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02/03/2017 | FRANCE | N°15/10786

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 02 mars 2017, 15/10786


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 02 MARS 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10786



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2015 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2014J01313





APPELANTE



Société GEODIS BM NETHERLANDS B.V

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la pe

rsonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 02 MARS 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10786

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2015 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2014J01313

APPELANTE

Société GEODIS BM NETHERLANDS B.V

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Jacques MAZALTOV, avocat au barreau de PARIS, toque : E1021

INTIMEES

SARL TRANSPORTS LIOTIER SARL

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 382 272 995

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

SELARL ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES PARTENAIRES, en la personne de Maître [T] [G], ès-qualité de commissaire à l'éxecution du plan de continuation de la SARL TRANSPORTS LIOTIER SARL (domiciliée en son établissement secondaire sis [Adresse 3]).

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentées par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistées de Me Alexandre BOIRIVENT, avocat au barreau de LYON

SELARL MJ SYNERGIE - MANDATAIRES JUDICIAIRES, en la personne de Maître [B] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société TRANSPORTS LIOTIER

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

n'ayant pas constitué avocat, régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de chambre, et Madame Anne DU BESSET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de chambre

Madame Françoise SCHALLER, Conseillère, rédacteur

Madame Anne DU BESSET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- réputé contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Transports Liotier exerce l'activité de transports frigorifiques de produits.

Le groupe Geodis BM exerce une activité de transport à la demande, de gestion des flux de marchandises en direct ou par l'intermédiaire de plate formes, organise des tournées de distribution inter sites et possède également une branche d'activité dédiée aux transports spécialisés.

Au mois de septembre 2010, la société Geodis BM Chimie Grenoble s'est rapprochée de la société Transports Liotier pour la livraison hebdomadaire d'un produit chimique dit « Ad Blue » (solution d'urée pure hautement diluée dans de l'eau déminéralisée permettant de convertir 85 % des oxydes d'azote contenus dans les gaz d'échappement, en azote et en vapeur d'eau) créé par la société Greenchem qui recourt aux services de la société Geodis BM pour sa livraison. A partir de mars 2012, la société Greenchem a confié l'organisation du transport du produit à l'agence Geodis BM Netherlands, en Hollande. La société Geodis BM a proposé à la société Transports Liotier par mail du 29 mars 2012 le démarrage d'un second camion pour la livraison du produit, puis d'un troisième camion à partir du 23 juillet 2012. Monsieur [E] [Q], responsable d'achat de sous-traitance de la société Geodis BM a indiqué à la société Liotier par mail du 11 juillet 2012 que l'agence de Hollande se rendrait chez le client fin juillet pour concrétiser le contrat de sous-traitance. Aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties.

Par courrier du 24 avril 2013, la société Liotier a rappelé un certain nombre de difficultés qu'elle a rencontrées pour se faire rembourser les péages, et a indiqué avoir entendu des rumeurs au sujet de la fin des livraisons Ad Blue. Elle a rappelé l'absence de tout contrat, malgré sa demande.

Par e-mail du 31 mai 2013 émanant de la société Geodis BM Netherlands, la société Liotier a été informée de l'arrêt immédiat « du travail » avec elle. Par lettre du 25 juillet 2013, la société Liotier a mis en demeure la société Geodis BM Netherlands d'avoir à lui payer la somme de 34.153,17 € au titre d'une facture du 31 mai 2013 demeurée impayée.

Par jugement du 31 juillet 2013, le Tribunal du Commerce de Saint-Étienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Transports Liotier désignant la SELARL AJ Partenaires en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête présentée auprès du Président du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 2 juin 2014, la société Transports Liotier et les organes de la procédure, ont sollicité l'autorisation d'assigner à bref délai par devant ledit Tribunal la société Geodis BM Netherlands pour rupture brutale. Cette autorisation leur a été octroyée selon ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 10 juin 2014.

C'est dans ces conditions, que la société Transports Liotier, la SELARL AJ Partenaires et la Selarl MJ Synergie ont fait assigner la société Geodis BM Netherlands le 23 juin 2014 devant le tribunal de commerce de Lyon pour rupture brutale et pour solliciter l'indemnisation de cette rupture.

Par jugement rendu le 21 avril 2015, le tribunal de commerce de Lyon

S'est déclaré compétent pour connaître du litige et a :

- Dit que la prescription annale tirée des dispositions de l'article L.133-6 du Code de Commerce n'a pas vocation à s'appliquer à la demande formée par la société Transports Liotier sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6 I cinquième alinéa du Code de Commerce.

- Dit brutale la rupture de la relation commerciale établie entre la société Transports Liotier et Geodis BM Netherlands.

- Condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme de 127.235,32 €.

- Condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme retenue par le juge commissaire, une fois connue, et relative à la déclaration de créance de la société Natixis Lease.

- Condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme de 4 219,30 €.

- Condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans constitution de garantie.

- Condamné la société Geodis BM Netherlands aux dépens.

Vu l'appel interjeté par la société Geodis BM Netherlands B.V. le 26 mai 2015 contre cette décision,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Geodis BM Netherlands B.V. le 22 décembre 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu l'article L133-6 al. 2 du Code de commerce,

- Dire et juger la société Transports Liotier prescrite en ses demandes de paiement de factures, ainsi qu'en sa demande de dommages-intérêts,

- Débouter la société Transports Liotier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Transports Liotier à payer la somme de 5000 Euros à la société Bourgey Montreuil Solutions Netherlands au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société Transports Liotier aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Transports Liotier et la société AJ partenaires le 13 décembre 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a :

- Dit que la prescription annale n'a pas vocation à s'appliquer à la demande formée par la société Transports Liotier sur le fondement des dispositions de l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce,

- Dit brutale la rupture de la relation commerciale établie entre la société Transports Liotier et Geodis BM Netherlands,

- Dit que le préavis que la société Geodis BM Netherlands aurait du respecter est de 6 mois,

- Condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier les sommes suivantes :

* 60 724,87 € au titre de la revente des camions acquis pour les besoins de l'activité Geodis BM Netherlands,

* 9 830 € au titre des frais d'installation des compresseurs sur les camions destinés aux transports pour le compte de la société Geodis BM Netherlands,

* 4 219,30 € au titre du solde de la facture de la société Transports Liotier,

- L'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Geodis BM Netherlands à verser à la société Transports Liotier, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales sans préavis les sommes suivantes :

* 153 945,60 € équivalent à la marge brute générée par les prestations pour la société Geodis BM pour une durée de 6 mois, délai que cette dernière aurait dû normalement

respecter ;

* 85 000 € équivalent aux frais liés à la réorganisation et la restructuration de la société Transports Liotier ;

- Condamner la société Geodis BM à verser à la société Transports Liotier et à la SELARL AJ Partenaire, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, la somme de 5.000 € chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Sevellec Dauchel Cresson & Associésés, Avocat sur son affirmation de droit.

* * *

La société Geodis BM soutient que toutes les réclamations relatives à la prétendue rupture abusive et brutale du 31 mai 2013 et les demandes en paiement de factures de transport sont prescrites par un an, s'agissant d'un contrat de sous-traitance de transport, ce que la société Transports Liotier conteste, estimant que c'est la prescription quinquennale qui s'applique, l'action étant fondée sur l'article L442-6-I 5° du code de commerce, et la compensation de factures ayant interrompu la prescription.

Sur le fond, la société Geodis BM rappelle que la durée de préavis est de 3 mois en matière de sous-traitance de transport lorsque la durée du contrat est supérieure à un an, que la société Transports Liotier n'est en aucun cas en situation de dépendance économique, BM Netherlands représentant seulement 5,5 % du chiffre d'affaires de la société Transports Liotier, que la relation entre les parties n'a duré que 14 mois, que le préavis ne saurait dès lors excéder trois mois, que le calcul de la marge brute fait par la société Transports Liotier est inapplicable, cette dernière ayant soustrait de son chiffre d'affaires uniquement le poste carburant, que la gestion du parc automobile de la société Transports Liotier ne peut être prise en compte pour le calcul de la marge brute, que la rupture du contrat de transport est étrangère à la faillite de la société Transports Liotier.

La société Transports Liotier indique avoir rencontré des difficultés avec la société Geodis BM Netherlands pour le paiement de certaines factures, et que suite à ses réclamations, cette dernière a rompu brutalement leurs relations commerciales, sans aucun préavis, qu'en raison de ces faits, elle est devenue particulièrement fragile au mois de juillet 2013 et a été mise en redressement judiciaire, nécessitant des licenciements économiques qui ont aggravé son préjudice, que la relation commerciale a duré du mois d'octobre 2010 jusqu'à la rupture au mois de mai 2013, que le préavis devait être d'au moins six mois, compte tenu des relations commerciales soutenues ayant lié les deux sociétés, que le préjudice s'apprécie d'abord sur la marge brute qui aurait dû être réalisée au cours du préavis s'il avait été respecté, que la rupture brutale des relations commerciales sans préavis par la société Geodis BM lui a causé un préjudice total se décomposant comme suit :

* 153 945,60 € équivalent à la marge brute générée par les prestations pour la société Geodis BM pour une durée de 6 mois, délai que cette dernière aurait dû normalement respecter ;

* 85 000 € équivalent aux frais liés à la réorganisation et la restructuration de la société Transports Liotier ;

* 60.724,87 € au titre de la somme restant à sa charge suite à la revente des camions,

* 9 830 € équivalent au coût d'investissement dans les compresseurs équipant les 3 tracteurs pour les prestations de la société Geodis BM.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

- sur la prescription

Considérant qu'aux termes de l'article L133-6 du code de commerce ' Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an » ;

Qu'il en résulte que sont soumises à la prescription annale, sauf cas de fraude ou d'infidélité, toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu ;

Qu'il est constant que si l'action en responsabilité fondée sur l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, fût-elle née d'un contrat de transport, est soumise au délai de prescription de droit commun, l'action en réparation pour rupture fautive d'un contrat de transport, tirée des conditions d'exécution du contrat et fondée sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, se prescrit par un an en application de l'article L.133-6 du code de commerce ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que si les prestations faisant l'objet de la convention des parties portaient bien sur du transport de marchandises, l'action engagée par la société Transports Liotier le 24 juin 2014 avait toutefois pour objet l'indemnisation de la rupture brutale alléguée, et non la réparation de la rupture fautive d'un contrat de transport ;

Qu'en outre, les relations conventionnelles n'ont jamais fait l'objet d'un écrit, les parties s'étant contentées d'échanges informels, de mails et de facturations acceptées ;

Qu'aucun contrat de sous-traitance n'a été signé ;

Qu'en conséquence, l'action engagée n'encourt pas la prescription anale prévue par l'article L. 133-6 du code de commerce mais relève du régime de la responsabilité délictuelle instaurée par l'article L.442-6, I, 5° et de la prescription quinquennale, laquelle n'était pas acquise pour une rupture du 31 mai 2013 ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges sur ce point ;

- sur le fond

Considérant qu'aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce, «engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

... 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) »;

Qu'en l'espèce, il convient de retenir au vu des pièces produites, que les relations commerciales initiées en 2010 entre la société Liotier et la société Geodis BM Chimie Grenoble se sont poursuivies et ont été reprises par la société Geodis BM Netherlands, pour les mêmes clients et la livraison du même produit, les parties faisant expressément référence au transport mis en place avec un premier camion et décidant de rajouter un deuxième, puis un troisième camion, se situant ainsi dans la suite des relations de sous-traitance non formalisées mais déjà initiées, pour la même prestation de transport ;

Que le transport était organisé de façon stable et régulière depuis septembre 2010, moyennant la livraison du même produit pour le même client, à échéances régulières planifiées et a ainsi duré deux ans et demi de septembre 2010 à mai 2013 ;

Qu'il s'en déduit l'existence de relations commerciales établies entre les deux parties pour cette durée qui, même en l'absence de contrat écrit déterminant les obligations de chacune des parties, ne peuvent donner lieu à une rupture brutale sans préavis sauf à engager la responsabilité de son auteur ;

Que là encore, par motifs propres et adoptés, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges ;

Considérant que même si le juge n'est pas lié par la durée du préavis fixée par le contrat-type en matière de sous-traitance, la durée ainsi prévue peut néanmoins constituer une base à prendre en considération, notamment au regard des usages de la profession ;

Que la finalité du délai de préavis est de permettre au partenaire de prendre ses dispositions pour réorienter ses activités en temps utile ou pour rechercher de nouveaux clients ;

Que par ailleurs l'appréciation de la durée du préavis doit tenir compte de plusieurs critères et notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires et de la progression du chiffre d'affaires, des investissements effectués, de l'accord d'exclusivité, de l'objet de l'activité, de la dépendance économique ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucun préavis n'a été notifié en même temps que la rupture du 31 mai 2013 ;

Que les rumeurs qui ont couru quelques semaines avant la rupture, au sujet de la perte du marché avec la société Greenchem ne sauraient valoir notification d'un préavis au sens de l'article L.442-6, I sus rappelé, la période de deux mois retenue à ce titre par le tribunal ne pouvant être considérée comme constituant une manifestation de son intention de rompre le contrat, mais simplement comme manifestant une précarisation des relations ;

Que la rupture doit être considérée comme ayant pris effet au 31 mai 2013 et non au 30 mars comme retenu à tort par les premiers juges ;

Que s'agissant d'un contrat de transport, le délai de préavis d'usage ou résultant du contrat-type est en général de trois mois, lorsque les relations commerciales sont supérieures à un an ;

Que cette durée doit être considérée comme une durée minimum qui peut être augmentée en tenant compte des critères sus rappelés ;

Qu'au regard de l'absence de tout courriel ou toute réserve qui aurait permis à la société Liotier de se préparer à cette rupture et de se reconvertir, et compte tenu de l'augmentation constante du volume d'affaires depuis deux ans et demi ainsi que de l'objet très spécifique de ce type de transport, sans compter les investissements spécifiques qui ont été faits à la demande la société Geodis BM qui seront pris en compte en sus du préavis, il ne paraît pas excessif de fixer à quatre mois la durée du préavis à retenir ;

Qu'il n'est pas allégué en l'espèce un état de dépendance économique qui justifierait un préavis plus long ;

Qu'à ce titre, la décision des premiers juges qui ont retenu une durée de six mois sera infirmée ;

Considérant qu'il est constant que le préjudice résultant d'une rupture brutale de la relation commerciale établie doit être évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qu'aurait dû respecter le cocontractant ;

Qu'au regard de la durée du préavis fixée à quatre mois, c'est à juste titre que les premiers juges, par des motifs précis reposant sur le calcul de la marge brute au regard des documents visés par un expert comptable et de la marge brute moyenne mensuelle, ont évalué à la somme de 57.362 euros le montant de l'indemnisation due au titre du préavis » ;

Considérant qu'il est constant que l'indemnisation peut également porter sur la perte subie du fait de la rupture brutale, non prise en compte pour fixer la durée du préavis, notamment au regard de la perte d'investissements spécifiques liés au contrat qu'une partie avait consentis pour s'adapter aux demandes de son cocontractant, non amortis et difficiles à reconvertir, et dont l'indemnisation n'est pas comprise dans la perte de marge brute ;

Considérant que c'est à bon droit, par des motifs précis et circonstanciés que la cour adopte, que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement des sommes investies à perte par la société Transports Liotier pour les camions supplémentaires demandés par la société Geodis BM et n'ayant pu être recouvrées sur le prix de revente des véhicules, qui ont donné lieu à des déclarations de créances des crédits-bailleurs ;

Que toutefois le tribunal n'a fixé qu'une des deux créances en son montant, l'autre créance restant en suspend, alors qu'il résulte des pièces versées aux débats que la créance de Natixis Lease et de GE Capital ont été admises au passif pour les sommes respectives de 9.181,64 € et 51.543,23€ soit au total la somme de 60.724,87 € ;

Qu'il n'en résulte aucun enrichissement pour la société Liotier, mais une juste indemnisation ;

Que la condamnation de la société Geodis BM à ce titre devra être fixée à cette somme ;

Que les premiers juges ont également considéré à juste titre que les investissements réalisés pour l'achat de compresseurs à la demande de la société Geodis BM, et ne servant que pour les transports la concernant, qui auront dès lors peu servi et n'ont pu être amortis, constituent une perte directement liée à la rupture brutale, retenant une indemnisation à ce titre à hauteur de 9.830 € ;

Que par contre c'est à tort que les premiers juges ont retenu une condamnation à hauteur de 8.500 euros pour le préjudicie subi du fait de la restructuration de la société Transport Liotier suite à la procédure collective dont elle a fait l'objet ;

Qu'en effet, il n'est pas établi que la rupture du contrat de transport avec la société Geodis BM soit à l'origine de la procédure collective dont la société Liotier a été l'objet ;

Qu'en outre, la part de 10% du chiffre d'affaires ne peut être retenue comme une proportion fiable d'un préjudice de restructuration qui aurait été subi par la société Liotier, dont le quantum n'est en outre pas établi ;

Qu'aucun élément ne permet de justifier la demande d'indemnisation à ce titre ;

Qu'enfin les licenciements allégués liés à la rupture du contrat sont en réalité des démissions, ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats et n'ouvrent pas droit à indemnisation au titre de la rupture brutale ;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point ;

- sur la demande en paiement du solde de facture

Considérant que c'est à juste titre, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont écarté la prescription applicable à cette demande, celle-ci s'étant trouvée interrompue conformément aux dispositions de l'article 2240 du code civil, par la demande de compensation d'une créance alléguée par la société Geodis BM ;

Qu'au fond, la créance de la société Liotier est fondée, et celle de la société Geodis BM non justifiée par les pièces versées aux débats ;

Que dès lors, les premiers juges ont à juste titre, par motifs adoptés, fait droit à la demande en paiement du solde de la facture du 31 mai 2013 à hauteur de 4.219,30 € restant dus ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision sur ce point ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à six mois la durée du préavis et fixé le point de départ de celui-ci au 30 mars 2013, et sauf en ce qu'il a condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme de 127.235,32 € et condamné la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme retenue par le juge commissaire, une fois connue, et relative à la déclaration de créance de la société Natixis Lease,

Statuant à nouveau sur ces points :

- fixe à quatre mois la durée du préavis,

- dit que la rupture a pris effet le 31 mai 2013,

- condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier les sommes de :

* 57.362 € au titre du préavis,

* 60.724,87 € au titre des pertes d'investissements pour les véhicules,

* 9.830 € au titre des pertes d'investissements pour les compresseurs,

* déboute la société Liotier de sa demande d'indemnisation pour les frais liés à la restructuration de la société,

Y ajoutant,

Condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier et à la SELARL AJ Partenaire, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SELARL Sevellec Dauchel Cresson & Associés, Avocat.

Le GreffierLe Président

B. REITZERL. DABOSVILLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/10786
Date de la décision : 02/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°15/10786 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-02;15.10786 ?
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