Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 08 MARS 2017
(n° , 09 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10716
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de Créteil - RG n° 12/10133
APPELANTE :
SCI GMF RASPAIL prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 449 208 636
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jérôme ROCHELET de la SELARL LIGNER & ROCHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0711
INTIMÉES :
SAS ASTREMIS prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 528 043 516
[Adresse 2]
[Adresse 2]
SELARL SMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ASTREMIS
Immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 509 405 635
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Intervenante forcée
Représentées par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargé d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Agnès THAUNAT, présidente
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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Faits et procédure :
La SCI GMF Raspail, société constituée par la famille [A] et ayant pour gérante Mme [U] [A], a pour unique objet d'acquérir, de détenir et de donner à bail l'immeuble d'activité à usage d'entrepôt et de bureaux dans lequel était exploitée la société France dentaire qui appartenait à l'époux de Mme [U] [A], M. [V] [A].
Le 30 septembre 2011, en même temps que M. [A] cédait la société France Dentaire, la SCI GMF Raspail a donné en location à la société Astremis, aux termes d'un premier bail commercial, ce local à usage de bureaux et d'entrepôt d'une surface d'environ 1.800 m² situé [Adresse 4], moyennant un loyer annuel de 132.000 euros hors taxes et hors charges.
Le 19 octobre 2011, les associés de la SCI GMF Raspail et les associés de la société Astremis ont conclu une promesse de cession des parts sociales de la SCI GMF Raspail, laquelle n'a jamais été réalisée.
Le 21 février 2012, la SCI GMF Raspail et la société Astremis ont conclu un nouveau bail portant sur le même local pour une durée de neuf années commençant à courir le 15 septembre 2012, moyennant un loyer annuel de 152.000 euros hors taxes et hors charges. Aux termes dudit bail, la SCI GMF Raspail s'est engagée à exécuter et à prendre à sa charge des travaux d'aménagement pour un montant maximum de 400.000 euros hors taxes.
Le 9 mai 2012, la SCI GMF Raspail a conclu avec la société ADYAL Facilities un « mandat d'assistance » pour l'aménagement des lieux loués.
Le 18 juin 2012, la société ADYAL Facilities a informé les parties que le chantier allait débuter le 25 juin. Le 19 juin, la SCI GMF Raspail lui a demandé de cesser toute action et de lui restituer la somme de 400.000 euros qu'elle lui avait d'ores et déjà versée, ce qui fut fait.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 23 octobre 2012, la société Astremis a notifié à la SCI GMF Raspail la résolution unilatérale du bail du 21 février 2012 aux torts du bailleur, à effet du 31 octobre 2012, en raison de l'inexécution des travaux.
Par acte extrajudiciaire du 12 novembre 2012, la société Astremis a fait assigner la SCI GMF Raspail devant le Tribunal de grande instance de Créteil sur le fondement des articles 1147 et 1184 du code civil aux fins notamment de constater le non-respect par la SCI GMF Raspail de son obligation de financement des travaux, de constater la résolution unilatérale du bail aux torts exclusifs du bailleur et de la condamner à des dommages et intérêts d'un montant de 221.969,40 euros.
Par ordonnance en date du 10 janvier 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil, saisi par la SCI GMF Raspail d'une demande de condamnation provisionnelle d'un arriéré de loyers et charges, a rejeté les demandes formées par chacune des parties en l'état de contestations sérieuses, et condamné la SCI GMF Raspail aux dépens.
Par arrêt du 12 novembre 2013, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette décision, sauf en ce qui concerne la provision sollicitée par la bailleresse, et a condamné la SAS Astremis à verser à la SCI GMF Raspail une provision de 19.734 € (correspondant aux loyers restant dûs du 1er août au 15 septembre 2012), avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2012, dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SAS Astremis aux dépens.
Par jugement en date du 16 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Créteil, saisi par la SAS Astremis d'une demande visant à constater la résolution unilatérale du bail aux torts exclusifs du bailleur, a :
« Dit la société Astremis recevable en ses demandes à l'encontre de la SCI GMF Raspail,
L'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
Condamné la société Astremis à payer à la SCI GMF Raspail les sommes suivantes :
- 22.723,50 € TTC au titre des loyers dus pour la période courant du 15 septembre 2012 au 31 octobre 2012, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2012,
- 19.532,11 € à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent jugement,
Débouté la SCI GMF Raspail du surplus de ses demandes reconventionnelles,
Condamné la société Astremis à payer à la SCI GMF Raspail la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Astremis aux dépens,
Ordonné l'exécution provisoire. »
La société SCI GMF Raspail a relevé appel du jugement par déclaration en date du 30 avril 2015.
Le 19 octobre 2016, le Tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Astremis. La SELARL SMJ a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Astremis et assignée en intervention forcée par-devant la Cour d'appel par acte extrajudiciaire du 14 décembre 2016.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 27 décembre 2016 au visa des articles L.145-1 du code de commerce, 1184 et 1134 et suivants du code civil, la SCI GMF Raspail demande à la Cour de :
- Débouter la société Astremis et la SELARL SMJ de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Déclarer commun et opposable à la SELARL SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Astremis l'arrêt à intervenir ;
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 16 mars 2015 en ce qu'il a débouté la société Astremis de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il a condamné la société Astremis à payer divers sommes à la SCI GMF Raspail et le réformer en ce qu'il a débouté la SCI GMF Raspail du surplus de ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau sur le montant total de la créance de la SCI GMF Raspail à l'encontre de la société Astremis,
- Constater et fixer au passif de la société Astremis la créance de la SCI GMF Raspail résultant de la résiliation abusive du bail, à hauteur :
* D'une part, de 579.392,50 € TTC en deniers ou quittances au titre de la créance de dommages et intérêts résultant de la perte de loyers indexés, impôts, taxes et charges exigibles et frais de remise en état ;
* D'autre part, de 177.547 euros TTC au titre des autres préjudices résultant de la résiliation abusive du bail ;
- Constater et fixer au passif de la société Astremis la créance de la SCI GMF Raspail à hauteur de 37.097,50 € en deniers ou quittances en assortissant ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2012 ;
A titre subsidiaire,
Ordonner avant-dire droit une expertise et, en conséquence,
Désigner tel expert qu'il lui plaira, avec pour mission de :
- convoquer les parties en cause et leurs avocats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
- se faire remettre par les parties ou par tout tiers détenteur les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- recueillir les déclarations des parties et, éventuellement, celles de toute personne informée ;
afin de :
- déterminer le montant du préjudice subi par la SCI GMF Raspail du fait de la résiliation du bail commercial par la société Astremis ;
- faire toutes observations utiles au règlement du litige ;
En tout état de cause,
- Dire et juger que la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que l'intégralité des dépens soient réservés en frais de justice privilégiés.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 décembre 2016 au visa des articles 1147 et 1184 du code civil, la SELARL SMJ, ès qualités, demande à la Cour de :
- Déclarer recevable la constitution de Me Etevenard dans l'intérêt de la SELARL SMJ prise en la personne de Me [P] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Astremis,
- Infirmer le Jugement du Tribunal de grande instance de Créteil en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- Condamner la société GMF RASPAIL à rembourser à la société SMJ, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Astremis, la somme de 43.754,61 euros,
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger que le bail commercial du 30 septembre 2011 conclu entre la société GMF Raspail et la société Astremis a expiré le 15 septembre 2012, date à laquelle le bail commercial du 21 février 2012 conclu entre les même parties est entré en vigueur ;
- Dire et juger que la société GMF Raspail n'a pas respecté l'obligation de financement des travaux dans les locaux mises à sa charge aux termes de l'article 5.2 du bail commercial du 21 février 2012 ;
En conséquence,
- Dire et juger bien-fondée la résolution unilatérale du bail du 21 février 2012 opérée le 23 octobre 2012 par la société Astremis aux torts exclusifs de la société GMF Raspail ;
- Débouter la société GMF Raspail de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société GMF Raspail à payer à la société SMJ, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Astremis, une somme de 221.969,40 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de la résolution du bail du 21 février 2012 à ses torts exclusifs ;
- Condamner la société GMF Raspail à payer à la société SMJ, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Astremis, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société GMF Raspail aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Etevenard en application de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la demande en résiliation unilatérale du bail du 21 février 2012 :
La SELARL SMJ, ès qualités, fait valoir que le bail commercial du 21 février 2012 s'est substitué, à compter du 15 septembre 2012, au bail commercial du 30 septembre 2011 et que le second bail n'a pas été conclu sous la condition suspensive de réalisation des travaux, que l'obligation pour la société SCI GMF Raspail de faire exécuter les travaux et de les financer constituait une obligation essentielle et déterminante du second contrat de bail, que cette obligation de financement souscrite par la société GMF Raspail avait vocation à compenser le préjudice subi par la société Astremis du fait du refus abusif des associés du bailleur d'honorer leur promesse de cession des locaux.
En rappelant la chronologie des faits, elle détaille l'ensemble des travaux préparatoires à la réalisation des travaux auxquels a concouru le bailleur jusqu'au 18 juin 2012, pour démontrer que la non-réalisation des travaux ne résulte nullement d'un quelconque désaccord entre les parties à l'instance sur le projet de travaux, mais de la seule volte-face opérée par la société GMF Raspail le 19 juin 2012, soit 5 jours avant la date fixée pour le démarrage du chantier, lorsqu'elle a exigé de la société ADYAL, mandatée par la bailleresse pour effectuer le projet d'aménagement, le remboursement des sommes versées.
Elle en déduit que la SCI GMF Raspail a violé ses obligations contractuelles justifiant la résolution unilatérale du contrat aux torts exclusifs de la SCI GMF Raspail. Elle indique que c'est dans ces conditions qu'elle a informé par courrier du 23 octobre 2012 la société bailleresse de son intention de résilier unilatéralement le bail à la date du 31 octobre 2012 et convié celle-ci à l'établissement d'un état des lieux de sortie.
La SCI GMF Raspail soutient que la SAS Astremis n'apporte pas la preuve d'un manquement grave imputable au bailleur pouvant justifier la résiliation unilatérale du contrat de bail, que son engagement à prendre en charge les travaux n'est pas lié à un refus qu'elle aurait opposé à la réalisation de la cession de parts sociales, mais aux difficultés financières rencontrées par la SAS Astremis, qui n'avait pas le financement nécessaire pour effectuer les travaux d'aménagement des locaux, que la réalisation immédiate des travaux n'avait pas à intervenir avant la prise d'effet du bail au 15 septembre 2012, que ces travaux nécessitaient leur validation par un architecte, impliquait des autorisations administratives ainsi que des assurances qui n'étaient aucunement acquises par la société Astremis.
Elle en conclut que le preneur ne remplissait pas les conditions prévues au bail pour réaliser les travaux et ne pouvait donc procéder à la résiliation de ce bail qu'au terme de la première période triennale, soit le 14 septembre 2015 et en respectant un préavis de 6 mois.
En conséquence, la SCI GMF Raspail sollicite la condamnation du preneur aux loyers et charges dus à compter du mois de septembre 2012 au mois de novembre 2012, soit 37.097,50 euros, aux loyers qu'elle n'a pu percevoir entre novembre 2012 et le 14 septembre 2015, soit 536.675,46 euros, le remboursement des charges, impôts et taxes y afférents, soit 34.814,56 euros, le montant des travaux de remise en état à la suite du départ du preneur, soit 7.620,19 euros, ainsi que d'autres préjudices liés à la résiliation abusive du bail, soit 177.547 euros.
A titre subsidiaire, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur le montant du préjudice de la SCI GMF Raspail, elle sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise permettant de déterminer le montant du préjudice subi du fait de la résiliation du bail commercial.
La SCI GMF Raspail ne soutient plus que la conclusion du bail aurait été conditionnée à la condition suspensive de la réalisation de travaux, et que seul le premier bail du 21 février 2012 trouverait application entre les parties. En conséquence, il n'est pas sérieusement contestable que le bail du 21 février 2012 s'est substitué à l'ancienne convention à compter du 15 septembre 2012.
Le second contrat de bail signé entre les parties le 21 février 2012 prenait effet le 15 septembre 2012. Il prévoyait en son article 5.2 que :
"le bailleur s'oblige de son côté à exécuter et prendre en charge des travaux pour un montant cumulé maximum de 400.000 euros HT.
Les travaux d'aménagement seront effectués sous la responsabilité du preneur et sous le contrôle du bailleur ou de son représentant, lequel sera notamment informé de l'élaboration du cahier des charges, de la procédure d'appel d'offres et de l'adoption du planning des travaux. Il pourra également assister aux réunions de chantier.
Les travaux devront être exécutés sous les conditions suivantes :
' agrément préalable du dossier complet du Preneur établi par un maître d''uvre agréé inscrit à l'ordre des architectes comportant notamment plus et descriptifs détaillés et si les travaux affectent le gros 'uvre ou tous éléments importants de structure, l'avis d' un bureau de contrôle,
' obtention des autorisations administratives requises, le cas échéant selon la nature des travaux envisagés,
' souscription par le Preneur et justification auprès du Bailleur des assurances requises pour couvrir sa responsabilité civile dans le cadre de l'exécution de tout chantier de même selon la nature des travaux exécutés, qu'au titre des garanties biennales et décennales et ce conformément à la législation en vigueur,
' information de l'architecte ou des services techniques du Bailleur par le Preneur et son maître d''uvre de l'évolution du chantier avec envoi de tous plans d'exécution ou comptes rendus de chantier permettant de s'assurer de la conformité des travaux exécutés avec ceux qui ont été préalablement autorisés,
' remise au Bailleur d'un procès-verbal de réception de travaux, des certificats de conformité et des attestations de paiement de toutes taxes et primes d'assurances.(...)"
Il importe peu que cette clause de prise en charge de travaux par le bailleur soit la contrepartie de la non-réalisation de cession de parts entre les deux sociétés, comme le soutient le preneur, ou soit la résultante de difficultés financières rencontrées par le preneur, comme le prétend le bailleur, mais il est incontestable que cette obligation du bailleur constituait un élément essentiel du nouveau bail, en contrepartie de laquelle une augmentation de loyer avait été convenue pour compenser l'avance du coût des travaux.
Il convient de relever que par courrier daté du 21 septembre 2012, la SCI GMF Raspail expliquait son refus de réaliser les travaux en indiquant qu'aucun accord n'était intervenu sur la nature des travaux envisagés par la SAS Astremis, en reprochant l'agrandissement de surface de bureaux, la dépose de cloisons, la suppression de la mezzanine de 400 m², et l'agrandissement et l'électrification du portail.
En réponse à ce courrier, dont elle en contestait les termes, la SAS Astremis adressait à la SCI GMF Raspail un courrier daté du 23 octobre 2012, en lui rappelant l'historique des travaux préparatoires des travaux envisagés, auxquels la SCI GMF Raspail avait participé, et lui reprochant sa soudaine volte-face le 20 juin 2012, 5 jours avant le début des travaux, lui notifiait sa volonté de résilier unilatéralement le contrat au 31 octobre 2012.
S'il est constant que le second bail ne prévoyait pas la nature des travaux ni le délai de leur réalisation, les éléments versés aux débats démontrent que des travaux d'aménagement des lieux ont été envisagés dès le mois de février 2012, auxquels a été associé la SCI GMF Raspail par l'intermédiaire de M. [A], comme en justifient :
- les 14 courriels préparatoires des travaux échangés entre les divers intervenants entre le 26 février 2012 et le 23 avril 2012, adressés soit directement soit en copie à "France dentaire-C.[A]" faisant état des présentations budgétaires, devis, réunions préparatoires, plans des locaux réaménagés, choix des différents prestataires, planning des interventions des entreprises, etc ;
- le mandat d'assistance à aménagement signé le 9 mai 2012 par M. [V] [A] mandaté par son épouse, gérante de la société la SCI GMF Raspail, avec la société ADYAL Facilities SAS, portant sur le financement d'un projet de travaux détaillé dans le mandat pour un montant total de 400.000 € H.T, soit 478.400 € T.T.C;
- les 4 courriels envoyés à "France dentaire-C.[A]" entre le 5 juin 2012 et le 18 juin 2012, annonçant le déménagement des bureaux, et le début des travaux prévu le 25 juin 2012 ;
- le courrier adressé le 6 juin 2012 par la SCI GMF Raspail à la société ADYAL Facilities SAS, accompagné d'un chèque d'acompte de 200.000 €, suivi d'un second chèque de 278.400 € le 19 juin 2012.
Il s'en déduit l'existence d'un accord passé entre le preneur et le bailleur sur la nature et les délais de réalisation des travaux d'aménagement tels que prévus dans ces échanges de courriels et de documents.
La SCI GMF Raspail a néanmoins retiré cet accord et sollicité la restitution des sommes versées à la société ADYAL Facilities SAS le 26 juin 2012, sans donner à sa locataire aucune explication écrite à ce revirement durant 3 mois, avant son courrier du 21 septembre 2012.
La nature et la consistance des travaux, destinés à "regrouper et développer les activités des sociétés France Dentaire, Promedis et Viademeca, incluant environ 26 personnes", étaient clairement détaillées dans le projet joint au mandat signé par la SCI GMF Raspail, comprenant notamment des travaux de maçonnerie (démolition et création de locaux annexes), le démantèlement de la mezzanine, et la démolition du mur de clôture pour créer un nouveau portail. Dès lors la SCI GMF Raspail ne saurait valablement invoquer, comme elle l'a fait dans son courrier du 21 septembre, l'existence d'un désaccord sur la nature de ces travaux, alors même qu'elle avait suivi et été partie prenante au projet de réalisation desdits travaux, s'était engagée à titre personnel envers la société ADYAL Facilities SAS, avait obtenu un financement bancaire et avait versé ce dernier à la société ADYAL Facilities SAS pour financer les travaux.
Ce n'est que devant les juridictions postérieurement saisies que la société bailleresse a invoqué la non-conformité des travaux envisagés avec la clause contractuelle du bail en date du 21 février 2012, sans qu'auparavant elle n'ait sollicité du preneur la validation des travaux par un architecte, le justificatif d'éventuelles autorisations administratives, la preuve d'assurances, et qu'elle a prétendu que les travaux ne pouvaient être réalisés qu'à compter du 15 septembre 2012.
Ainsi, après avoir donné son accord exprès et non-équivoque sur les travaux envisagés, faisant suite à 4 mois de préparation, la SCI GMF Raspail a de façon soudaine et sans motif valable donné dans son courrier du 21 septembre 2012, renoncé à leur prise en charge, sollicitant néanmoins de la société locataire qu'elle s'acquitte du nouveau loyer convenu à compter du 15 septembre 2012.
Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts en justice.
La gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée déterminée peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En outre les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
La clause afférente aux travaux, déjà prévus dans le premier bail et destinés à regrouper les sociétés France Dentaire, Promedis et Viademeca en un seul lieu d'activité pour permettre une meilleure gestion et le développement des activités de ces sociétés, constituait une clause essentielle du bail, en contrepartie de laquelle une augmentation de loyer était acceptée par la locataire.
Dans ces conditions, le revirement soudain de la SCI GMF Raspail, qui s'est désengagée du projet sans motif pertinent, privant ainsi le preneur de la réalisation des travaux, caractérise la gravité du comportement requis par l'article 1184 précité pour justifier que soit prononcée la résolution du bail du 21 février 2012, entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat.
Il s'ensuit que les demandes en paiement de loyers, charges, impôts et taxes, en exécution de ce bail seront rejetées.
Sur les travaux de remise en état des lieux :
Aux termes du premier bail du 30 septembre 2011, la SAS Astremis s'est engagée à tenir les lieux loués de façon constante en parfait état de réparations locatives et de menu entretien au sens de l'article 1754 du code civil. Elle a quitté les lieux et rendu les clés le 31 octobre 2012.
Le premier juge a détaillé, au vu des procès-verbaux de constat d'état des lieux dressés le 31 octobre 2012 par la SAS Astremis et le 5 décembre 2012 par la SCI GMF Raspail, les dégradations relevant du locataire, comprenant les frais de réfection de serrurerie, de la porte d'entrée, de nettoyage, et de location de benne pour un montant total de 2.100 €.
Il a rejeté, à juste titre, les frais de réparation du plafond de l'entrepôt situé sous la couverture de tuiles du bâtiment, incombant au bailleur.
La somme de 2.100 € due par la SAS Astremis à la SCI GMF Raspail au titre des travaux de remise en état des lieux sera donc fixée au passif de cette société.
Sur le préjudice subi par la SAS Astremis :
La SAS Astremis, représentée par son liquidateur judiciciaire la SELARL SMJ, soutient que la résolution du bail du 21 février 2012 lui a causé un préjudice qui réside dans le paiement des loyers en pure perte pendant 10 mois au titre du bail commercial du 30 septembre 2011,ainsi que dans les frais qu'elle a dû engager en prévision de l'exécution des travaux ; des frais de stockage temporaire de ses matériels et consommables en prévision des travaux qui devaient être financés par la société GMF Raspail ;
- du temps passé en pure perte par les équipes de la société Astremis sur le projet de travaux que la société GMF Raspail devait financer ;
- des frais de recherches de nouveaux locaux supportés par la société Astremis ;
- des frais liés au déménagement de la société Astremis.
Soit un montant total de 90.409,40 euros TTC.
La SAS Astremis, représentée par son liquidateur judiciciaire la SELARL SMJ, ne peut se prévaloir de la résolution du second bail pour solliciter le remboursement des loyers acquittés sous l'emprise du premier bail de septembre 2011 alors qu'elle a occupé les locaux jusqu'au 17 septembre 2012, date à laquelle elle a signé un engagement de location d'un autre immeuble sis [Adresse 5].
Elle ne peut pas non plus solliciter le remboursement de frais de déménagement et de stockage des matériels et consommables exposés durant le premier bail, alors que ce dernier prévoyait la réalisation de travaux par le preneur d'un montant maximum de 500.000 euros, à ses frais avancés.
Les frais exposés à compter du 15 septembre 2012 sont constitués par des factures de transport entre le 26 octobre et le 31 décembre 2012, de déménagement de mobilier entre le 22 septembre et le 6 octobre 2012, de travaux d'électricité dans le nouveau local loué, d'honoraires de location du nouveau local, d'emploi d'une salariée du 15 octobre 2012 au 11 novembre 2012, et de frais d'aménagement de nouveaux locaux le 24 octobre 2012.
Alors qu'elle savait que la SCI GMF Raspail avait retiré son engagement de payer la réalisation des travaux depuis le 26 juin 2012, la SAS Astremis a néanmoins engagé des frais de déménagement et de réinstallation, tout en s'abstenant de s'acquitter du paiement des loyers à compter du mois d'août. Ce faisant elle ne peut justifier du lien de causalité existant entre le revirement manifesté par la SCI GMF Raspail en juin 2012 et les frais qu'elle a engagés lors de la prise d'effet du second bail.
Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
Sur les autres demandes :
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Astremis, représentée par la société SMJ ès qualités, à laquelle il sera accordé la somme de 3.000 euros.
Les dépens seront mis à la charge de la SCI GMF Raspail.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Reçoit l'intervention de la SELARL SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Astremis ;
Prononce la résolution unilatérale par la SAS Astremis du bail conclu entre les parties le 21 février 2012 aux torts exclusifs de la SCI GMF Raspail ;
En conséquence, rejette les demandes en paiement de loyers, charges, impôts et taxes, en exécution de ce bail ;
Fixe la créance de la SCI GMF Raspail au passif de la SAS Astremis à la somme de 2.100 € au titre des frais de remise en état des lieux ;
Condamne la SCI GMF Raspail à payer à la SAS Astremis la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la SCI GMF Raspail aux entiers dépens qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE