Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 MARS 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22201
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/12035
APPELANTE
SA SCALIMMO,
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : B 121542
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408
Ayant pour avocat plaidant Me David SITRI, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Xavier VALLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
MONSIEUR L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES CHARGE DE LA DIRECTION DE CONTRÔLE FISCAL D'ILE DE FRANCE OUEST
ayant ses bureaux [Adresse 2]
[Localité 2]
agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques [Adresse 3]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS les Marronniers exerçait une activité de marchand de biens. Suite à une procédure de redressement judiciaire et un protocole d'accord transactionnel entre les associés, la totalité des parts de la société a été cédée à la société de droit luxembourgeois SA Scalimmo par trois actes du 15 novembre 2006 comme suit :
49 parts à de M. [E] [P] au prix de : 715 400 euros,
1 part de M. [J] [P] au prix de : 14 600 euros,
50 parts de l'EURL GB au prix de : 730 000 euros,
les parts ayant été évaluées par un expert-comptable au montant de 14 600 euros par part et soumises à un droit d'enregistrement de 1,1 % plafonné à 8 161 euros au titre de la cession.
Le 22 mars 2007, la société les Marronniers a fait l'objet d'une dissolution et d'une liquidation avec transmission universelle de son patrimoine à la société Scalimmo.
L'administration fiscale a adressé à la société Scalimmo une proposition de rectification en date du 17 décembre 2009, portant sur la valorisation des parts retenue pour la cession de 3 904 800 euros, soit 39 048 euros la part et une taux des droits d'enregistrement applicable, qui aurait dû être de 5 %, et cela pour un montant de 187 079 euros au titre des droits, 25 442 euros au titre des pénalités et 74 831 euros au titre des majorations, doit un total de 287 352 euros.
Dans sa réponse par courrier en date du 10 février 2010, la société Scalimmo a accepté le taux de 5 % mais contesté la méthode d'évaluation des titres utilisée par l'administration fiscale. Cette dernière a rejeté les arguments de la société le 16 mars 2010.
La commission départementale de conciliation saisie pour avis a validé la méthode utilisée par l'administration fiscale, en retenant une valeur par part moindre de 22 492 euros, que l'administration fiscale a reprise dans l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2011.
La société Scalimmo a formé un recours contentieux contre cet acte le 20 février 2012 et saisi le tribunal de grande instance de Bobigny par assignation en date du 28 septembre 2012, aux fins de contestation de la décision de rejet de l'administration fiscale du 27 juillet 2012.
Par jugement du 25 septembre 2014, le tribunal a débouté la société de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
La société a relevé appel de cette décision le 6 novembre 2014.
Par conclusions signifiées le 19 mai 2015 , la société Scalimmo demande à la cour d'ordonner l'annulation pure et simple de la décision attaquée et de débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions et, en conséquence, d'ordonner la restitution des sommes indûment versées par la société Scalimmo et de condamner la direction générale des finances publiques à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle prie la cour, à titre subsidiaire, de décider des valeurs à retenir concernant l'évaluation du stock de la société les Marronniers et d'ordonner la remise de la majoration pour manquement délibéré.
Par conclusions signifiées le 1er octobre 2015 , l'administration fiscale demande à la cour de juger la société Scalimmo mal fondée en son appel, de la débouter de toutes ses demandes et de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise.
Elle prie la cour de rejeter toute demande de frais irrépétibles et de condamner la société Scalimmo à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 9 janvier 2017.
SUR CE,
En préalable, la société Scalimmo fait valoir que le litige persistant s'élève à 39 460 euros en droits, et non 40 169 euros, auxquels s'ajoutent 47 085 euros de pénalités (total de 86 545 euros). L'administration fiscale a pris acte de cette correction dans ses écritures en réponse.
Sur la valorisation des titres de la société les Marronniers
La société Scalimmo conteste la valorisation des titres de la société les Marronniers retenue par l'administration fiscale. Elle ne conteste pas le choix fait par l'administration de procéder, s'agissant d'une société à prépondérance immobilière, à la valorisation des titres selon une évaluation patrimoniale de l'état du stock.
Elle soutient qu'il appartient à l'administration qui entend rejeter une valorisation effectuée par le contribuable d'apporter des justifications si elle entend proposer une nouvelle valorisation qui doit être légalement envisageable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; la doctrine administrative et la jurisprudence faisant appel à un faisceau d'indices tandis que l'administration n'a fondé son évaluation que sur une valeur patrimoniale.
Elle fait valoir que la valeur aurait dû être pondérée d'autres valeurs pour refléter la réelle valeur de marché des titres et précise que le seul recours à une évaluation mathématique des titres ne saurait suffire en l'espèce, même en présence d'une société dont le stock est constitué de biens immeubles et dont l'activité de marchand de biens était faible à la date de la cession (redressement).
Elle ajoute que la valorisation initiale a été réalisée par l'intermédiaire d'un expert comptable, qui a justement évalué les titres au regard de la faible rentabilité de la société les Marronniers et de l'absence de garantie d'actif et de passif à la date de cession, éléments qui n'auraient pas été pris en compte par l'administration fiscale. Elle soutient que seule cette valorisation au moment de la cession des parts est fidèle à la réalité du marché.
Elle souligne que l'évaluation des titres retenue par la commission départementale de conciliation (22 492 euros/part) démontrerait au surplus que le premier résultat obtenu par l'administration fiscale (39 048 euros) surévaluait largement la valeur vénale des titres.
En réponse, l'administration fiscale indique que les valeurs de rendement et de productivité n'étaient pas pertinentes dans le cas de la société les Marronniers, eu égard à son activité de marchand de biens, ce qui justifie d'avoir eu recours à une appréciation mathématique de la valeur des titres au regard des biens immeubles composant son stock.
Elle soutient qu'elle a repris la méthode utilisée par l'expert-comptable en procédant à une nouvelle évaluation des immeubles du stock par comparaison, et que la valeur patrimoniale représentait le mieux la valeur vénale des parts d'une société à prépondérance immobilière dont la faible activité à la date de cession ne justifiait pas d'avoir recours à une valeur de rendement ou de productivité.
Ceci étant exposé, il convient de souligner que la société Scalimmo ne conteste pas l'application du taux de 5 %, le litige portant ainsi sur 39 460 euros en droits hors pénalités.
En second lieu, il convient de noter que, comme en première instance, le débat porte sur la pertinence d'une pondération de la valeur patrimoniale utilisée par l'administration fiscale, par d'autres critères tels la valeur de rendement ou de productivité.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, les titres de la société les Marronniers ont été évalués, lors de leur cession, sur la base du bilan de la société au 31 décembre 2015. La société Scalimmo ne précise ni les modalités de calcul des valeurs de rendement ou de productivité qu'elle entendrait voir appliquer ni leur incidence chiffrée sur la valorisation retenue par l'administration. Elle ne démontre pas que les caractéristiques ou le contexte économique dans lequel la société les Marronniers évoluait devraient être pris en compte pour aboutir à une pondération de la valeur patrimoniale, dont la pertinence a été constatée s'agissant d'une société à prépondérance immobilière. La valeur patrimoniale représentait le mieux la valeur vénale des parts d'une société à prépondérance immobilière dont la faible activité à la date de cession ne justifiait pas d'avoir recours à une valeur de rendement ou de productivité.
Sur l'évaluation de certains biens du stock d'immeubles
La société critique également les termes de comparaison et les valeurs retenues par l'administration fiscale concernant plusieurs biens du stock d'immeubles de la société les Marronniers.
. concernant le bien situé à [Localité 3]
La société Scalimmo indique que la vente d'un bien situé à [Localité 3] le 13 janvier 2006 serait intervenue antérieurement à la date de cession des parts de la société les Marronniers, entraînant ainsi une diminution du stock de cette dernière, ce dont l'administration fiscale n'a pas tenu compte.
L'administration fiscale expose que la vente dudit bien n'a pas nécessairement modifié l'actif net de la société, la diminution du stock étant compensée par les disponibilités en résultant. Elle précise également qu'à défaut de bilan déposé par la société les Marronniers dans l'intervalle de la cession des titres, elle pouvait légitimement se fier aux éléments du bilan de l'exercice clos en 2005 et que le rapport d'expertise en date du 25 novembre 2010 produit par l'appelante utilisait des comparatifs inopérants en l'espèce.
Ainsi que l'a justement estimé le premier juge, la vente du bien le 13 janvier 2006 survenue antérieurement à la cession des parts intervenue le 15 novembre 2006 n'apparaît pas, en l'absence de bilan intermédiaire, de nature à remettre en cause l'évaluation du stock établie au 31 décembre 2005. En outre, la diminution du stock a été compensée par les disponibilités en résultant.
. concernant le bien situé à [Localité 4]
L'appelante soutient que l'état de ce bien est insalubre en raison de traces d'amiante, de termites et de plomb attestées par un diagnostic de la société Sedim et conteste ainsi la comparaison opérée par l'administration fiscale avec des biens ordinaires.
L'administration fiscale répond que les documents produits par la société ne permettent pas d'établir l'état insalubre du bien. Elle soutient avoir procédé à une comparaison avec d'autres biens datant des années 60 pour tenir compte de traces éventuelles d'amiante et de plomb au regard des techniques de construction de l'époque.
Selon procès-verbal établi le 12 octobre 2007, à une date postérieure à la cession des parts de la société Les Marronniers, Maître [K] [O], huissier de justice à [Localité 4], a constaté que le logement de l'immeuble se trouvant sur rue était inhabitable en l'état au motif que le sol, les papiers peints et la peinture étaient vétustes, les fenêtres très anciennes, la plancher et le plafond défoncés dans la pièce située côté est, les peintures fortement écaillées dans la cuisine et la salle de bains et qu'il existait des fissures importantes en divers endroits. Ce procès-verbal ne constate pas de traces d'amiante, de termites et de plomb. Ces constatations n'établissent pas que le bien est insalubre.
. concernant le bien situé à [Localité 5]
La société Scalimmo expose qu'il s'agit d'un terrain non constructible à la date de cession des titres (2006), ce dont l'administration fiscale n'a pas tenu compte. Elle invoque un certificat d'urbanisme de 1990.
L'administration fiscale rejette cet argument en indiquant que ces documents ne permettent pas d'établir le caractère non constructible du bien à la date de cession, justifiant la comparaison avec des biens constructibles qu'elle a effectuée.
Or, il convient de constater que ni le certificat d'urbanisme négatif établi le 23 mai 1990 ni l'appréciation d'un cabinet d'expert-géomètre en date du 3 novembre 2010 selon laquelle le terrain n'est pas constructible en raison du classement de la parcelle en zone Ueb qui ne crée des terrains à bâtir qu'à partir de 1 000 m2, ne permettent pas d'établir le caractère non constructible de la parcelle en cause à la date de cession des parts de la société Les Marronniers et ne sauraient donc remettre en cause l'évaluation faite par l'administration fiscale.
Sur la prise en compte au passif des plus-values latentes
La société soutient que l'évaluation de la valeur vénale des titres retenue par l'administration fiscale ne tient pas compte au passif de l'impôt sur les sociétés auquel auraient été soumises les plus-values de cession des biens immeubles du stock.
Ainsi que le soutient l'administration fiscale et ainsi que l'a jugé le tribunal, il n'y a pas lieu de tenir compte au passif d'un impôt éventuel au motif que les immeubles constituent des éléments de stock et non des immobilisations.
Sur les pénalités pour manquement délibéré
L'appelante indique que l'erreur de taux au titre des droits d'enregistrement ne suffit pas à établir son intention d'éluder l'impôt, n'ayant pas sciemment minoré l'évaluation du stock d'immeubles lors de la cession malgré le caractère professionnel de son activité immobilière, la commission départementale de conciliation ayant de plus réduit la valeur initialement retenue par l'administration fiscale, ce qui démontre que son évaluation n'était pas évidente.
L'administration fiscale maintient que l'appréciation du caractère délibéré s'effectue à la date du manquement et non au regard de faits postérieurs, relevant que la qualité de professionnel de la société et l'insuffisance d'évaluation des parts à hauteur de 789 200 euros excluait une simple erreur.
Ceci étant exposé, il convient de rappeler que le manquement délibéré est fondé sur l'importance, la nature et la fréquence des rehaussements ou sur le fait que le contribuable ne pouvait normalement ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées.
En l'espèce, même si l'insuffisance d'évaluation des parts a été sensiblement diminuée après avis de la commission départementale de conciliation, elle s'élève néanmoins à 54 % de la valeur des parts. En outre, la société Scalimmo, spécialiste de l'immobilier ne pouvait ignorer ni la valeur du stock ni le taux d'imposition des cessions en matière de droits d'enregistrement ni l'absence de plafonnement de ces droits.
C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que les pénalités pour manquement délibéré seraient maintenues.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Scalimmo de toutes ses demandes ainsi que sur les dépens.
La société Scalimmo succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 28 septembre 2014 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Scalimmo aux dépens d'appel ;
DEBOUTE la société Scalimmo de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société Scalimmo à payer à Monsieur l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile de France Ouest la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E E. LOOS