Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 14 MARS 2017
(n° 99 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02569
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16303
APPELANTE
Madame [E] [S] épouse [U]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 2] (Algérie)
Représentée par Me Julie SCAVAZZA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1982
Ayant pour avocat plaidant Me Druon DELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : (D1502)
INTIMEE
Maître [D] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant Me Florence ACHACHE de la SELARL VALLUET - ACHACHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R088
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
Dans le cadre de la procédure de divorce l'opposant à M [U] avec lequel elle s'était mariée en Algérie le [Date mariage 1] 1968, Mme [S] a confié la défense de ses intérêts à Mme [Y], avocate.
Le divorce a été prononcé aux torts de l'époux le 20 septembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris qui a alloué à Mme [S] une prestation compensatoire de 100 000 € et des dommages-intérêts à hauteur de 1 000 €. Il a été donné acte à M [U] de son accord pour que Mme [S] occupe le domicile conjugal jusqu'à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
Sur appel de Mme [S] la cour d'appel de Paris a homologué le 12 juillet 2007 le protocole transactionnel conclu le 13 juin 2007 entre les époux et a prononcé le divorce aux torts partagés et mis fin à la pension alimentaire due par M [U] au titre du devoir de secours.
Soutenant n'avoir pas eu connaissance du protocole d'accord qu'elle conteste avoir signé Mme [S] a recherché la responsabilité professionnelle de son avocat devant le tribunal de grande instance de Paris qui par jugement du 25 septembre 2014 l'a déboutée de sa demande indemnitaire de 70 000 € et de sa demande d'expertise subsidiaire aux fins de fournir les éléments permettant d'apprécier son préjudice et de dire si les protocoles transactionnels versés aux débats ont été ou non signés par elle, a débouté Mme [Y] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 et pour procédure abusive et a condamné Mme [S] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions notifiées le 9 septembre 2016 elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 70 000 € en réparation de ses préjudices outre intérêts, de débouter Mme [Y] de ses demandes reconventionnelles et de la condamner à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 4 avril 2016 Mme [Y] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive et demande à la cour de condamner à ce titre Mme [S] à lui verser la somme de 20 000 € outre celle de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Mme [S] soutient que la transaction homologuée en cause d'appel et qui lui est particulièrement défavorable n'a pas été soumise à son accord et qu'en toute hypothèse elle ne l'a pas signée puisqu'elle en contestait les termes.
Elle fait valoir que son avocate a manqué à son devoir de conseil en lui conseillant d'interjeter appel et de signer un tel protocole alors que la loi algérienne prévoyait la possibilité d'une prestation compensatoire qu'elle souhaitait voir majorer par la cour ainsi qu'à son devoir de délicatesse et de loyauté en profitant du fait qu'elle est illettrée et psychologiquement fragile pour rédiger un protocole lui étant défavorable et dont le projet a été refusé par elle puisqu'il ne contenait pas de concessions de la part de son époux et enfin en prenant l'initiative de faire signifier l'arrêt d'homologation sans attirer l'attention de sa cliente illettrée sur le contenu défavorable de cette décision contre laquelle un pourvoi aurait dû être formé.
Mme [Y] fait valoir que l'appel du jugement a été motivé par le désir de sa cliente de continuer à bénéficier de la jouissance gratuite du logement familial; que devant la cour une discussion s'est engagée sur la question de la loi applicable au divorce, les magistrats suggérant alors une médiation aux fins de trouver une solution amiable au litige; que compte tenu du risque de voir retenue l'application de la loi algérienne qui ne connaît pas l'existence d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse, la conclusion d'un protocole d'accord s'imposait et que ce protocole qui a bien été signé par la cliente au cabinet de son avocate préserve ses droits puisqu'une prestation compensatoire de
100 000 € versée avec le produit de la vente du domicile familial y est prévue et qu'en réalité c'est Mme [S] qui a fait obstacle à la vente de cet appartement dont la moitié du prix lui revient en se maintenant dans les lieux.
Mme [S] soutient que son avocate a produit devant la cour un protocole qu'elle n'aurait pas signé et que l'existence de deux versions contradictoires permettrait de retenir celle d'un faux intellectuel.
Mais elle ne rapporte pas la preuve du comportement fautif de son avocate alors que la procédure pénale du chef de faux et usage de faux a fait l'objet d'un non-lieu ; que l'appelante se contredit en indiquant d'une part qu'elle n'a pas signé de protocole puisqu'on lui aurait demandé de signer un acte qu'elle ne pouvait lire et d'autre part de signer 'en blanc'; que l'existence de deux versions du protocole alléguée par Mme [S] alors qu'un seul projet a été soumis à l'homologation de la cour n'est pas de nature, à la supposer avérée, à établir l'existence d'un faux intellectuel.
Elle n'établit pas davantage le manquement de son avocate à son obligation de conseil alors que le protocole a été homologué par la cour qui a retenu dans sa décision devenue définitive l'existence de concessions réciproques sans laquelle l'homologation n'aurait pas été accordée, étant remarqué que le protocole d'accord qui reprend la prestation compensatoire accordée en première instance et alloue une pension alimentaire pour les enfants que le tribunal avait omis de mentionner dans le dispositif de son jugement, préserve les intérêts de Mme [S] ; qu'enfin celle-ci, qui occupait le logement familial dont elle ne peut alléguer qu'elle ignorait sa mise en vente, échoue à démontrer le caractère fautif de la signification de l'arrêt et de l'absence de conseil de former un pourvoi à son encontre qu'elle reproche à son avocate.
En effet Mme [S] ne démontre pas l'existence d'une chance de voir l'arrêt homologuant la transaction cassé par la Cour de cassation, l'erreur de droit qu'elle invoque ne permettant pas l'annulation d'une transaction en application de l'article 2052 du code civil.
Enfin Mme [S] verse aux débats un protocole transactionnel en date du 16 février 2012 qui a autorité de chose jugée aux termes duquel les parties renonçant à l'exécution de l'arrêt du 12 juillet 2007, conviennent de l'occupation par Mme [S] du logement familial jusqu'à sa vente au prix net vendeur 'plancher' de
1 000 000 €, de sorte qu'aucun préjudice résultant des dispositions du protocole homologué par la cour quant à l'occupation du logement familial ne pourrait être réclamé par l'appelante de ce chef.
Le jugement qui a débouté Mme [S] de son action en responsabilité contre son avocate Mme [Y] sera dès lors confirmé.
Celle-ci qui ne réclame plus en cause d'appel l'application des dispositions de la loi du 31 juillet 1881 sollicite uniquement que la décision déférée soit infirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.
Mais Mme [Y] qui ne démontre pas l'abus d'ester en justice qu'elle reproche à sa cliente ni que les conclusions devant la cour contiendraient des propos excessifs sera déboutée de ce chef de demande
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [Y] les frais irrépétibles de la procédure et Mme [S] sera condamnée à lui verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamne Mme [E] [S] à payer à Mme [D] [Y] la somme de 10 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [E] [S] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,