RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 01 Mars 2017
(n° , 09 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09868
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 11/00087
APPELANT
Monsieur [G] [X]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assisté de Me Sébastien REVAULT D'ALLONNES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 433
INTIMEE
SASU BRICO-DEPOT
N° SIREN : 451 647 903
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sandrine DURIEU, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 28 novembre 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [X] a été engagé à compter du 17 septembre 2009 par la SAS BRICO DEPOT, par un contrat écrit à durée indéterminée, en qualité de directeur «'supply chain'», moyennant un salaire fixe de 13.500 € brut mensuel, un avantage en nature concernant la voiture, et une prime appelée KISS. Monsieur [X] était cadre et membre du comité de direction.
La convention collective applicable est celle du Bricolage du 30 septembre 1991.
Monsieur [X] a été convoqué le 12 octobre 2010 à un entretien préalable fixé au 21 octobre suivant et il a été licencié le 3 novembre 2010 pour inexécution de sa mission contractuelle et dispensé d'exécuter son préavis qui lui a été réglé.
Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU le 25 janvier 2011, lequel, par jugement rendu en audience de départage le 6 septembre 2013 a jugé que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, a débouté Monsieur [X] de ses demandes, mis les dépens à sa charge et l'a condamné à payer à la société BRICO DEPOT la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [X] a interjeté appel du jugement le 17 octobre 2013, en sollicite l'infirmation et et demande'à la cour, statuant à nouveau de :
condamner la société BRICO DEPOT à lui verser les sommes suivantes':
- 129.600 € au titre de la prime d'objectifs KISS relatif à l'exercice 2010/2011,
- 2.250,43 € au titre de la régularisation de l'indemnité contractuelle de licenciement en application de l'article 9.2.4 du contrat de travail,
- 410.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L 1235-5 du code du travail,
- 74.214 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire en application de l'article 1382 du code civil,
avec les intérêts légaux à compter de la date de la saisine soit le 21 janvier 2011 et la capitalisation desdits intérêts.
Il sollicite aussi la condamnation de la SAS BRICO DEPOT à lui restituer des actions Kingfischer au titre de la prime d'objectifs KISS soit 10.088 actions au titre de l'exercice 2009/2010 et 22.185 actions au titre de l'exercice 2010/2011. A titre subsidiaire, si la cour jugeait que les actions dues au titre du plan KISS ne devaient pas lui être restituées, il demande l'allocation d'une somme de 500.000 € sur le même fondement,
Il réclame enfin 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société BRICO DEPOT qui demande expressément le rejet des pièces numérotées 1 à 46, conclut à la confirmation du jugement, au débouté Monsieur [X] de ses demandes. Elle considère au surplus que la demande de Monsieur [X] de restitution des actions de la société Kingfischer est irrecevable,
Elle réclame à son tour 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de Monsieur [G] [X] et celles de la société BRICO DEPOT SASU visées et développées à l'audience du 4 janvier 2017.
SUR CE :
Sur la demande de rejet de pièces
La société BRICO DEPOT demande le rejet des pièces n°1 à 46 de Monsieur [X] au motif qu'elles n'ont pas été, de nouveau, communiquées en appel';
Mais il ressort des éléments produits aux débats que ces pièces ont fait l'objet d'une communication en première instance dans le cadre de laquelle elles ont été contradictoirement discutées. Le bordereau de communication de pièces de l'appelant en appel a été adressé à la partie adverse le 20 avril 2016 avec les indications suivantes :
- «'pièces communiquées le 28 septembre 2011'» pour les pièces 1 à 35
- «'pièces communiquées le 25 avril 2012'» pour les pièces 36 à 46.
La cour observe aussi que la société fait référence auxdites pièces dans ses conclusions. Ainsi par exemple évoque-t-elle un mémo adressé par M. [X] au mois de juillet 2010 qui constitue la pièce 28 du bordereau des pièces communiquées par celui-ci.
En tant que de besoin, la cour relève encore que la société BRICO DEPOT n'a soulevé cette prétendue difficulté que quelques jours avant l'audience'alors que le bordereau de pièces est du 20 avril 2016, que Monsieur [X], pour clore ce débat, a de nouveau communiqué l'ensemble des pièces avant la date des plaidoiries.
Considérant que les parties ont été informées et dans un délai suffisant pour faire valoir leurs observations sur les pièces communiquées et que le principe du contradictoire a été respecté, il y a donc lieu de débouter la société BRICO DEPOT de cette demande.
Sur les primes KISS
Monsieur [X] sollicite la condamnation de la société BRICO DEPOT à lui verser la somme de 129.600 € au titre de la prime d'objectifs KISS relative à l'exercice 2010/2011, et à lui restituer des actions Kingfischer au titre de la prime d'objectifs KISS soit 10.088 actions au titre de l'exercice 2009/2010 et 22.185 actions au titre de l'exercice 2010/2011'; '
Il soutient que':
- la prime est versée pour deux tiers en numéraire et un tiers en attribution d'actions du groupe Kingfischer et que le plan dénommé KISS (Kingfischer Incentice Share Scheme) est proposé par le groupe Kingfischer (holding propriétaire de l'enseigne Brico Dépôt) aux cadres dirigeants de ses filiales ;
- cette prime annuelle ou bonus est versée en mars au titre de l'exercice précédent (soit février de l'année N-1 à janvier de l'année N)';
- cette prime résulte d'engagements contractuels': lettre du 31 juillet 2009 et contrat de travail ;
- il y était éligible ainsi que ceci ressort des lettres des 20 janvier 2010'et 25 mars 2010 ;
Concernant la prime KISS 2009/2010':
- il a reçu la prime en mars 2010 payée au prorata temporis pour la période de septembre 2009 jusqu'au 31 janvier 2010 soit une somme de 41.756 € plus un complément en juin 2010 de 6.884 € soit un total de 48.640 €'et un taux de 120% ;
- il a été rempli de ses droits pour la partie en numéraire'mais il n'en est pas de même sur la part en actions';
- on lui a attribué pour l'année 2009/2010,10.088 actions Kingfischer ainsi que ceci résulte de son relevé de banque à la date du 2 mai 2011, mais à la date du 30 septembre 2011, ces actions n'y figuraient plus';
- le document de mars 2009 produit par la société qui précise qu'en cas de licenciement les actions attribuées au titre de la prime KISS peuvent être retirées ne lui est pas opposable';
- il demande donc la restitution des actions au titre de sa prime d'objectif ;
Concernant la prime KISS 2010/2011':
- la prime KISS au titre de l'exercice 2010/2011, soit du 1er février 2010 au 31 janvier 2011, n'a pas été payée alors que la fin du contrat de travail est le 7 février 2011';
- il a droit à cette prime conformément aux dispositions de l'article 3.2 du contrat de travail et des engagements pris par lettres des 31 juillet 2009, 25 mars 2010 et 27 avril 2010, nonobstant la contestation de la société Brico Dépôt pour cet exercice 2010/2011'alors qu'elle a admis son droit pour l'année précédente ;
- les critères d'attribution qui sont de 4 (Cash Flow opérationnel groupe, Cash flow opérationnel Brico Dépôt, Performance personnelle du bénéficiaire, indicateurs clés) sont remplis au maximum, le critère de performance personnelle n'a pas été fixé par l'employeur, et tous les collaborateurs du comité de direction ont reçu la prime KISS 2010/2011 au taux maximum de 120%';
- le calcul est 120 % du salaire de base soit 194.400 € réparti en 2/3 en numéraire et 1/3 en actions, soit 129.600 € en numéraire et 22.185 actions Kinfischer représentant 64.800 € en tenant compte du cours de l'action en mars 2011.
La société BRICO DEPOT soutient que':
- la prime KISS n'a pas de caractère contractuel et que le contrat prévoit que le salarié peut bénéficier du régime de participation à la seule discrétion du Comité des rémunérations,
- Monsieur [X] dénature les termes du contrat de travail et la commune intention des parties ainsi que le sens de la lettre du 31juillet 2009 dont toutes les mentions ne sont pas reprises par le contrat de travail signé le 17 septembre 2010';
- aucune rémunération variable n'a été contractualisée et le contrat ne prévoit pas de fixation d'objectifs ;
- la demande de Monsieur [X] est subsidiairement irrecevable car la société Brico Dépôt, personne morale distincte de la société Kingfischer, n'est pas en mesure d'attribuer des actions d'une autre société;
- Monsieur [X], au moment de son licenciement n'était pas propriétaire des actions dont il se prévaut et ne possédait aucun des droits qui leur sont attachés';
- le plan dit PSP consiste en l'attribution d'un droit conditionnel à recevoir des actions du groupe Kingfischer auquel appartient la société Brico Dépôt mais l'attribution définitive des actions est soumise aux conditions prévues par le plan et en cas de licenciement, le salarié savait que le droit à attribution d'actions devenait caduc (lettre du 9 novembre 2009).
La lettre préalable à l'embauche du 31 juillet 2009 prévoit notamment en sus de la rémunération de 13.500 € brut mensuel deux primes variables en fonction des accords en vigueur soit une «prime d'intéressement versée chaque trimestre du 1/02'/N au 31/01/N+1 et une prime de participation légale aux fruits de l'expansion versée annuellement», qu'il est éligible au système de bonus KISS en place au sein du groupe Kingfischer'et que la durée de la période d'essai prévue sera de trois mois renouvelable.
Mais si cette lettre prévoit un certain nombre de conditions, force est de reconnaître que le contrat de travail signé postérieurement ne reprend pas toutes les mentions de la lettre précitée, tant sur la durée de la période d'essai qui est passé à quatre mois renouvelable, que sur les primes et même le versement de la prime dont les parties s'accordent à reconnaître qu'il est annuel sur la période 1/02'/N au 31/01/N+1;
Ainsi le contrat de travail signé par les parties ne prévoit pas de prime contractuelle définie et il est indiqué au paragraphe 3.2 qu'en plus de son salaire fixé à 13.500 € mensuel brut ou 162.000 € annuel «'le salarié pourra en outre bénéficier du (des)régime(s) que le Comité des Rémunérations pourra, à sa seule discrétion, mettre en 'uvre au bénéfice des salariés du même niveau et de même statut que le Salarié. La participation du Salarié à ce(s) régimes(s) sera soumise aux règles et conditions applicables à ce(s) régime(s)'», ce qui revient à n'attribuer le bénéfice d'une ou des prime(s) qu'à la seule discrétion du Comité.
C'est à juste titre au vu des documents contractuels mais aussi de la lettre du 20 novembre 2009 et dont le salarié a accusé réception que les premiers juges ont retenu que':
- le contrat de travail n'a pas prévu de caractère automatique quant au versement d'une part variable, ni même la fixation d'objectifs,
- le versement de la partie variable de la rémunération est mise en 'uvre à la seule discrétion du Comité des rémunérations,
- les actions font l'objet d'une période d'indisponibilité de trois ans, à l'issue de laquelle l'attribution ne devient définitive qu'à la condition pour le salarié d'exercer une option,
- l'attribution de ces actions était par la nature même du plan conditionnelle et Monsieur [X] a quitté la société avant que l'attribution de ces actions ne fut définitive,
- le licenciement a entraîné la perte du droit des sommes converties en actions pour l'exercice 2009/2010,
- quant à l'exercice 2010/2011, aucune pièce n'établit que le Comité des rémunérations a attribué une part variable de la rémunération Monsieur [X].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [X].
Sur l'indemnité contractuelle de licenciement
Monsieur [X] demande la condamnation de la société BRICO DEPOT à lui payer la somme de 2.250,43 € au titre de la régularisation de l'indemnité contractuelle de licenciement en application de l'article 9.2.4 du contrat de travail (en réalité de la convention collective), qui doit comprendre, dans l'assiette de calcul, la prime d'objectif soit 129.600 € correspondant à la partie en numéraire de la prime KISS pour les deux exercices.
La société BRICO DEPOT réplique que le salarié a été rempli de ses droits et que l'indemnité de licenciement ne peut, en tout état de cause, comprendre la prime KISS, ni opérer un cumul des règles légales et conventionnelles, ni un calcul en jours'et que la convention collective du bricolage en son article 9.2.4 exclut toute prime dans le salaire à prendre en compte.
Les sommes attribuées au titre de l'intéressement (article L 3312-4 du code du travail) ou de la participation aux résultats de l'entreprise (article L 3325-1 du code du travail) n'ont pas le caractère de salaire et ne peuvent entrer dans l'assiette de calcul notamment pour déterminer l'indemnité de licenciement qui est fixée conformément aux dispositions de l'article 9.2.4 de la convention collective nationale du bricolage. En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse du 3 novembre 2010 est ainsi rédigée': «''En votre qualité de directeur supply chain vous avez la responsabilité de la mise en 'uvre de tous les flux logistiques conformément à la politique commerciale de l'entreprise.
Or, depuis votre prise de poste, l'ensemble de ces flux (directs, imports et cross docks) connait d'importantes et fréquentes ruptures au point que notre taux de rupture n'a cessé d'augmenter depuis votre prise de poste alors que dans le même temps, notre taux de service avec les industriels a baissé.
Vous n'avez tenu aucun compte de cet état de fait bien que ce sujet soit régulièrement évoqué au cours des séances du comité de direction,, et vous avez, en outre, négligé de mettre en 'uvre des actions permettant de corriger ces défaillances dont les effets sont pourtant préjudiciables à notre activité.
Ainsi, vous avez délaissé votre mission consistant à vous assurer de la fluidité des flux et de l'anticipation des ruptures ou goulots d'étranglement au profit d'une opposition avec le directeur commercial, dont je vous ai pourtant indiqué à plusieurs reprises qu'elle était inopportune. Cette opposition s'est, cependant, amplifiée notamment sur la question de la mise en place de l'organisation par Category Managers, sujet sur lequel, à nouveau, j'ai dû intervenir à plusieurs reprises.
Au-delà des ruptures internes que nous avons eu à déplorer, votre absence d'intérêt pour votre fonction pourtant stratégique pour notre activité a eu pour corollaire votre immixtion dans les missions de vos collègues du comité de direction. C'est d'ailleurs un point important sur lequel j'avais, là encore, attiré votre attention au cours de notre entretien annuel.
Ce comportement, qui a aujourd'hui une conséquence concrète sur notre activité, freine les fonctions exploitation et commerce. Cet état de fait ne nous permet plus aujourd'hui de vous maintenir dans vos fonctions, compte de tenu de leur importance, sans affaiblir considérablement l'organisation de l'entreprise''»';
La société BRICO DEPOT prétend que Monsieur [X] s'est montré défaillant dans l'exécution de sa mission contractuelle sur trois faits:
- augmentation alarmante des indicateurs de performance de la chaîne d'approvisionnement (taux de rupture en hausse et taux de service en baisse),
- absence de mesures nécessaires à l'exécution de sa mission contractuelle : négligence dans la mise en 'uvre d'actions correctrices et délaissement de sa mission au profit d'une opposition avec le directeur commercial,
- immixtion dans les décisions stratégiques de l'entreprise et opposition à la mise en 'uvre d'une stratégie non partagée.
Elle reproche notamment au salarié :
- de ne s'être concentré que sur 15% des filières d'approvisionnement alors que son poste de directeur de la chaîne d'approvisionnement, poste stratégique et sa qualité de membre du comité de direction, nécessitaient qu'il intervînt sur toutes les filières pour approvisionner les magasins ;
- de rejeter toute responsabilité sur les 85 %'alors qu'il avait des équipes dédiées ;
- de ne pas avoir appréhendé les solutions pour l'ensemble des filières, constat fait en comité de direction le 6 juillet 2010';
- de ne pas avoir tenu compte du caractère alarmant et dégradé des indicateurs de performance'durant son temps de présence et notamment à partir de janvier 2010 : taux de rupture en hausse 2,2 % pour un objectif de 1,7 %, alors que ce taux a baissé depuis le départ de Monsieur [X]'et taux de service en baisse alors que le taux a augmenté après le départ de Monsieur [X] ;
- de ne pas avoir réagi malgré le versement de la prime qui n'avait d'autre but que de le soutenir publiquement et de l'encourager, à défaut ceci aurait constitué un désaveu'de la direction générale ;
- de ne pas accepter les contraintes de tous ordres relatives à l'approvisionnement dont il ne peut se décharger sur des éléments extérieurs alors que sa mission consiste justement à appréhender toutes ces difficultés;
- de ne pas avoir alerté la direction générale en cas de difficultés;
- de ne revendiquer que les résultats positifs alors qu'il était en congé sur la période'ou de faire supporter les mauvais résultats à d'autres services comme le service commercial ;
- de l'immixtion de Monsieur [X] dans les décisions stratégiques et son refus de mettre en 'uvre une stratégie qu'il ne partageait pas.
Monsieur [X] réplique que':
- des félicitations démontrent que la situation n'était pas celle invoquée par l'employeur': courriel de Monsieur [W] du 2 novembre 2010 sur le taux de rupture, entretien de compétences du 13 juillet 2010';
- les dates à prendre en compte pour évaluer son action, compte tenu de son entrée en poste en septembre 2009 et de son absence à compter de septembre 2010, sont celles de janvier 2010 à octobre-novembre 2010';
- le taux de rupture a baissé puisqu'il était de 2,78 % à son arrivée et de 1,43 % en juillet, 1,72 % en août et 2,01 % en septembre 2010'et il n'avait aucun objectif contractuel à ce sujet et même s'il y avait un objectif d'un taux de rupture à 1,70 % ce taux a été atteint en août 2010 (mois de l'action) pour novembre 2010 (mois du résultat) et les résultats financiers du groupe ont été jugés très favorables sur l'exercice 2010/2011 ;
- son domaine de responsabilité était très limité, les griefs ne concernent que la chaîne logistique (Supply chain) alors qu'il était aussi en charge de l'organisation et des systèmes d'information'et dans la chaîne il ne gérait que les références des produits gérées en central par la supply chain soit 15% du total des flux, ce qui exclut les filières d'approvisionnement «'Direct fournisseurs'», «'Cross Docks'» et «'Cross dock contrôlé'»';
- la nouvelle politique consistant à diminuer les stocks tout en évitant la rupture ne pouvait se faire d'emblée et sans un délai suffisant, alors que la conjoncture était défavorable et il ne peut être responsable des conséquences de ces retards affectant plus de la moitié des commandes fournisseurs;
- il n'a pas cessé d'agir pour la réussite de sa mission': présentation au comité de direction du 9 février 2010, réunion du 13 avril 2010 organisée à sa demande, demande d'analyse d'un cabinet extérieur, comités de direction des 6 et 12 juillet 2010 sur le taux de rupture et les actions à entreprendre'mais cette question concernait plusieurs directions'; les responsabilités doivent être partagées et il ne lui a pas été laissé assez de temps pour mettre en 'uvre les mesures nécessaires alors qu'il ne lui a été fait aucun reproche antérieurement;
- il a alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie sur les problématiques rencontrées au sujet des ruptures lors des comités de direction des 9 février 2010, 6 juillet 2010 et 12 juillet 2010'et par mails des 18 avril et 15 mai 2010 ;
- le taux de service relève de la direction commerciale et sa baisse ne peut lui être imputable,
- les décisions du directeur commercial quant à une politique dure avec les fournisseurs avaient des conséquences sur les pilotes de flux relevant de sa compétence'et était une erreur ;
- l'opposition avec le directeur commercial n'est pas réelle, car son but était de mettre en évidence les graves dysfonctionnements dans l'organisation générale de l'entreprise et de mettre en place une stratégie commune entre la direction commerciale et la Supply Chain (mail du 5 mai et mémo du 11 juillet 2010)';
- il ne s'est pas opposé aux organisations mises en place par le comité de direction et notamment l'organisation par «'category manager'»';
- enfin, il conteste toute immixtion dans les missions de ses collègues du comité de direction mais indique qu'il avait la volonté de contribuer à développer une relation harmonieuse. Il conteste le sens donné à ses mails des 18 avril et 15 mai 2010.
Après examen des documents communiqués et des explications fournies de part et d'autre la cour relève que Monsieur [X] avait la responsabilité totale de la Supply chain en tant que directeur Supply chain'que son contrat de travail visait toute la chaîne d'approvisionnement et la liste des missions inscrites n'était pas limitative mais répertoriait simplement «'les principales missions'».
A cet égard, M. [X] devait notamment assurer le bon approvisionnement des références gérées par la Supply Chain en central, dans le respect du modèle économique de la société et des taux de service'; or ce taux de service a nettement baissé pendant la période d'activité du salarié. Celui-ci ne peut prétendre que cela ne serait imputable qu'au service commercial qui a adopté une politique plus dure à l'égard des fournisseurs, ce qu'il ne démontre au demeurant pas.
Le taux de rupture était de sa seule compétence. Monsieur [X] ne peut sérieusement prétendre qu'il n'avait pas d'objectifs le taux ayant été rappelé au comité de direction du 6 juillet 2010.'Or il est établi que ce taux plusieurs mois après son embauche était dégradé et qu' il a été évoqué à l'occasion de plusieurs comités de direction en raison de son impact négatif et préoccupant sur les résultats de l'entreprise. Si à l'arrivée de Monsieur [X], le taux de rupture était de 2,78, il se maintenait à un niveau supérieur à 2 % alors que l'objectif avait été fixé à 1,70%'sans que le salarié démontre des événements extérieurs sur lesquels il n'aurait eu aucune maîtrise.
Les deux mois de juillet et août 2010 pointés par le salarié comme inférieurs à 2 % ne sont pas significatifs puisqu'en septembre 2010, le taux est remonté à 2,01'% . Le courriel du 2 novembre 2010 revendiqué par le salarié indique simplement que l'amélioration se confirme et que la perte de chiffre d'affaires estimée est de «'10.2010'» mais la procédure de licenciement était déjà initiée depuis le 12 octobre 2010'et Monsieur [X] ne travaillait plus.
De même, s'il est avéré qu'il a émis des alertes sur les taux de rupture fin avril et en juillet 2010 la cour observe qu'elles étaient tardives, que de nombreuses réunions du comité de direction ont eu lieu en juillet 2010 sur cette problématique. Au surplus, il n'est fait état qu'aucun plan d'actions, alors pourtant qu'avec un taux de rupture proche de 2,2 % la perte de chiffre d'affaires était estimée à 4 M€ par mois.
Quant au taux de rupture des produits issus de la filière «'entrepôt'» dont le salarié revendique la responsabilité directe, il a subi une augmentation supérieure au taux de rupture global et a atteint 4% en mars 2010, ce qui n'était pas le cas auparavant. La filière entrepôt était donc moins performante que les autres filières'sur cette période.
Il ressort de ces constatations que Monsieur [X] n'a pas correctement assumé sa responsabilité de la direction Supply Chain et n'a pas contribué à améliorer la situation ce qu'il reconnaît en se limitant à soutenir que les causes de la situation dégradée sont issues d'un contexte antérieur à son arrivée, alors que les éléments produits montrent que les taux relevés après son départ et notamment à partir de 2011 sont nettement et durablement meilleurs.
L'entretien de compétence de juillet 2010 revendiqué par le salarié comme satisfaisant indique que «'[G] n'est pas un spécialiste de la DSI et de la Supply Chain'». Il doit en outre être relevé que le constat de l'inadaptation du salarié à son poste a été exacerbé par les prises de position inappropriées qu'il a adoptées envers la stratégie retenue par l'entreprise et le ton employé dans les échanges avec les membres du comité'de direction et le directeur commercial ainsi que cela résulte de l'examen du mail du 15 mai 2010, du mémo adressé le 11 juillet 2010 au directeur commercial, des mails échangés le 23 septembre 2010 avec [S] [D] et [W] [A] et l'entretien de compétence du 13 juillet 2010.
Enfin, des attestations précises et concordantes de collaborateurs indiquent que Monsieur [X] n'a pas joué le rôle de manager ne fixant ni consignes, ni objectifs.
En conséquence, les premiers juges ont relevé à juste titre que le licenciement de Monsieur [X] était justifié par une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur le caractère vexatoire du licenciement
Monsieur [X] reproche à l'employeur de ne pas avoir poursuivi la relation contractuelle durant la période de préavis et d'avoir annoncé son remplacement de façon vexatoire. Il sollicite à ce titre des dommages et intérêts pour préjudice moral .
Mais la lettre du directeur général du 12 novembre 2010 annonçant la nomination de Monsieur [P] au poste de directeur Supply Chain «'en remplacement de [G] [X] qui a quitté l'entreprise pour réorienter sa carrière» ne constitue pas un motif vexatoire et ne porte atteinte ni à sa réputation, ni à son avenir professionnel. La dispense d'effectuer le préavis, qui n'est pas une mise à pied, était dans ce contexte d'un poste d'un haut niveau de responsabilité justifiée dès lors qu'il ne pouvait pas continuer à diriger ses équipes et poursuivre sa mission. Il ne sera pas fait droit à sa demande à ce titre.
Succombant, Monsieur [X] sera condamné'aux dépens'; il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BRICO DEPOT la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû supporter'en appel pour se défendre ; il lui sera alloué une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle allouée par les premiers juges et Monsieur [X] sera débouté de la demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déboute la société BRICO DEPOT SASU de sa demande de rejet de pièces,
Confirme le jugement déféré,
Condamne Monsieur [G] [X] à payer à la société BRICOT DEPOT la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée en première instance,
Rejette toute autre demande,
Condamne Monsieur [X] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT