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15/03/2017 | FRANCE | N°14/02812

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 mars 2017, 14/02812


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 15 mars 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02812



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 février 2014 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - section commerce - RG n° F 11/01116





APPELANTE



SASU MICHEL PREMAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle GUYADER-DOUS

SET, avocat au barreau de PARIS, A0418





INTIMÉ



Monsieur [K] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Valérie DEL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 mars 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02812

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 février 2014 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - section commerce - RG n° F 11/01116

APPELANTE

SASU MICHEL PREMAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle GUYADER-DOUSSET, avocat au barreau de PARIS, A0418

INTIMÉ

Monsieur [K] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillere

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marine POLLET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [K] [M] a été engagé par la SAS BERTO « Île de France'», dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2006, pour y exercer les fonctions de conducteur super poids lourds (SPL), APTH, coefficient G6 150 M, en application de la convention collective des transports routiers et en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 1 295 € pour 169 heures, outre un forfait de 13 heures supplémentaires et une prime de fonction de 225 €.

Le salarié exerçait ses fonctions auprès du client INTERSERVICES (Primagaz) à [Localité 2].

Le contrat de travail de M. [K] [M] a été transféré à la SASU Michel Premat à compter du 1er avril 2005. Il percevait en dernier lieu,une rémunération mensuelle de 2 084.58 €.

L'entreprise employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés (112).

Par lettre recommandée du 6 mai 2011, la société Michel Premat a convoqué M. [K] [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 mai 2011.

Un licenciement pour faute grave a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 27 mai 2011, rédigé en ces termes :

« ' Lors d'un contrôle de vos disques début mai, nous avons pu constater que certains avaient été falsifiés au mois d'avril. Ainsi, vous avez faussé la lecture des données de vos disques en ajoutant au stylo du temps de travail non effectué :

DATE PRISE DE SERVICE

REELLE ENREGISTREE VERS

11/04/11 : 5h45 4h40

12/04/11 : 7h00 4h30

13/04/11 : 6h10 4h50

15/04/11 : 5h35 4h55

18/04/11 : 5h10 4h50

19/04/11 : 7h15 4h40

20/04/11 : 7h00 4h50

21/04/11 : 7h35 4h40

22/04/11 : 6h15 4h50

26/04/11 : 5h30 4h50

Nous vous rappelons que le chronotachygraphe est un appareil électronique enregistreur de vitesse, de temps de conduite et d'activités (travail, attentes ').

Nous considérons l'utilisation irrégulière de ce dispositif destiné au contrôle comme un acte frauduleux, surtout si, comme dans le cas présent, elle est répétée et intentionnelle. Elle aurait pu entrainer, si nous n'avions pas découvert cette tricherie, le paiement d'heures supplémentaires, de petits-déjeuners ou d'heures de nuit indues.

Lors de l'entretien du 17 mai, vous avez dans un premier temps nié le fait, puis vous avez très vite orienté la discussion sur votre rémunération en présentant votre fiche de déclaration de revenus. Ne jugeant pas votre salaire suffisant, vous nous avez alors précisé, en désignant vos disques, que vous étiez forcé de « gratter » là où vous pouviez.

Nous vous avons alors rappelé les conditions d'octroi des primes au sein de notre entreprise et les incidents/accidents dont vous avez été l'auteur depuis le début de l'année :

* 8 février 2011 : débordement

*28 février 2011 : accrochage

*11 mars 2011 : accident 100% responsable

De plus, étant en service chez notre client CALDEO au mois d'avril, vous n'avez donc pas perçu la prime pétrolière le mois concerné.

En ce qui concerne votre salaire de l'année 2010, nous vous rappelons que :

*Vous avez été en accident du travail pendant près de 3 mois

* Vous avez été sanctionné d'une mise à pied de 5 jours (suspicion de vol chez notre

client PRIMAGAZ)

* Vous avez été 2 jours en absence injustifiée

Quoi qu'il en soit, le montant de vos rémunérations ne peut en aucun cas excuser votre malhonnêteté évidente.

Ces agissements constituent sans conteste une faute grave. Dès lors, votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement. Vous pourrez retirer à [Localité 3] vos certificats de travail et solde de tout compte le mercredi 1er juin 2011. Nous vous prions de bien vouloir nous contacter en cas d'empêchement. Il vous appartiendra de nous restituer, ce même jour, le matériel que nous vous avons confi .. .».

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [K] [M] a saisi, le 27 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Meaux, lequel, par jugement rendu le 25 février 2014, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Michel Premat à verser au salarié les sommes suivantes :

- 4 114.44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 411.44 € au titre des congés payés afférents

- 5 067.73 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 2 350 € au titre du remboursement du déotil (dédit formation)

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation d de l'employeur devant le bureau de conciliation.

- 20 572.20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Il a été ordonné à la société Michel Premat de remettre au salarié, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail conformes ainsi qu'un bulletin de salaire incluant l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité légale de licenciement. Il a également été ordonné à la société Michel Premat de rembourser aux organismes concernés l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versée au salarié.

Le salarié a été débouté du surplus de ses demandes et la société Michel Premat condamnée aux dépens.

Le 10 mars 2014, la société Michel Premat a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 15 novembre 2016 et soutenues oralement, la société Michel Premat demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater l'existence d'une faute grave imputable au salarié et de débouter celui-ci de l'intégralité de ses prétentions, en le condamnant à verser une indemnité de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 15 novembre 2016 et soutenues oralement, M. [K] [M] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué les sommes précitées.

Le salarié demande l'infirmation de la décision sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour la rupture abusive et il sollicite, à ce titre, une somme de 34 972.14 €.

Il forme une demande reconventionnelle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur la rupture du contrat de travail

L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d' en rapporter la preuve alors même que l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits matériellement vérifiables.

Il convient d'analyser les griefs reprochés à M. [K] [M] qui sont exposés dans la lettre de licenciement notifiée le 27 mai 2011, qui lie les parties et le juge.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'avoir falsifié ses disques sur la période du mois d'avril 2011, en ajoutant au stylo un temps de travail non effectué.

M. [K] [M] conteste les accusations portées à son encontre, les faits litigieux n'étant pas avérés.

La société Michel Premat justifie utiliser l'outil «'TIMEDISC'» qui permet de visualiser à distance un disque passé au scan sur une borne par le chauffeur qui transmet les données. Ce scan conditionne le paiement des heures effectuées par les chauffeurs et l'établissement des bulletins de paie. L' outil « TIMEDISC » permet la lecture et l'impression du disque scanné et l'archivage des données conformément à l'obligation légale de conservation à la charge de l'entreprise de transport, étant observé que la note de service destinée au personnel roulant rappelle la réglementation européenne des temps de conduite et de repos ainsi que l'utilisation des moyens de contrôle.

Aux termes d'une attestation rédigée le 16 janvier 2013, M. [F] [V], exploitant au sein de l'entreprise, précise les faits suivants :

« Lors du contrôle des disques pour la validation des heures de travail réalisées pour le mois d'avril 2011, nous avons constaté des écarts sur plusieurs disques scannés par le conducteur, par rapport aux tournées qu'il devait effectuer (prises de services, heures de chargements, délais de route).

En visionnant les images des disques scannés, nous avons pu constater qu'il avait été rajouté des traits, qui une fois scannés, permettaient au conducteur d'être payé sur des heures de travail, de conduite, qu'il n'a jamais effectuées et ainsi obtenir des frais de petits déjeuners supplémentaires.

Nous avons demandé au conducteur de nous présenter les originaux mais celui-ci ne les a pas restitués à l'entreprise ».

M. [B] [R], directeur des services informatiques et «'QHSE'» explique le fonctionnement du système TIMEDISC en ces termes :

« Je constate une falsification de 10 disques papier, cette action est délibérément effectuée manuellement par M. [M] pour ajouter du temps de conduite lors du scan des disques sur la borne libre service.

Cette opération de scan est effectuée par le conducteur sur une borne libre service permettant ainsi le calcul automatique de la prépaie du conducteur.

Cette manipulation est effectuée à l'aide d'un marqueur sur la partie contrôle du disque, pour preuve, si le disque papier était correct les vitesses correspondantes apparaitraient sur chaque disque, ce qui n'est pas le cas ».

La société Michel Premat fait valoir à juste titre que depuis le 1er janvier 2008, le conducteur équipé d'un chronotachygraphe doit être en mesure de produire, à l'occasion d'un contrôle routier, les données couvrant la journée en cours et les 28 jours calendaires précédents et tant M. [F] [V] que M. [D] [X], directeur et présent lors de l'entretien préalable, confirment que le salarié a conservé les originaux des disques en dépit de leurs demandes en restitution.

Il résulte des explications de l'employeur que celui-ci a analysé les images des disques scannés par le salarié, en recourant à l'outil « TIMEDISC » pour vérifier la conformité des temps de contrôle indiqués avec les plannings et les certificats de chargement et qu'il a communiqué la copie de ces images de disques scannés, en l'absence de restitution des originaux par le salarié.

La note d'information interne Premat indique, précisément, les modalités de falsification des disques papier lors du scan sur la borne par les salariés, en relevant que les ajouts effectués sur la partie centrale permettent de « créer » du temps supplémentaire, mais que cette falsification est décelable en comparant les vitesses enregistrées automatiquement par le stylet du véhicule lorsque celui-ci est en marche et qui doivent être en corrélation avec les données figurant sur la partie centrale.

Ainsi pour chacun des disques scannés et mentionnés dans la lettre de licenciement, apparaissent les discordances suivantes :

La journée du 11 avril 2011

Le salarié devait prendre le service à [Localité 4] et effectuer un premier tour au départ du dépôt de [Localité 5] pour le client DISTRIDYN à destination du magasin Casino [Localité 6] puis un second tour pour le client PICOTY, de [Localité 5] à [Localité 7].

Le certificat de chargement du client Distridyn n°4987 mentionne une arrivée au point de chargement à [Localité 5] à 7h06 et l'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h40, alors même que le temps de transport jusqu'à [Localité 5] est de 38 minutes en moyenne et une arrivée à [Localité 5] à 6h50.

Outre le fait qu'il y a un décalage entre l'heure d'arrivée enregistrée par le chrono et celle mentionnée par le client, (de 4h40 à 5h45), le stylet du véhicule ne coïncide pas avec le trait central, ce qui implique un ajout nécessaire de celui-ci de 1h05.

De plus le kilométrage indiqué (165kms) n'est pas concordant avec le planning et l'itinéraire théorique (issu de Mappy) qui est de 126 kms.

La journée du 12 avril 2011

Le salarié devait effectuer deux tours consécutifs pour le client GEO PARTS de [Localité 8] à destination [Localité 9], étant précisé que le site de ce client n'ouvre qu'à 7 heures. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h40 mais cet horaire ne coïncide pas avec celui de 7h enregistré sur le disque par le stylet du véhicule qui génère, mécaniquement, un graphe lorsque le véhicule roule de nature à enregistrer le temps de conduite.

En outre, le ticket de chargement du client TOTAL de [Localité 8] concernant le 1er tour, indique 9h28 ce qui est incompatible avec la distance parcourue ( 30.3 kms) depuis [Localité 4] .

La journée du 13 avril 2011

L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h40, mais cet horaire ne coïncide pas avec celui de 6h10 enregistré sur le disque par le stylet du véhicule.

La journée du 15 avril 2011

L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h55, mais cet horaire ne coïncide pas avec celui de 5h35 enregistré sur le disque par le stylet du véhicule.

La journée du 18 avril 2011

Le salarié devait effectuer un chargement à [Localité 5] pour le client PETROVEX et livrer le client Auchan à 8h30 à [Localité 10]. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h50, mais cet horaire ne coïncide pas avec celui de 5h10 enregistré sur le disque par le stylet du véhicule.

La journée du 19 avril 2011

Le salarié devait effectuer deux tours consécutifs pour le client TOTAL, en chargeant à [Localité 8] à destination de [Localité 9]/ [Localité 11], ce client ouvrant à 7h30. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h50, mais cet horaire ne coïncide pas avec celui de 7h10 enregistré sur le disque par le stylet du véhicule, celui-ci ne roulant pas ne pouvait générer un temps de conduite ce qu'atteste l'absence d'enregistrement graphique et une conduite de 45 minutes à compter de 7h10 pour se rendre à [Localité 8].

La journée du 20 avril 2011

Il s'agit d'une mission identique à la journée précédente et les vitesses enregistrées par le stylet du véhicule ne sont pas en corrélation avec les mentions portées sur la partie centrale du disque. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h30, alors que le chargement à [Localité 8] a lieu à 7h.

Le 21/04/2011

Le salarié devait effectuer deux tours consécutifs pour le client TOTAL, en chargeant à [Localité 8] à destination de [Localité 9]. Le premier chargement a lieu à 9h23 à [Localité 8] et le second chargement à 13h09. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] avant 5h, mais cet horaire ne coïncide pas avec le temps de conduite enregistré sur le disque par le stylet du véhicule, celui-ci n'ayant roulé qu'aux environs de 8 h pour procéder au chargement à [Localité 8] 1h20 après, compte tenu des embouteillages.

La journée du 22 avril 2011

Le salarié avait pour mission d'effectuer trois tours consécutifs pour charger de la marchandises au dépôt de [Localité 12] en vue d'une livraison à effectuer pour le compte du client PETROVEX, à Auchan à [Localité 13]. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] avant 5h, mais cet horaire ne coïncide pas avec l'horaire porté sur le bordereau d'enlèvement de la marchandise à 8h41 à la CIM [Localité 12] alors que la distance à parcourir depuis [Localité 4] est de 59 kms, soit environ 1 heure de route.

A cet égard, aucun temps de conduite n' est enregistré sur le disque par le stylet du véhicule entre 5 et 6h .

La journée du 26 avril 2011

Le salarié devait effectuer un seul tour vers [Localité 5] (lieu de chargement). Le certificat de chargement établit que le salarié est entré sur le site CIM [Localité 5] à à 6h56 et qu'il en est sorti à 7h24. L'image du disque scanné indique un départ de [Localité 4] à 4h50 qui ne coïncide pas avec l'horaire porté sur le certificat de chargement alors que la distance à parcourir depuis [Localité 4] jusqu'à [Localité 5] s'effectue en 1 heure de route, environ.

La journée du 28 avril 2011

L'image du disque scanné fait apparaître des vitesses qui sont en corrélation avec les données figurant sur la partie centrale de sorte que ce disque n'a pas été falsifié.

La cour déduit de l'ensemble de ces éléments que les images des disques scannés pour la plupart des journées du mois d'avril 2011 où M. [K] [M] travaillait, comportent des incohérences de données entre le graphe et la partie centrale du disque, de sorte qu'il est démontré que le salarié a falsifié ces données lors de la procédure de scan dont il a seul l'utilisation pour conditionner le paiement de ses heures de travail. Ces falsifications ont eu pour objet d'augmenter artificiellement le temps de travail et de générer, potentiellement, des heures supplémentaires, prime de nuit et indemnité de petit déjeuner.

S'agissant d'une activité dont la durée de travail est, strictement, réglementée tant sur le plan communautaire qu' international, M. [K] [M] s'exposait à se trouver en infraction lors d'un contrôle routier et à engager, également, la responsabilité pénale de la société de transports routiers Michel Premat, de sorte que le comportement du salarié, qui avait déjà eu des antécédents disciplinaires dont une mise à pied de 5 jours non contestée le 26 mai 2010, est constitutif, peu important son ancienneté, d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Il convient d'infirmer le jugement déféré qui a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Le licenciement de M. [K] [M] étant fondé sur une faute grave, le salarié ne peut prétendre aux indemnités de rupture en application des dispositions des articles L. 1234- 1 et L. 1234-9 du contrat de travail.

Le jugement entrepris qui lui a alloué des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour rupture abusive sera infirmé.

Les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail sont inapplicables en l'espèce de sorte que le jugement déféré qui a ordonne le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite d'un mois d'indemnité sera infirmé.

Sur la clause de dédit de formation

La société Michel Premat demande l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à rembourser à M. [K] [M] la somme de 2 350 €, retenue sur le solde de tout compte de celui-ci, représentant le coût du stage dont a bénéficié le salarié conformément à la clause de dédit formation conclue le 4 janvier 2011.

M. [K] [M] conclut à la confirmation du jugement déféré.

La clause de dédit-formation, qui fait obligation au salarié, en contrepartie d'une formation assurée par l'employeur, de rester à son service pendant une certaine durée et de lui verser, en cas de départ anticipé, une indemnité correspondant aux frais de formation qu'il a engagés, n'est licite que si elle constitue la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, si le montant de l'indemnité de dédit est proportionné aux frais de formation engagés et si elle n'a pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner. Pour être valable, l'engagement du salarié doit faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de la formation et préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié.

M. [K] [M] a signé, le 4 janvier 2011, une clause de dédit de formation à l'occasion d'un stage de formation professionnelle, ayant pour objet de lui permettre d'acquérir l'attestation initiale de spécialisation des produits pétroliers.

Cette clause stipule que «'le coût global de cette formation est évalué à 2 350 € correspondant à 2 062,14 € de salaires (+ charges patronales et frais de déplacement) de M. [M] [K], et 288,32 HT de frais de stage (coût de la formation) ... Si toutefois, le contrat devait à être rompu, à son initiative ou en raison d'une faute grave, dans les 2 années suivant le commencement de la formation, M. [M] [K] devrait alors dédommager la société SASU Michel Premat du coût engendré par la formation dispensée, dans les conditions suivantes :

- départ dans l'année qui suit le commencement de la formation : totalité du coût du stage

- départ durant les si mois suivants : remboursement de 2/3

- départ durant les six mois suivants : remboursement de 1/3 ».

L'employeur ne peut solliciter du salarié le remboursement par le salarié du coût du salaire versé à ce dernier pendant la durée de la formation, ainsi que celui des cotisations sociales afférentes. Par ailleurs la clause susvisée ne précise pas la date de la formation et il n'est pas justifié par l'employeur des frais réels exposés à l'occasion de cette formation.

Par conséquent M. [K] [M] est bien fondé en sa demande de remboursement de la somme de 2 350 € qui a été indûment déduite lors de l'établissement du solde de tout compte.

Le jugement déféré qui a condamné la société Michel Premat au paiement de cette somme sera donc confirmé.

Il convient d'ordonner à la société Michel Premat de remettre au salarié un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés.

Sur les autres demandes

En application de l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

La société Michel Premat, qui succombe partiellement, supportera les dépens d'appel et sera condamnée en équité à payer à M. [K] [M], la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SASU Michel Premat à payer à M. [K] [M] la somme de 2 350 € au titre de la clause de dédit-formation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié le 27 mai 2011 à M. [K] [M] par la SASU Michel Premat est fondé sur une faute grave ;

DÉBOUTE M. [K] [M] de ses demandes afférentes au licenciement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

ORDONNE à la SASU Michel Premat de remettre au salarié un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE la SASU Michel Premat à payer à M. [K] [M] la somme de 1 000 €en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU Michel Premat aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/02812
Date de la décision : 15/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/02812 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-15;14.02812 ?
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