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22/03/2017 | FRANCE | N°15/01009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 22 mars 2017, 15/01009


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 22 MARS 2017



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01009



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/02710





APPELANTE :



SCI BIENFAISANCE SAINT-DOMINIQUE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au

RCS de Paris sous le numéro 495 303 869

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 22 MARS 2017

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01009

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/02710

APPELANTE :

SCI BIENFAISANCE SAINT-DOMINIQUE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 495 303 869

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

Assistée de Me Florence MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1181, avocat plaidant

INTIMÉ :

Monsieur [O] [B]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (Tunisie)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurent MORET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427, avocat postulant

Assistée de Me Stéphanie MARCIE-HULLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0329, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre

Madame Agnès THAUNAT, présidente

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.

***********

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 novembre 2014 qui a :

- dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 17 mai 2011, le bail a pris fin le 31 décembre 2011,

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds, exploité par M. [B] dans les locaux appartenant à la SCI Bienfaisance situés à [Adresse 2],

- fixé à la somme de 133.040 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la SCI Bienfaisance Saint Dominique à M. [B], outre les frais de licenciement sur justificatifs,

- dit que M. [B] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2012,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 20.998 euros outre les taxes et charges,

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et le montant de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

- débouté la SCI Bienfaisance Saint Dominique de sa demande d'expulsion, et de sa demande tendant à faire courir les intérêts légaux sur l'indemnité d'occupation, de sa demande en paiement d'un arriéré de loyers,

- débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- dit que M. [B] a réglé à tort la TVA sur les loyers et avant dire droit sur le décompte de la TVA trop payées, ainsi que sur le décompte de charges, désigné M. [Y] [V] en tant que consultant,

- condamné la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI Bienfaisance Saint Dominique a interjeté appel de ce jugement, elle demande à la cour dans ses dernières conclusions d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

- dire et juger que M. [B] devra payer à compter du 31 janvier 2008 à l'expiration du protocole d'accord un loyer correspondant au loyer du bail commercial réactualisé,

- condamner M. [B] à payer à la SCI Bienfaisance Saint Dominique les sommes suivantes :

* 18.872,85 euros à titre de solde de loyers du 31 janvier 2008 au 30 mars 2011, ou 26 673, 36 euros si la cour estime que M. [B] a payé en trop la TVA,

* 7.034 euros de solde de loyers du 1er avril 2011 au 31 décembre 2011,

* 32.520,80 euros d'indemnités d'occupation du 1er janvier 2012 au 1er avril 2015,

* 1.724,25 euros + 270 euros de provision pour charges par mois à compter du 1er avril 2015 jusqu'au départ effectif des lieux loués,

* 3.262,65 euros au titre des charges impayées pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014,

Subsidiairement, si la cour considérait que la proximité du centre Beaugrenelle a fait augmenter les loyers, de la rue [Adresse 2], elle devra fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 39.000 euros et condamner M. [B] à payer la somme de 3.250 euros par mois outre 270 euros de provision pour charges, depuis le 1er janvier 2012,

Dire que le défaut de paiement par M. [B] du loyer et des charges et de l'indemnité d'occupation constitue un manquement illégitime et répété à l'exécution du contrat de bail et légitiment la déchéance du droit à indemnité d'éviction dont il est déchu de même que des indemnités accessoires,

A titre subsidiaire,

Fixer l'indemnité d'éviction éventuellement due à M. [B] à la somme de 36.855 euros dont 12.955,75 euros,

Confirmer le jugement rendu en date du 25 novembre 2014

Condamner M. [B] à payer à la SCI Bienfaisance Saint Dominique la somme de 13.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 2 juillet 2015, M. [B] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 17 mai 2011, le bail a pris fin le 31 décembre 2011,

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds, exploité par M. [B] dans les locaux appartenant à la SCI Bienfaisance Saint Dominique situés à [Adresse 2],

- débouté la SCI Bienfaisance Saint Dominique de sa demande d'expulsion, et de sa demande tendant à faire courir les intérêts légaux sur l'indemnité d'occupation, de sa demande en paiement d'un arriéré de loyers,

- débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- dit que M. [B] a réglé à tort la TVA sur les loyers,

Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

- fixé à la somme de 212.618 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la SCI Bienfaisance Saint Dominique à M. [B], outre les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2011,

- dit que M. [B] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2012,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 14.400 euros outre les taxes et charges,

- condamné la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer la somme de 12.230,40 euros au titre de remboursement de TVA, celle de 9.538,36 euros au titre de top perçu de charges,

- condamner la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer à M. [B] la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral, celle de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens et aux frais d'expertise.

SUR CE,

I- Sur le décompte des loyers et charges :

En cours de bail, et par acte sous seing privé en date du 6 septembre 2006, les époux [W] alors bailleurs d'une part et M. [O] [B] le preneur d'autre part ont signé un protocole d'accord lequel après avoir rappelé que le loyer par application de la clause de révision contenue dans le bail, est passé à 1.375 euros mensuels à compter du 1er février 2005, que M. [B] qui connaît des difficultés dans son activité a sollicité une réduction du loyer, prévoit que :

' Article 1 : M et Mme [W] consentent à M [O] [B] une réduction de loyer à hauteur de 366 euros mensuels et ce jusqu'à l'échéance du bail soit au 31 janvier 2008. Cet accord est personnel et non cessible.

M [B] devra acquitter la TVA sur ce loyer et une provision sur charges de 180 euros incluant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Ces conditions prennent effet à compter rétroactivement du 1er février 2006.

Le loyer se décomposera comme suit :

loyer : 1009 989,73 euros (paraphe NL)

provision sur charges : 180

TVA : 197,74

Total 1 388, 74 1367,47 (paraphe NL)

Article 2 : Les autres clauses et conditions restent inchangées.

Article 3 : Tout manquement aux clauses et conditions du bail rendrait caduc le présent protocole.'

Suivent la mention bon pour accord et les signatures PL [B] et N Lllelouche.

Par la suite, M. [W] a adressé plusieurs courriers à M. [B] lui indiquant :

- le 22 juillet 2009 ' Nous certifions en tant que propriétaires du commerce [Adresse 2] que l'actuel locataire M. [O] [B] paye un loyer mensuel de 1.480 euros charges comprises, Nous nous engageons si un nouveau locataire venait à le remplacer à ne pas changer ce loyer et établir un nouveau bail avec ce loyer pour une durée indéterminée'.

- le 17 juillet 2010 ' Je soussigné [U] [W] propriétaire du magasin [Adresse 2] certifie ne pas augmenter le loyer (1.500 euros) du futur locataire.

Par ailleurs, un bail neuf sera effectué sur la base de 1.500 euros/ mois.'

Le 30 mars 2011, le notaire chargé de la vente écrivait en ces termes à M. [B] : ' je vous notifie en recommandé la réalisation de la vente le 28 mars 2011 des biens immobiliers dont vous étes locataire au profit de la SCI Bienfaisance Saint Dominique qui devient ainsi votre nouveau propriétaire. Les conditions et modes de réglement de votre bail restent de par la loi les mêmes et le nouveau propriétaire détient votre dépôt de garantie.'

Le 16 juin 2011, M. [U] [W] adressait enfin à M. [B] un courriel lui indiquant avoir retrouvé les talons de quittances de loyer de 2010" qui ' vous ont toutes été envoyées. Si vous en avez perdu merci de nous indiquer lesquelles et nous les réadresserons ... /...

Rassurez vous, je ne vous demanderai aucun argent.'

L'acte de cession du local commercial signé entre M. [U] [W] et son épouse d'une part et la société Bienfaisance Saint Dominique d'autre part suivant acte authentique du 28 mars 2011 contient la déclaration du vendeur rappelant les termes du protocole d'accord en date du 6 septembre 2006 demeurant annexé à l'acte, suivant laquelle il n'a été consenti aucune prorogation de la réduction de loyer au-delà du terme fixé dans le protocole d'accord, soit le 31 janvier 2008, que cependant, le loyer a été payé sur l'ancienne base diminuée (telle qu'elle figure au protocole) pour la période ayant couru du 1er février 2006 à ce jour, le vendeur déclarant subroger l'acquéreur qui l'accepte dans tous ses droits et actions sans réserve à l'encontre de M. [B].

La SCI Bienfaisance Saint Dominique se prévaut ainsi de ce que l'accord pris entre les précédents bailleurs et M. [B] n'avait d'effet que jusqu'au 31 janvier 2008 et que l'acte de cession le subroge expressément dans les droits et actions du précédent bailleur, pour réclamer au preneur un complément de loyer.

Or le protocole d'accord passé entre les précédents bailleurs et M. [B] prévoyait que la réduction du loyer avait effet jusqu'au terme du bail ; celui-ci n'a pas pris fin à la date prévue du 31 janvier 2008, s'étant prorogé ensuite par tacite prolongation ; postérieurement à la date du 31 janvier 2008, date prévisible de la fin du bail, M. [W] a expressément indiqué à deux reprises à M. [W] qu'il n'entendait pas voir augmenter le loyer payé sur la base de 1.420 euros par mois, charges comprises.

Ces écrits ne peuvent être considérés de pure complaisance au seul motif que M. [B] cherchait alors à céder son bail et qu'il pouvait le faire avec plus de facilité si le bailleur n'entendait pas solliciter une augmentation du loyer. Ils engagent en effet leur auteur et valent en tout cas renonciation explicite à réclamer postérieurement à la date prévisible de la fin du bail quelque complément de loyer que ce soit, la circonstance d'un contexte de vente du fonds ne conférant pas d'ambiguïté aux écrits clairs et précis des bailleurs sur ce point.

Ils sont encore confortés par le courrier adressé à M. [B] par le mandataire du bailleur le 24 janvier 2008 lui notifiant une augmentation du loyer à compter du 1er février 2008 en application de la révision triennale non sur la base du loyer initial avant réduction mais sur la base du loyer diminué à la somme de 989,73 euros, demandant ainsi paiement d'un loyer révisé à la somme de 1069,50 euros.

Le fait en conséquence que, dans le cadre de l'acte de cession auquel le preneur est étranger, les bailleurs ont rappelé que le protocole n'avait d'effet que jusqu'au 31 janvier 2008 et subrogé l'acquéreur dans leurs droits et obligations, est inopposable au preneur qui n'y est pas partie et contrevient à la bonne foi qui doit présider aux relations du bailleur et du locataire.

Il s'ensuit que les premiers juges ont justement considéré que la SCI Bienfaisance Saint Dominique ne pouvait solliciter pour la période comprise entre la 1er février 2008 et le 28 mars 2011 un complément de loyer sur la base du loyer antérieur à l'accord.

En revanche, l'accord pris entre l'ancien bailleur et le preneur ne liait pas le nouveau bailleur qui pouvait valablement le dénoncer et se prévaloir des dispositions du bail qui constitue la loi des parties pour réclamer le montant du loyer soit la somme mensuelle de 1.375 euros par mois, outre la provision sur charges, à l'exclusion de la TVA à laquelle la SCI Bienfaisance Saint Dominique reconnaît ne pas être assujettie.

Toutefois, la lettre du notaire chargé de la vente a conforté le locataire dans le fait que l'accord pris avec l'ancien bailleur continuait à s'appliquer d'autant que la bailleresse en adressant ses commandements n'a pas justifié du calcul du nouveau loyer qu'elle a soudainement réclamé sans en justifier sur la base de 1.724,25 euros.

Le preneur ayant régulièrement payé depuis cette date la somme de 1.420 euros, il n'est pas démontré l'existence d'un arriéré de loyer ; le preneur est fondé en revanche à demander, outre restitution de la TVA qu'il a réglée pour un montant de 2.116,80 euros pour la période allant de la date de la vente du 28 mars 2011 au 31 décembre 2011, date d'effet du congé, dès lors que la SCI Bienfaisance Saint Dominique n'y est pas assujettie, la régularisation de charges trop payées pour la période allant de 2008 à 2011, la bailleresse n'ayant moyen opposant au calcul du trop versé produit pas le locataire, et qui s'élève au regard des justificatifs produits à la somme de 5.163,26 euros.

La bailleresse justifie de son côté de la régularisation des charges générales pour l'exercice 2012 sans cependant produire la répartition des charges locatives ; compte tenu du montant des dépenses générales exposées et des tantièmes auxquels elles s'appliquent, il n'est pas démontré de trop versé du locataire ; la régularisation de 2013 fait apparaître en revanche un solde débiteur de la part du locataire de 561,89 euros auquel s'ajoute la taxe pour l'enlèvement des ordures ménagéres 2014 de 509 euros.

II- Sur l'éviction et ses conséquences :

II-1- Sur l'indemnité d'éviction :

Le bail a pris fin par l'effet du congé refus de renouvellement délivré le 17 mai 2011 pour le 31 décembre 2011 et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

Toutefois, la bailleresse se prévaut du fait que le preneur n'a pas payé les sommes réclamées à la suite des deux commandements de payer qui lui ont été adressés les 10 juin 2011 et 6 décembre 2012 pour lui dénier le bénéfice d'une indemnité d'éviction.

Or outre que les commandements de payer bien que postérieurs à la date de délivrance du congé ne contiennent pas le rappel des dispositions de l'article L 145-17 du code de commerce, ils ne peuvent avoir d'effet dès lors qu'il a été rappelé plus avant que le preneur n'est pas débiteur des compléments de loyers réclamés sur la base d'un loyer de 1.724,25 euros par mois à compter du 1er mai 2011 outre un rappel de loyers de 26.442,72 euros pour la période du 1er février 2008 au 31 janvier 2011.

Il s'ensuit que le preneur qui s'est maintenu dans les lieux est fondé à solliciter une indemnité d'éviction.

Le tribunal a rappelé que le fonds est celui d'un commerce de prêt à porter multi -marques et de fourrure de moyenne gamme, situé dans une rue où se trouvent de nombreux commerces de bouche et qui est animée commercialement, un marché se tenant de façon bi-hebdomadaire à proximité. Le fonds est ouvert du lundi midi au vendredi midi ; il est fermé durant le week-end.

La bailleresse critique le rapport de l'expert qui est fondé sur une hypothèse de perte du fonds et sur des éléments comptables datant pour les derniers de 2011, l'expert n'ayant pu obtenir ceux de 2012 et le preneur s'étant refusé à produire des données comptables plus récentes malgré les demandes qui lui ont été faites. Elle sollicite à titre subsidiaire de retenir qu'en raison du caractère déficitaire du fonds, l'indemnité d'éviction ne peut être supérieure au droit au bail lequel est sans valeur compte tenu de la durée du bail et du déplafonnement en conséquence du loyer. Elle sollicite à titre encore plus subsidiaire de retenir pour le calcul de l'indemnité principale un pourcentage du chiffre d'affaires de 30% ;

Le preneur fait observer pour sa part que le commerce est situé dans une rue bénéficiant d'une commercialité exceptionnelle en raison de la proximité du Centre Beaugrenelle qui a généré un flux de chalands pour tout le quartier, que l'indemnité d'éviction devra être calculée sur le chiffre d'affaires TTC et en tenant compte d'un coefficient de 90% soit une somme de 112.856 euros ; M. [B] estime néanmoins qu'il peut se réimplanter dans le secteur et que le droit au bail correspondant à un différentiel de valeurs de 15.669 euros (loyer de marché de 39.000 euros moins loyer du nouveau bail de 23.331 euros) doit être multiplié par 9 correspondant à l'excellente commercialité du secteur, ce qui représente une somme de 130.000 euros.

S'agissant des données comptables, le bailleur n'a formé comme le souligne le tribunal, aucune demande au stade de la mise en état pour obtenir du preneur des données comptables plus récentes et elle n'a pas davantage saisi le conseiller de la mise en état d'une telle demande de telle sorte que force est de se référer au rapport qui, quoique tenant compte de données comptables relativement anciennes, servira à l'évaluation du fonds, l'expert tout en regrettant n'avoir pu disposer des données comptables pour 2012 n'ayant pas fait part de difficultés pour obtenir celles de 2009, 2010 et 2011 qui constituent les trois derniers exercices complets avant le dépôt du rapport d'expertise.

L'expert relève sans être contredit sérieusement que le commerce s'adresse à une clientèle locale et qu'aucun local de remplacement n'a été proposée à la locataire de telle façon que l'éviction entraîne la perte du fonds. Elle souligne que le droit au bail est sans valeur, le loyer de renouvellement étant au niveau du marché, même en l'absence de déplafonnement.

Compte tenu du chiffre d'affaires moyen des trois dernières années de référence communiquées à l'expert, son estimation de la valeur du fonds perdu suivant un pourcentage représentant 70% du chiffre d'affaires TTC soit 84% du chiffre d'affaires HT, compte tenu de la bonne adéquation du fonds de commerce de prêt-à-porter à son emplacement sur une voie animée dans un secteur à forte densité de population disposant d'un bon pouvoir d'achat a été justement retenue par le tribunal ; le jugement sera approuvé à cet égard, le caractère exceptionnel de la commercialité allégué n'étant nullement démontré d'autant que le fonds ne présente pas d'attrait particulier.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions concernant les frais de remploi alloués pour un montant de 12.000 euros, somme dépassant le forfait de 10% de l'indemnité principale généralement allouée, ce qui est justifié par le caractère modique de l'indemnité principale et les frais d'acte et de transaction que le preneur aura à exposer ; le bailleur soutient à tort que le preneur n'a pas démontré son intention de se réinstaller alors que la preuve de la volonté du preneur de ne pas se réinstaller incombe au bailleur.

L'indemnité pour trouble commercial a été évaluée à six mois d'excédent brut d'exploitation au lieu des trois mois, comme il est d'usage, au motif que la recherche d'un nouveau local va prendre du temps dès lors que le preneur travaille seul dans son magasin. Cette affirmation est cependant démentie par le preneur lui-même qui indique qu'il va pouvoir trouver aisément de nouveaux locaux ; l'indemnité pour trouble commercial sera donc réduite à la somme de 3.770,25 euros.

Le tribunal a alloué au preneur une somme de 14.000 euros pour perte du stock et de 10.000 euros pour frais de réinstallation ; l'expert a indiqué que le preneur devra justifier de la perte du stock ; le tribunal a retenu que selon le preneur, son stock 'serait de 42.000 euros, ce qui est cohérent avec son chiffre d'affaires ' ; toutefois, l'absence de tout élément comptable relativement à la perte alléguée prive la cour de pouvoir chiffrer précisément ce préjudice ; le preneur sera en conséquence débouté de cette demande.

La proposition de l'expert d'allouer une somme de 10.000 euros à titre de frais de réinstallation a été entérinée par le tribunal, l'expert ayant souligné le mauvais entretien locatif des lieux délaissés. Il convient de retenir que les locaux peu entretenus sont dans un état qualifié de très médiocre par l'expert, ce qui prive le preneur de pouvoir solliciter au titre de la réinstallation des frais dont il aurait du faire l'avance en principe au titre de l'entretien.

La décision du tribunal d'allouer une somme de 1.000 euros au titre des frais divers sera apporuvée.

L'indemnité d'éviction s'établit ainsi à la somme de :

88.500 € + 12.000 € + 3.370,25 € + 1.000 € = 104.870,25 € arrondie à 105.000 €.

II-2- Sur l'indemnité d'occupation :

M. [B] n'opère aucune critique pertinente du montant de l'indemnité d'occupation fixée par la tribunal à la somme annuelle de 20.998 euros tenant compte de la précarité inhérente au congé qui ne saurait être estimée à un taux supérieur à celui habituellement consenti dès lors que le preneur qui est resté dans les lieux sans justifier d'une chute de son chiffre d'affaires n'établit pas l'existence de circonstances particulières justifiant un taux d'abattement plus important.

III- Sur les autres demandes :

M. [B] ne justifie pas que le traitement médical en 2013 ait un lien de causalité avec la présente affaire et il n'établit pas l'existence d'un préjudice moral distinct du préjudice matériel causé par l'éviction.

Il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral.

La SCI Bienfaisance Saint Dominique supportera les entiers dépens et paiera à M. [B] une somme de 3.000 euros application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré, sauf en ses dispositions ayant :

- dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 17 mai 2011, le bail a pris fin le 31 décembre 2011,

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds, exploité par M. [B] dans les locaux appartenant à la SCI Bienfaisance Saint Dominique situés à [Adresse 2],

- dit que M. [B] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2012, et fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 20.998 euros outre les taxes et charges,

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et le montant de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

- débouté la SCI Bienfaisance Saint Dominique de sa demande d'expulsion, et de sa demande tendant à faire courir les intérêts légaux sur l'indemnité d'occupation, de sa demande en paiement d'un arriéré de loyers,

- débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- dit que M. [B] a réglé à tort la TVA sur les loyers,

- condamné la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Bienfaisance Saint Dominique aux dépens en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

La réformant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,

Fixe à la somme de 105.000 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la SCI Bienfaisance Saint Dominique à M. [B], outre les frais de licenciement sur justificatifs,

Condamne la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer à M. [B] la somme de 4.122,37 euros au titre du trop versé de charges et celle de 2.116,80 euros au titre de la TVA indûment payée,

Condamne la SCI Bienfaisance Saint Dominique à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SCI Bienfaisance Saint Dominique aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/01009
Date de la décision : 22/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°15/01009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-22;15.01009 ?
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