RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 15 Mars 2017
(n° 220, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05632
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 12/07857
APPELANT
Monsieur [C] [L]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assisté de Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 177
INTIMEE
Société JP MORGAN CHASE BANK NA
N° SIREN : 712 041 334
[Adresse 2]
[Adresse 1]
représentée par Me Gwen SENLANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : J007
substitué par Me Sarah ROHMANN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Christelle RIBEIRO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE ;
Le groupe de sociétés JP Morgan dispose en France de plusieurs entités juridiques employant au total 214 salariés en 2011.
L'entité dont relevait M. [L] exerçait ses activités en matière de fusions-acquisitions, de crédits et de taux, de gestion et de fonds structurés et alternatifs, de services de trésorerie et de banque privée ainsi que des fonctions de support transversales.
Une partie des salariés de cette entité a été mise à la disposition de la structure JP Morgan Mansart Investments pour y réaliser de la gestion passive.
Les activités de banque d'investissement ainsi que les activités de gestion passive en France sont directement rattachées à l'entité en charge de l'activité banque d'investissement de JP Morgan à Londres.
L'activité de gestion passive exercée par l'entité en France consistait à assurer la fabrication et la gestion de produits financiers sous forme de fonds, en collaboration avec les équipes de trading du bureau de Londres, en vue de leur commercialisation par un distributeur exclusif.
L'activité de gestion des fonds est une activité réglementée qui ressort de la compétence des autorités de régulation à savoir, en France, l'autorité des marchés financiers et l'autorité de contrôle prudentiel et de régulation. La structure JP Morgan Mansart Investments a reçu l'agrément de l'AMF en 2002 et est donc autorisée à gérer de tels fonds.
En Septembre 2011, cette structure JP Morgan Mansart Investments était dirigée par deux directeurs généraux à [Localité 2] M. [R] [F] et M. [H] [R] et un président M. [J] [C] au bureau de Londres. Cette structure a cessé toute activité en 2014.
M. [C] [L] a été engagé par la société JP Morgan Chase Bank NA, suivant un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er août 2007 . A compter du 23 octobre 2007, il assumait des fonctions de contrôleur des risques.
M. [C] [L] a été mis à la disposition de la structure JP Morgan Mansart Investments à compter du 1er janvier 2008, mise à disposition formalisée par un avenant à son contrat de travail du 26 décembre 2007.
Le 1er février 2009, M. [L] a accédé au grade interne de vice-président et a été hiérarchiquement rattaché au directeur général de la structure JP Morgan Mansart Investments M. [R] [F].
Au mois de juillet 2009, il a été promu au poste de responsable des risques de marché du contrôle interne, sous la condition d'obtenir une carte professionnelle délivrée par l'AMF après un examen.
Ayant réussi l'examen, la carte professionnelle a été délivrée à M. [L] par l'AMF, le 16 octobre 2009. Il pouvait alors occuper les fonctions de « responsable conformité contrôle interne » dites « RCCI ».
Alléguant n'avoir pas pu exercer de façon satisfaisante sa mission tant que RCCI en raison non seulementdes manquements de l'employeur à la réglementation en vigueur mais aussi à l'absence de réponse de sa part à ses interrogations et alertes, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 28 décembre 2011.
L'employeur a contesté les manquements allégués par le salarié par lettre du 9 février 2012.
Le 9 juillet 2012, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir condamner la société JP Morgan Marsart Investments à lui verser diverses sommes à savoir, un rappel de bonus, un rappel de congés payés, le paiement des actions attribuées en janvier 2010 et en janvier 2011, un rappel de prime, les indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 4 mai 2015 le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage a débouté M. [L] de l'ensemble de ses réclamations et n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'employeur.
Appelant de ce jugement, M. [L] en sollicite l'infirmation, demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la société JP Morgan Mansart Investments à lui verser les sommes suivantes:
- 51 774 € au titre du complément de bonus pour l'année 2011 outre les congés payés afférents,
- 7453,51 euros au titre d'un rappel de congés payés,
- 24 553 € à titre de dommages-intérêts en raison de la perte des actions attribuées en janvier 2010 et janvier 2011,
- 28 833,34 euros au titre de la prime de 13e mois,
- 31 250 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 24795,12 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 278 950 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 92 980 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ces condamnations portant intérêts au taux légal, soit à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, soit à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir pour les créances indemnitaires, ces divers intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
La société JP Morgan Marsart Investments conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet des demandes formulées par le salarié.
À titre subsidiaire elle propose de voir arrêter les créances comme suit :
- 26 041,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 16 667,12 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 62 500 € le montant des dommages-intérêts à revenir au salarié sur la base d'un salaire de 10 416,67 euros,
- 5071,02 euros pour la perte de chance d'avoir pu bénéficier des actions attribuées en janvier 2010 et en janvier 2011 correspondant à 50 % de la valeur des actions perdues, valorisées à la date de la rupture du contrat de travail.
Sur les bonus et les congés payés afférents, elle propose à titre subsidiaire 25 955,50 euros bruts.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
Motifs:
sur la demande au titre du bonus pour l'année 2011 ;
S'appuyant tout à la fois sur les clauses de son contrat de travail et sur les règles applicables dans le groupe, M. [L] réclame un complément de bonus pour l'année 2011.
Il expose avoir perçu une prime ou un bonus de 54 000 euros en 2009 et de 73 000 euros en 2010, et relève n'avoir perçu que 11 726 euros en 2011 alors qu'il a travaillé l'année entière.
S'il admet le caractère discrétionnaire de la prime en cause, il invoque l'inégalité de traitement dès lors que l'employeur ne peut justifier de façon pertinente et objective une différence de rémunération entre les salariés faisant un même travail ou de valeur égale. Il observe que la société JP Morgan Marsart Investments n'a pas communiqué le montant du bonus accordé à Mme [E] et ajoute qu'il n'a pas bénéficié d'une évaluation pour l'année 2011 bien que l'article 36 de la convention collective de la banque l'imposait.
D'après le contrat de travail, le salarié pourra bénéficier d'un bonus discrétionnaire dans les conditions d'octroi prévues par la politique générale du groupe en ce domaine et dont une partie pourrait être versée en cash et l'autre en titres JP Morgan Chase.
Le contrat de travail peut prévoir en plus de la rémunération fixe, l'attribution d'une prime ou d'un bonus laissé la libre appréciation de l'employeur. Toutefois, le caractère discrétionnaire d'une rémunération ne permet pas à un employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré.
La société JP Morgan Marsart Investments conteste toute possibilité de comparaison avec la situation de Madame [E] puisque celle-ci exerçait des fonctions d'une autre nature, bénéficiait d'une classification conventionnelle plus importante, disposait d'une expérience plus ancienne pour avoir commencé sa carrière en 1992 et assumait plus de responsabilité que M. [L].
La cour relève que si Mme [E] était comme M. [L] RCCI, il est précisé par M. [L] lui-même qu'elle avait une action au niveau du groupe. Au surplus, il ne disposait pas d'une expérience similaire.
Sa situation n'était donc pas comparable.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié du chef de cette demande.
sur la prise d'acte de la rupture ;
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.
Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent être non seulement établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.
La lettre du 28 décembre 2011 aux termes de laquelle M [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail faisait état des éléments suivants :
« dans le prolongement de nos derniers échanges, fort du constat d'une situation totalement bloquée, je suis au regret de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.
La fonction de responsable des risques RCCI que j'occupe au sein de la structure JP Morgan Mansart Investments consiste à s'assurer de la maîtrise des risques investissement, du respect la primauté de l'intérêt des clients, du respect de la réglementation ainsi que de l'adéquation des procédures et du dispositif de contrôle.
L'exercice de cette fonction requiert un enregistrement auprès de l'autorité des marchés financiers, organe de contrôle des sociétés de gestion et l'obtention de la carte professionnelle RCCI.
L'obtention de la carte professionnelle RCCI est elle-même conditionnée par la réussite d'un examen auprès de l'autorité de tutelle.[...] cette responsabilité qui m'a été confiée depuis le juillet 2009.
Or, au cours de ces derniers mois, les changements organisationnels intervenus au sein de JP Morgan Mansart Investments ont conduit petit à petit à une totale paralysie de mon activité et à l'impossibilité d'exercer ma fonction, ma responsabilité professionnelle est susceptible de se trouver engagée.
Je vous ai à de nombreuses reprises fait part, d'abord en août 2011 puis plus formellement dans le cadre du comité de contrôle interne le 6 octobre 2011 des entraves apportées à l'exercice normal de mes fonctions se traduisant par des difficultés d'accès à l'information.
Vous n'avez tenu aucun compte de ces alertes, renouvelées récemment par courriels datés du 18 novembre et 14 décembre que j'ai adressés aux dirigeants de la société.
Vous restez ainsi sourds à mes appels et mises en garde et la situation ne fait que se dégrader, me mettant en porte-à-faux par rapport mes responsabilités et obligations puisqu'il m'est demandé de cautionner des situations que je devrais, au contraire dénoncé du fait même de mes fonctions.
Il en est ainsi de :
- absence d'indépendance du département de la gestion : sous l'impulsion de son responsable M. [R], le département se soumet aux instructions de M. [P]. Or ce dernier ne dispose d'aucun mandat ou habilitation quelconque autorisant son immixtion dans les décisions de la société de gestion.
-Le rôle et le rattachement de M. [P] à une entité du groupe ayant des intérêts divergents de ceux des clients de la société : la société se retrouve ainsi dans des situations de conflits d'intérêts qui constituent une infraction l'article L. 214-9 du code des marchés financiers et 313'21 du RGAMF.
- la fermeture de fonds d'investissement sans formalisation ni mention dans les forums internes (comités de contrôles, comités de gestion) toujours à l'initiative de M. [P] : de tels agissements s'inscrivent en opposition avec la gouvernance de la société telle que soumise à l'autorité de tutelle (AMF).
- L'envoi de documents confidentiels à des entités externes, en infraction avec les accords de confidentialité signés et l'obligation pour le groupe JP Morgan de s'agréger certaines activités génératrices de conflit d'intérêts : cette violation par la société de son obligation de confidentialité induit des risques forts tant au niveau de la société elle-même qu'au niveau de ma personne.
- Le refus de mettre en 'uvre les programmes d'activités tels qu'ils ont pourtant été présentés et enregistrés auprès du régulateur.
- L'exclusion de ma personne, en dépit de mes demandes régulières, de certaines informations, communications et échanges clés : il en résulte une entrave à mes fonctions de RCCI ce qui constitue une infraction à l'article 31 de l'instruction 2008'03 du 8 février 2008,
- Les demandes insistantes et répétées qui me sont faites de validation de certaines actions ou documents alors même que les informations susceptibles d'influer sur les décisions ne me sont pas communiquées.
- La documentation a posteriori de certaines décisions mettant ainsi à mal le département de contrôle.
- Les références à ma personne, se prévalant de mon accord dans des e-mails et/ou documents internes que je découvre a posteriori sans que mon accord n'ait en réalité été sollicité.
- Le refus de communication auprès de l'AMF et autres organes régulateurs quant à la fermeture pourtant décidée et programmée de la société de gestion : il m'est fait interdiction de communiquer sur ce sujet alors qu'informer l'AMF de cette situation relève de mes obligations professionnelles.
- Pire encore, des demandes d'agrément et le lancement de nouveaux fonds d'investissement dans diverses juridictions sont inaugurés comme si de rien n'était : pourtant la décision de fermer la structure est actée et la procédure devant mener au licenciement de l'ensemble des salariés est même d'ores et déjà engagée. Il m'est ainsi demandé de mentir ouvertement.
- Les pressions que je subis de différents cadres dirigeants du groupe JP Morgan dès que je remonte les infractions commises ou éléments de non-conformité sont intenables : en attestent l'insistance pour la non documentation de certaines infractions dans les forums usuels et les demandes de changement ex-post de certains comptes-rendus.
Ces pressions, que je subis tant de manière directe, que de manière indirecte[...] constituent une véritable entrave à l'exercice de ma fonction.
Je vous rappelle que je suis personnellement responsable vis-à-vis de l'autorité de tutelle. De ce fait, toute infraction, élément de non-conformité ou traitement inadéquat des clients qui n'est pas identifié par la fonction de RCCI peut m'être reproché, tant par l'employeur que par l'autorité de contrôle.
En ma qualité de RCCI la non information de l'autorité de tutelle (AMF) présente un risque personnel fort puisqu'il engage ma responsabilité et ma réputation, sachant dans le même temps que la dénonciation de cette situation me porterait inévitablement préjudice que ce soit dans le cadre de mes relations avec JP Morgan Mansart Investments ou même dans la recherche d'un nouvel emploi.
Je me retrouve donc dans une impasse, situation que j'ai tentée de résoudre en vous proposant une rupture d'un commun accord de mon contrat. En refusant même d'étudier ma requête, vous ne me laissez pas d'autre choix que celui de prendre acte de la rupture de contrat de travail ne pouvant poursuivre longtemps d'être mis en porte-à-faux au regard de mes obligations professionnelles et donc en danger[...] »
M. [L] considère qu'il assumait des fonctions de responsable du contrôle des risques et de responsable de la conformité du contrôle interne, dans la mesure où d'une part, le règlement général de l'AMF ne permet en aucune façon de dissocier les fonctions de conformité et de contrôle interne d'autre part, si Mme [E] exerçait ses fonctions RCCI essentiellement au sein du groupe et était certes considérée comme l'interlocutrice privilégiée de l'AMF pour la transmission des informations, il était le seul RCCI entièrement dédié à JPMMI, et le rôle dévolu à l'autre salariée n'était pas de nature à remettre en cause ses propres fonctions ainsi que ses propres responsabilités en lien avec sa double qualité de RCR et RCCI vis à vis de l'AMF. Il renvoie notamment au courriel de M. [F] président de la société de gestion qui l'assurait le 14 décembre 2011, que « nous prenons note de tes préoccupations en tant que RCCI de la société de gestion ».
Par ailleurs, il relève les manquements commis par l'employeur en matière de règles de gouvernance d'entreprise, d'indépendance et de confidentialité.
S'agissant de la gouvernance, il invoque la dépendance du département de gestion vis-à-vis de M. [P] qui ne disposait d'aucun mandat, ni d'aucune habilitation ainsi que la décision prise par ce responsable de fermer, de liquider, en plein été, en dehors de tout contrôle, la majeure partie des fonds gérés par JPMMI.
Pour en justifier, il renvoie à des échanges de courriels :
- entre lui-même et Madame [V] en date du 18 juillet 2011,
- entre [M] [S], [L] [Y], [F] [A] et [Q] [D] en date du 5 août 2011,
- entre [L] [Y] , [R] [F], lui-même le 9 août 2011, M. [Y] annonçant le fermeture du fonds Efficience 4 et Efficience 8
- entre lui-même, [R] [F], [B] [E] les 29 juillet, 8 et 9 août 2001, M. [F] précisant en réponse à l'évocation de la fermeture des fonds qu'aucune des décisions n'a été validée formellement, et indiquant que « cela lui pose un problème légal en tant que président d'une société de gestion indépendante ». Le 29 juillet 2011, M. [C] [L] avait précisé à Mme [E] son inquiétude de l'image que cela pourrait donner à l'AMF si la communication adéquate n'est pas faite et si ni elle, ni lui-même ne sont impliqués/informés en tant que RCCI.
- le mail de M. [F] du 23 août 2011, adressé à M. [P] dans lequel il faisait état de « l'absence de mandat social et de responsabilité de M. [P] », évoquait « l'intention de ce dernier de liquider presque tous les fonds français, de refuser systématiquement le lancement de quelque fonds que ce soit sous une enveloppe française et ce jusqu'à liquider la société de gestion », mentionnait « l'instruction donnée de ne pas l'informer lui, en tant que président dirigeant responsable de JPMMI, » déplorait que « le contrôle interne (légalement responsable également ) n'ait pas été informé/ impliqué dans ce processus, cette situation constituant une infraction au droit des sociétés et introduisant des risques opérationnels et « réputationnels » au niveau de JPMMI ».
- Le courriel de M. [F] en date du 24 août 2011 dans lequel il concluait « encore une fois je ne comprends pas pourquoi ni le contrôle interne ni moi-même en tant que président n'avons été informés ni associés à ces décisions, leur mise en place, négligeant les conseils et introduisant des risques indésirables »
- La minute du comité de contrôle interne du 6 octobre 2011 qui mentionne que « les fonds Efficience 4 et 8 ont été clôturés mais sans aucun retour du service juridique supposé notifier cette fermeture » .
Par ailleurs, si la société a informé l'autorité des marchés le 26 septembre 2011 de la dissolution des fonds Efficience 4 et 8, M. [L] évoque le caractère erroné des informations fournies puisqu'il est mentionné que « ces fonds ont été fermés à la suite du rachat de la totalité des parts à l'initiative des porteurs », alors qu'il s'agissait en réalité d'une décision prise par le seul M. [P], qui plus est hors de tout mandat.
M. [L] communique également de nombreux courriels sur la période du 24 novembre au 22 décembre montrant qu'il a cherché à s'opposer, en vain, à certaines décisions notamment de lancements de fonds prises au détriment de l'intérêt des porteurs. Il est avéré qu'il s'est adressé directement à M. [R] le 25 novembre 2011 en rappelant que « la fermeture des fonds n'est pas une demande du client, que le calendrier de liquidation est imposé aux porteurs, que les clients auront finalement des frais supplémentaires ».
Le 15 décembre 2011, après que M [L] avait formulé plusieurs remarques, M. [R] a demandé à M. [F] d'évoquer les inquiétudes ( qu'il ne partageait pas) de [C] [L], ce à quoi M. [F] a répondu qu' « il partageait ses inquiétudes » et précisait même « la situation actuelle doit être traitée avec la plus grande prudence (filer un fonds avec un régulateur alors que notre propre régulateur n'est pas au courant de la décision de transition de la société de gestion est très délicat d'un point de vue réglementaire et responsabilités). »
Enfin, M. [L] considère avoir été mis à l'écart des circuits d'information et de communication et ce, en contravention avec l'article 31 de l'instruction du 8 février 2008, renvoie à l'échange du 18 juillet 2011 avec Mme [V] qui révèle qu'il a été fait expressément référence à son accord alors qu'il n'avait en réalité jamais été sollicité. Il communique encore les échanges de courriels entre lui et M. [J] qui évoque qu' « il y a plus d'adresses groupe que de personnes ».
Il fait observer que de surcroît, après son départ, la société s'est abstenue de transmettre les fiches préétablies devant être adressées à l'AMF, lorsqu' interviennent des modifications concernant les titulaires des fonctions RCCI ou des contrôleurs de risques, qu'elle a délibérément menti sur les raisons de son départ évoquant une réduction d'effectifs et non le véritable motif en lien avec sa prise d'acte de la rupture.
La société JP Morgan Marsart Investments fait valoir que les manquements que dénonce le salarié doivent être en lien avec les obligations lui incombant et découlant de son contrat de travail, qu'il n'invoque en réalité que des manquements, aucunement établis d'ailleurs, à la réglementation financière.
La société JP Morgan Marsart Investments soutient que M. [L] n'était pas responsable de la conformité mais seulement du contrôle interne et des risques, ces deux fonctions correspondant à des compétences distinctes ; les fonctions de conformité ayant pour objet de contrôler, d'évaluer les politiques, les procédures et les mesures mises en place pour détecter les risques de non-conformité aux obligations professionnelles et de conseiller, assister les personnes concernées pour qu'elles se conforment à leurs obligations professionnelles ; le contrôle interne ayant pour objet de contrôler, d'évaluer l'adéquation et l'efficacité des dispositions prises par les sociétés de gestion pour remédier à d'éventuelles défaillances. Le contrôle interne porte en conséquence sur la mise en place d'un système de contrôle des opérations et des procédures internes, d'une organisation comptable du traitement de l'information, des systèmes de mesures des risques et des résultats, des systèmes de surveillance et de maîtrise des risques. Elle ajoute que l'article 11 du règlement 96-03 sur la commission des opérations de bourse auquel se réfère M. [L] a fait l'objet d'une abrogation en 2004.
Elle confirme que M. [L] a cette fonction réglementée de responsable de la conformité du contrôle interne RCCI aux côtés de Madame [E], que conformément au règlement de l'AMF, les responsables de la conformité sont titulaires d'une carte professionnelle de responsable de la conformité et du contrôle interne, que si ces deux rôles peuvent être confondus, le règlement de l'AMF précise que les fonctions de conformité et de contrôle interne peuvent également être dissociées et confiées à deux personnes distinctes, que c'est le choix opéré par elle ainsi que cela résulte de la lettre du 3 novembre 2009 aux termes de laquelle il était précisé que Madame [E] serait en charge de l'adaptation et de la promotion des dispositions internes du groupe en matière de conformité à la réglementation locale de la société de gestion[...] que les fonctions de M. [L] s'articuleraient principalement dans les domaines suivants :
« - la réalisation des contrôles permanents et notamment le suivi du respect des ratios réglementaires applicables aux OPCVM,
- la vérification de l'existence, l'exhaustivité, la conformité, l'applicabilité des procédures internes,
le contrôle périodique et l'établissement du plan de contrôle annuel de la société de gestion,
- l'adaptation de celui-ci en fonction des exigences et des circonstances spécifiques,
- les audits de suivi et suivi des recommandations formulées par les audits internes et/ou externes. »
Elle en déduit que M. [L] n'était pas en charge du respect de la réglementation, ce rôle relevant de la seule responsabilité de Madame [E], lui-même devant faire en sorte que les procédures de contrôles permettant d'identifier et, le cas échéant, de remédier à ces risques étaient en place.
Elle relève que l'AMF n'a présenté aucune objection aux termes de la lettre du 3 novembre 2009 sur la scission des responsabilités entre les deux salariés.
Elle renvoie au rapport annuel de contrôle pour 2010 remis à l'AMF qui mentionne expressément ces deux salariés comme étant co-titulaires du rôle de RCCI, à l'organigramme montrant que Madame [E] appartient au département « compliance » de JP Morgan et qu'elle est à ce titre en charge du respect la réglementation pour l'ensemble des entités du groupe JP Morgan en France.
La société JP Morgan Marsart Investments insiste sur le fait que :
- M. [L] n'a jamais exercé la moindre fonction de conformité au sein de la société, que sa mission s'apparentait plutôt à celle d'une mission d'audit, qu'il animait les réunions mensuelles du comité de contrôle interne, qu'il participait également aux réunions mensuelles du comité de contrôle de business, sans pour autant prendre part aux décisions prises par ce comité,
- M. [L] n'a jamais été en contact avec l'AMF au sujet la réglementation, seule Mme [E] échangeant régulièrement avec le régulateur,
- s'il était amené à l'occasion de ses fonctions de contrôle interne à identifier une potentielle atteinte aux dispositions réglementaires, il lui appartenait d'en faire part à Mme [E], à qui il incombait, en sa qualité de seule responsable de la conformité, de communiquer sur ces sujets avec les autorités réglementaires et notamment avec l'AMF et renvoie à cet égard au règlement intérieur et au code de conduite applicables au sein du groupe JP Morgan.
Elle considère que les prétendues alertes de M. [L] n'étaient pas de nature à résoudre des difficultés d'ordre réglementaire mais à se constituer des éléments au soutien d'un départ futur.
En tout état de cause, la société JP Morgan Marsart Investments soutient que les alertes formulées par le salarié ne concernent pas le contrôle interne mais seulement la conformité, que la responsabilité du salarié ne risquait nullement d'être mise en cause du fait d'éventuels manquements réglementaires commis par les dirigeants.
Enfin, la société JP Morgan Marsart Investments explique que les manquements dénoncés par M. [L] n'ont à aucun moment été corroborés par l'AMF et le cabinet Hiram Finance en 2012, que les fonds n'ont pas été illégalement liquidés comme le prétend le salarié, que M. [P] avait toute légitimité pour intervenir à raison du mandat donné par M [C] le 22 novembre 2011, que les alertes lancées par le salarié ont toutes reçu par écrit ou oralement des réponses, que les modifications de comptes-rendus demandées à M. [F] avaient pour objet, non pas de travestir la réalité mais d'adapter la formulation pour ne pas mettre en avant auprès des régulateurs des risques considérés comme inexistants ou relatifs, que l'AMF n'a soulevé aucune interrogation lors de son départ de la société.
Elle conteste que le salarié ait été exclu de certaines informations.
Elle soutient que le véritable motif du départ de M. [L] tient au fait que son licenciement était prévu pour la fin de l'année 2012, qu'il a préféré mettre ses compétences au service d'une autre entité et instrumentaliser son départ plutôt que de démissionner.
Il ressort des explications fournies et de l'examen des documents communiqués de part et d'autre que nonobstant la répartition des fonctions entre les deux co-titulaires RCCI telle qu'elle résulte de la lettre du 3 novembre 2009, chacun d'eux avait passé l'examen nécessaire pour obtenir l'agrément de l'AMF, que le rapport annuel de contrôle pour 2010 remis à l'AMF faisait expressément mention que ces deux salariés comme étant co-titulaires du rôle de RCCI qu'il s'en déduit que chacun d'eux pouvait en conséquence voir leur responsabilité engagée en cas de carence de leur part dans l'hypothèse où ils auraient, à l'occasion de leurs missions respectives en interne, eu connaissance de dysfonctionnements ou de manquements à la réglementation financière.
M. [L] était contractuellement investi de
- la réalisation des contrôles permanents et notamment le suivi du respect des ratios réglementaires applicables aux OPCVM,
- la vérification de l'existence, l'exhaustivité, la conformité, l'applicabilité des procédures internes,
le contrôle périodique et l'établissement du plan de contrôle annuel de la société de gestion
- l'adaptation de celui-ci en fonction des exigences et des circonstances spécifiques,[...]
S'il était plus spécialement prévu en interne que Mme [E] était désignée pour assurer le lien avec l'AMF, cette disposition interne n'affranchissait pas M. [L] de ses propres obligations vis à vis de l'AMF, en sa qualité de RCCI, elle même visée dans le rapport annuel 2010 comme cela a été relevé, et consistant à s'assurer que toute anomalie ou manquement relevé dans le cadre de la « vérification de l'existence, de l'exhaustivité, de la conformité, de l'applicabilité des procédures internes du contrôle périodique et de l'établissement du plan de contrôle annuel de la société de gestion » au regard de la réglementation financière fut surmonté ou, en cas de persistance de ces anomalies ou infractions, fût rapporté à l'AMF.
C'est donc en vain que la société JP Morgan Marsart Investments soutient qu'il ne découlait pas des obligations réglementaires auxquelles le salarié était astreint dans le cadre de son activité professionnelle de veiller à obtenir les informations nécessaires au contrôle qu'il devait opérer en interne et d'alerter d'abord son employeur sur les agissements et décisions prises de nature à porter atteinte au respect de cette réglementation. Outre que la cour s'interroge sur l'utilité d'avoir fait en sorte que le salarié obtienne la carte indispensable pour les RCCI, et de l'avoir mentionné comme étant co-titulaire du rôle de RCCI avec Mme [E] dans le rapport annuel de contrôle pour 2010 si elle lui dénie tout rôle et responsabilité à cet égard, l'affirmation de la société JP Morgan Marsart Investments tendant à soutenir que Mme [E] était seule investie de cette responsabilité y compris au regard de l'AMF, qu'elle seule aurait pu voir sa responsabilité engagée par l'AMF est vaine et n'est pas pertinente.
Dans ce cadre, le salarié a, à bon escient, alerté son employeur sur les décisions prises par M. [P], qui, de l'aveu même de l'employeur, n'a reçu de mandat officiel que le 22 novembre 2011 alors que la décision de liquider la société de gestion et par suite les fonds tels les fonds Efficience 4 et 6 était prise manifestement par le groupe à l'initiative de ce cadre dès le mois d'août 2011 , qu'une partie des fonds a effectivement été liquidée avant toute information à l'AMF.
Les inquiétudes du salarié dont l'employeur estime qu'elles étaient infondées étaient au moins partagées par le président de la société de gestion, M. [F] qui lui-même les a relayées en évoquant à plusieurs reprises les risques pris au regard de la réglementation. Ce même M. [F] se plaignait, de manière récurrente, d'un manque d'information ce qui corrobore l'affirmation du salarié sur les informations parcellaires et insuffisantes qui pouvaient lui être données à son tour et sur les difficultés qu'il rencontrait pour accomplir ses missions de contrôles internes y compris sur les modalités de liquidation des fonds, pour lesquels il avait d'ailleurs échangé à bon escient avec Mme [E] en attirant son attention sur les risques encourus par eux à cet égard, laquelle n'a d'ailleurs pas pris cette alerte à la légère pour avoir sollicité de plus amples explications à l'autorité hiérarchique concernée.
Dans ce contexte de liquidation de la société de gestion sans en informer l'AMF avant que lesdites opérations de liquidation des fonds notamment fussent très avancées, peu important que l'AMF ait ultérieurement validé lesdites opérations réalisées sur la base des éléments communiqués in fine par la société, les réponses parcellaires et le déni persistant de l'employeur face aux interrogations réitérées et légitimes du salarié « RCCI » comme indiqué dans le rapport annuel de 2010 et donc investi d'une responsabilité spécifique vis à vis de l' AMF, sur la régularité des décisions prises en matière de gouvernance réelle avant le 22 novembre 2011, sur les opérations de liquidation de deux fonds qui n'ont pas toutes été réalisées à l'initiative des porteurs comme l'a indiqué la direction à l'AMF, sur la reconnaissance de la société JP Morgan Marsart Investments de la nécessité de veiller à la formulation de certains comptes-rendus pour ne pas alerter le régulateur, l'empêchant ainsi de disposer des éléments utiles à la réalisation de ses missions de contrôle en interne, caractérisent les manquements graves de l'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture notifiée le 28 décembre 2011.
Le jugement déféré sera infirmé et la prise d'acte de la rupture aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dès lors que la prise d'acte de la rupture doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié est fondé à solliciter et obtenir une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale ainsi que des dommages-intérêts.
Sur la rémunération ;
Les parties s'accordent pour admettre que la rémunération fixe de M. [L] s'élevait à la somme de 10 416,67 euros pour la période de février 2011 au 31 décembre 2011.
Il a aussi perçu en janvier 2011 le bonus au titre de l'année 2010 à hauteur de 63 258 €.
La cour retiendra comme moyenne mensuelle brute la somme de 15 479,83 euros.
En conséquence, l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 30 993,84 euros à laquelle seront ajoutés les congés payés à hauteur de 3099,38 euros.
L'article 26 de la convention collective applicable prévoit que l'indemnité de licenciement est égale à un cinquième de mois de salaire par semestre complet d'ancienneté, plafonnée à 15 mois.
L'ancienneté de M. [L] est de quatre ans et cinq mois.
L'indemnité conventionnelle à revenir à M. [L] sera donc arrêtée à la somme de 24 767,72 euros.
Enfin, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (15 479,83 euros), de son âge (33ans) , de son ancienneté ( 4ans et 5 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, étant observé qu'il a trouvé un nouvel emploi comparable ainsi que cela résulte des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [L], une somme de 125 000 euros en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.
Le jugement déféré sera réformé sur ces points.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Il est avéré que les manquements graves de l'employeur ayant justifié la prise d'acte de la rupture ont également caractérisé une exécution déloyale du contrat de travail ayant une répercussion établie sur l'état de santé du salarié ainsi que cela ressort d'un échange entre médecins en date du 23 décembre 2011.
La mauvaise foi de la société résulte encore de l'importante réduction du bonus attribué au salarié pour l'année 2011 limité à 11726 euros alors que ce bonus était en constante progression depuis plusieurs années pour s'être élevé à
- 12000 euros pour l'année 2008
- 54000 euros pour l'année 2009
- 73 000 euros pour l'année 2010.
Le préjudice distinct de celui qui résulte de la perte de l'emploi et découlant de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société JP Morgan Marsart Investments justifie l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 60000 €.
Le jugement sera réformé à cet égard.
sur le treizième mois ;
Invoquant l'article 39 de la convention collective nationale de la banque prévoyant un treizième mois, M. [L] expose n'en avoir jamais bénéficié et réclame à ce titre une somme de 28 833,34 euros.
Il conteste la possibilité pour la banque d'alléguer de la dérogation prévue par l'article 47 de la convention collective dès lors que ce texte n'autorise l'employeur à opter pour le versement du salaire sur 12 mois qu'après consultation des représentants du personnel, lesquels n'ont pas été consultés à ce sujet.
La société JP Morgan Marsart Investments invoque en effet la dérogation prévue par l'article 47 de la convention collective, précise l'avoir appliquée à compter du 1er janvier 2000 et renvoie pour en justifier à l'avenant au contrat de travail de Madame [G] [X] qui fait mention du fait que « dorénavant la rémunération sera versée sur 12 mois, que le montant annuel inclut donc tout mode de versement autre que sur 12 mois. Il formule un exemple en évoquant notamment « le salaire de base, le 14e mois ... »
Elle allègue de l'absence de la moindre contestation de la part des salariés depuis l'application de cette disposition.
Pour autant, la cour observe que la société JP Morgan Marsart Investments ne justifie effectivement pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel en sorte que la demande, s'appuyant sur les dispositions de principe de la convention collective, est fondée.
Il sera fait droit la demande de M. [L].
sur l'indemnité compensatrice de congés ;
Alléguant de ce que lors de la réunion exceptionnelle du comité d'entreprise du 10 décembre 2012, il a été acté que les salariés cadres ayant conclu une convention de forfait en jours devraient bénéficier d'un rattrapage du jour de repos pour la période 2007 à 2011 à raison de 4 jours pour l'année 2007, 5 jours pour l'année 2008, 4 jours pour l'année 2009, 6 jours pour l'année 2010 et 5 jours pour l'année 2011, M. [L] réclame le paiement d'une somme globale de 7453,51 euros et considère que l'employeur ne peut échapper à ses obligations à ce titre en invoquant une condition de présence aux effectifs au 31 décembre de l'année 2012.
Toutefois, c'est à bon escient que la société JP Morgan Marsart Investments qui produit aux débats le compte-rendu de ladite réunion exceptionnelle des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise en date du 10 décembre 2012 invoque la disposition selon laquelle « seront bénéficiaires de ce paiement les salariés cadres ayant conclu une convention de forfait en jours présents au 10 décembre 2012 et qui sont en activité à cette date, » les signataires de l'accord en ce compris les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise ayant effectivement exclu son application aux salariés cadres ayant quitté l'entreprise avant la signature de cet accord.
M. [L] ne peut donc voir cette demande prospérer. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
sur les actions attribuées en 2010 et 2011 ;
Il est avéré que M. [L] s'est vu attribuer 164 actions de JP Morgan Chase and Co. en janvier 2010 et 215 en janvier 2011, soit un total de 379 actions.
Or, M. [L] n'a pas pu lever l'option devant lui permettre de bénéficier de ses actions à raison de la rupture de son contrat de travail.
Il sollicite des dommages-intérêts pour la perte de chance de détenir encore ces 379 actions.
Tout en rappelant qu'il s'agit d' actions attribuées à titre gratuit sans que le salarié ait eu à avancer la moindre somme, la société JP Morgan Marsart Investments conteste le bien fondé de cette demande alléguant du fait que l'acquisition des actions était en effet soumise selon les termes des plans d'attribution applicable à une condition de présence du salarié aux effectifs à une date postérieure à l'attribution soit généralement à l'issue d'une période de deux à trois ans, qu'il était expressément prévu que toute option d'attribution gratuite d'actions [...] est annulée à la date à laquelle le contrat de travail avec la société cesse pour quelque raison que ce soit.
Elle considère que l'ensemble des salariés avait été informé que les actions attribuées en janvier 2010 pourraient être acquises pour moitié le 25 janvier 2012 et pour moitié restante le 25 janvier 2013 sous condition de présence à ces dates, que les actions attribuées en janvier 2011 n'étaient acquises pour leur part suivant la même condition de présence qu'en janvier 2013 et janvier 2014 en sorte que le salarié qui a pris seul l'initiative de quitter la société ne peut y prétendre.
À titre subsidiaire, la société JP Morgan Marsart Investments considère que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance, précise que les 164 actions gratuites attribuées le 20 janvier 2010 représentaient au 13 janvier 2012 une valeur théorique de 4388,64 euros, que les 215 actions gratuites attribuées le 19 janvier 2011 représentaient au 13 janvier 2012 une valeur théorique de 5753,40 euros ce qui correspond à une valeur globale de 10 142,04 euros. Elle propose que la perte de chance soit estimée à la somme de 5071,02 euros.
Il a été précédemment jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur en sorte que la société JP Morgan Marsart Investments ne peut utilement invoquer la condition de présence du salarié au sein de l'entreprise pour dénier à M. [L] tout préjudice au titre des actions gratuites attribuées en janvier 2010 et en janvier 2011.
Ce dernier est donc fondé à invoquer une perte de chance de détenir lesdites actions dont il n'est pas contesté utilement que la valeur unitaire au 13 janvier 2017 s'élevait à la somme de 80,98 euros.
La perte de chance de M. [L] de pouvoir détenir ou réaliser les 379 actions en cause sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme de 15 000 €.
Sur la demande de remise des documents sociaux ;
La demande de remise de documents sociaux conformes aux termes du présent arrêt est légitime. Il y sera fait droit. Aucune astreinte ne sera toutefois ordonnée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.
Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'équité commande d'accorder à M.[L] une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société JP Morgan Marsart Investments qui succombe dans la présente instance sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement du bonus pour l'année 2011 et de rappel de congés au titre du forfait en jours,
L'infirme pour le surplus,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat vaut licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société JP Morgan Marsart Investments à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de détenir ou de réaliser les actions attribuées en janvier 2010 et en janvier 2011,
- 28 833,34 euros au titre de la prime de 13e mois,
- 30 993,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 3099,38 pour les congés payés afférents,
- 24 767,72 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 125 000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,
Dit que ces intérêts sont capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 devenu 1343-2 du Code civil,
Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois,
Condamne la société JP Morgan Marsart Investments aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT