RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 22 Mars 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04276
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 février 2014 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section commerce - RG n° 12/00029
APPELANTE
SARL CLIMEX
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Corentine TOURRES, avocat au barreau de PARIS, B0916
INTIME
Monsieur [V] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Salima LOUAHECHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, PC335
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame CHAMPETIER ALIX , directrice des services de greffe judiciaires laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] [J] a été engagé par la SARL Climex, par contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 1983, en qualité de, vendeur- vérificateur - livreur- poseur. En dernier lieu, depuis le 1er avril 2006, il occupait la fonction de technicien commercial agent vérificateur extincteurs, niveau IV, échelon 2 de la convention collective nationale du commerce de gros.
La société emploie plus de dix salariés à la date de la rupture.
M. [J] a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie non professionnelle à compter du 28 janvier 2009.
Par lettre du 2 mars 2010, M. [J] était convoqué pour le 16 mars 2010 à un entretien préalable à son licenciement.
Le 25 janvier 2011, la société Climex adressait à M. [J] une convocation devant la médecine du travail pour le 11 février 2011.
Par lettre du 10 mai 2011, M. [J] était convoqué pour le 23 mai 2011 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 juin 2011 suivant pour «absence perturbant le fonctionnement de l'entreprise et nécessité de pourvoir de manière permanente à son remplacement».
La société Climex employait plus de dix salariés à la date de la rupture.
Le 20 octobre 2011, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 20 février 2014 en formation de départage, notifié le 19 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Créteil a :
- déclaré le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse
- condamné la société Climex à payer à M. [J] les sommes suivantes :
'22 000 € à titre de dommages et intérêts
'1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté La société Climex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 12 000 €
- condamné la société Climex aux dépens.
La société Climex a interjeté appel de cette décision le 15 avril 2014.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 12 décembre 2016, la société Climex demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner M. [J] à lui payer une indemnité de 2 00€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
M. [J] reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement déféré, le rejet de l'ensemble des demandes de la société Climex, outre sa condamnation à lui verser une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la cause du licenciement
En l'espèce, la lettre de licenciement du 21 juin 2011, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :
« .... vous êtes absent de manière continue pour raison médicale personnelle depuis le 28 janvier 2009.
Depuis cette date vous avez déménagé de [Localité 1] à [Localité 2], et ce sans nous en avoir averti ainsi qu'il est stipulé dans votre contrat de travail.
Durant votre absence, l'entreprise a dû procéder à votre remplacement, soit par l'embauche de salariés en contrats précaires, soit par des mutations temporaires réalisées en interne.
Ces mesures ne sont toutefois pas satisfaisantes et votre absence perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise.
En effet, l'intervention de salariés différents sur votre secteur rompt l'unité d'intervenant référent que nous souhaitons pérenniser autour de nos secteurs géographiques et de nos clients, laquelle constitue un des piliers de notre stratégie commerciale et qualitative.
Les salariés acceptant d'être engagés par contrats précaires sont en outre difficile à trouver pour le niveau de compétences techniques nécessaires à notre activité et à nos habilitations professionnelles.
Chaque salarié ayant un secteur d'intervention et un portefeuille clients, votre remplacement interne crée des retards sur les autres secteurs d'activité, ainsi que des difficultés de gestion relatives à l'attribution des commissions, et à la mesure de la performance des salariés et de l'entreprise.
Ces perturbations nous conduisent à attribuer votre poste à un salarié engagé de façon stable par un contrat à durée indéterminée. Ce remplacement et l'attribution définitive de votre poste nous conduisent à rompre votre contrat de travail.
Nous vous avons questionné sur la perspective de reprise de votre travail et sur les observations que vous auriez souhaité nous soumettre pour guider notre réflexion.
Vous nous avez répondu lors de notre entretien ne pas être en mesure de reprendre votre ancien poste, ni même de pouvoir en accepter un autre. Vous nous avez également indiqué que vous ne souhaitiez pas quitter votre nouveau domicile, lequel se trouve éloigné de nos secteurs géographiques d'intervention ... ».
La société Climex expose que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, en soulignant au préalable les circonstances particulières de la cause, M. [J] ayant affirmé qu'il avait quitté la région et résidait dans l'Eure et qu'il serait clairement dans l'impossibilité de reprendre son poste. La société Climex fait valoir que le salarié a été absent de façon continue pendant une durée de deux ans et demi, qu'il s'était vu attribuer un secteur d'intervention, qu'il a été nécessaire de trouver des solutions, mais que la mise en place de ces solutions n'a pas été sans conséquence, que le salarié avait acquis un niveau de compétence technique élevé, qu'il était difficile de recruter un remplaçant dans le cadre d'un contrat précaire, que ses missions ont donc été temporairement prises en charge par d'autres salariés en plus de leurs fonctions habituelles, entraînant des retards et des difficultés comptables. La société Climex indique qu'elle a dû recourir aux services de la société MDC, sous-traitant, avec des coûts importants. Elle précise qu'elle a conclu un contrat à durée indéterminée avec M. [L] pour remplacer M. [J], à un poste identique avec une qualification et des attributions identiques, et que le seul fait que la prime d'objectif de M. [L] soit différente ne permet pas de conclure que le salarié n'a pas été remplacé définitivement, alors que M. [L] travaillait toujours en janvier 2013 en qualité d'agent vérificateur d'extincteur. La société Climex ajoute que la lettre de licenciement mentionne bien la perturbation du fonctionnement de l'entreprise par l'absence du salarié et la nécessité de procéder à son remplacement.
M. [J] soutient que l'article L. 1132-1 du code du travail interdit le licenciement d'un salarié notamment en raison de son état de santé, que ce texte ne s'oppose pas à un licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement, qu'il se trouvait en arrêt maladie depuis janvier 2009 jusqu'à son licenciement, qu'il n'est pas établi que l'employeur ait recruté des salariés de façon temporaire ou ait procédé à des remplacements internes pour le remplacer, ni que son absence ait désorganisé l'entreprise. Au surplus, il déclare que la situation pouvait perdurer jusqu'à son éventuel retour, et qu'il n'a jamais indiqué, contrairement aux termes de la lettre de licenciement, qu'il ne serait pas en mesure de reprendre son ancien poste ni de pouvoir en accepter un autre. Il ajoute que l'embauche de M. [L] n'avait pas pour objet de le remplacer alors que leur niveau de classification, leurs missions, le secteur d'activité, le mode de rémunération étaient différents. Il conclut qu'au vu du registre du personnel, plusieurs technico-commerciaux avaient quitté l'entreprise en 2011, et plusieurs ont été recrutés, de sorte qu'il est impossible de contrôler si l'un deux reprenait effectivement son poste, le témoignage de M. [S] produit pour la première fois en cause d'appel, étant insuffisant pour en rapporter la preuve.
Si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l' état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l' absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; celui-ci ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement.
Il est constant que M. [J] était absent en arrêt maladie de façon continue depuis le 28 janvier 2009, suite à des arrêts maladie pour maladie non professionnelle reconduits pour des durées courtes n'excédant pas un mois, lorsqu'il a fait l'objet d'un licenciement le 21 juin 2011.
La société Climex indique qu'elle a dû faire appel à des remplacements en interne, ce qui a créé des retards et des difficultés de comptabilité, et qu'elle a du avoir recours aux services d'un sous-traitant, la société MDC, pour procéder aux vérifications des extincteurs en l'absence de M. [J].
Cependant la seule attestation de M. [Z] [S], chargé d'affaires et responsable d'équipe de M. [J], établie le 5 septembre 2016, soit plus de six ans après le licenciement de ce dernier, affirmant que le salarié "était en charge de clients avec un nombre important d'extincteurs à vérifier", que "son absence a sérieusement désorganisé le service" et que le témoin a "du confier certaines vérifications à un sous-traitant afin de pallier l'absence de M. [J]", est insuffisante à établir les perturbations alléguées au sein de l'entreprise, en l'absence de toute précision sur les salariés de l'entreprise ayant du effectivement intervenir pour prendre en charge les missions habituellement confiées à M. [J].
Par ailleurs la société Climex verse aux débats les factures de la société MDC établies pour la période de janvier 2010 à mai 2011 mentionnant la facturation notamment de prestations de vérification d'extincteurs. Toutefois il n'est pas établi que ces prestations étaient directement en lien avec le secteur d'activité de M. [J]. Au surplus l'attestation déjà citée de M. [S] ne donne pas davantage de précisions sur les prestations effectuées par le sous-traitant mentionné.
Il s'en déduit que les pièces produites ne permettent pas d'établir le lien entre l'intervention de la société MDC et l'absence de M. [J].
La désorganisation alléguée de l'entreprise n'est donc pas établie.
La société Climex produit le contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 4 juillet 2011, de M. [E] [L] en faisant valoir que ce dernier a remplacé M. [J]. Cependant, si les fonctions et missions imparties à M. [L] sont bien similaires à celles de M. [J], en qualité de technico-commercial, agent vérificateur extincteurs, il ressort du dossier que plusieurs agents vérificateurs extincteurs ont quitté la société Climex au moment des absences pour arrêt maladie de M. [J], alors même que l'entreprise comptait environ quinze agents vérificateurs extincteurs, de sorte qu'il n'est pas démontré que M. [L] a été recruté précisément pour pourvoir au remplacement définitif de M. [J].
La cour estime donc que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en jugeant le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse.
La décision du conseil de prud'hommes doit dès lors confirmée.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture
L'entreprise comptant plus de dix salariés, M. [J], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Au moment de la rupture, M. [J], âgé de 55 ans, comptait plus de 27 ans d'ancienneté.
La cour retient le salaire mensuel brut moyen de 2 098 €, non discuté par les parties.
Au vu de ces éléments il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a procédé à une exacte appréciation de l'indemnisation à laquelle le salarié peut prétendre en lui allouant la somme de 22 000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
La société Climex succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [J] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 3 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
CONDAMNE la SARL Climex à payer à M. [V] [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL Climex aux dépens d'appel.
La directrice des services de greffe judiciaires Le président