la société ou dans le groupe auquel elle appartient, au cours des 12 mois précédents.

L'article 13 de l'avenant énonce que toute disposition conclue antérieurement non contraire, reste applicable.

Compte tenu de la rédaction de l'article 11 figurant dans le contrat initial, lequel intègre des dispositions relatives à l'interdiction de débaucher les salariés, il convient de considérer que les parties ont convenu de substituer cette disposition par l'article 10 de l'avenant du 29 octobre 2012 qui se limite à une clause de non-débauchage, ce qui a eu pour effet de délier Mme [V] de son obligation de non-concurrence induite par le contrat d'embauche.

Par suite, le conseil a fait une application inexacte de l'article 11 du contrat du 1er mars 2010 en fixant une indemnité de 37.500 euros au bénéfice de Mme [V] alors que lors de la rupture du contrat, la salariée n'était plus tenue par une clause de non-concurrence.

Le jugement du 25 août 2015 mérite l'infirmation à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, les dépens seront supportés par la société Protéïnes, chacune des parties devant en revanche conserver la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Rejette la demande de sursis à statuer de la société Protéïnes,

Infirme le jugement du 25 août 2015 sauf en ce qu'il a condamné la société Protéïnes à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

* 10.000 euros au titre du variable 2010-2011

* 5.000 euros au titre du variable 2011-2012

* 15.000 euros au titre du variable 2012-2013

* 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur les autres chefs,

Constate que Mme [V] dispose de la qualité de cadre dirigeant depuis son embauche par la société Protéïnes le 1er mars 2010,

Rejette la demande de Mme [V] au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos,

Rejette la demande de Mme [V] de résiliation de son contrat de travail,

Constate que la société Protéïnes n'a pas remis à Mme [V] un document écrit énonçant les causes de son licenciement avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle,

Dit le licenciement de Mme [V] dépourvu d'une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Protéïnes à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

* 80.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

* 39.767,91 euros au titre du préavis

* 3.976,79 euros au titre des congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

Rejette la demande de Mme [V] au titre de la clause de non démarchage,

Y ajoutant,

Rejette la demande de Mme [V] au titre du travail dissimulé,

Ordonne le remboursement par la société Protéïnes aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [V] à concurrence de UN mois,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société Protéïnes aux entiers dépens d'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/08785
Date de la décision : 23/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/08785 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-23;15.08785 ?
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