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10/03/2017 | FRANCE | N°15/04629

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 10 mars 2017, 15/04629


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 10 MARS 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04629 (absorbant le n°RG 15/5514)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2015 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX - RG n° 2013F00972





APPELANTE



SARL DISPOBIZ, anciennement dénommée DISPOFI agissant poursuites et diligences en l

a personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 493 994 362

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 10 MARS 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04629 (absorbant le n°RG 15/5514)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2015 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX - RG n° 2013F00972

APPELANTE

SARL DISPOBIZ, anciennement dénommée DISPOFI agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 493 994 362

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle RAOUL-DUVAL de la SELARL R-D MARCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J123

INTIMEE

SARL GIBMEDIA agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 480 793 058

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 Décembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, et Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, chargée du rapport

M. François THOMAS, Conseiller, désignée par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sandrine CAYRE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société GIBMEDIA SARL est une société opérant dans le domaine de l'internet et spécialisée dans la mise à disposition de contenus numériques à usage grand public avec paiement à la durée de connexion. Le groupe DISPOFI est constitué des sociétés DISPOFI SARL, FRANCE EXAMEN, ULYSSE SERVICE et PUBLIDIA proposant aux internautes un accès payant à différents services en ligne, tels que l'aide à la déclaration de revenus, la consultation des résultats d'examens et des dates de concours dans la fonction publique.

Les sociétés GIBMEDIA et DISPOFI SARL ont été en relation à partir du début 2007, la société DISPOFI SARL détenant alors près de 50 % du capital de la société GIBMEDIA SARL jusqu'en 2010 et, à partir de 2009, au travers de conventions tripartites TELETEL signées avec FRANCE TELECOM.

Cette dernière ayant décidé de supprimer son service TELETEL reposant sur une technologie ancienne, elle a été assignée par devant le tribunal de commerce de Paris le 6 avril 2011 par la société GIBMEDIA SARL afin d'obtenir le report de la fermeture du service TELETEL jusqu'à ce qu'une offre de paiement à la durée, permettant une monétisation des contenus et services internet, soit opérationnelle. La société GIBMEDIA a obtenu gain de cause par un jugement du 26 juin 2012.

Le 15 juin 2012, les sociétés du Groupe DISPOFI et la société GIBMEDIA SARL ont signé un protocole d'accord par lequel elles se sont engagées à mettre un terme à tous les litiges nés ou à naître relatifs à la fin des contrats TELETEL et à la nouvelle offre internet « Contact + » de FRANCE TELECOM. Le 21 juin 2012, les sociétés du Groupe DISPOFI ont confié à la société GIBMEDIA SARL un mandat exclusif de représentation d'une durée de 6 mois pour négocier avec FRANCE TELECOM les modalités techniques et financières liées à la migration de leurs sites internet vers l'offre « Contact + » de cette dernière.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 février 2013, les sociétés du Groupe DISPOFI ont mis un terme à ce mandat avec effet immédiat, en rappelant que la société GIBMEDIA SARL ne leur avait toujours pas payé la somme de 425.400,66 euros au titre des périodes 2010 et 2011.

Par acte extrajudiciaire du 1er août 2013, la société GIBMEDIA SARL a assigné la société DISPOFI SARL devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour rupture des relations commerciales établies.

Par jugement rendu le 9 janvier 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société DISPOFI SARL à payer à la société GIBMEDIA SARL la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour absence de préavis dans la rupture de relations commerciales établies ;

- débouté la société GIBMEDIA SARL de ses autres demandes de publicité de la prèsente décision ;

- dit n'y avoir lieu à publication du jugement ;

- débouté la société DISPOFI SARL de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société DISPOFI SARL à payer à la société GIBMEDIA SARL la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu a exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société DISPOFI SARL aux dépens.

Le Tribunal de commerce de Bordeaux a considéré que les relations commerciales entre les parties étaient établies et qu'elles se sont poursuivies après le 16 novembre 2012, malgré la fin du TELETEL. Il a également considéré que l'intention des parties de poursuivre leurs relations commerciales préexistantes se déduisaient d'une part des termes du protocole du 15 juin 2012 et d'autre part de la simple signature du mandat.

La société DISPOFI, devenue DISPOBIZ, a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

La société DISPOBIZ, par conclusions procédurales signifiées le 30 novembre 2016, sollicite le rejet des débats des conclusions n°3 de l'intimée, en soulignant que ces conclusions ont été notifiées postérieurement à la date de clôture, soit le 24 novembre 2016 à 13h11, au lieu de 13h00.

Par conclusions de fond signifiées le 18 novembre 2016, l'appelante demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société DISPOBIZ a rompu brutalement des relations commerciales établies et l'a condamnée à payer à la société GIBMEDIA la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière, ainsi que la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société DISPOBIZ de ses demandes reconventionnelles ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GIBMEDIA de ses autres demandes indemnitaires, ainsi que ses demandes de publicité de ladite décision ;

En conséquence,

- débouter intégralement la société GIBMEDIA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre ;

Statuant à nouveau,

Sur les conditions de la rupture :

A titre principal,

- dire que les relations commerciales établies entre la société DISPOBIZ et la société GIBMEDIA pour la fourniture de prestations de centre serveur ont pris fin à la date de l'arrêt du Télétel par FRANCE TELECOM, soit le 16 novembre 2012, hors toute responsabilité des parties ;

- dire que la relation instaurée concomitamment entre la société DISPOBIZ et la société GIBMEDIA, par la signature le 21 juin 2012 d'un mandat de représentation à durée déterminée, était précaire et n'a pas donné lieu à facturation ;

- dire que ce mandat a expiré le 21 décembre 2012,

En conséquence,

- dire qu'aucune indemnisation n'est due à la société GIBMEDIA compte tenu de l'arrivée du terme du mandat au 20 décembre 2012 ;

- débouter la société GIBMEDIA de l'ensemble de ses demandes pour rupture brutale de relations commerciales établies ;

A titre subsidiaire,

- constater que par le mandat du 21 juin 2012, la société GIBMEDIA s'est engagée, à titre de condition résolutoire, à régler l'intégralité des sommes dues au 31 juillet 2012 à la société DISPOBIZ et aux trois autres sociétés mandantes et cocontractantes, affiliées à la société DISPOBIZ, dont la société ULYSSE ;

- constater que le tribunal de commerce de Toulouse a, par décision du 25 juillet 2013, devenue définitive, reconnu l'existence d'une créance de la société ULYSSE pour la somme de 147.898,25 euros, exigible antérieurement dès les années 2010 à 2012 ;

- constater que le tribunal de commerce de Toulouse a, par décision du 10 septembre 2015 devenue définitive à la suite de l'ordonnance de la cour d'appel de Toulouse du 10 septembre 2015, reconnu l'existence d'une créance de la société DISPOBIZ à l'encontre de la société GIBMEDIA pour un montant de 301.273,26 euros, exigible dès les années 2010 à 2012 ;

- dire que, ces décisions actant les défauts de paiement de la société GIBMEDIA constitutifs d'une grave inexécution de ses obligations résultant du mandat du 21 juin 2012, la société DISPOBIZ a valablement, par son courrier en date du 7 février 2013, prononcé la résiliation du mandat avec effet immédiat ;

- dire qu'aucune indemnisation n'est due à la société GIBMEDIA, du fait de la résiliation intervenue à ses torts ;

- débouter la société GIBMEDIA de l'ensemble de ses demandes pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Sur la concurrence déloyale :

A titre principal,

- dire que la société GIBMEDIA est défaillante dans la preuve d'une quelconque faute constitutive d'actes de concurrence déloyale dont DISPOBIZ serait l'auteur ;

- débouter la société GIBMEDIA de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société GIBMEDIA est défaillante dans l'administration de la preuve de son préjudice et de sa quantification ;

- débouter de plus fort la société GIBMEDIA de ses demandes de réparation à ces titres ; A titre reconventionnel,

- dire que la société GIBMEDIA a abusé de son droit d'ester en justice compte tenu de ses propres défaillances à l'égard de la société DISPOBIZ ;

- condamner la société GIBMEDIA au paiement d'une somme de 20.000 euros pour procédure abusive ;

- condamner la société GIBMEDIA à payer à la société DISPOBIZ la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Elle indique, en premier lieu, que, si des relations de fournitures de service de centre serveur ont perduré pendant sept ans pour l'exploitation des services Télétel, ces relations ont expiré le 16 novembre 2012, date de la fin de services de Télétel de FRANCE TELECOM et ne se sont pas poursuivies avec la nouvelle solution CONTACT +. Elle ajoute que, concomitamment et de manière parfaitement distincte, de nouvelles relations ont été entamées, dont la qualification (mandat de représentation) et les termes (durée limitée assortie condition résolutoire) instauraient une relation ponctuelle à l'issue incertaine ; les termes-mêmes de ce mandat, rédigé par GIBMEDIA, établissent qu'elle n'a à aucun moment pu être portée à croire en l'instauration d'une nouvelle relation pérenne.

La société DISPOBIZ soutient, en deuxième lieu, que le mandat confié à GIBMEDIA dans la perspective de la mise en place de la nouvelle offre CONTACT + instaurait une relation limitée et conditionnelle et que c'est pour cela qu'elle était en droit, sans engager sa responsabilité, d'acter la fin du mandat ou, en tout état de cause, de le résilier en raison d'inexécution par la société GIBMEDIA de ses obligations. Elle souligne que la force obligatoire de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, amène à réaliser la stricte application des termes non ambiguës du mandat du 21 juin 2012 prévoyant d'une part, une durée «  irrévocable de six mois », d'autre part une dénonciation « en cas de non règlement des sommes dues au mandat par le mandataire au 31 juillet 2012 » ; elle soutient, par application de l'article 1134 du code civil, que l'arrivée du terme du mandat est constatée sans qu'aucune autre relation commerciale entre les parties n'ait été instaurée. Dans le cas où le mandat serait prorogé, la société DISPOBIZ indique qu'elle a constaté l'inexécution des obligations de la société GIBMEDIA au titre de son mandat et a par conséquent résilié, sans préavis, sur le fondement de l'article 1184 du code civil ; elle souligne que, par son courrier en date du 7 février 2013, elle a dénoncé avec effet immédiat le mandat la liant à la société GIBMEDIA pour inexécution de ses obligations contractuelles, en l'espèce l'inexécution des obligations de paiement et l'inexécution des autres obligations de mandataire.

Sur la concurrence déloyale, elle indique que la société GIBMEDIA est dans l'incapacité de démontrer le moindre démarchage ou détournement fautif ou toute autre man'uvre déloyale à son encontre. Elle ajoute que c'est la société GIBMEDIA qui s'est livrée à des comportements fautifs de nature à lui causer un préjudice.

Enfin, la société DISPOBIZ indique que la société GIBMEDIA ne démontre en aucune manière avoir réalisé un quelconque chiffre d'affaires dans le cadre du service CONTACT + pour son compte et celui de ses filiales, de sorte qu'aucune perte de marge n'a pu être en réalité subie par la société GIBMEDIA, perte dont le chiffrage est, en tout état de cause, inexact. Elle ajoute que la société GIBMEDIA a instrumentalisé la justice en introduisant la procédure de première instance à titre de contre feu aux demandes formulées pour le paiement d'importantes sommes qu'elle devait.

La société GIBMEDIA, par conclusions signifiées le 24 novembre 2016, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société DISPOFI aujourd'hui DISPOBIZ à payer à la société GIBMEDIA le montant du préjudice subi à titre de dommages intérêts pour rupture brutale et sans préavis de relations commerciales établies ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- condamner la société DISPOBIZ à verser à la société GIBMEDIA la somme de 2.209.985,17 euros à titre de dommages intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- condamner la société DISPOBIZ à verser à la société GIBMEDIA, la somme de 6.619.309,30 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

- débouter la société DISPOBIZ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société DISPOBIZ à verser à la société GIBMEDIA la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle indique, en premier lieu, que des relations commerciales sont établies depuis près de huit ans avec la société DISPOBIZ et que celles ci se sont poursuivies au-delà du 16 novembre 2012 puisqu'elle avait continué à fournir des prestations au groupe DIPOBIZ pour lui permettre de monétiser ses sites tant sur le plan commercial, marketing que technique. Elle ajoute que les différences techniques et contractuelles entre l'offre CONTACT + et l'offre TELETEL ne modifient pas le fait qu'elle ait continué à fournir au groupe DISPOBIZ des prestations permettant la monétisation de leurs site internet ( notamment par un système de paiement à la durée de connexion). Elle souligne que les sites du groupe DISPOBIZ ont en réalité basculé sur la solution CONTACT+ qu'elle utilisait à compter du mois de novembre 2012 ; or, par un courrier du 7 février 2013, c'est à dire avant le commencement de l'activité saisonnière des résultats d'examen, DISPOFI a mis fin à une relation commerciale établie depuis près de sept ans, sans respecter le moindre préavis à l'égard de son partenaire commercial. GIBMEDIA ajoute que ce défaut de préavis l'a privée de toute prestation pendant l'activité saisonnière de DIPOBIZ de mai à juillet 2013 et caractérise une rupture brutale des relations. Elle indique que DISPOBIZ a décidé de s'affranchir de son intervention et a directement contracté avec ORANGE, que DISPOBIZ a, tout à la fois, négocié les termes de son contrat Agrégateur avec ORANGE et le remplacement des solutions techniques de monétisation avant de rompre brutalement ses relations avec elle.

S'agissant des difficultés invoquées par DISPOBIZ relatives aux obligations découlant du mandat, la société GIBMEDIA indique qu'elle sont fausses et n'ont jamais été abordées avant la présente instance.

GIBMEDIA soutient, en second lieu, que DISPOBIZ a exercé une concurrence déloyale à son égard et a man'uvré auprès de ses clients pour les convaincre de mettre brutalement fin, avec elle aux relations commerciales qui les unissaient depuis plusieurs années, en vue de récupérer le marché en cause et de prendre sa place.

GIBMEDIA indique également qu'elle a subi de nombreux préjudices dus à la rupture brutale des relations commerciales et souligne qu' eu égard à la durée de la relation commerciale et des circonstances particulières de la rupture, le délai raisonnable de préavis ne peut être inférieur à 18 mois.

S'agissant des actes de concurrence déloyale, la société GIBMEDIA indique que son préjudice peut être évalué à la marge brute de 27 % perdue pendant 11 mois, soit la somme de 6.619,30 euros.

SUR CE 

Sur la recevabilité des conclusions de la société GIBMEDIA signifiées le 24 novembre 2016 

Considérant que la société GIBMEDIA a conclu le 24 novembre 2016, jour de prononcé de l'ordonnance de clôture ; que le respect du contradictoire et le principe de la loyauté entre les parties imposent que ces conclusions soient déclarées irrecevables ; que la Cour ordonnera le rejet des débats des conclusions signifiées par GIBMEDIA le 24 novembre 2016 ; que seules les précédentes conclusions, signifiées par le RPVA le 4 novembre 2016, seront prises en compte ;

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Considérant que l'article L.442-6 I 5° du code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l' oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : (') 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ( ...) » ; que l'application de ces dispositions suppose l' existence d'une relation commerciale, qui s'entend d' échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux ; qu'en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent ;

Considérant qu'en l'espèce, les parties ne contestent pas que les relations commerciales entre GIBMEDIA et DISPOFI, devenue DISPOBIZ, ont débuté en 2005, ont duré pendant sept ans et se sont interrompues le 16 novembre 2012, selon DISPOBIZ, par la fin des services de TELETEL par FRANCE TELECOM et le 7 février 2013, selon GIBMEDIA, par le courrier mettant fin au mandat du 21 juin 2012 confié à GIBMEDIA ;

Qu'il résulte des pièces communiquées qu'à la suite du jugement du 26 juin 2012 du tribunal de commerce de Paris qui l'avait enjoint « de ne pas interrompre le service TELETEL jusqu' à un délai maximum de quatre mois après qu'une offre de paiement à la durée permettant une monétisation de contenus et service sur Internet ( dont notamment la reprise des services Minitel existants sur le réseau IP) soit opérationnelle » et de l'ordonnance du Président du tribunal de commerce du 31 octobre 2012, FRANCE TELECOM a finalement interrompu le service TELETEL le 16 novembre 2012 , ce service devant être remplacé par la solution CONTACT + ;

Que, concomitamment, le 21 juin 2012, DISPOBIZ a confié à GIBMEDIA un mandat exclusif de représentation aux fins de négocier avec FRANCE TELECOM des modalités financières et techniques à l' adhésion à l' offre CONTAC+ ainsi que l'accomplissement des opérations techniques nécessaires à l' ouverture des codes de services (article 2) ; que ce mandat indique notamment :

- dans son préambule :

« La présente convention intervient à la suite de l'annonce de FRANCE TELECOM du lancement d'une nouvelle offre de service désignée sous le nom CONTACT+, avant le 30 juin 2012, laquelle doit permettre également de facturer à la durée les internautes et se substituer à l' offre TELETEL. Forte d' une collaboration efficace et rentable dans le cadre de l'offre TELETEL, les parties ont décidé d'un commun accord, de poursuivre leur coopération à l' occasion du lancement de l'offre CONTACT + et de l'ouverture de nouveaux codes de service. »

- en son article 3 relatif à la durée du mandat : « Le présent mandat est conclu pour une période irrévocable de 6 mois » ;

- en son article 6 portant sur des dispositions diverses : « Le présent mandat pourra être dénoncé par le Mandant en cas de non règlement des sommes dues au Mandant par le Mandataire au 31 juillet 2012 » ;

Que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 février 2013, la société DISPOFI a mis fin au mandat du 21 juin 2012 à effet immédiat, au motif des factures restées impayées d'un montant de 425.400,66 euros au titre des années 2010-2011, et ce en application de l'article 6 du mandat ; que si les relations commerciales consistant en la monétisation des sites internet de DISPOBIZ ne se sont jamais interrompues avant le 7 février 2013, le mandat ayant continué par tacite reconduction après la date d' expiration fixée au 21 décembre 2012 ;

Considérant que la rupture des relations commerciales sans préavis peut être justifiée par des manquements d'une partie à ses obligations contractuelles, l'article 442-6 I,5° du code de commerce autorisant la résiliation sans préavis en cas de manquements aux obligations d'une partie ('Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d' inexécution par l' autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ») ;

Considérant qu'il n'est pas contestable au vu des échanges de mails entre les parties à compter d'octobre 2010, du courrier recommandé avec accusé de réception du 23 février 2011 de DISPOFI, de la sommation d'huissier de justice en janvier 2013, du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 10 septembre 2015 reconnaissant l'existence d'une créance d'un montant de 301.273,26 euros au profit de DISPOBIZ à l'encontre de GIBMEDIA pour les années 2010 à 2012, qu'un différend existait entre les parties, DISPOBIZ réclamant à GIBMEDIA le paiement de ses factures ; que le jugement du 10 septembre 2015 du tribunal de commerce de Toulouse a fait les comptes entre les parties qui avaient convenu d'une compensation entre leurs créances respectives et a condamné la société GIBMEDIA à payer à la société DISPOFI la somme de 301.273,26 euros outre intérêts ; que ce différend portant sur le paiement des factures par GIBMEDIA remonte à 2010, comme le démontrent les courriels échangés et le décompte du tribunal de commerce de Toulouse qui a exclu des montants réclamés par DISPOFI les cessions de créance de cette société sur GIBMEDIA au profit de France Examen le 21 janvier 2013, soit avant la lettre de rupture, d'un montant de 162.211,40 euros et le 16 décembre 2013, d'un montant de 608.411,80 euros, la société GIBMEDIA n'ayant procédé qu'à un seul versement de 350.000 euros le 26 novembre 2010 ; que cette créance était rappelée dans le mandat du 26 juin 2012 en son article 6 ;

Qu'en conséquence, la rupture des relations commerciales par DISPOFI le 7 février 2013 était justifiée au vu des manquements de GIBMEDIA à ses obligations contractuelles essentielles ; que GIBMEDIA sera déboutée de ses demandes fondées sur la rupture des relations commerciales et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Sur la concurrence déloyale 

Considérant que la société GIBMEDIA soutient que la société DISPOBIZ a exercé une concurrence déloyale à son égard et s'est livrée à des man'uvres auprès de ses clients pour les convaincre de mettre brutalement fin à leurs relations commerciales entretenues depuis plusieurs années afin de récupérer le marché en cause et de prendre sa place ;

Mais considérant que c'est de façon pertinente que le tribunal de commerce a retenu que 'la nouvelle offre CONTACT + qui fonctionne sur Internet et a induit un changement technique important par rapport à l'offre TELETEL, notamment en ne nécessitant plus l'utilisation d'un centre serveur, est proposée par ORANGE à de nombreux éditeurs facturant leurs services à la durée de consultation et évoluant dans un marché de libre concurrence et que la société GIBMEDIA ne peut ainsi se positionner en acteur incontournable pour la distribution de la solution CONTACT +, ainsi que l'a rappelé ORANGE dans un courriel du 29 juin 2012 adressé à la société GIBMEDIA' ; qu'en outre, la société GIBMEDIA n'apporte aucun élément propre à établir les agissements de DISPOBIZ caractérisant une concurrence déloyale à son encontre ; qu'elle ne rapporte pas la preuve que la rupture de leurs contrats par les sociétés ULYSSE, AUDIVOX, TELEMAQUE et HOWARD DE LUZ EDITION LIMITÉE résulte d'un plan concerté, comme elle le soutient, étant observé qu'ULYSSE est une société qui fait partie du groupe DISPOFI ; qu'elle n'établit pas davantage le dénigrement dont elle ferait l'objet par DISPOFI auprès d'ORANGE ; que les allégations de GIBMEDIA ne sont donc étayées par aucune pièce ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris qui a débouté la société GIBMEDIA de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme ;

Considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s' agit d'une erreur grave équipollente au dol, ce que la société DISPOBIZ n'établit pas ; que, la société GIBMEDIA n'ayant fait qu' user de son droit d'ester en justice, il y a lieu de rejeter la demande en dommages et intérêts de DISPOBIZ pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité impose de condamner la société GIBMEDIA à payer à la société DISPOBIZ la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS 

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

ORDONNE le rejet des débats des conclusions signifiées par GIBMEDIA le 24 novembre 2016,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GIBMEDIA de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme et en ce qu'il a débouté la société DISPOBIZ de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

L'INFIRME sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

STATUANT A NOUVEAU du chef infirmé,

DIT que la rupture des relations commerciales du 7 février 2013 était justifiée au vu des manquements de la société GIBMEDIA à ses obligations contractuelles,

en conséquence,

DEBOUTE la société GIBMEDIA de sa demande en dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

CONDAMNE la société GIBMEDIA à payer à la société DSPOBIZ la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/04629
Date de la décision : 10/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°15/04629 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-10;15.04629 ?
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