Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 MARS 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15733
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 14/08846
APPELANTE
SAS BELAMBRA CLUBS
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Représentée par Me Jean-Michel LEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0134
INTIMEE
LA CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS LES MINES (CANSSM)
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Représentée par Me Nicolas FERRÉ, et Me Danièle CLAUS, de la SCP UGGC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P261
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Vu le jugement prononcé le 23 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré irrecevable l'action de la société Belambra clubs à l'encontre de la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines et a condamné la société Belambra clubs à payer à cette caisse la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions du 2 septembre 2016 de la société Belambra clubs, appelante, qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de juger son action recevable, au fond de juger que la CANSSM a toujours été l'unique employeur du personnel affecté exclusivement à l'exploitation du fonds de commerce, de l'entité économique autonome constituée par le centre de vacances [U] [S], subsidiairement de juger que la reprise, au terme de son mandat, par la CANSSM de son centre a opéré un transfert à son profit des contrats de travail du personnel du centre de vacances [U] [S], de juger que le refus de la caisse de respecter ses obligations envers ses salariés l'a obligée à se substituer à elle et lui a causé préjudice et, en toute hypothèse, de condamner la CANSSM à lui payer la somme de 1 497 838,08 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
Vu les dernières écritures du 13 décembre 2016 de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, ci-après CANSSM, qui conclut à titre principal à la confirmation de la décision déférée et demande à la cour à titre subsidiaire de débouter la société Belambra clubs de sa demande de dommages-intérêts et de la condamner en tout état de cause à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que la société Belambra clubs a, depuis l'année 1974, assuré la gestion du centre de vacances '[U] [S]' situé à [Localité 1] dont était propriétaire la CANSSM pour avoir, en dernier lieu, été attributaire d'un marché public de droit privé régi par l'article L.124-4 du code de la sécurité sociale et l'arrêté du 16 juin 2008 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale, d'une durée d'un an à compter du 1er janvier 2011 et reconductible annuellement dans la limite de trois ans et soumis au cahier des charges particulières n° 110 08 01 M ainsi qu'au cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par arrêté du 19 janvier 2009 ; que la CANSSM ayant rappelé à la société Belambra clubs par lettre du 10 juillet 2013 l'échéance du marché au 12 janvier 2014 et l'ayant informée par lettre du 26 septembre suivant de ce que le site de Menton cessait d'être un centre de vacances du régime minier à compter de l'exercice 2014 et serait mis en vente, cette société a demandé à la caisse de prendre en charge les contrats de travail des salariés attachés au centre puis, celle-ci ayant refusé, l'a assignée aux fins notamment de voir réintégrer le personnel dans ses effectifs devant le tribunal de grande instance de Paris qui a statué dans les termes susvisés ;
Considérant que la société Belambra clubs critique le jugement qui s'est fondé sur l'article 37 du CCAG-FCS pour déclarer son action irrecevable alors que ce texte ne prévoit ni l'intervention d'un tiers ni une phase amiable permettant de parvenir à une solution négociée entre les parties et n'indique pas plus que la phase amiable serait un préalable obligatoire à la saisine du juge ;
qu'au fond, elle fait valoir que le centre de vacances [U] [S] constitue un fonds de commerce appartenant à et exploité par la CANSSM et qu'elle n'a été, à l'égard de cette entité économique autonome, que la mandataire de la caisse au nom, pour le compte et dans l'intérêt de laquelle elle a toujours agi et que les conséquences, droits et obligations en découlant ont toujours été à la charge et au bénéfice de celle-ci ; qu'elle soutient, subsidiairement, qu'à supposer qu'elle fut, durant le mandat confié par la caisse, l'employeur du personnel affecté au centre de vacances, cette dernière a repris ce centre, à l'expiration du mandat, dans des conditions qui n'empêchaient pas la continuation de son exploitation et son refus de respecter ses obligations envers ses salariés l'a contrainte à se substituer à elle et lui a ainsi causé préjudice ;
que la CANSSM objecte que l'article '37.2' du CCAG-FCS, applicable en l'espèce, institue une procédure obligatoire de règlement des différends qui n'a pas été suivie par la société Belambra clubs dont l'action a donc été à bon droit jugée irrecevable ; qu'au fond, elle précise que la gestion du centre de vacances de [Localité 1] était régie non par le contrat de mandat du 23 février 2007 mais par le cahier des clauses particulières n° 10 08 01 M qui met à la charge du gestionnaire la gestion du personnel, dont le versement des salaires et les licenciements, ajoutant que l'absence de poursuite de l'activité du centre de vacances de [Localité 1] interdit l'application de l'article L.1224-1 du code du travail ;
Considérant, ceci exposé, que les parties sont opposées sur la question de l'existence ou non d'une phase amiable contraignante préalable à toute saisine du juge, la CANSSM opposant à la société Belambra clubs les dispositions de l'article 37 du CCAG-FCS issu de l'arrêté du 19 janvier 2009 ;
Considérant, cependant, qu'il ressort de l'article 3 du cahier des clauses particulières du marché n° 10 08 01 M, c'est à dire la gestion du centre de vacances [U] [S] à [Localité 1] à compter du 1er janvier 2011, versé aux débats par la CANSSM, que les documents qui régissent le marché sont les suivants et prévalent dans l'ordre de leur énumération :
* Pièces particulières :
- l'acte d'engagement,
- le présent cahier des clauses particulières,
- le règlement de consultation
* Pièces générales :
- l'arrêté du 16 juin 2008 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale,
- le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux fournitures courantes et services (issu de l'arrêté du 19 janvier 2009) ;
qu'il résulte de cette énumération que les dispositions du cahier des clauses particulières prévalent sur celles du CCAG-FCS ; que l'article 11 du CCP intitulé 'Règlement des litiges' stipule que 'pour le règlement des litiges, il sera fait application de l'article 15 de l'arrêté du 16 juin 2008 portant règlement sur les marchés des organismes de sécurité sociale qui autorise les parties contractantes à recourir à l'arbitrage tel qu'il est réglé par le livre IV du nouveau code de procédure civile. Les litiges qui ne peuvent être réglés par voie d'arbitrage relèvent de la compétence des juridictions judiciaires.' ;
que l'article 15 précité dispose que 'en cas de litige, les parties contractantes peuvent recourir à l'arbitrage tel qu'il est réglé par le livre IV du nouveau code de procédure civile' ;
qu'en l'espèce, les parties n'ont pas prévu le recours à l'arbitrage; que dès lors, la société Belambra clubs était en droit de saisir directement le juge judiciaire; que, de surcroît, l'article 37 du CCAG, intitulé 'Différends entre les parties' et libellé comme suit :
'37.1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché.
37.2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion.
37.3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation.
Commentaires :
Le pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose au comité consultatif du règlement amiable des litiges, dans les conditions mentionnées à l'article 127 du code des marchés publics'.
que la procédure ainsi décrite ne constitue pas un préalable contraignant à la saisine du juge, l'expression 'sous peine de forclusion' s'appliquant à l'évidence à l'envoi du mémoire qui ne peut plus être communiqué au pouvoir adjudicateur passé le délai de deux mois et non à l'introduction d'une procédure contentieuse ; qu'aucune disposition ne confère à l'envoi du mémoire le caractère obligatoire à défaut duquel le titulaire serait irrecevable à agir en justice; que c'est donc à tort que le premier juge a déclaré l'action de la société Belambra clubs irrecevable; que le jugement sera infirmé ;
Considérant, au fond, que l'article 4.2 du cahier des clauses particulières qui définit les obligations du gestionnaire stipule que ces obligations consistent notamment en la gestion du personnel employé sur le site 'et toutes les conséquences financières qui y sont attachées: embauches, avancements, promotions, salaires, congés payés, indemnités de toutes sortes, y compris licenciements, etc (...)' ; qu'il appartenait donc à la société Belambra clubs, au regard de ces dispositions, de faire son affaire personnel des procédures de licenciement ou de reclassement de son personnel imposées par la fermeture du centre de [Localité 1] en tant qu'infrastructure relevant du régime minier et la vente de l'ensemble immobilier le composant; que cette fermeture et cette vente font par ailleurs obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail puisque ce texte vise la reprise des contrats de travail par le nouvel employeur alors qu'en l'espèce l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur de sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer ;
qu'il suit de ces développements que la société Belambra clubs sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la CANSSM une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Belambra clubs sur ce fondement au motif que son action était irrecevable; qu'en revanche, succombant en appel à sa demande de dommages-intérêts, cette société sera déboutée de sa demande tendant aux mêmes fins ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable l'action de la société Belambra clubs,
DÉBOUTE la société Belambra clubs de ses demandes,
CONDAMNE la société Belambra clubs à payer la somme de 4 000 euros à la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines en application de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE la société Belambra clubs en tous les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS