RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 22 Mars 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03880
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 11/0921
APPELANT
Monsieur [R] [J]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assisté de Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
INTIMEE
REPUBLIQUE DE TUNISIE REPRESENTEE PAR MONSIEUR L'AMBASSADEUR DE TUNISIE EN FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE
EN PRÉSENCE DU
MINISTÈRE PUBLIC REPRÉSENTÉ PAR MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par M. PIETRI, avocat général, près la cour d'appel de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Christelle RIBEIRO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [R] [J] affirme avoir été engagé par l'Ambassade de Tunisie en France en qualité qu'agent de surveillance.
Il aurait été victime d'une agression sur son lieu de travail le 8 juin 2011.
Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 8 juillet 2011 afin de se faire reconnaître la qualité de salarié.
Par jugement du 10 décembre 2013, il a été débouté de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [J] a interjeté appel de cette décision et à l'audience demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction soulevée par l'Ambassade de Tunisie,
- de dire qu'un contrat de travail a bien existé,
- de fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 1.365 euros correspondant au SMIC de l'année 2011,
- de constater que son contrat de travail n'a pas été rompu,
- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur au jour - de la décision à intervenir,
- de condamner l'ambassade de Tunisie au paiement des sommes suivantes :
* 8.190 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* 8.190 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'ambassade de Tunisie à lui remettre un certificat de travail, des bulletins de paie, un solde de tout compte et une attestation pôle emploi au titre de la prestation de travail.
La République tunisienne représentée par Monsieur l'ambassadeur de Tunisie sollicite la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de constater l'immunité de juridiction conformément aux dispositions de la convention de Vienne, de constater son incompétence et de renvoyer Monsieur [J] à mieux se pourvoir.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public a été entendu en ses observations.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la fin de non recevoir
La République de Tunisie revendique l' immunité de juridiction et conclut à l'irrecevabilité de l'action de Monsieur [J].
Monsieur [J] réplique que cette immunité n'est pas applicable en l'espèce, le présent litige étant relatif à l'existence d'un contrat de travail, acte de gestion ne relevant pas de l'exercice de la souveraineté.
Le ministère public constate que l'immunité de juridiction ne trouve pas à s'appliquer.
Les états étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par la nature et sa finalité à l'exercice de la souveraineté de ces états et n'est donc pas un acte de gestion.
En l'espèce le salarié prétend avoir été engagé pour exercer des fonctions d'agent de surveillance, lesquelles n'impliquent aucune responsabilité de puissance publique et ne se trouvent pas directement liées à l'exercice de la souveraineté de l'État tunisien.
Il convient donc de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la République de Tunisie représentée par Monsieur l'ambassadeur de Tunisie et de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le conseil de prud'hommes compétent pour connaître des demandes de Monsieur [J].
Sur le contrat de travail
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. Il en découle que l'existence d'un contrat de travail nécessite la réunion de trois éléments indissociables : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination.
Ainsi le lien de subordination, essentiel pour déterminer la nature des relations liant les parties, est caractérisé par l'existence d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements d'un salarié.
Pour prouver l'existence d'un contrat de travail entre lui et la République de Tunisie, Monsieur [J] communique aux débats deux procès-verbaux établis par le Service d'Investigation Transversal de Paris le 8 juin 2011 dans lesquels il est fait état de sa qualité d' « agent de sécurité chargé par Monsieur [B] de l'Ambassade tunisienne » et de son mandat « par Monsieur [B] chargé d'affaires de l'ambassade de Tunisie afin d'assurer la sécurité de l'ex-siège du Rassemblement Tunisien de France (RTF) sis [Adresse 4] ».
Il rappelle que l'accès à une ambassade sans autorisation est impossible et que sa présence dans les locaux de la dite ambassade confirme l'existence d'un contrat de travail.
Il explique qu'il travaillait sous les ordres de Monsieur [S] et que son salaire lui était versé en espèces.
La République de Tunisie conteste avoir été l'employeur de Monsieur [J].
Force est de constater que Monsieur [J] ne justifie pas de l'existence d'une relation contractuelle le liant à la République de Tunisie. En effet, les procès verbaux de police versés aux débats n'établissent pas, en l'absence d'autres éléments probants concrets, les conditions de fait de l'exercice de l'activité prétendue et spécialement la réalité d'une activité exercée sous l'autorité d'un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, de sanctionner les manquements de son salarié, c'est-à-dire l'exécution d'un contrat de travail dans le cadre d'un lien de subordination.
Aucun élément n'est par ailleurs apporté sur le versement d'une rémunération et la prestation de travail.
C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont, dans ces conditions, débouté Monsieur [J] de l'ensemble de ses prétentions. Le jugement sera confirmé.
Sur les frais de procédure
Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer, il n'y a donc pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [J] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT