La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2017 | FRANCE | N°13/22138

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 17 mars 2017, 13/22138


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 17 MARS 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22138



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2013 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013032664







APPELANTES



SARL S.D.M.R. II exerçant sous le nom commercial 'EXTENSIONS VIP' agissant en la personne de ses représenta

nts légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 521 926 667

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée Me Laurent LEVY de la SELAS LEXING...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 17 MARS 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22138

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2013 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013032664

APPELANTES

SARL S.D.M.R. II exerçant sous le nom commercial 'EXTENSIONS VIP' agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 521 926 667

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

SARL S.D.M.R. exerçant sous le nom commercial 'ESPACE VIP'agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 508 272 895

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

SARL ESPACE VIP agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 537 476 251

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

SARL PTCHELA exerçant sous le nom commercial 'ESPACE VIP' agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 481 285 880

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

INTIMEE

SARL GREAT LENGTHS FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 421 152 570

[Adresse 5]

[Localité 5]

Représentée Me Victor CHETRIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0734

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, et Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, chargée du rapport

M. François THOMAS, Conseiller, désignée par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sandrine CAYRE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Patricia DARDAS, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société GREAT LENGTHS, n°1 mondial de l'extension de cheveux naturels, disposant en France d'une filiale, GREAT LENGTHS France, fournit au groupe « Extension VIP », constitué de trois salons de coiffure, du matériel marketing, un fichier informatique lui permettant de communiquer et alimenter un site internet, et demande à ce que les marques du distributeur et la sienne soient associées, etc... et a donc, selon les termes de l'assignation, incité « EXTENSION VIP » à communiquer autour de sa marque en lui fournissant tous les moyens nécessaires pour atteindre ce but.

Le partenariat a porté ses fruits pour les deux parties et le chiffre d'affaires a atteint, à la fin de 2012 un montant de l'ordre de 150.000 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 avril 2013, le conseil de GREAT LENGTHS France a informé « EXTENSION VIP » qu'elle mettait fin à toutes relations commerciales. Le 4 avril 2013, « Extension VIP » a constaté la rupture des livraisons et a réclamé une indemnisation.Sans réponse de GREAT LENGTHS France, elle a saisi le tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement rendu le 23 octobre 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SARL GREAT LENGTHS France à payer à la SARL PTCHELA la somme de 17.537 euros, à la SARL S.D.M.R, la somme de 2.852 euros et à la SARL S.D.M.R exerçant sous le nom commercial « ESPACE VIP » la somme de 419 euros ;

- débouté les parties pour toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires au présent jugement ;

- dondamné la SARL GREAT LENGTHS France à payer aux sociétés PTCHELA, S.D.M.R, et à la SARL S.D.M.R exerçant sous le nom commercial « ESPACE VIP » la somme de 1.000 euros chacune au titre de l'application de l'article 700 du CPC, déboute pour le surplus et la condamne aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Les SARL S.D.M.R II, S.D.M.R, ESPACE VIP et PTCHELA ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Les SARL S.D.M.R II, S.D.M.R, ESPACE VIP et PTCHELA, par conclusions du 6 février 2015, demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société GREAT LENGHTS FRANCE de l'intégralité de ses demandes, retenu la responsabilité de la société GREAT LENGHTS FRANCE pour avoir rompu brutalement les relations commerciales entretenues avec les sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP et condamné la société GREAT LENGHTS France à verser à chacune des sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement sur le surplus ;

Statuant à nouveau :

1) Sur la responsabilité de la société GREAT LENGTHS FRANCE pour la rupture brutale des relations commerciales avec les sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP

Vu l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce,

- constater que la société GREAT LENGHTS FRANCE entretenait une relation stable : o avec la société PTCHELA, depuis 2008 ;

avec la société S.D.M.R, depuis 2009 ;

avec la société ESPACE VIP, depuis 2012 ;

- constater que compte-tenu de la durée des relations commerciales entre la société GREAT LENGHTS et les sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP, l'importance financière desdites relations commerciales, l'état de dépendance économique et des investissements réalisés, le préavis aurait dû être :

de douze mois pour la société PTCHELA ;

de dix mois pour la société S.D.M.R ;

de quatre mois pour la société ESPACE VIP ;

En conséquence :

- condamner la société GREAT LENGHTS FRANCE à verser des dommages et intérêts au titre de la perte de la marge brute durant le préavis qui aurait dû être respecté :

à hauteur de 117.386,20 € à la société PTCHELA ;

à hauteur de 31.817,36 € à la société S.D.M.R ;

à hauteur de 3.741,16 € à la société ESPACE VIP ;

- condamner la société GREAT LENGHTS à verser des dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'image de marque à hauteur de 50.000 euros, sauf à parfaire, à chacune des sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP.

2) Sur la responsabilité de la société GREAT LENGTHS FRANCE pour le préjudice causé à la société S.D.M.R II, tiers victime de la rupture brutale des relations commerciales avec les sociétés PTCHELA, S.D.M.R et ESPACE VIP,

Vu l'article 1382 du code civil,

- constater que la société S.D.M.R II, du fait de l'effondrement du groupe EXTENSIONS VIP dont elle a pris la tête et dont elle gère la communication et la stratégie, est tiers victime de la rupture brutale des relations commerciales établies entre GREAT LENGTHS FRANCE et les salons du groupe EXTENSIONS VIP ;

En conséquence,

- condamner la société GREAT LENGHTS FRANCE à verser 100.000 euros, sauf à parfaire, de dommages et intérêts à la société S.D.M.R II en réparation de son préjudice ;

3) Sur la responsabilité de la société GREAT LENGTHS pour la rupture abusive des relations commerciales avec les sociétés PTCHELA, S.D.M.R, S.D.M.R II et ESPACE VIP Vu l'article 1382 du code civil,

- constater que, concomitamment à la rupture des relations commerciales qu'elle a elle-même décidé, la société GREAT LENGHTS à adresser une lettre circulaire à l'ensemble de ses clients contenant des propos dénigrants à l'égard des sociétés du groupe EXTENSIONS VIP ;

En conséquence,

- condamner la société GREAT LENGHTS à verser des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros, sauf à parfaire, à chacune des sociétés PTCHELA, S.D.M.R, S.D.M.R II et ESPACE VIP ;

4) En tout état de cause,

- débouter la société GREAT LENGHTS de l'ensemble de ses demandes plus amples et contraires ;

- condamner la société GREAT LENGHTS à verser en cause d'appel 15.000 euros à chacune des sociétés PTCHELA, S.D.M.R, S.D.M.R II et ESPACE VIP en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles font tout d'abord valoir que GREAT LENGHTS engage sa responsabilité pour avoir rompu brutalement et sans raison valable les relations établies avec les salons du groupe Extensions VIP ; elles soulignent tout d'abord que la relation commerciale avec GREAT LENGHTS était établie puisqu'elle était régulière, stable et significative. Puis elles indiquent que GREAT LENGHTS a rompu brutalement la relation commerciale avec les salons du Groupe EXTENSIONS VIP. Ainsi, par une lettre du 2 avril 2013, GREAT LENGHTS a indiqué pour la première fois et sans la moindre ambiguité rompre tout approvisionnement de produits au Groupe EXTENSIONS VIP. Elles ajoutent qu'elles n'ont jamais reçu une prétendu lettre que prétend avoir envoyé GREAT LENGHTS en date du 13 mars 2013. Par la suite, elles invoquent la brutalité de cette rupture qui est intervenue sans préavis.

Les appelantes précisent qu'aucune des prétendues fautes invoquées par GREAT LENGTHS pour tenter de justifier de la rupture des relations commerciales n'est fondée, que ne sont ainsi caractérisées ni la violation de différents éléments contractuels, ni la violation du réseau de distribution GREAT LENGHTS implanté en France, ni la délivrance de formation, ni l'utilisation de la marque GREAT LENGHTS.

Les SARL S.D.M.R II, S.D.M.R, ESPACE VIP et PTCHELA indiquent ensuite que GREAT LENGHTS aurait dû respecter un préavis raisonnable à l'égard de chaque salon du Groupe EXTENSIONS VIP. Elles ajoutent qu'une forte demande de la clientèle d'EXTENSION VIP en produits GREAT LENGHTS était présente au point de représenter la majeure partie de son activité. Dès lors la dépendance économique ne peut être niée surtout que les produits GREAT LENGHTS représentaient la quasi totalité du chiffre d'affaires réalisé par les salons du groupe EXTENSIONS VIP en prestation de pose d'extension de cheveux.

En raison du préjudice subi, les SARL S.D.M.R II, S.D.M.R, ESPACE VIP et PTCHELA soutiennent que GREAT LENGHT doit procéder à une indemnisation au titre de plusieurs chefs:

- perte de la marge durant le préavis raisonnable qui aurait dû être observé ;

- atteinte à l'image de marque des salons du groupe EXTENSIONS VIP auprès de sa clientèle.

Elles indiquent que GREAT LENGHTS engage sa responsabilité à l'égard de S.D.M.R II, tiers victime de la rupture brutale des relations commerciales établies avec les salons du Groupe EXTENSIONS VIP. En effet, elles soulignent le fait que S.D.M.R II a joué un rôle majeur dans le développement économique du Groupe EXTENSIONS VIP et donc l'effondrement économique du groupe a anéanti les investissements colossaux que S.D.M.R II avaient réalisés.

De plus, elles ajoutent que GREAT LENGHTS engage sa responsabilité pour avoir rompu la relation commerciale établie avec les sociétés du Groupe EXTENSIONS VIP par différents actes.

En effet, elles soulignent que GREAT LENGHTS a adressé une lettre à l'ensemble de ses clients dans laquelle il dénigre les produits et les services des sociétés du Groupe Extensions VIP.

Ainsi elles soulignent que les propos dénigrant tenus par GREAT LENGHTS auprès de ses clients ont conduit à nuire à l'image de marque du groupe EXTENSIONS VIP auprès de ses concurrents, mais aussi de ses prospects.

S'agissant de la concurrence déloyale et du parasitisme argués par GREATS LENGHTS les SARL S.D.M.R II, S.D.M.R, ESPACE VIP et PTCHELA indiquent qu'aucune preuve n'est avancée puisque la société intimée ne démontre nullement, ni en quoi son prétendu savoir faire lui serait propre, ni en quoi il aurait eu un coût pour sa mise en place.

La société GREATS LENGHTS, par conclusions signifiées le 18 février 2015, demande à la Cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le caractère brutal de la rupture des relations commerciales et a débouté GREAT LENGTHS se sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour parasitisme et concurrence déloyale ;

- débouter les sociétés SDMR II, PTECHELA, SDMR, ESPACE VIP de l'ensemble de leurs demandes ;

- dire que la société EXTENSIONS VIP ne rapporte pas la preuve de l'établissement des relations commerciales établies au sens de l'article L.442-6 5°du code de commerce ;

- constater que les sociétés appelantes ne rapportent pas la preuve du caractère brutal de la rupture des relations commerciales ;

- dire que La société EXTENSIONS VIP n'est pas recevable à se prévaloir des dispositions de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce ;

- débouter la société PTCHELA de sa demande de dommages et intérêts dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve de la rupture des relations commerciales ;

- débouter la société SDMR de sa demande de dommages et intérêts dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve de la rupture des relations commerciales ;

- débouter la société ESPACE VIP de sa demande de dommages et intérêts dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve de la rupture des relations commerciales et de l'établissement de ses relations commerciales stables ;

- dire que c'est pour des motifs graves que la société GREAT LENGTHS à rompu les relations commerciales avec la société EXTENSIONS VIP au sens des dispositions de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce ;

- débouter la société SDMR II de sa demande en réparation de son supposé préjudice par ricochet ;

- constater qu'il n'y aucun dénigrement ou atteinte à l'image des sociétés requérantes du fait de la lettre circulaire ;

- les débouter de leur demande en dommages et intérêts pour atteinte à l'image en confirmant le jugement du tribunal ;

- condamner reconventionnellement la société EXTENSIONS VIP à payer à la société GREAT LENGTHS France la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme ;

Subsidiairement,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé ;

Très subsidiairement,

- désigner tel expert qui lui plaira afin de déterminer, la marge brute, déduction faite des coûts variables relatifs à la commercialisation des produits pour les 3 années préalables à la rupture soit d'avril 2010 à avril 2013 pour les sociétés PTCHELA, SDMR et ESPACE VIP ;

- rejeter les demandes des sociétés requérantes ;

- ramener en termes tant de durée du préavis que de montant de la marge brut ses demandes à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés PTCHELA, SDMR, SDMR II et ESPACE VIP à payer la société GREAT LENGTS France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société GREAT LENGHTS fait tout d'abord valoir qu'il n'y a pas à proprement parler de « GROUPE EXTENSION VIP », et c'est pour les besoins de la cause que la société SDMR II fait état de l'existence d'un tel groupe afin de rallonger artificiellement la durée des relations commerciales et majorer abusivement le prétendu préjudice commercial ; elle indique qu'il n'y a aucun groupe de société puisque chacune des sociétés requérantes est indépendante, la société SDMR II n'ayant, sauf preuve contraire, aucune participation dans les autres sociétés.

Elle indique que la rupture des relations commerciales avec la société SDMR II, agissant sous le nom « EXTENSION VIP », est légitime. Elle invoque l'absence de relations commerciales stables et établies avec la société SDMRII et indique que la société SDMR II n'a procédé à des commandes d'extensions de cheveux auprès de la société GREAT LENGTHS que pendant une durée de quatre mois, ce qui, au regard de la jurisprudence, est insuffisant pour constituer une relation commerciale établie.

S'agissant de la rupture des relations commerciales, elle précise que :

- la lettre du 2 avril 2013, dont se prévalent les requérantes et qui n'a été adressée qu'à la société EXTENSIONS VIP, n'est que la réitération d'une lettre recommandée AR en date du 13 mars 2013 qui n'a jamais été réceptionnée, mais dont l'envoi, exprimant la volonté réelle de l'intimée, est incontestable ;

- si elle avait entendu rompre brutalement les relations commerciales l'unissant à la société EXTENSIONS VIP, elle aurait cessé d'approvisionner cette dernière à compter de cette date.

Elle ajoute que le comportement de la société EXTENSIONS VIP lui a été préjudiciable et fortement répréhensible dès lors que :

- en démarchant les salons agréés GREAT LENGTHS et en leur faisant signer un contrat d'approvisionnement exclusif des produits GREAT LENGTHS, il violait délibérément le contrat de distribution dont elle bénéficiait ;

- en violation des conditions générales de vente qui imposent aux salons souhaitant poser des extensions GREAT LENGTHS, de suivre préalablement une formation, la société EXTENSIONS VIP s'est substituée à cet agrément préalable ;

- GREAT LENGTHS n'avait plus aucune traçabilité de ses produits qui pouvaient être posés ou vendus dans des conditions hautement préjudiciables, hors de tout contrôle de sa part.

La société GREAT LENGTHS indique que n'est nullement rapportée la preuve d'une quelconque rupture des relations commerciales entre la société GREAT LENGTHS France et les sociétés PTCHELA ' Enseigne BIGUINE -, SDMR et ESPACE VIP ' enseigne ESPACE VIP - justifiant l'application des dispositions de l'article L.442-6 I 5°du code de commerce.

Sur la durée du préavis, elle soutient que les durées de préavis proposées par les sociétés requérantes sont sans proportion avec la réalité des relations commerciales et avec la situation. Pour la marge applicable, elle indique que les calculs de marge ne sont proposés que pour le salon PTCHELA à l'exclusion des autres salons pour lesquels aucune justification ni visibilité de marge brute n'est produite.

SUR CE 

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Considérant que l'article L.442-6,I 5°du code de commerce dispose : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel...De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. ( ...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d' inexécution par l' autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure." ; que les dispositions sus-visées ont vocation à s' appliquer lorsqu' il existe une relation commerciale qui s'entend d' échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel, laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux ; qu'il convient donc d'examiner si la rupture de la relation commerciale directe était établie et a été brutale et si elle n'était pas justifiée par des manquements dans ses obligations par EXTENSIONS VIP ;

Considérant que le groupe EXTENSIONS VIP (constitué de la société SDMR II, ESPACE VIP et PTCHELA) soutient avoir fait l'objet d'une rupture brutale de la relation commerciale sans raison valable et sans aucun préavis ;

Considérant qu'il résulte des éléments versés aux débats que cette relation a débuté :

- entre la société PTCHELA et la société GREAT LENGHTS en 2008 (pour 88 euros de chiffre d'affaires), pour se terminer fin 2012 ;

- avec SDMR de début 2011 à fin 2012 ;

- avec ESPACE VIP de fin 2011 à fin 2012 ;

Que la société EXTENSION VIP s'est rapprochée de la société GREAT LENGTHS afin d'acquérir du matériel et de proposer aux clients de ses salons la pose des produits GREAT LENGTHS ; qu'en 2013, la société SDMR II (nom commercial EXTENSIONS VIP) a centralisé et a procédé aux commandes pour les autres sociétés, PTCHELA, SDMR et ESPACE VIP ; que cette réorganisation de la distribution, dont la société GREAT LENGTHS avait une parfaite connaissance, est sans incidence sur l'application de l'article L.442-6, I 5° du code de commerce ; que la relation revêtait donc les caractères d'une relation établie au sens de l'article sus-visé, entendue comme une relation suivie, stable et habituelle ;

Considérant que la relation commerciale a été interrompue le 2 avril 2013 par un courrier recommandé avec accusé de réception de la société GREAT LENGTHS qui y a mis fin dans les termes suivants : 'Vous comprendrez enfin que, dans de telles conditions, la société GREAT LENGHTS entend légitimement mettre un terme définitif à quelque relation que ce soit avec votre société et que vous retireriez tous les visuels GREAT LENGTHS de tous vos sites internet.' ; que la société GREAT LENGTH avait préalablement envoyé le 13 mars 2013 un autre courrier recommandé avec accusé de réception (non réceptionné) exprimant dans les mêmes termes sa volonté de rompre ses relations commerciales qu'elle avait néanmoins poursuivies jusqu'au 2 avril 2013 ; que ce courrier, dépourvu de la moindre équivoque, a mis fin aux relations commerciales des parties sans accorder aucun préavis ; que, si ce courrier était à l'adresse de la société SDMR II qui centralisait les commandes depuis 2013, il n'en demeure pas moins que la rupture concernait les autres sociétés du groupe comme il a déjà été indiqué précédemment ; que l'absence du moindre préavis caractérise la brutalité de la rupture ;

Considérant que l'article L.442-6, I 5° du code de commerce autorise la rupture sans préavis en cas de manquements du partenaire commercial à ses obligations ;

Considérant que, dans son courrier du 2 avril 2013, la société GREAT LENGHTS évoque quatre griefs à l'encontre du groupe EXTENSION VIP :

- la violation de différents éléments contractuels ;

- la violation du réseau de distribution GREAT LENGHTS implanté en France ;

- la délivrance de formation ;

- l'utilisation de la marque ;

Qu'il résulte des éléments du dossier qu'aucun contrat n'a été conclu entre les parties et qu'en conséquence il ne peut être soutenu une violation des dispositions contractuelles, les conditions générales de vente de GREAT LENGHTS France, les contrats de distribution exclusif entre GREAT LENGHTS INTERNATIONAL et GREAT LENGHTS FRANCE et les contrats de distribution sélectifs entre GREAT LENGHTS et des salons de coiffure agréés n'étant pas opposables aux demanderesses qui n'y ont jamais souscrites et dont il n'est nullement établi qu'elles en aient eu connaissance ;

Que l'usage contrefaisant de la marque n'est pas davantage démontré, alors que l'utilisation de la marque était expressément autorisée par GREAT LENGTHS ;

Considérant que GREAT LENGTHS reproche à la société EXTENSIONS VIP de revendre des

produits GREAT LENGTHS à certains salons de coiffure alors que ces produits auraient été soumis à un réseau de distribution sélectif ;

Considérant que l'article L.442-6 I 6° du code de commerce sanctionne le fait de 'participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive' ;

Considérant que les demanderesses ne contestent pas les reventes invoquées ; que le contrat conclu entre les salons de coiffure et la société GREAT LENGTHS prévoit les conditions de commandes du produit (article 7 Commercialisation - pièce GREAT LENGTHS n°6) et stipule que : 'Le coiffeur agréé ne peut vendre les produits qu'au détail et au consommateur final' ; que la société GREAT LENGTHS établit l'existence d'un réseau de distribution et la licéité de ce réseau qui résulte nécessairement de la spécificité du produit vendu par GREAT LENGTHS (extensions de cheveux) en association avec la délivrance de formation pour la pose ; que les demanderesses ne pouvaient ignorer ni que les produits GREAT LENGTHS sont exclusivement distribués en France par GREAT LENGTHS FRANCE, qui dispose d'un contrat de distribution exclusive, ni que, pour pouvoir acquérir et poser des produits GREAT LENGTHS, il faut être préalablement agréé, ni que GREAT LENGTHS FRANCE n'a vocation à fournir en extensions que les salons de coiffure préalablement agréés pour poser les produits GREAT LENGTHS ; qu'en distribuant les produits GREAT LENGTHS à des salons non agréés, les appelantes ont manqué à leurs obligations ; que la gravité de ces manquements justifiait la rupture des relations commerciales du 2 avril 2013 était donc justifiée par les manquements des appelantes ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de rejeter la demande du groupe EXTENSION VIP fondée sur la rupture brutale des relations commerciales ;

Sur la demande de SMDR II en dommages et intérêts en sa qualité de victime par ricochet sur le fondement de l'article 1382 du code civil

Considérant que le fondement de cette demande repose sur l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales qui aurait causé un préjudice à la société SMDR II en ricochet; qu'elle n'invoque aucune faute autre que celle sus-visée ; que la lettre circulaire de GREAT LENGHTS envoyée à ses clients ne fait que leur rappeler que les sociétés du groupe EXTENSIONS VIP ne peuvent se prévaloir d'une formation auprès d'elle et qu'elle ne leur a donné aucune autorisation à s'en prévaloir ; que ce courrier ne comporte ni propos dénigrants, ni atteinte à l'image de marque ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SMDR de cette demande ;

Sur la demande de GREAT LENGHTS pour concurrence déloyale et parasitisme

Considérant que la société GREAT LENGHTS ne rapporte pas la preuve d'acte de concurrence déloyale de la part des appelantes notamment d'un démarchage agressif ; qu'elle n'établit pas le préjudice dont elle demande l'indemnisation ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en entrepris qu'il a débouté GREAT LENGHTS de sa demande de ce chef ;

Considérant que l'équité impose de condamner in solidum les sociétés appelantes à payer à la société GREAT LENGTHS la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur la rupture brutale des relations commerciales,

STATUANT À NOUVEAU du chef infirmé,

DIT que la rupture des relations commerciales le 2 avril 2013 par la société GREAT LENGHTS était justifiée par des manquements des demanderesses à leurs obligations contractuelles,

DEBOUTE les appelantes de leurs demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales;

CONDAMNE in solidum les sociétés PTCHELA, SDMR, SDMR II et ESPACE VIP à payer à la société GREAT LENGHTS la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

LES CONDAMNE in solidum aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/22138
Date de la décision : 17/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°13/22138 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-17;13.22138 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award