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01/03/2017 | FRANCE | N°15/07467

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 01 mars 2017, 15/07467


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 01 Mars 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07467



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08414





APPELANT

Monsieur [C] [Q]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2] (TUNISIE)

re

présenté par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217 substitué par Me Van VU NGOC, avocat au barreau de PARIS, toque : E0935





INTIMEE

SAS LE PETIT FILS DE LU CHOPARD F...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 01 Mars 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07467

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08414

APPELANT

Monsieur [C] [Q]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2] (TUNISIE)

représenté par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217 substitué par Me Van VU NGOC, avocat au barreau de PARIS, toque : E0935

INTIMEE

SAS LE PETIT FILS DE LU CHOPARD FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eve DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1814

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Eva TACNET greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [C] [Q] a été embauché par la société Le Petit-Fils de L.U Chopard France, dite Chopard France, par contrat de travail verbal à compter du 03 février 2003, en qualité d'agent de protection dans la boutique Chopard [Adresse 3] pour une rémunération mensuelle fixe qui s'élevait aux derniers temps du contrat à la somme de 2800 € bruts outre une prime d'ancienneté de 252 € bruts par mois.

Par lettres des 09 décembre 2010 et 12 octobre 2012 la SAS Le Petit-Fils de L.U Chopard France rappelait à M. [Q] les règles relatives au temps de travail et le priait instamment de s'y conformer.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 2013 la société Chopard France convoquait Monsieur [Q] à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 7 mars 2013 avec mise à pied à titre conservatoire. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mars 2013 la SAS Chopard France notifiait à Monsieur [Q] son licenciement pour faute grave.

Le 5 juin 2013, Monsieur [Q] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris en contestation de son licenciement.

Par décision en date du 30 juin 2015, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [Q] de l'ensemble de ses demandes et la SAS Le Petit Fils de L. U. Chopard France de sa demande reconventionnelle.

Le 20 juillet 2015, Monsieur [Q] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 24 janvier 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [Q] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et forme dés lors les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de la société le Petit-Fils de L.u Chopard France :

- 2374,11 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

- 237,41 euros à titre de congés payés afférents,

- 170'928 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9496,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 949,64 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 9496,46 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 24 janvier 2017 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Le Petit-Fils de L.u Chopard France demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur [Q] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la rupture du contrat de travail

La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur étant rappelé que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient au juge de qualifier le degré de gravité de la faute. Si la faute retenue n'est pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis, il appartient au juge dire si le licenciement disciplinaire repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce la lettre de licenciement est motivée par :

- une tentative de subornation de témoin par le biais d'un tiers en vue d'établir une attestation mensongère,

- d'avoir tu délibérément des faits de pressions de harcèlement dénoncés dont il a été témoin,

- l'obtention de fausses attestations des vigiles opérant dans la boutique.

Les pièces versées aux débats démontrent que M. [W], embauché en avril 2012 comme vendeur dans la boutique [Localité 4], a été promu le 14 novembre 2012 en qualité de directeur pour remplacer M. [L].

Rapidement M. [W] demandait et obtenait le remplacement des deux agents de protection d'une société prestataire de service et leur remplacement notamment par le dénommé [G] [P].

Il résulte de la fiche de poste de M. [Q] que ces agents de protection exerçaient leurs missions sous la responsabilité de M. [Q].

M. [W], directeur, a été fragilisé dans ses nouvelles fonctions après la découverte de la disparition d'une bague de grande valeur lors de l'inventaire des 2 et 3 janvier 2012, suivie quelque temps plus tard d'un article paru dans le 'Nouvel Observateur' le mettant nominativement en cause.

À la suite de la notification d'un avertissement collectif le 7 février 2012, visant à sanctionner cette disparition, Monsieur [W] a tenté d'obtenir de tous les salariés sanctionnés copie de leurs avertissements qu'il entendait contester.

C'est dans ce contexte que les 08 et 11 février 2013 Madame [Q] [C], salariée de la boutique, et Mme [I] dépendant du service presse de Chopard France, situé un étage au-dessus de la boutique, ont alerté le directeur général de la société Monsieur [E] sur le comportement de Monsieur [W] envers Mme [C] et envers Madame [W] [N], dépendant également du service presse.

Il résulte notamment des attestations et des compte-rendus d'entretien de Mesdames [N], [Z] et [I] du service presse, de M. [O], horloger, que Monsieur [W] a exercé à plusieurs reprises des pressions sur la personne de Madame [N] entre le 8 et le 12 février 2013 pour qu'elle lui remette une copie de son avertissement allant jusqu'à la menacer d'interventions de la BRB, de Mme [V] [U], co-présidente de la société Chopard Genève, à l'origine du recrutement de M. [W].

M. [E] procédait alors à une enquête interne et menait des entretiens avec les six salariés de la boutique et les trois salariés du service presse.

Plusieurs salariés de façon circonstanciée et concordante mettaient en cause le comportement de M. [W] envers eux, notamment Mmes [C], Mme [N], Melle [X], vendeuse stagiaire, M. [A], vendeur, ils faisaient état de menaces, de pressions, de propos déplacés, de contrôle excessif, actes commis par M. [W] avec le soutien et l'assistance de celui qui se considérait comme son bras droit, M. [B], vendeur.

Les pièces produites démontrent qu'en raison de l'enquête interne menée par le directeur général, M. [W], avec l'appui de M. [B], a tenté d'obtenir un témoignage pour discréditer notamment M. [E] et M. [A].

Cependant en l'état du dossier rien ne permet d'établir que M. [Q] a joué le moindre rôle dans l'obtention d'attestations émanant de Ms [T], [Y], et [G] [P], agents de sécurité. Le dernier grief visé par la lettre de licenciement n'est pas établi et ne sera pas retenu, étant au surplus observé que le caractère mensonger de ces attestations, aux termes desquelles le système de comptage des bijoux... mis en place par M. [W] était plus performant que le précédent, n'est pas démontré.

Il est constant que lors de ses entretiens avec M. [E], puis avec le directeur des ressources humaines du groupe Chopard, les 16 et 20 février 2013 M. [Q] n'a pas dénoncé les faits de pressions, harcèlement dont étaient victimes les salariés ci-dessus cités notamment Mme [C].

M. [A], dans son attestation le met en cause pour le 'double jeu' qu'il adoptait pour rapporter à M. [W] les gestes des autres salariés et déclare que M. [Q] a été témoin d'actes d'humiliation commis envers Mme [C], Mme [N] et M. [O]. M. [Q] ne pouvait ignorer le climat de tensions, l'atmosphère menaçante qui régnaient dans la boutique, au demeurant Mme [N] rapporte avoir été convoquée par M. [W] en présence de M. [Q] et de M. [B] à la suite de la parution de l'article du Nouvel Observateur en janvier 2013. Elle rapporte également qu'après l'avoir apostrophée en lui déclarant que ce jour là 'vous allez voir que c'est votre fête' M. [W] lui faisait devant toute l'équipe, dont M. [Q], des reproches sur le comptage des produits ; plusieurs salariés de la boutique et du service presse décrivent les pleurs de Mme [N] en diverses occasions dont ils étaient témoins depuis les derniers jours du mois de janvier 2013. Mme [I] du service presse rapporte comment le 11 février 2013M. [W] en présence de Ms [Q] et [B] a interpellé Mme [N] en brandissant son avertissement pour leur dire en des termes grossiers qu'il ne se laisserait pas faire et exprimer sa colère. Plusieurs salariés font également état des conciliabules entre Ms [W], [Q] et [B] dans ce contexte délétère, des menaces de M. [W] de voir ceux qui étaient contre lui 'être mis dehors', des reproches qu'il leur a adressés de façon collective, notamment le 12 février, pour s'être plaints auprès de M. [E], reproches et menaces exprimés devant l'ensemble du personnel, mais visant plus particulièrement Mme [C].

Certes, la retranscription par voie d'huissier des conversations téléphoniques qu'a eues Mme [C] le 18 février 2013 avec M. [R] [P]-[G], à l'insu de ce dernier, est un moyen de preuve obtenu de façon illicite contraire aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile dont il ne sera pas tenu compte, quand bien même Mme [C] qui considérait être victime d'une tentative de subornation de témoin, acte délictueux dont la preuve est libre, explique qu'au regard de ce qu'elle subissait dans la boutique, et vivant seule avec un enfant elle avait des craintes pour sa sécurité. Mme [C] a, au demeurant, déposé une main-courante le 18 février 2013 dans laquelle elle indique craindre des représailles.

Toutefois il résulte des déclarations très précises de Mme [C], faites dans le cadre d'attestations, corroborées par la production de SMS émanant de M. [Q], que M. [P]-[G], qui l'avait précédemment interrogée pour savoir si elle avait déjà été entendue par M. [E] dans le cadre de l'enquête interne lui a téléphoné le samedi 16 février 2013, à 23 h 30, en présence de M. [Q], après lui avoir adressé un texto à 23 h 18, puis à plusieurs reprises le lendemain, ce malgré l'expression de ses réticences, afin qu'elle établisse, à la demande de M. [W], une fausse attestation prétendant que tout se passait bien dans la boutique, son interlocuteur lui demandant de l'envoyer par courriel à M. [Q], en contrepartie de quoi il la protégerait des pressions de M. [B].

La connivence entre M. [Q] et M. [P]-[G] est incontestable elle est notamment démontrée par l'envoi à Mme [C], d'un SMS, avec le téléphone de M. [P]-[G], par M. [Q] précisant l'adresse e-mail de son épouse à laquelle la salariée devait adresser son attestation. Etant également observé que Mme [C] dans sa déposition de main courante le 18 février 2013 précise avoir été directement sollicitée le 18 février 2013 par M. [Q] pour l'obtention de cette fameuse attestation et être dans la crainte, il est d'ailleurs justifié par la production de SMS que ce dernier l'a relancée à plusieurs reprises en faisant pressions sur elle, alors même que les éléments ci-dessus rappelés démontrent que M. [Q] n'ignorait pas que cette salariée était victime de pressions de la part de M. [W].

Ces griefs sont donc établis, ils suffisent à justifier le licenciement de M. [Q], et leur degré de gravité est tel qu'il rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le délai de préavis.

En conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [Q] fondé sur une faute grave, l'a débouté de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés pendant la mise à pied conservatoire, des indemnités de rupture, et de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Sur les autres demandes

M. [Q] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Le Petit-Fils de L.u Chopard France.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Q] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/07467
Date de la décision : 01/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/07467 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-01;15.07467 ?
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