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07/03/2017 | FRANCE | N°14/10505

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 07 mars 2017, 14/10505


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 Mars 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10505



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/12262





APPELANTE

Madame [S] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]

représentée par Me J

onathan CADOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R222 substitué par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222







INTIMEE

SARL LES EDITIONS DU POUVOIR

[Adresse 2]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 Mars 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10505

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/12262

APPELANTE

Madame [S] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]

représentée par Me Jonathan CADOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R222 substitué par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMEE

SARL LES EDITIONS DU POUVOIR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me François LIVERNET-D'ANGELIS, avocat au barreau de PARIS, toque K100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [S] [O] a été engagée par la société PLANET LEADERS, par deux contrats à durée déterminée du 25 janvier 2010 au 24 novembre 2010, en qualité d'assistante d'édition. La relation de travail s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée. En juillet 2010, le contrat de travail a été transféré à la société LES EDITIONS DU POUVOIR.

Dans le cadre de l'exécution de la convention, Madame [O] a contesté à compter de février 2013 sa classification et sa rémunération. Dès le 2 août 2013, elle a saisi le conseil de prud'hommes du litige.

Par jugement du 24 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a fait droit à la demande de reclassification de la salariée au statut technicien, niveau 2, et à sa demande de rappel de salaire à compter du mois de mai 2013. Le Conseil lui a également octroyé la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné la remise des bulletins de salaires conformes, a condamné la société aux dépens et débouté les parties pour le surplus.

Madame [O] a relevé appel de cette décision.

Le 24 juillet 2014, elle a adressé à son employeur une lettre de rupture. Ce courrier est rédigé dans les termes suivants :

« Objet : démission.

Monsieur,

Par cette lettre je vous informe de ma décision de quitter le poste d'assistante d'édition que j'occupe depuis le 25 janvier 2010 dans votre entreprise.

Comme convenu dans mon contrat de travail, je respecterai un préavis de un mois. La fin effective de mon contrat est donc à prévoir pour le 24 août 2014.

À cette date je vous demanderais de bien vouloir me remettre le solde de mon compte ainsi qu'un certificat de travail. »

Cette lettre sera complétée par un courrier du 29 août 2014, dans lequel elle motive sa décision de rupture, par l'existence du contentieux en cours.

Dans le cadre de la procédure d'appel, par conclusions visées au greffe le 3 janvier 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [O] demande à la Cour la confirmation du jugement qui a fait droit à la demande de classification et de rappel de salaire et pour le surplus, sollicite la requalification de la démission en prise d'acte, avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle réclame la condamnation de la société au paiement de :

' 5226,14 euros à titre de rappel de salaire à compter de 2010 et les congés payés afférents ;

' 746,43 euros à titre d'heures supplémentaires et les congés payés afférents ;

' 12539,09 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

' 9749,77 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

' 2261,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

' 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

' 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts de droit, leur capitalisation, la remise sous astreinte des documents sociaux et les dépens.

Par conclusions visées au greffe le 3 janvier 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société LES EDITIONS DU POUVOIR sollicite l'infirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de Madame [O] et sa condamnation au paiement de 2100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de classification et ses conséquences

Madame [O] revendique en application de la convention collective, le statut de technicien niveau 2 au lieu de celui d'employé niveau 7. Elle considère que dès l'origine, ses fonctions ont été celles d'une assistante d'édition et qu'elle peut donc prétendre à ce statut et au salaire de référence qui lui est attaché. Elle expose que malgré les courriers adressés à son employeur, elle n'a pu obtenir le bénéfice de ses demandes, et ce même après la décision du conseil de prud'hommes, et qu'elle a dû en conséquence, prendre acte de la rupture.

La société LES EDITIONS DU POUVOIR estime que la salariée n'exerçait pas des fonctions de nature à lui permettre d'accéder au statut technicien, qu'elle n'avait ni responsabilité, ni spécialisation technique, éditoriale, administrative ou commerciale et n'avait aucun salarié sous son autorité. Elle précise que le contrat de travail et l'attestation de Madame [U] confortent cette analyse et qu'à l'inverse, les mentions sur les bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi ne résultent que d'une erreur.

Il appartient au salarié de démontrer qu'il exerçait effectivement les fonctions correspondant à la qualification qu'il revendique.

En l'espèce Madame [O] transmets son contrat de travail qui mentionne ses fonctions d'assistante d'édition, un échange de mails d'avril 2012 où sa supérieure hiérarchique demande validation au Président de la modification de la classification de Madame [O] à la fois sur son statut de technicienne, sur son niveau 2, et sur la majoration consécutive de son salaire de base. Elle communique enfin, l'intégralité de ses bulletins de salaire qui, depuis février 2013, font apparaître la mention de la modification de son statut d'employée à celui de technicien niveau 2.

Dans l'article 1 paragraphe 2 de la convention collective de l'Edition, les fonctions de technicien sont définis de la manière suivante : « Sont techniciens, les salariés qui remplissent des fonctions de responsabilité exigeant une spécialisation technique éditoriale, administrative ou commerciale. Ils peuvent se voir confier la responsabilité du travail exécuté par des salariés placés sous leur autorité. Ces connaissances techniques mises en 'uvre par les techniciens peuvent avoir été acquises :

- soit au cours d'une formation supérieure constatée par un brevet de technicien supérieur, un diplôme universitaire de technologie ou un diplôme de fin de premier cycle de l'enseignement supérieur ;

- soit par une expérience professionnelle équivalente. ».

Enfin, l'avenant du 26 février 2010, qui définit les postes spécifiques d'agent de maîtrise, technicien et cadres indique, s'agissant de celui d'Assistant d'édition, qu'il « participe aux opérations visant à la réalisation d'ouvrages.

À ce titre :

' seconde un éditeur ou un responsable d'édition pour la mise au point des textes et la préparation des copies.

' Relit les épreuves et prépare les bons à tirer.

' Assure le suivi administratif des différents intervenants sur l'ouvrage et le respect des plannings.»

Il convient d'emblée de relever que dans la convention collective, la classification en qualité d'employé niveau 7 cantonne le salarié à des tâches administratives comportant une faible part d'autonomie et d'initiative.

L'attestation de Madame [U] supérieure hiérarchique même si elle a nuancé ses propos dans sa dernière attestation, révèle que Madame [O] avait reçu une formation technique spécifique sur le logiciel de gestion des données. Elle indique également que la salariée 'la seconde'dans la mise à jour et la vérification des informations destinées à la publication des ouvrages, qu'elle assure la mise en page et l'alimentation de la base de données. Elle précise en outre que la salariée « veille constamment à l'actualisation d'informations institutionnelles et saisit celle-ci de manière autonome. Elle travaille également à la relecture des épreuves avant impression des ouvrages. »

Ainsi, les fonctions décrites dépassent les simples tâches administratives confiés à un employé et sont conformes à celles d'assistante d'édition prévues dans la convention collective. Même si de façon subjective, Madame [U] estime que ces fonctions ne sont pas complexes, il convient de constater qu'elles ont néanmoins imposé le suivi d'une formation technique spécialisée.

En outre, même déclaratif, le curriculum vitae de Madame [O] fait apparaître un niveau de formation de Master 2 d'édition et de communication soit un niveau de diplôme, conforme aux exigences de la convention collective pour accéder au statut T2.

Enfin, les échanges intervenus en avril 2012, entre les instances hiérarchiques de la salariée et la modification qui s'en est suivie sur les bulletins de salaire de Madame [O] permettent sans doute possible de considérer que l'employeur en a convenu et en 2013, à la suite des revendications de la salariée, a accédé à ses demandes, reconsidéré son statut et l'a admise en qualité de technicien niveau 2.

Ces éléments conduisent à confirmer la décision des premiers juges qui ont justement fait droit à la demande de modification de la classification de la salariée.

Toutefois, il convient d'infirmer la décision du Conseil en ce qu'elle a fait courir le rappel de salaire à compter du mois de mai 2013.

Même si à compter de cette date, l'employeur a régularisé la mention sur les bulletins de salaire, rien ne démontre que les fonctions exercées antérieurement aient été différentes et que la salariée ne pouvait prétendre au statut revendiqué.

Madame [O] apparaît, en conséquence, fondée à solliciter un rappel de salaire depuis le mois d'août 2010, date à laquelle a existé le premier décalage entre la rémunération et la convention collective.

Les calculs relatifs au rappel de salaire fournis par la salariée sont contestés en ce qui concerne la date de fin de contrat. La salariée se réfère à son délai de préavis pour fixer le terme de son contrat au 24 août 2014. L'employeur considère que le mois d'août 2014 n'est pas du en raison d'une prise d'acte au 30 juillet 2014.

Il convient sur ce point de déclarer justifié la contestation de l'employeur dans la mesure où dans le cadre de la rupture, la salariée sollicite une indemnité compensatrice de préavis qui vient rémunérer cette période.

Ainsi, en retenant un salaire moyen après rappel de salaire de 2089,85 euros, le montant de la demande sera fixé à la somme de 4325,45 euros correspondant, sur la période du mois d'août 2010 au 30 juillet 2014, au salaire de base, aux heures supplémentaires conventionnelles majorées et aux congés payés.

Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit vérifier s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque et l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Le 24 juillet 2014, Madame [O] a adressé à son employeur une lettre de démission et a exposé les raisons de cette décision dans un courrier du 29 août 2014. Cette lettre indique :

«' Je tiens à vous préciser que cette décision est motivée par votre refus de respecter ma classification conventionnelle et de me verser le salaire minimum conventionnel correspondant...»

Il résulte clairement de ce courrier que la lettre de démission initiale a été rédigée dans un contexte contentieux relatif à la classification et à la revalorisation de la rémunération de la salariée. Dans ces circonstances, la démission doit être déclarée équivoque.

Eu égard aux motifs exposés ci-dessus, les revendications de Madame [O] transmises dès le mois de mai 2013 étaient justifiées et les manquements graves de l'employeur dans le respect de ses obligations rendaient la poursuivre de la relation de travail impossible. Dans ces circonstances, la démission doit être assimilée à une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.

En conséquence, la rupture de contrat de travail prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes de Madame [O] relatives aux indemnités de rupture sont justifiées.

Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive.

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu notamment du fait que la société LES EDITIONS DU POUVOIR occupait cinq salariés au moment du licenciement, et en l'absence de tout justificatif concernant le préjudice financier et les conditions de son retour à l'emploi par Madame [O], la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à la somme de 8359,40 euros, le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-5 du code du travail

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive

Madame [O] évoque les difficultés rencontrées lors de la procédure judiciaire devant le Conseil des prud'hommes pour considérer que l'attitude de l'employeur constitue une démarche dilatoire et un abus de droit. Elle estime également que le refus de l'employeur de reconnaître sa qualification adéquate constitue une violation de ses obligations contractuelles.

Outre le fait que la demande relative à la qualification a déjà été réparée par le paiement d'un rappel de salaire, la salariée ne justifie pas du préjudice occasionné par les aléas judiciaires connus en première instance. Sa demande sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris, en ce qu'il a reconnu le statut de technicien niveau 2 aux fonctions d'Assistante d'édition occupées par Madame [O] ;

INFIRME la décision pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

CONDAMNE la société LES EDITIONS DU POUVOIR à payer à Madame [O] la somme de :

-3784,85 euros à titre de rappel de salaire sur la période de août 2012 à juillet 2014 ;

- 378,48 euros au titre des congés payés y afférents,

-540,59 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

-54,05 euros au titre des congés payés y afférents

Y ajoutant,

CONSTATE que la démission de Madame [O] est équivoque, qu'elle s'analyse en une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur et prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société LES EDITIONS DU POUVOIR à payer à Madame [O] la somme de :

- 2261,25 euros à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis et 206 euros de reliquat de congés payés y afférents ;

-9749,77 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8359,40 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

AUTORISE la capitalisation des intérêts ;

ORDONNE la remise par la société LES EDITIONS DU POUVOIR à Madame [O] des documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

VU l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LES EDITIONS DU POUVOIR à payer à Madame [O] en cause d'appel la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la société LES EDITIONS DU POUVOIR aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/10505
Date de la décision : 07/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/10505 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-07;14.10505 ?
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