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17/03/2017 | FRANCE | N°15/09975

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 17 mars 2017, 15/09975


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 17 MARS 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09975



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 11/04762





APPELANTS



Monsieur [M] [Q]

Né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Sylvie EX-IGNOTIS de la SCP FOUCHE-EX IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 155

Ayant pour avocat plaidant, Me Yves BEDDOUK, avocat au barreau de VERSA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 17 MARS 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09975

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 11/04762

APPELANTS

Monsieur [M] [Q]

Né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sylvie EX-IGNOTIS de la SCP FOUCHE-EX IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 155

Ayant pour avocat plaidant, Me Yves BEDDOUK, avocat au barreau de VERSAILLES

Madame [I] [Z] épouse [Q]

Née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sylvie EX-IGNOTIS de la SCP FOUCHE-EX IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 155

Ayant pour avocat plaidant, Me Yves BEDDOUK, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEES

SAS FINANCIERE TILSITT

RCS PARIS 499 258 903

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Non constituée

SARL DG ASSOCIES

RCS CRETEIL 503 403 3133

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Franck SINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0903

SAS OCEANIS OUTRE MER

RCS SAINT DENIS DE LA REUNION 451 523 229

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Pascal MARKOWICZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1585

Société LE JACARANDA

RCS SAINT DENIS DE LA REUNION 491 816 930

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 4]

Représentée par Me Pascal MARKOWICZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1585

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RCS PARIS 542 097 902

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe METAIS du LLP WHITE AND CASE, avocat au barreau de PARIS, toque : J002

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère

M. Marc BAILLY, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Par défaut,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Le 12 février 2009, Monsieur [M] [Q] et Madame [I] [Z], son épouse, ont acquis de la société Le Jacaranda, société civile de construction-vente, qui a pour maison mère et gérante, la société Océanis Outremer, promoteur immobilier, en l'état futur d'achèvement (VEFA), les lots n°281 et 434 d'un immeuble en copropriété sis à Saint Denis de la Réunion.

Cet investissement, présenté à Monsieur et Madame [Q] par la société DG Associés, délégataire de la société Office Épargne Patrimoine (OFFEP), devenue Financière Tilsitt intervenait dans le cadre du dispositif de défiscalisation de la loi dite « Girardin ».

Il a été financé par un prêt Helvet Immo, d'une durée initiale de 22 ans, avec différé d'amortissement de 3 ans, à taux révisable, 4,7% pendant les cinq premières années et libellé en francs suisses, consenti par la société BNP Paribas Personal Finance (BNP PPF) selon offre du 10 décembre 2008, acceptée le 22 suivant et réitérée par acte authentique du 12 février 2009.

Les lots ont été livrés en août 2009 et loués, par contrat du 2 août 2011 à effet le 8 août suivant, pour une somme mensuelle de 269 €.

Le 16 novembre 2016 Monsieur et Madame [Q] ont rédigé une procuration notariée pour vendre les lots litigieux à hauteur de 55 000 €.

C'est dans ce contexte que Monsieur et Madame [Q] ont engagé la responsabilité professionnelle de la société DG Associés par exploit du 30 mars 2011. Les 16,19 et 20 avril 2012, cette dernière a appelé en intervention forcée les sociétés Financière Tilsitt, Océanis Outremer, Le Jacaranda et BNP PPF.

Par jugement du 7 avril 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société DG Associés au paiement de 7 000 € de dommages-intérêts et d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration du 18 mai 2015, Monsieur et Madame [Q] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions du 27 novembre 2015, ils demandent à la cour :

d'annuler le prêt consenti par BNP PPF,

de condamner conjointement et solidairement (sic) les cinq sociétés intimées à leur verser la somme de 205 947,36 € de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier, celle de 20 000 €, chacun, au titre de leur préjudice moral et d'anxiété et celle de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 29 septembre 2015, la société DG Associés sollicite principalement l'infirmation du jugement déféré exposant en substance avoir agi comme mandataire et parfaitement exécuté la mission qui lui avait été confiée par la société Financière Tilsitt. Subsidiairement, elle souhaite obtenir la garantie des autres sociétés intimées et sollicite de tout succombant le paiement d'une indemnité de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 5 décembre 2016 BNP PPF sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [Q] de leurs demandes dirigées à son encontre. Elle soulève l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la société DG Associés et, subsidiairement, la confirmation du jugement qui l'a déclarée mal fondée. Elle sollicite la condamnation des appelants et de la société DG Associés à lui verser des indemnités respectives de 10 000 € et 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir constitué avocat, les sociétés Le Jacaranda et Océanis Outre Mer n'ont pas conclu dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile.

Assignée selon les formes prévues par l'article 659 du code de procédure civile, la société Financière Tilsitt n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2016.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces produites et notamment du rapport de l'expertise que Monsieur et Madame [Q] ont fait diligenter, que l'appartement acquis, dans un immeuble de bon standing, bien que situé au premier étage, avait une terrasse ouverte sur une place équipée d'un arrêt de bus, ce dont il résultait des nuisances outre un risque d'intrusion décrit par l'expert comme favorisé par la présence d'un garde-corps ;

Considérant que le gestionnaire du bien a expliqué que ces inconvénients ont été à l'origine de la difficulté à laquelle il s'est trouvé confronté pour trouver un locataire, obligeant Monsieur et Madame [Q] à baisser de 480 € à 400 € puis à 269 € le prix du loyer pour ne trouver preneur qu'au bout de deux ans, tandis que l'assurance souscrite ne prenait en charge que six mois de carence ;

Considérant que les mêmes raisons expliquent leur décision de vendre le bien pour une somme de 55 000 € ;

Considérant enfin que le décrochage de l'euro par rapport au franc suisse, consécutif à la crise des dettes souveraines des pays de la zone euro en début d'année 2010, a eu pour conséquence de porter le capital restant dû sur le prêt souscrit, à la date du 10 septembre 2016, à la somme de 240 992,08 € pour 182 500 € empruntés ;

Considérant que si Monsieur et Madame [Q] jugent cet investissement globalement désastreux, ils ne peuvent pour autant solliciter la condamnation (in solidum) des différents intervenants à en assumer l'ensemble des conséquences dommageables, l'opération étant à l'origine de préjudices distincts et qu'il convient d'examiner les fautes reprochées à chaque intimé dans le cadre de ses missions respectives ;

Sur la responsabilité la société DG Associés

Considérant que Monsieur et Madame [Q] soutiennent que cette société leur a présenté un « package » comportant :

la vente notariée des lots,

le financement par BNP PPF,

un mandat de gérance pour une location mensuelle au prix de 480 €,

une assurance loyers impayés,

et qu'elle leur devait, parce qu'ils étaient profanes, une obligation de conseil, d'information et de mise en garde ;

Qu'ils se bornent à développer le contenu de cette dernière obligation, reprochant à la société de ne pas les avoir interpellés sur le bien immobilier, sa localisation, l'existence d'une véritable demande locative dans son secteur et son prix, analysant comme une obligation de résultat l'expertise qu'elle soutient avoir en la matière ;

Considérant qu'ils lui reprochent également la structure du prêt souscrit pour acquérir les lots ;

Considérant que la société DG Associés, qui conteste toute relation contractuelle avec les appelants, soutient être intervenue auprès de Monsieur et Madame [Q] en octobre 2008 sur la demande et en qualité de mandataire de la société Financière Tilsitt, s'être appuyée sur la documentation transmise par cette dernière et par les promoteur/vendeur et avoir reproduit, dans l'étude réalisée dénommée « COMPTE PATRIMOINE RETRAITE », les renseignements fournis tant par les investisseurs que par son mandant ;

Considérant qu'elle précise avoir parfaitement rempli les termes de son mandat, en se rendant sur place pour visiter l'immeuble et en incitant Monsieur et Madame [Q] à souscrire une assurance garantissant la carence et la vacance locative ainsi que les impayés de loyers ;

Considérant qu'elle conteste que sa responsabilité puisse être mise en 'uvre au titre des malfaçons de l'immeuble, son contrat excluant toute immixtion dans le travail des maîtres d''uvre ou bureaux de contrôle ;

Qu'elle ajoute qu'il lui était également interdit de modifier le prix annoncé par son mandant ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites que la société DG Associés se présente comme un « cabinet d'ingénierie fiscale » ;

Qu'elle justifie avoir été mandatée par la société OFFEP, aux termes d'un contrat cadre de « délégation de mandat de vente non exclusif », signé le 31 décembre 2007 pour une durée de deux ans renouvelable, pour commercialiser des biens en VEFA éligibles à certains dispositifs fiscaux (lois Scellier et Girardin) ;

Qu'aux termes de ses écritures, cette société, devenue Financière Tilsitt, l'adressait aux investisseurs contactés par ses soins et manifestant un intérêt pour des produits de défiscalisation ;

Que son contrat lui confiait la mission de présenter aux potentiels acquéreurs, la documentation générale,les plans d'ensemble, les tarifs, les modalités d'investissement ainsi que d'assurer un suivi administratif des ventes, le mandant s'engageant à apporter à lui prodiguer une formation sur les dispositifs d'investissements locatifs, permettant encore au mandataire de développer des animations commerciales ;

Considérant qu'en l'espèce, la société DG Associés a fait une étude du projet envisagé par Monsieur et Madame [Q], les informant du dispositif Girardin qui prévoit une réduction d'impôt, répartie sur 5 ans à concurrence de 40 % de la surface défiscalisable sous réserve d'une location pendant 5 ans puis, au delà, la possibilité de déduire 100% des intérêts et charges de loyers ;

Considérant qu'elle était seule présente à la signature, le 21 novembre 2008, du contrat de réservation des biens litigieux, la convention mentionnant son intervention comme « conseiller mandaté » du réservant ;

Qu'après la signature de l'acte de vente, le 6 mars 2009, elle est intervenue pour gérer le dossier de remboursement aux acquéreurs des intérêts intercalaires et des frais bancaires ;

Que le 22 février 2011 elle a encore sollicité son mandant au sujet de la fermeture de la terrasse de l'appartement acquis afin de le sécuriser et pour qu'il indemnise les appelants de leur manque à gagner au titre des loyers ;

Qu'elle précise s'être rendue sur place pour voir l'immeuble et avoir incité Monsieur et Madame [Q] à souscrire une garantie de loyers ;

Considérant qu'il apparaît ainsi que la société DG Associés, choisie comme mandataire par les promoteurs d'immeubles de rapport en raison de ses compétences affirmées en matière fiscale et qui disposait, à l'époque des faits, d'un portefeuille de programmes à commercialiser important (11 pour le compte de la seule société Financière Tilsitt) intervenait pour orienter le choix des personnes qui lui étaient signalées comme intéressées par ce type d'investissement puis pour assurer le suivi du dossier ;

Qu'elle ne peut donc prétendre à l'absence de contrat, dont la qualification est indifférente, entremise ou prestation de conseil en investissement et/ou fiscalité, au seul motif qu'aucun écrit n'a été rédigé pour définir ses relations avec Monsieur et Madame [Q] ;

Considérant qu'en toute hypothèse dès lors qu'elle a traité avec ces derniers en son propre nom, le « COMPTE PATRIMOINE RETRAITE » étant présenté comme une étude personnalisée réalisée par un de ses préposés se présentant comme « votre conseiller », elle doit en assumer la responsabilité dans ses rapports avec les acquéreurs, sauf à exercer un recours contre son mandant ;

Et considérant qu'en l'espèce la société DG Associés s'est engagée, dans le chapitre « GARANTIES ET GESTION » de son étude, sur un Revenu mensuel garanti de 480 € ;

Qu'elle n'a assorti cet engagement d'aucune réserve, alors que sa visite sur place pouvait lui permettre de déceler les inconvénients de l'appartement, et que c'est à partir de ce revenu garanti qu'elle a dressé différents tableaux chiffrant l'épargne réalisée et les économies d'impôts ;

Considérant ainsi que c'est à bon droit que le tribunal a retenu un manquement à ce titre et a rejeté toute autre faute, en l'absence de tout élément permettant de démontrer qu'elle est intervenue pour conseiller le prêt litigieux, BNP PPF précisant que le dossier lui a été présenté par un courtier dénommé Financeal Partner, tandis que les pièces produites établissent qu'elle n'avait aucune maîtrise du prix de vente ;

Considérant que prenant en compte les pertes de loyers indemnisées à ce jour, les appelants fixent leur préjudice à la somme de 6 735 € ;

Considérant en conséquence qu'en arbitrant à 5 000 € la perte de chance d'effectuer un placement plus judicieux, à 2 000 € le dommage moral des investisseurs et en indemnisant les frais irrépétibles de Monsieur et Madame [Q], le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi et qu'il convient de le confirmer en toutes ses dispositions ;

Sur les recours en garantie de la société DG Associés

Considérant qu'au regard de l'unique faute retenue contre la société DG Associés, seul un recours contre son mandant est envisageable sous réserve pour elle de démontrer, les termes du mandat précité lui conférant une certaine autonomie pour accomplir sa mission, que c'est la société Financière Tilsitt qui a déterminé le montant du loyer ;

Que cette preuve n'étant pas rapportée, il convient de la débouter de son recours ;

Sur la demande dirigée contre la banque

Considérant que Monsieur et Madame [Q] sollicitent la nullité du prêt pour illicéité de la clause d'indexation sur le franc suisse ;

Qu'ils qualifient l'emprunt de toxique pour des emprunteurs qui n'investissent ni ne travaillent en [Localité 3], soutiennent que le risque de change est exclusivement supporté par l'emprunteur, évoquent la mise en examen de BNP PPF et la déposition d'une de ses cadres recueillie dans le cadre de l'instruction pénale, précisent s'être constitués partie civile le 11 mai 2015, citent l'article L312-3-1 du code de la consommation et le décret 2014-544 du 26 mai 2014, pour soutenir que la souscription d'un prêt Helvet Immo serait aujourd'hui illégale ;

Qu'ils reprochent encore à la banque, outre son immobilisme, des manquements à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde précisant qu'elle aurait dû les interpeller sur l'impact de la fluctuation du taux de change sur le montant du capital emprunté aux motifs qu'ils sont profanes et ont été amenés à signer une série de contrats liés et dont les termes sont peu explicites  ;

Considérant que BNP PPF reproche au tribunal d'avoir déclaré recevable l'appel en garantie formalisée par la société DG Associés alors que l'article 331 alinéa 1 du code de procédure civile n'ouvre cette action qu'à une partie pouvant agir contre l'intervenant à titre principal ;

Que, sur le fond, elle considère le contrat régulier au regard des dispositions de l'article L112-2 du code monétaire et financier invoquées au soutien de la demande de nullité, conteste les qualificatifs de « toxique » pour le prêt, « d'immobilisme » pour elle, et estime inopportuns l'évocation de textes postérieurs au contrat ou d'un témoignage recueilli dans le cadre de la procédure pénale ;

Qu'elle rappelle le contenu des obligations d'une banque et s'emploie à démontrer qu'elle a parfaitement rempli son obligation d'information ;

Sur l'irrecevabilité soulevée

Considérant que selon les dispositions de l'article 325 du code de procédure civile toute intervention doit avoir un lien suffisant avec l'instance engagée, ce qui est le cas en l'espèce, et que le droit d'agir à titre principal contre le tiers appelé en intervention forcée prescrit par l'article 331 du même code s'entend du droit pouvant naître de la décision à intervenir dans l'instance engagée, permettant à la partie qui revendique un droit à garantie contre un tiers au titre des condamnations prononcées à son encontre de l'appeler en intervention forcée pour éviter un nouveau procès ;

Et considérant que la recevabilité est indépendante du bien fondé de l'action de sorte que l'absence de lien de droit entre DG Associés et BNP PPF est indifférente et qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la mise en cause de la banque par la société DG Associés ;

Sur l'illicéité de la clause d'indexation

Considérant que le prêt litigieux a été contracté en francs suisses en raison des taux d'intérêt attractifs alors proposés par la Confédération Helvétique ;

Que son remboursement est cependant opéré, conformément à la législation en vigueur, en euros ;

Qu'il résulte des termes du contrat que le franc suisse intervient comme monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement, les échéances versées étant converties en francs suisses pour déterminer l'amortissement du capital emprunté ;

Considérant ainsi que la clause de monnaie de compte est assimilable à une clause d'indexation et doit satisfaire aux exigences posées par l'article L112-2 du code monétaire et financier lequel dispose :

« dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties » ;

Considérant, outre que la relation directe exigée par ce texte est suffisamment caractérisée par la qualité de banquier de l'une des parties au contrat, qu'il est expressément mentionné dans la convention que le crédit « est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises » ;

Considérant en conséquence qu'il convient, confirmant le jugement déféré, de déclarer la clause critiquée licite et de rejeter les demandes tendant à prononcer son annulation et celle, subséquente, du contrat de prêt ;

Sur la critique de la construction du prêt

Considérant qu'à supposer que l'argumentation développée par Monsieur et Madame [Q] sur la toxicité du prêt, l'évolution de la législation, les apports de la procédure pénale ou l'immobilisme de la banque s'inscrive dans le cadre d'une remise en cause du devoir de loyauté de la banque, il convient de rappeler :

que BNP PPF, qui s'est personnellement exposée au risque de change en empruntant sur les marchés internationaux dans le cadre de son opération de refinancement, a structuré ces emprunts de manière à faire profiter ses clients de taux d'intérêt attractifs au terme d'une période (1999/2007) de forte stabilité du franc suisse,

qu'elle ne pouvait alors anticiper le décrochage de cette devise apparue fin 2009, début 2010 pour les raisons précitées,

qu'un indice de référence n'est pas un produit dérivé variant en fonction d'un sous-jacent et que le prêt Helvet Immo n'est pas un prêt structuré exposant le souscripteur à un risque majeur,

que l'article L312-3-1 du code de la consommation, né de la loi du 26 juillet 2013 et la directive européenne 2014/17 du 4 février 2014 parce qu'ils ont été adoptés a posteriori et pour tirer les conséquences d'une conjoncture économique instable sur les prêts indexés sur une devise étrangère démontrent qu'à la date de la convention, aucun opérateur ne pouvait les prévoir,

que le témoignage de Madame [B], directrice régionale d'une agence BNP Paribas n'est pas de nature à apporter la preuve contraire, sa déposition démontrant essentiellement qu'elle avait parfaitement conscience des risques relatifs aux variations du taux de change ;

Considérant que l'immobilisme encore reproché à la banque n'est pas davantage démontré, cette dernière ayant rapidement répondu au courrier des emprunteurs qui ont sollicité, le 22 mars 2011 la conversion rétroactive et sans frais de leur prêt en euros puis mis en place une médiation d'entreprise pour permettre à ses clients d'exposer les difficultés rencontrées ;

Sur les manquements contractuels allégués

au titre de l'obligation de conseil

Considérant qu'en sa qualité de prêteur de deniers, la banque, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients, ne peut les conseiller sur l'opportunité économique de leur(s) investissement(s), de sorte que ce grief n'est pas fondé ;

au titre de l'obligation de mise en garde

Considérant qu' elle suppose un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt dont la preuve incombe aux emprunteurs ;

Qu'en l'espèce Monsieur et Madame [Q] n'en invoquent pas, ne renseignent pas la cour sur leur situation patrimoniale et ne versent aucune pièce de nature à la caractériser de sorte que le manquement allégué n'est pas démontré ;

au titre de son obligation d'information

Considérant que Monsieur et Madame [Q] prétendent ne pas avoir été alertés sur l'impact de la fluctuation du taux de change sur le capital emprunté ;

Considérant que BNP PPF, qui ne conteste pas devoir établir qu'elle a satisfait à cette obligation ni davantage que l'information doit être tout particulièrement accessible à l'investisseur lorsque le produit est, comme en l'espèce, complexe, soutient que ce grief n'est pas fondé, estimant son offre de prêt précise et complète ;

Considérant qu'il résulte tant de l'offre de prêt que de sa réitération notariée que Monsieur et Madame [Q] ont été informés :

que le montant de leur crédit était de 288 785,26 francs suisses,

que le prêt était financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises,

que ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, les versements ne pouvaient être effectués qu'en euros pour un remboursement en francs suisses, étant précisé qu'en acceptant l'offre de crédit, l'emprunteur acceptait les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit,

que deux comptes étaient ouverts, l'un en francs suisses, qualifiés de « monnaie de compte » pour connaître à tout moment l'état du remboursement du crédit, l'autre en euros, « monnaie de paiement », pour permettre le paiement des échéances, et que les règlements mensuels s'effectuaient en euros, convertis en francs suisses après paiement des charges annexes,

que les frais de change appliqués à chaque opération de change étaient de 1,50 % toutes taxes comprises du montant à convertir ;

Considérant que le paragraphe « MONTANT DE VOS REGLEMENTS MENSUELS » précise encore :

au titre de l'amortissement du capital,

« s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible (en caractères gras dans le texte), l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses ;

s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible (en caractères gras dans le texte), l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit.

En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :

au paiement des intérêts de l'échéance

à l'amortissement du prêt »

au titre de l'impact des variations de taux d'intérêts sur le montant de vos règlements en euros

« si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé (en caractères gras dans le texte), le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.

si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé (en caractères gras dans le texte), le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de cinq années, vos règlements en euros seraient alors augmentés »,

Puis :

« si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limité de cinq ans. Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir « Charges de votre crédit ») et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit, au plus tard à la fin de la période complémentaire de cinq ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés)

Considérant que l'offre comportait également, outre un tableau d'amortissement présenté comme prévisionnel en raison des variations du taux de change de l'euro en francs suisses,

une NOTICE PRESENTANT LES CONDITIONS ET MODALITES DE VARIATION DU TAUX D'INTERET DE VOTRE CREDIT (ART.L312-8 2° TER DU CODE DE LA CONSOMMATION)

une SIMULATION DE L'EVOLUTION DU TAUX D'INTERET,

des INFORMATIONS RELATIVES AUX OPERATIONS DE CHANGE QUI SERONT REALISEES DANS LE CADRE DE LA GESTION DE VOTRE CREDIT, précisant notamment, si le taux de change passe à 1 € contre 1,4790 francs suisses, celui en vigueur à la date du prêt étant de 1,559, que la durée du crédit sera prolongée de 18 mois et son coût majoré de 21 819,38 € ;

Considérant ainsi que la banque a donné une information complète et intelligible sur la structure du prêt et les risques qu'il comportait ;

Qu'elle a même été au-delà des obligations légales en délivrant une notice permettant aux emprunteurs d'apprécier l'influence de la fluctuation du taux de change alors que la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 ne lui imposait de produire une simulation chiffrée qu'au titre de la variation du taux d'intérêt ;

Considérant enfin que chaque trimestre BNP PPF adresse aux emprunteurs un relevé de situation détaillant les opérations réalisées et mentionnant le taux de change ;

Considérant ainsi qu'elle a parfaitement satisfait à ses obligations et qu'il convient de débouter les appelants de leur demande de condamnation à son endroit ;

Sur la responsabilité des sociétés Océanis Outre Mer et Jacaranda

Considérant que Monsieur et Madame [Q] leur reprochent de leur avoir vendu un bien dans un lieu bruyant et non sécurisé, de n'avoir pas porté à leur connaissance qu'il comportait une terrasse donnant sur le rez de chaussée, de ne pas les avoir interpellés sur son aptitude à être loué, alors que la distance géographique ne leur permettait pas d'en prendre connaissance par eux mêmes et d'avoir fixé un prix prohibitif  ;

Qu'ils fondent ces prétentions sur le principe de loyauté posé par l'article 1134 alinéa 3 du code civil ;

Mais considérant que la réglementation propre au contrat de vente, et notamment aux VEFA, ne permet pas aux acquéreurs de demander une indemnisation hors prévisions légales sur le fondement d'un texte général du droit des contrats ;

Et considérant qu'il convient de rappeler d'une part que la lésion n'est admise qu'exceptionnellement en droit français et, s'agissant des immeubles, qu'elle n'est ouverte qu'aux vendeurs, d'autre part que la garantie demandée par les appelants, qui soutiennent que le bien acquis est impropre à l'usage auquel ils le destinaient, suppose de démontrer l'existence d'un vice caché dont le rapport d'expertise produit exclut l'augure ;

Considérant en conséquence que la demande indemnitaire dirigée contre les vendeurs doit être rejetée ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de ce texte au titre de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne [M] [Q] et Madame [I] [Z], son épouse aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/09975
Date de la décision : 17/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/09975 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-17;15.09975 ?
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